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Title: La bibliothèque canadienne Tome IX, Numero 22
Date of first publication: 1830
Author: Michel Bibaud (1782-1857) (editor)
Date first posted: Sep. 25, 2022
Date last updated: Sep. 25, 2022
Faded Page eBook #20220958
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La Bibliothèque Canadienne
Tome IX. | 15 MAI 1830. | Numéro XXII. |
M. Dumas laissa quatre cents hommes à la Pointe aux Trembles, sous M. de la Rochebeaucour; quatre cents au fort de Jacques-Cartier, aux ordres de M. de Repentigny, et se porta lui-même à Déchambault avec environ mille hommes.
Le chevalier de Lévis donna ses ordres, en passant, aux Trois-Rivières et ailleurs, et arriva à Montreal le 29 Mai. Le premier résultat d’une conférence qu’il eut avec le gouverneur, sur les musures à prendre pour la défense du pays, fut une lettre circulaire adressée aux capitaines de milice, dans la vue de contrecarrer l’effet de la proclamation du général Murray, et de rassurer les habitans, par l’espoir non pas tant de prompts secours de France, que d’une paix prochaine et avantageuse.
La paix était bien en effet ce que les Canadiens devaient désirer le plus ardemment dans les circonstances fâcheuses et embarrassantes où ils se trouvaient depuis quelque temps: pressés, contraints même, d’un côté, de porter les armes pour la défense de leur pays natal, liée à la cause de leur souverain; menacés, de l’autre, de tous les maux que peuvent infliger des ennemis armés et triomphants, s’ils ne mettaient bas les armes et ne demeuraient tranquilles chez eux, leur malaise devait être extrême, et tel que l’état de guerre en produit rarement, de semblables.[1] Ceux qui durent se trouver dans le plus grand embarras, au printems de 1760, furent sans contredit les habitans des paroisses situées entre Québec et les Trois-Rivières, ou même plus haut: en suivant les Français dans le gouvernement de Montréal, non seulement ils abandonnaient leurs demeures et leurs terres dans le temps où leur présence y était le plus nécessaire, mais ils laissaient leurs familles et leurs propriétés à la merci d’un ennemi dont ils avaient tout lieu de redouter le ressentiment et la vengeance: en ne le faisant pas, ils s’exposaient aux reproches de ceux de leurs compatriotes chez qui l’amour de la patrie l’emportait sur tout autre sentiment, et peut-être à des punitions d’une ou d’autre sorte, dans le cas où le roi de France demeurerait éventuellement maître du pays. Le danger présent joint à l’intérêt particulier l’emporta néanmoins sur la crainte d’un mal éloigné et peu probable, et sur un dévouement qui devait paraître aux moins clairvoyants à peu près inutile, et presque tous ceux qui avaient été enrolés se retirèrent chez-eux, à mesure qu’ils trouvèrent pour le faire une occasion favorable ou un prétexte plausible.
Après la levée du siège de Québec, Montréal devint le quartier-général, et à peu près le seul point de défense des Français. On y érigea de nouvelles fortifications, on y forma des magazins de vivres et de munitions, et l’on arma en guerre quelques uns des vaisseaux ou grands bateaux qu’on y avait. On érigea aussi des batteries sur l’île Ste. Hélène, un peu au-dessous de la ville, et l’on envoya un ingénieur dans les îles qui se trouvent à l’entrée du lac St. Pierre, afin, d’y faire faire les ouvrages qu’il croirait propres à arrêter la flotte anglaise qui devait remonter le fleuve.
Le 15 Juin, le poste de Ste. Thérèse, entre St. Jean et Chambly, où il y avait un dépot d’effets militaires, fut surpris par un parti d’environ trois cents Anglais: ils enlevèrent les effets, brûlèrent quelques maisons, et emmenèrent prisonniers une vingtaine d’habitans. Vers la fin du même mois, M. de Bougainville ayant donné avis que les vaisseaux anglais avaient paru sur le lac Champlain, ou jugea à propos de renforcer la garnison de l’Isle aux Noix, qui n’était que de quatre cent cinquante hommes, et l’on y envoya le second bataillon de Berry et deux cent cinquante miliciens.
Dans le cours du même mois, le colonel Fraser fut envoyé, de Québec, avec environ neuf cents hommes, pour réduire le fort de Jacques-Cartier. Cet officier s’étant avancé par eau, débarqua, sans opposition, un peu au-dessus de la place, et se posta sur un terrain avantageux, où il passa la nuit, après s’être assuré de toutes les routes qui conduisaient du fort dans la campagne. Le lendemain, un petit parti s’étant avancé pour reconnaître la place, et les vaisseaux étant descendus vis-à-vis, la garnison comprit qu’elle allait être attaquée, et le tambour battit aux armes. La place fut sommée de se rendre: le marquis d’Albergotti, qui y commandait alors, avec cinquante hommes de troupes réglées et cent cinquante miliciens, répondit qu’il défendrait son fort jusqu’à la dernière extrémité. Sur cela, le col. Fraser fit avancer, à couvert d’une éminence, deux pièces de campagne et deux obusiers, pour battre la place; forma ses troupes, en trois divisions, et leur donna l’ordre de marcher pour donner l’assaut. Le commandant français, qui s’en apperçut, battit la chamade, et se rendit à discrétion. Le fort était en bon état, mais trop étendu pour la garnison qui le défendait, et qui aurait dû être triple ou même quadruple de ce qu’elle était. Le colonel Fraser y laissa une garnison, et s’en retourna par terre avec le reste de ses troupes. Les soldats de ligne demeurèrent prisonniers de guerre; mais les miliciens furent renvoyés chez eux, à la condition qu’ils ne porteraient pas les armes contre les Anglais.
Le général Murray s’embarqua, au commencement de Juillet, avec la plus grande partie des troupes qu’il commandait, sur une flotte accompagnée de batteries flottantes, afin de se trouver près de Montréal en même temps que l’armée du lac Champlain, sous le colonel Haviland, et celle du général Amherst, qui devait descendre le St. Laurent. Dès qu’on eut eu avis à Montréal du départ de la flotte anglaise de Québec, on envoya à M. Dumas l’ordre de la suivre sur la rive du nord, avec toutes les troupes qu’il avait sous son commandement, afin de s’opposer aux débarquemens qu’elle pourrait tenter d’y faire, et de la harceler dans les endroits où il serait possible de le faire. M. Murray fut environ deux mois sur le fleuve, et eut tout le temps de faire des excursions, et quelquefois des exécutions militaires, dans les campagnes, surtout du côté du sud, où l’on n’avait presque point de troupes à lui opposer. Ayant appris qu’il y avait un parti de soldats français ou miliciens, sous un lieutenant, dans la paroisse de Ste. Croix, il y envoya un détachement de son armée. Les habitans sans armes s’enfuirent dans les bois, à l’approche des Anglais; mais les hommes armés furent attaqués, et presque tous tués, blessés, on fait prisonniers, y compris leur commandant.
