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Title: La Bibliothèque Canadienne, Tome IX, Numero 14, Janvier 1830.

Date of first publication: 1830

Author: Michel Bibaud (1782-1857) (editor)

Date first posted: Jan. 27, 2022

Date last updated: Jan. 27, 2022

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La Bibliothèque Canadienne


Tome IX. 15 JANVIER 1830. Numero XIV.

HISTOIRE DU CANADA.

(CONTINUATION.)

Le gain de la bataille de Carillon ne fut pas pour les Français un dédommagement suffisant de la perte de Louisbourg et de l’île St. Jean. Dès le commencement de la même année 1758, le marquis de Vaudreuil reçut avis qu’un gros corps de troupes anglaises s’assemblait à Albany, sous le commandement du général Abercrombie, dans la vue d’attaquer Carillon. Comme la possession de cette place importante n’était pas un objet à négliger, il envoya de grands renforts au marquis de Montcalm, qui était toujours dans ces quartiers. Ces renforts arrivèrent à Carillon le 20 Juin. Le 1er. Juillet, M. de Montcalm fit prendre les devans à M. de Bourlamaque, avec les régimens de le Reine, de Guienne et de Bearn, et le suivit avec ceux de la Sarre, de Languedoc et de Roussillon, et le premier bataillon de Berry, jusqu’à la Chûte, où il campa. Le second bataillon de Berry et plusieurs compagnies de Canadiens furent laissés, au fort comme garnison.

Le lendemain, 2 Juillet, M. de Bourlamaque reconnut les montagnes à la gauche du camp, et forma deux compagnies de volontaires, sous le commandement des capitaines Bernard et Duprat, des régimens de Bearn et de la Sarre, pour être envoyées en avant et obtenir avis de l’approche de l’armée anglaise, qui était alors à l’autre extrémité du lac George. Le 5, un de ces partis donna le signal que l’armée anglaise s’était embarquée pour descendre le lac. Cette armée consistait en sept mille hommes de troupes réglées et treize mille de troupes provinciales. Elle s’embarqua le 4 Juillet, avec l’artillerie et les munitions nécessaires, et débarqua le lendemain, et se forma en trois colonnes. Aussitôt que le signal de son embarquement eut été donné, le colonel Bourlamaque avait détaché le capitaine de Trépézée avec trois cents hommes, pour épier ses mouvemens et s’opposer à son débarquement.

Le 6, on apperçut l’avant-garde de l’armée anglaise, et à son approche du portage, Bourlamaque retraita pour rejoindre Montcalm, qui avait pris possession des hauteurs, où l’ingénieur Pont-le-Roy avait érigé des retranchemens et fait faire un grand abattis d’arbres. Dans la retraite, un détachement français, qui s’égara, fut rencontré par un plus fort détachement d’Anglais commandé par lord Howe. Il s’en suivit un combat, où le commandant anglais fut tué, mais où les Français furent défaits avec perte d’un grand nombre de tués et de blessés, et de cent cinquante prisonniers, y compris cinq officiers. M. de Trépézée y fut blessé mortellement.

Le 8 au matin, toute la garnison fut sous les armes; les régimens de la Reine, de Guienne et de Bearn étaient postés à la droite, sous les ordres de M. de Levis; ceux de la Sarre et de Languedoc et deux forts piquets à la gauche, sous M. de Bourlamaque; le centre, où s’était placé le marquis de