Les vents contraires ne permettant pas à la flotte anglaise d’avancer, M. Murray fit débarquer ses troupes à Lotbinière, à Ste. Croix et à St. Antoine de Tilly, afin de leur y procurer des raffraichissemens. Les habitans ne s’enfuirent pas, comme la première fois, puisqu’il paraît que le général anglais leur fit une harangué, dans un langage qui aurait fait peu d’honneur à l’éducation et à la politesse de ce militaire, s’il eût été celui que Mr. Smith lui met ingénuement à la bouche. Quoiqu’il en soit, les habitans de ces paroisses mirent bas les armes, et prêtèrent le serment de neutralité.[2]
En passant vis-à-vis de Déchambault, des Grondines et de Batiscan, la flotte anglaise essuya le feu des batteries qui y avaient été érigées, ou de corps de miliciens assemblés pour la harceler, et perdit quelques hommes. En arrivant vis-à-vis des Trois-Rivières, elle trouva la ville défendue par plusieurs redoutes et un corps d’environ deux mille hommes, et le fleuve obstrué par une espèce de barre formée par un cable de seize pouces passé dans de forts anneaux de fer couverts de pièces de bois attachées avec des cordes, et allant d’un bord à l’autre du chenail. Il fallut quelques heures aux matelots anglais pour lever cet obtacle; après quoi, la flotte continua sa route, et entra dans le lac St. Pierre.
M. de Bourlamaque apprenant que la flotte anglaise était sur le lac St. Pierre, et voyant qu’on n’aurait pas le tems d’achever les ouvrages commencés dans les îles, il en rappella les troupes qui y étaient, de peur qu’elles ne fussent coupées, et les fit passer à Sorel, où il continua de faire travailler. La flotte anglaise passa devant cette place, le 12 août; elle tira quelques coups de canons sur les travailleurs, et alla mouiller vis-à-vis de La Noraye. Elle redescendit, le lendemain, jusque vis-à-vis de Sorel; ce qui fit prendre à M. de Bourlamaque, qui l’avait suivie, le parti d’y retourner. Un détachement sous lord Rollo, débarqua, le 20 août, près d’un moulin, un peu au dessous du fort, brûla un grand nombre de maisons, et dévasta toute la partie nord de cette paroisse, en conséquence, dit M. Smith, de l’obstination des habitans à ne vouloir point mettre les armes bas. Après cette exécution, lord Rollo s’avança à la vue du fort, en ordre de bataille, et s’efforça, par diverses manœuvres, d’attirer les Français hors de leurs retranchemens; mais voyant qu’ils s’obstinaient à y demeurer enfermés, il se rembarqua.
Le chevalier de Lévis se porta à Berthier, où le corps de M. Dumas était arrivé. Il apprit bientôt que l’armée anglaise du lac Champlain avait fait sa descente une demi-lieue au-dessus de l’Isle aux Noix. On envoya à St. Jean les régimens de la Reine et de Roussillon, aux ordres de M. de Roquemaure, et la plus grande partie des milices du gouvernement de Montréal. Le chevalier de la Corne fut envoyé en même tems avec quatre cents hommes au fort Lévis, sur le fleuve, avec ordre de faire mine de vouloir défendre les rapides.
Les Anglais commencèrent le 23 à tirer sur les retranchemens de l’Isle aux Noix: la prise de la petite flotille française du lac leur fournit le moyen de débarquer sans opposition à l’embouchure de la rivière du Sud, au-dessous de cette île. M. de Bougainville se voyant par là en danger d’être tourné, se retira avec son détachement, par la rive gauche de la Rivière Richelieu, n’ayant laissé qu’une cinquantaine d’hommes dans le fort, avec ordre de capituler, et arriva à St. Jean le 28. Quelques berges anglaises s’étant montrées, le corps de troupes qui était en cet endroit se retira à une portée de canon du fort, et alla se poster ensuite derrière la petite rivière Montréal. Les miliciens de l’Isle aux Noix s’étaient retirés chez eux, et leur exemple fut suivi par ceux de St. Jean.
La flotte de M. Murray arriva le 25, à quatre lieues au-dessous de Montréal: le corps de M. de la Bourlamaque, qui la suivait par le sud, et celui de M. Dumas, par le nord, arrivèrent, le premier à Longueil et à Boucherville, et le second, dans l’île de Montréal. Le chevalier de Lévis, voyant le corps de Bourlamaque à portée de se joindre à celui de Roquemaure, alla reconnaître la position de ce dernier, dans la vue de tenter un combat contre l’armée anglaise de St. Jean, et revint conférer avec M. de Bourlamaque. Mais ayant appris que le général Murray avait fait débarquer un détachement à Varennes, il ordonna à M. de Roquemaure de se replier à La Prairie, après avoir laissé un fort piquet à la jonction des chemins de St. Jean et de Chambly.
Les troupes anglaises débarquées à Varennes furent attaquées par un parti d’environ trois cents hommes, la plupart miliciens; mais il fut repoussé avec perte de quelques blessés et d’une vingtaine de prisonniers. Le général Murray envoya de là dans les paroisses voisines un manifeste portant, “que si les Canadiens se rendaient et lui livraient leurs armes, il leur pardonnerait; qu’autrement, ils savaient ce qu’ils avaient à attendre de lui, par les exemples qu’il avait déjà faits; que si ceux des Canadiens qui s’étaient incorporés dans les troupes reglées se rendaient à certain jour déterminé, non seulement, il les rétablirait sur leurs terres, mais les protégerait et leur ferait du bien; mais que s’ils s’obstinaient à ne le pas faire, ils partageraient le sort des troupes françaises, et seraient transportés en France.” Cette proclamation, dit Smith, eut un tel effet, que le soir même qu’elle fut publiée, quatre cents miliciens de la paroisse de Boucherville allèrent à Varennes mettre leurs armes aux pieds du commandant anglais.
Le général Amherst s’était embarqué le 10 août, sur le St. Laurent, avec une armée de dix mille hommes: il rencontra sur la route le fort Lévis, dans l’île Royale, où commandait M. Pouchot. Il érigea des batteries dans les îles voisines, investit le fort, et commença à le canonner. La canonnade n’ayant pas un effet aussi prompt qu’il l’aurait désiré, il se disposait à faire donner l’assaut à la forteresse, lorsque M. Pouchot se rendit.
Le 2 septembre, comme M. de Lévis haranguait les sauvages du Sault St. Louis, qu’il avait fait venir à La Prairie, pour les engager à le seconder dans son dessein d’attaquer l’armée anglaise de St. Jean, il arriva un député de leur village, annonçant que lé général Amherst était aux Cèdres; et ils se retirèrent tous, disant qu’ils allaient faire la paix avec les Anglais. Cette nouvelle lui fut confirmée par M. de la Corne, qui avait été obligé de rebrousser chemin, et qui lui ajouta que les Anglais pourraient être le lendemain dans l’île de Montréal.
Le général français ne vit d’autre parti à prendre que de faire replier dans l’île de Montréal les corps qui étaient au sud du fleuve. Le corps que commandait M. de Bourlamaque se porta au-dessous de la ville; et celui de Roquemaure au-dessus, tandis que M. Dumas continuait à occuper le bas de l’île. L’éloignement et le manque de forces ne permirent pas de tenter de défendre la partie d’en haut.
(A continuer.)
Selon Mr. Smith, le marquis de Montcalm fit prendre, quelque temps avant la bataille de Québec, deux Canadiens, pour avoir déserté, c’est-à-dire laissé le camp français; le chevalier de Lévis aurait voulu faire pendre tous les miliciens qui se retireraient chez eux sans permission, et le général Murray fit pendre, peu après la levée du siège de Québec, un capitaine de milice de la paroisse de Beaumont, qui, n’écoutant que son patriotisme, se disposait à joindre les Français, avec une partie de sa compagnie. |
Ce serment était ainsi conçu: «Nous jurons, en présence de Dieu tout-puissant, que nous ne prendrons pas les armes contre Georges Deux, roi de la Grande-Bretagne, ni contre ses troupes ou ses sujets, et que nous ne communiquerons avec ses ennemis ni directement ni indirectement.» |
Horace a tracé les quatre âges de l’homme, et Boileau, après lui, en a peint trois avec des traits trop connus pour qu’il soit besoin de les rapporter ici. Les anciens paraissent avoir connu l’usage de les allégoriser, si l’on en juge par un tableau très curieux de la Villa Corsini, près de Rome, qui semble faire allusion aux mystères les plus profonds de la philosophie platonique. La Terre y est représentée couchée; derrière elle, quatre épis de blé s’élèvent graduellement l’un au-dessus de l’autre, probablement pour symboliser les quatre âges de l’homme, qui sont exprimés dans le même tableau par autant de personnages: le premier baissé vers la terre; le second, armé d’un bouclier et d’un épi; le troisième debout, dans une attitude ferme et assurée; le quatrième, la tête un peu courbée. Deux autres personnes appellent aussi l’attention: l’une est en l’air, et remet dans les mains de la Terre une figure nue, ce qui semble désigner l’entrée de l’âme dans quelque corps élémentaire; l’autre assise sur les nuages, vers le centre, avec une coupe à la main, qu’elle semble élever, paraît être Hébé, et exprimer l’immortalité de l’âme.
Le Titien a représenté les trois âges de l’homme, par un groupe de trois enfans, par celui d’un berger et d’une bergère jouant de la flute, et par un vieillard assis dans le lointain, sur une terrasse, méditant sur deux têtes de mort. Deux autres tableaux allégoriques représentent, l’un, les quatre âges de l’homme, et l’autre, les quatre âges de la femme.
Un vieillard, la tête affablée d’un bonnet noir, l’œil triste et sombre, compte des écus sur une table. A sa droite, un homme mûr, le front couronné de laurier, d’un air sérieux, lit et médite: à sa gauche, un jeune homme, couvert d’un chapeau orné de plumes, pince, en souriant, de la guittare, tandis que devant eux, auprès d’une fenêtre, la tête nue, un enfant plein de grâces entr’ouvre, en riant, une cage, et appelle les oiseaux qui passent.
Une petite fille, assise par terre, joue, d’un air très sérieux, avec une poupée, qu’elle déshabille: tout auprès, une jeune beauté, debout, se regarde avec complaisance dans un miroir, et se pare: à ses côtés, coiffée et vêtue modestement, une femme d’un âge mûr, assise devant un métier, brode attentivement, mais sans se hâter, un cannevas; plus loin, à moitié couchée dans un grand fauteuil, et auprès d’une cheminée, une vieille, le visage renfrogné, les lunettes sur le nez, et un livre sur les genoux, tousse et gronde. (Dupaty, Lettres sur l’Italie.)
Les Chinois la célèbrent vers le milieu du mois de Janvier. Un des magistrats les plus distingués, revêtu de ses habits de cérémonie, et couronné de fleurs, sort par la porte de la ville exposée au levant, accompagné d’un grand nombre de musiciens et d’une foule de peuple. Les uns tiennent en mains des flambeaux, les autres, des banderoles et des drapeaux. Derrière lui, on porte, sur des leviers, des statues de bois et de carton enrichies d’or et de soie, qui représentent plusieurs personnages qui se sont distingués dans l’agriculture. Le magistrat, après avoir marché quelque tems, toujours vers l’orient, rencontre une grande vache de terre cuite, d’un poids si énorme, que quarante hommes peuvent à peine la porter. Auprès de cette vache est un jeune garçon qui a une jambe chaussée d’un brodequin, et l’autre nue, et qui frappe continuellement l’animal; c’est le génie de l’agriculture: il est suivi de plusieurs cultivateurs qui portent tous les instrumens aratoires. Ces cérémonies ont un sens allégorique. Le jeune homme qui donne des coups à la vache apprend au laboureur qu’un travail continuel peut seul féconder la terre. Il a une jambe nue et l’autre couverte, pour marquer que l’empressement pour ce travail utile doit à peine laisser le tems de s’habiller. Ensuite le magistrat s’en retourne à la ville, conduisant en triomphe cette vache mystérieuse, et s’arrête devant le palais de l’empereur. Là, on ouvre le ventre de l’animal, où sont renfermés plusieurs petites vaches de la même matière. L’empereur les distribue à ses ministres, et adresse un petit discours à ses sujets pour les exhorter à cultiver la terre sans relâche. On prétend même que ce prince ne dédaigne pas de labourer lui-même ce jour-là, et que le blé produit par son travail est employé à faire du pain pour les sacrifices. Cette cérémonie, au reste, se réduit à un vain appareil.
On pratique tous les ans, dans le royaume de Siam, une cérémonie assez semblable. “Autrefois, dit Laloubere, les rois labouraient chaque année les premiers la terre; mais ils laissèrent passer cette fonction à un de leurs officiers. C’est un roi imaginaire qu’on crée exprès tous les ans. Il monte sur un bœuf, suivi d’un cortège d’officiers subordonnés, et s’en va faire l’ouverture des terres pour le roi. Dans cette cérémonie, moitié civile et moitié religieuse, on prie tous les esprits bons et mauvais, qui peuvent être favorables ou nuisibles aux biens de la terre. L’officier qui représente le roi brule, en pleine campagne, un tas de riz; ce qui est regardé comme un sacrifice en l’honneur des divinités qui président à l’Agriculture.”
Au Tunquin, le roi, accompagné de ses courtisans, suivi de plusieurs corps de troupes et d’une multitude prodigieuse de peuple, donne sa bénédiction aux fruits de la terre, et ne dédaigne pas de tracer quelques sillons avec une charrue préparée exprès. Cette cérémonie est suivie d’un repas champêtre que le roi donne à toute sa cour.
Quelques iconologues représentent l’Agriculture, ainsi que Cérès, couronnée d’épis, avec une charrue à côté d’elle, et un arbrisseau qui commence à fleurir; quelquefois tenant une corne d’abondance remplie de fruits de toute espèce, et les deux mains sur une bêche. D’autres la peignent appuyée sur le zodiaque, pour marquer que les saisons règlent ses travaux, et revêtue d’une robe verte, symbole d’espérance. Sur plusieurs médailles, elle est désignée par une femme qui montre un lion et un taureau couchés à ses pieds, l’un emblème de la terre, et l’autre du labourage. Une pierre gravée dans les dessins connus de la bibliothèque du Vatican, désigne l’Agriculture par Psyché s’appuyant sur un hoyau, comme un travail où l’homme trouve du loisir pour la méditation.
Le génie de l’Agriculture se symbolise par un enfant nu, d’une physionomie riante, et couronné de fleurs de pavots. Il tient d’une main des épis, et de l’autre une grappe de raisin.
Il est rapporté plusieurs exemples de ce phénomène dans l’histoire des liqueurs enivrantes contenue dans le troisième volume du Cabinet Cyclopædia du Dr. Lardner. Dans ces cas, le corps humain devient tellement saturé de liqueurs spiritueuses, qu’il prend feu, soit spontanément, soit par la proximité de la flamme, qui, autrement, n’aurait causé aucun mal. Nous extrayons les exemples suivants.
Mary Clues, âgée de 50 ans, était très sujette à s’ennivrer. Son penchant pour les liqueurs fortes était tel qu’il se passait à peine une journée qu’elle ne bût au moins un demiard de rum ou d’anisette. Sa santé dépérit graduellement; elle fut attaquée de la jaunisse et réduite à garder le lit; mais elle ne perdit pas pour cela son ancienne habitude de boire. Un matin, elle tomba sur le plancher, et la faiblesse l’empêcha de se relever. Elle demeura ainsi étendue, jusqu’à ce qu’il entrât quelqu’un qui la remit sur son lit. Le lendemain soir, elle demanda à être laissée seule. Une femme, en la quittant, avait mis du charbon sur le feu et placé une chandelle allumée sur une chaise à la tête de son lit. A cinq heures du matin, on vit sortir de la fumée par la fenêtre, et la porte ayant été forcée, quelques flammes qu’il y avait dans la chambre furent aussitôt éteintes. Les restes de l’infortunée Clues furent trouvés entre le lit et la cheminée. Une jambe et une cuisse étaient encore entières, mais il ne restait rien de la peau, des muscles et des viscères. Les os du crâne, de l’estomac, du dos et des extrémités étaient entièrement calcinés. Les meubles n’avaient presque pas été endommages; la couchette, du côté de la cheminée avait été brûlée légèrement, mais le lit et les couvertures n’avaient point de mal. En un mot, il n’y avait que le corps où l’on apperçut de fortes traces d’incendie.
Grace Pitt, âgée d’environ 60 ans, avait l’habitude de descendre de son lit, à demi habillée, pour fumer une pipe de tabac. Sa fille, qui couchait avec elle, ne s’apperçut de son absence que le lendemain matin. Etant descendue dans la cuisine, elle y trouva sa mère étendue sur le côté droit, la tête près de la grille, ayant l’apparence d’une buche de bois consumée par le feu, sans flamme apparente. L’odeur fétide et la fumée qu’exhalait le corps suffoquèrent presque quelques voisins qui étaient venus au secours de la fille. Le tronc était à peu près consumé, et ressemblait à un tas de charbons couverts de cendre. La tête, les bras, les jambes et les cuisses avaient aussi souffert du feu. Cette femme avait bu une grande quantité de liqueurs spiritueuses. Il n’y avait pas de feu dans la grille, et la chandelle avait toute brûlé dans le chandelier, qui était près d’elle. On trouva de plus, près du corps consumé, les hardes d’un enfant et un pupitre, qui n’avaient pas été endommagés. L’habillement de cette femme consistait en une robe de coton.
Le Cat rapporte un autre exemple de combustion spontanée arrivé en 1749. Madame de Boisson, âgée de 80 ans, extrêmement maigre, et qui ne buvait, depuis quelques années, que des liqueurs spiritueuses, était assise dans sa chaise à bras, devant le feu, tandis que sa servante était allée dans une autre chambre pour quelques minutes. A son retour, voyant sa maîtresse en feu, elle donna aussitôt l’alarme; et quelques personnes étant venues à son aide, l’une d’elles essaya d’éteindre les flammes avec sa main, mais elles y adherèrent comme si elle eût été trempée dans de l’eau de vie. On jeta de l’eau sur la dame en abondance; mais le feu n’en parut que plus violent, et ne s’éteignit que quand toute la chair eut été consumée. Son squelette, extrêmement noir, demeura entier dans la chaise, qui n’était que roussie.
La combustion est quelquefois générale, et quelquefois, quoique plus rarement, seulement partielle. Les pieds, les mains et le sommet de la tête sont les seules parties qui out été préservées. Quoiqu’il faille une grande quantité de bois pour brûler un corps, cette espèce de combustion se fait sans enflammer les matières les plus combustibles. Il est démontré être la présence de l’air n’est pas nécessaire, et l’eau, au lieu d’éteindre le feu, ne lui donne que plus d’activité. Quand la flamme a disparu, la combustion continue dans l’intérieur du corps.
Pour Fluxions froides, ou Rhumatismes.—Prenez semences d’anis, de fenouil, de coriandre et de persil, de chacune deux pincées; faites-les infuser à froid au serein, dans un demi septier de vin blanc, pendant une nuit; et le lendemain, faites bouillit le tout deux bouillons seulement dans un pot vernissé; passez-le après dans un linge, et le faites boire à jeun au malade, le plus chaud qu’il pourra étant au lit: couvrez le bien: il suera et sera guéri.
Le soir, en s’en allant coucher, ayez un sachet de petite sauge, faites-le chauffer dans du vin; appliquez le tout chaud sur la partie, et mettes une serviette chaude par-dessus en plusieurs doubles.
Pour la douleur de bras et de jambes, fricassez des yèbles dans une grande poële, sans aucune liqueur, jusqu’à ce que les herbes soient bien amorties, et les appliquez chaudement entre deux linges sur la douleur, qui cessera dans peu.
Faites bouillir une poignée de thym, de marjolaine, de sauge étroite, et de camomille dans du vin rouge couvert, à la consomption de la moitié du vin; frottez le membre, et appliquez dessus les herbes un peu chaudes, et réitérez.
Pour Fluxions chaudes, ou ardens internes.—Mettez dans un plat de terre vernissé ou d’étain, une once de cire blanche en petits morceaux, avec quatre onces d’huile rosat, ou au défaut, d’huile d’olive; placez le vaisseau sur un très petit feu: la cire étant fondue, on le retirera, et on agitera le tout avec une spatule de bois nette, jusqu’à ce qu’il soit figé; alors on y mettra un peu d’eau fraiche; ou continuera à remuer pour faire incorporer cette eau dans le cérat; puis on y en versera beaucoup, et on le levera cinq ou six fois, changeant d’eau fraiche à chaque fois, jusqu’à ce qu’il soit bien blanc, et on le conservera pour le besoin. Il est propre pour calmer les ardeurs, pour guérir les inflammations, pour adoucir l’acreté des hémorroïdes, des aînes, des mamelles, pour les brulures, &c. Si la chaleur est extraordinaire, lavez le cérat avec de l’oxycrat, avant de l’appliquer.
Pour préserver du froid un membre blessé.—Faites cuire pendant longtems une plante entière d’ortie dans de l’huile, dont vous oindrez chaudement la partie.
Pour fortifier un membre affaibli.—Mettez dans un pot de terre neuf de la moëlle de bœuf avec du gros vin; couvrez bien le pot, et le mettez sur de la cendre chaude pendant deux ou trois heures: il se fera dans ce pot un onguent dont vous ferez fondre une cueillerée soir et matin sur de la cendre chaude, et en frotterez les jointures les plus malades, avec un petit linge bien chaud.
Pour un membre foulé.—Faites pourrir dans du fumier bien chaud des fleurs de giroflée jaune, bien entassées dans une bouteille de verre double bien bouchée: il s’y formera une liqueur dont vous vous servirez avec avantage pour les foulures ou meurtrissures causées par chûtes ou autrement.
Détrompez de la poix de Bourgogne en eau-de-vie, et en faites un emplâtre sur du cuir, que vous appliquerez sur le mal.
Faites une décoction d’armoise, et en ayant bassiné, appliquez l’herbe chaudement sur le mal.
Faites cuir à petit feu dans quatre onces d’huile d’olive une poignée de feuilles d’absynthe, et autant de celles de rue, jusqu’à ce que l’huile soit toute verte; passez-la par un linge et la conservez pour en frotter chaudement devant le feu les foulures et les plaies nouvelles.
Pour l’anévrisme.—Imbibez des linges pliés en plusieurs doubles dans les sucs de morelle, plantain, joubarbe, bourse de pasteur, bouillon-blanc et renouée; appliquez-les sur l’anévrisme, que vous comprimerez médiocrement avec des bandages.
Lorsque l’anévrisme est petit, comme celui qui arrive après une saignée mal faite, il suffit de mettre dessus une petite lame de plomb, une pièce de monnaie, ou un morceau de papier mâché, qu’on enferme dans une compresse, que l’on tient bien bandée. Le vitriol de Chypre, ou huile de vitriol, appliquée avec un peu de coton, est encore un remède sûr et éprouvé.
Pour Nerfs piqués.—Le baume de mille-pertuis seul ou mêlé avec de l’eau de vie, appliqué.
L’huile distillée de térébenthine, ou une once de térébenthine de Venise mêlée avec autant de vieille huile et un peu d’eau de vie.
Pour Nerfs coupés.—Pilez des verres de terre avec de l’oing de porc, et appliquez l’onguent sur les nerfs coupés ou nouvellement retirés, pour les faire reprendre, ou bien de la poudre de sauge, ou de la sauge verte pilée, marc et jus.
Pour nerfs contus et contors.—Le suc et les feuilles pilées du bouillon-blanc appliqués sur les contusions des membranes les guérissent promptement.
La racine du sceau de notre-dame ou de couleuvrée pilée et appliquée, guérit les contusions et contorsions des nerfs.
Pour Nerfs douloureux.—Oignez les membres douloureux et foulés avec le jus de matricaire incorporé avec huile rosat et un peu chauffé.
Pilez des racines de mauve sauvage avec du vieux oing, et en appliquez sur les nerfs douloureux.
Le persil pilé et appliqué, appaise la douleur des nerfs, et guérit promptement les coupures.
Pour Nerfs durcis et retirés.—Pilez la racine de guimauve; faite-la cuire dans du beurre frais, et en oignez le mal jusqu’à guérison.
Faites cuire des racines de guimauve dans du vin blanc; pilez-les ensuite avec de la graisse de poule, et en appliquez sur le mal.
Frottez la partie malade chaudement soir et matin avec le baume appellé du Samaritain, c’est-à-dire parties égales de vin et d’huile d’olive bouillies ensemble, jusqu’à la consomption du vin, et l’enveloppez avec des linges chauds.
Pour meurtrissures aux mains ou aux pieds.—Lavez la partie écrasée ou meurtrie avec de l’eau de vie; broyez ensemble des feuilles d’artichaut (des jardins) et du sucre, et en appliquez sur le mal.
Pilez des feuilles de scrofulaire aquatique ou bétoine d’eau, ou des feuilles de plantain long, ou de tabac vert, et les appliquez.
Appliquez sur la contusion de la racine de couleuvrée ou de celle du sceau de notre-dame.
Broyez du persil avec du sel et un peu d’eau de vie; frottez le mal avec le jus, et appliquez le marc dessus.
Bassinez les endroits meurtris avec une décoction de persil en eau.
Pour une contusion même avec plaie, lavez le mal avec du vin tiède, et appliquez dessus le jus et le marc des feuilles de bouillon-blanc pilées.
Pilez bien du persil; arosez-le d’eau de vie: appliquez le sur la contusion et l’y laissez vingt-quatre heures: il otera l’enflure et la meurtrissure.
Lorsque les Anglais s’emparèrent de Saint Jean, situé dans le golfe St.-Laurent, ils eurent la mauvaise politique d’en chasser trois mille Français qui, depuis peu y avaient formé des établissemens. La propriété de l’île n’eût pas plutôt été assurée au vainqueur par les traités, que le comte d’Egmont désira de s’en voir le maître. Il s’engageait de fournir à ses frais douze cents hommes armés pour la défense de la colonie; pourvu qu’il lui fût permis de céder aux mêmes conditions et en arrière-fiefs des portions considérables de son territoire. Ces offres étaient agréables à la cour de Londres; mais une loi portée à l’époque mémorable du rétablissement de Charles II, avait défendu la cession du domaine de la couronne, sous la redevance d’un service militaire ou d’un hommage féodal. Les jurisconsultes prononcèrent que ce statut regardait le nouveau monde comme l’ancien, et cette décision fit naître d’autres idées au gouvernement.
La longue et cruelle tempête qui avait agité le globe, était appaisée. Le plupart des officiers dont le sang avait scellé les triomphes de l’Angleterre, étaient sans occupation et sans subsistance: on imagina de leur partager le sol de St. Jean, sous la condition qu’après dix ans d’une jouissance gratuite, ils paieraient chaque année au fisc, comme dans la plupart des provinces du continent américain, 2 liv. 10 sol. et 7 den. et demi pour chaque centaine d’acres qu’ils posséderaient. Très peu de ces nouveaux propriétaires avaient la volonté de se fixer dans ces régions lointaines; très peu étaient en état de faire les dépenses qu’exigeaient des défrichemens un peu étendus. Presque tous cédèrent, pour plus ou moins de tems, pour une rente plus ou moins modique, leurs droits à des Irlandais, et surtout à des montagnards écossais. Le nombre des colons ne s’élève pas encore (en 1780) au-dessus de douze cents. La pêche de la morue et diverses cultures les occupent. Ils n’ont aucune liaison d’affaires avec l’Europe; c’est avec Québec, c’est avec Halifax seulement qu’ils commercent.
Jusqu’en 1772, St. Jean fut une dépendance de la Nouvelle-Ecosse: à cette époque, il forma un état particulier. On lui donna un gouverneur, un conseil, une assemblée, une douane, une amirauté. C’est le Port-la-Joie, maintenant appellé Charlotte-town, qui est le chef-lieu de la colonie.
Une île si peu étendue, ne paraissait guère susceptible de la dignité où elle était appellée par une faveur dont nous ignorons la cause. Pour donner une sorte de réalité à cet établissement, on y attacha les îles de la Madeleine, habitées par un petit nombre de pêcheurs de morue et de vaches marines; on y attacha l’Ile Royale, autrefois fameuse, mais qui a perdu son importance en changeant de domination. Louisbourg, la terreur de l’Amérique anglaise, il n’y a pas vingt ans, n’est plus qu’un amas de ruines. Les quatre mille Français, qu’une défiance injuste et peu raisonnée dispersa, après la conquête, n’ont été remplacés que par cinq ou six cents hommes, moins occupés de pêche que de contrebande. On a même cessé de penser aux mines de charbon dé terre.
Ces mines sont très abondantes à l’Ile Royale, d’une exploitation facile, et en quelque manière inépuisables. Il y régnait, sous les anciens possesseurs, un désordre que le nouveau gouvernement a voulu prévenir, en s’en réservant la propriété, pour ne l’abandonner qu’à ceux qui auraient des moyens suffisants pour la rendre utile. Ceux qui formeront cette entreprise avec les fonds nécessaires, trouveront un débouché avantageux dans toutes les îles occidentales de l’Amérique. Ils en trouveront même sur les côtes et dans les ports du continent septentrional, où l’on éprouve déjà la cherté du bois, et où elle se fera toujours sentir davantage. Ce genre d’industrie formera à la colonie une navigation qui accroîtra son commerce, qui accroîtra même ses pêcheries; mais non jusqu’au point de jamais égaler celles de Terre-Neuve.
Raynal.
Un des plus grands mécaniciens que l’Europe ait eus, c’est J. Truchet, carme, plus connu sous le nom de P. Sébastien. Il avait inventé pour Louis XIV, une machine à transporter de gros arbres tout entiers, sans les endommager; de sorte, dit le célèbre Fontenelle, son historien, que du jour au lendemain Marly changeait de face, et était orné de longues allées arrivées de la veille.
Deux tableaux mouvants, que le même mécanicien avait faits pour Louis XIV, n’étaient pas moins dignes d’admiration: le premier, que le roi appellait son petit opéra, changeait cinq fois de décoration, à un coup de sifflet qui sortait du tableau même: c’était une petite boule, placée au bas de la bordure, qui donnait ce coup, quand on la tirait un peu: elle était aussi le principe de tout le mouvement de cet opéra. Les cinq actes étaient représentés par des figures qui jouaient par leurs gestes, et exprimaient ainsi les sujets dont il s’gissait. Cet opéra recommençait quatre ou cinq fois de suite, sans qu’il fût besoin de remonter les ressorts. Ce tableau, long de 16 pouces 6 lignes, sans la bordure, et haut de 13 pouces 4 lignes, n’avait qu’un pouce trois lignes pour renfermer les machines; dont le nombre était aussi prodigieux que leur délicatesse.
Le second tableau, plus grand et plus ingénieux encore, représentait un paysage où tout était animé; une rivière y coulait; des tritons, des syrènes, des dauphins, nageaient de tems en tems, dans une mer qui bornait l’horison: on chassait, on pêchait, des soldats allaient monter la garde dans une citadelle élevée sur une montagne; des vaisseaux arrivaient dans un port; le P. Sébastien lui-même était là, qui sortait d’une église pour remercier le roi d’une grâce nouvellement obtenue; le roi y passait en chassant, avec toute sa suite.
Il n’est presque personne qui n’ait entendu parler du flûteur automate fait par Vaucanson, vers l’an 1738. C’est une statue de bois, de cinq pieds et demi de haut, copiée sur le faune de Coysevox, qu’on voit aux Thuileries, assise, comme lui, sur un bout de rocher, et placée sur un piédestal carré, de quatre pieds et demi de haut, sur trois pieds et demi de large. Cette statue qui, sous le ciseau de Coysevox, paraît jouer de la flûte traversière, exécutait réellement, grâce aux soins de Vaucanson, douze airs différents, avec une précision étonnante; et cela, au moyen d’un mécanisme extrêmement curieux, mais trop long à détailler.
En 1754, on a fait voir à Paris un autre automate, qui n’a pas moins excité l’attention des curieux et des physiciens: il articulait des mots et faisait des mouvemens semblables à ceux d’une figure animée. Le roi fit démonter la machine devant lui, parce qu’on répandait le bruit qu’un enfant, caché dans l’intérieur, était cause de toutes ces opérations, dont le principe est toujours une énigme pour le spectateur ordinaire.
On reconnut par l’examen, que l’auteur, pour imiter le son de la voix, s’était servi d’une hanche de haut-bois, qu’un soufflet faisait jouet. L’articulation était aussi formée par le moyen d’un cylindre, qui faisait mouvoir des lèvres, pour rendre le son plus analogue à celui de la voix humaine. Il y avait un tonneau, placé de manière qu’il répondait aux deux autres pièces. La puissance qui mettait la machine en mouvement était toute renfermée dans une petite boîte. La simplicité de cet ouvrage était ce qui le rendait plus surprenant.
M. de Kempel, conseiller aulique et directeur-général des salines, en Hongrie, s’est montré digne rival de Vaucanson. On voit dans son cabinet à Presbourg, un automate qu’il a achevé en 1769, et qui peut jouer aux échecs contre le plus habile joueur. Cet automate représente un homme de grandeur naturelle, habillé à la manière turque, assis devant une table de trois pieds et demi de longueur sur deux pieds et demi de largeur: cette table, sur laquelle est un échiquier, est posée sur quatre pieds à roulettes, pour pouvoir être changée facilement de situation, et pour éviter tout soupçon de communication. Quand on veut jouer une partie avec l’automate, on est étonné de la précision, et en même temps de la variété des mouvemens du bras avec lequel il joue, lève de bras et l’avance vers la partie de l’échiquier où est la pièce qu’il doit jouer: ensuite, par un mouvement du poignet, il ramène la main au-dessus de la pièce, l’ouvre et la referme bientôt pour saisir la pièce et la placer sur la case ou il veut. Après ce mouvement, il repose son bras, sur un coussin qui est à côté de l’échiquier. S’il doit prendre une pièce à son adversaire, par un mouvement entier du bras, il met cette pièce hors de l’échiquier, et revient prendre sa pièce pour lui faire occuper la case que l’autre laissait vacante.
Le merveilleux de cet automate, est qu’il n’a point une suite de mouvemens déterminés: s’il se meut, c’est toujours d’après la façon de jouer de l’homme qu’on lui oppose. On essaya une fois de lui faire une petite supercherie, en prêtant à la dame la marche du cavalier: l’automate n’en fut pas la dupe; il prit la dame, et la remit à la case d’où on l’avait tirée.—“Tout cela,” dit M. Dutems, homme de lettres connu, “se fit avec la promptitude d’un joueur ordinaire: j’ai fait,” ajoute-t-il, “des parties avec plusieurs personnes qui ne jouaient ni si bien ni si vite que l’automate, et qui cependant auraient été fort choquées qu’on les eût comparées avec lui.”
La cause de ce mouvement est dans le jeu des roues, des ressorts et des leviers, dont la table et la figure sont remplies. Pendant que la partie se faisait, M. de Kempel se tenait indifféremment, ou à côté de la table, ou éloigné, quelquefois de cinq à six pieds.
On voit à Rome et dans les environs, des orgues hydrauliques. L’eau seule produit le vent, sans le secours d’aucun soufflet, en même temps qu’elle fait aller la roue, dont le pignon engrêne dans un cylindre qui fait lever les touches. La plus curieuse de ces machines, et la mieux entretenue, est celle qui se voit dans la Villa Pamphili: les airs en sont agréables et justes, et se répètent en écho.
Le P. Kircker, célèbre jésuite, avait imaginé et fixé dans sa chambre, un tuyau, de manière que, quand quelqu’un l’appellait, même à voix basse, à la porte du jardin, qui était contiguë, il l’entendait aussi distinctement que s’il eût été auprès de lui; et il répondait avec la même facilité. Il transporta ensuite sa machine dans son muséum, et l’adapta avec tant d’art, à une figure automate, qu’on la voyait ouvrir les yeux, et qu’elle rendait des sons articulés.
En 1680, on fit voir un cheval artificiel, capable de faire en un jour sept à huit lieues, dans une plate campagne. (Pages, Mes Souvenirs.)
Je vois, B........, à ta manière
De répondre à mon compliment,
Qu’il ne te suffit pas de parler sagement,
D’être, par cet endroit, mis en ligne première:
Tu veux encor, qu’en l’art de plaire,
On te dise, au degré le plus haut, éminent,
En un mot, un autre V.......
Sous le rapport de l’agrément,
C’est préjugé, si je préfère
Le discours de quelque autre au tien:
Certes! ton préjugé l’emporte sur le mien:
Pour un mot qui t’a pu déplaire,
Mon livre ne valant plus rien,
En conscience, il faut te faire
Du prix qu’il t’a coûté la restitution....
Sois tranquille, l’occasion
Va s’offrir sûrement de la faire complète:
Te voila devenu poëte,
(Et tu dois m’en remercier,
Sans doute,) et tu vas publier,
Que ce soit en dépit, de l’aveu de Minerve,
N’importe, le fruit de ta verve:
Et quand tes vers futurs seraient du même aloi
Que ceux qu’on a déjà vu sortir de ta plume;
Quand même ils seraient tous dirigés contre moi,
J’achète, à ton prix, le volume,
Et tu ne perdras point à l’échange, je croi.
Le préjugé, pour en revenir à la chose,
Le préjugé, sans doute, est d’un esprit tortu;
Mais, dis-moi, te reconnais-tu,
A mon couplet, ainsi, sans raison et sans cause?
Mais c’est sans cause et sans raison,
Que tu prétends que je me moque,
Et fais d’un souhait un lardon.
Ah! s’il prenait un autre ton,
Et pour celui qui plaît laissait celui qui choque ...
Eh bien? ... Il deviendrait un autre Cicéron.
Et si l’avis, n’est point donné hors de saison,
Le but peut-il être équivoque?
C’est encor sans raison que tu me dis fâché,
Et veux qu’en écrivant la colère m’émeuve:
Tu réponds à des vers dont tu te crois touché;
Et je m’en fâcherais! la chose serait neuve.
Mais du dernier trait décoché
Contre moi, par ta main, pourrais-je être à l’épreuve?
Si la vérité seule a le don d’offenser,
On croira sans nouvelle preuve,
Que tes vers ne m’ont pu blesser.
M. B .... d. 11 Mai 1830.
Un philosophe voyant un Athénien, qui, dans un mouvement de colère, maltraitait son esclave, dit: “Voilà un esclave qui en frappe un autre.” Parole pleine de sens, qui nous fait comprendre le prix d’une âme qui sait se posséder et n’être pas esclave de ses passions.
Un chef d’esclaves révoltés fut pris, les armes à la main, avec plusieurs de son parti. Le général vainqueur lui demanda quel traitement-il croyait que lui et ses compagnons avaient mérité.—“Celui que méritent de braves gens, qui s’estiment dignes de la liberté.”—Le général leur accorda leur pardon, et les incorpora dans son armée.
L’empereur Adrien rencontrant un homme qui l’avait offensé, avant qu’il parvînt à l’empire: “Approche,” lui dit-il; “tu n’as plus rien à craindre de ma part; je suis empereur.”
Des courtisans de Philippe-le-Bel excitaient ce prince à sévir contre un prélat qui l’avait offense: “C’est parce que je puis me venger,” dit-il, “que je ne dois pas le faire.”
Guillaume-le-Batard, duc de Normandie, appellé à la couronne par le testament d’Edouard III, étant entré dans le royaume avec de bonnes troupes, brula ses vaisseaux, et dit à son armée: “Voila votre patrie.”
Un moine jouant à la paumé avec François I contre plusieurs seigneurs, fit adroitement un coup de raquette qui décida la partie en faveur du roi. Le prince surpris dit: “Voila un bon coup de moine.—Sire, repartit finement le moine, ce sera un coup d’abbé, quand il plaira à votre majesté.”
Un poëte présenta un sonnet de sa composition au pape Clement VII. Celui-ci, jettant les yeux dessus, apperçut au second vers une syllabe de trop, et le fit observer au poëte. Celui-ci lui répondit: “Que sa Sainteté daigne continuer de lire; il se trouvera quelque vers où il y en aura une de moins; ainsi l’une ira pour l’autre.”
Lorsqu’on vint dire au grand Colbert que le poëte Henault avait fait contre lui ce fameux sonnet: Ministre lâche, &c. il refusa de le lire, et demanda seulement si le roi y était offensé. On lui répondit que non. “En ce cas, reprit Colbert, laissez l’auteur tranquille.”
Un jour, l’abbé Nollet alla faire sa cour à un homme en place, dont la protection pouvait lui être utile, et lui présenta ses ouvrages. Le protecteur lui dit froidement qu’il ne lisait jamais de ces sortes de livres. “Monsieur, répondit l’abbé Nollet, voulez-vous permettre que je les laisse dans votre antichambre; il s’y trouvera peut-être des gens d’esprit qui les liront avec plaisir.”
Un jeune abbé, homme de qualité, avait loué une loge à l’opéra. Un maréchal de France voulut avoir cette loge, que l’abbé s’obstina à refuser. Le maréchal s’y prit si bien, que l’abbé fut obligé de céder à la force. Il n’avait pas le courage de mettre l’épée la main, quoique sa naissance l’y autorisât, suivant les ridicules distinctions d’alors: il attaque le maréchal au tribunal de la connétablie, et obtient d’y plaider lui-même sa cause. Désignant chaque maréchal de France par les actions mémorables qui l’ont illustré: “Ce n’est point, dit-il, M. le maréchal un tel, dont j’ai à me plaindre; ce n’est pas M. le maréchal de Brolio, qui s’est si bien distingué dans les dernières guerres; ce n’est pas M. de Clermont-Tonnere, qui a fait de si belles retraites; ce n’est pas le maréchal de Richelieu, qui a pris le Port-Mahon: celui dont j’ai à me plaindre n’a jamais rien pris que ma loge à l’opéra.”
Le tribunal décida que l’abbé avait raison de se plaindre, mais que la tournure de son plaidoyer l’avait assez vengé.
M. de La Motte croyait avoir pour amis tous les gens de lettres. Si cela était vrai, lui dit Fontenelle, ce serait un terrible préjugé contre vous; mais vous leur faites trop d’honneur, et vous ne vous en faites pas assez.
A la première représentation de l’Œdipe de Voltaire, un jeune seigneur, frappant sur l’épaule de l’auteur, lui dit: “C’est à merveille.” Le poëte, ennivré de son succès, trouva ce ton trop familier, et riposta: “C’est assez bien, monsieur, pour vous.—Mais, reprit le seigneur, entre vous et moi il y a une si grande différence.—La seule que j’y trouve, répondit fièrement Voltaire, c’est que je porte mon nom, et que vous trainez le votre.”
Mariés:—A St. Vincent de Paule, le 26 d’Avril dernier, par Messire Lagarde, curé du lieu, Mr. Michel Carron, Instituteur, à Demoiselle Elisabeth Lagarde;
—A Québec, le 3 du présent mois, par Messire Parent, John Donegani, écuyer, Seigneur de Foucault, à Demoiselle Rosalie L. G. Plamondon, fille unique de feu Louis Plamondon, écuyer.
Décédés:—A St. Eustache, le 29 d’Avril dernier, Léandre, enfant de J. Labrie, écuyer, M.P., âgé de 4 ans. et 7 mois;
—A Québec, le 1er du courant, demoiselle Agnès Tessier, fille ainée de Mr. M. Tessier, marchand.
Commissionnés:—Mr. George Tracy, Notaire Public.
—Jocob Barcelo, écuyer, Commissaire pour le jugement des petites causes, dans la Seigneurie du Lac des Deux Montagnes.
—George Moffat, Jules Quesnel, et R. S. Piper, (Capitaine des Ingenieurs,) écrs. Commissaires pour l’amélioration du port de Montréal.
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[Fin de La bibliothèque canadienne Tome IX, Numero 22 par Michel Bibaud]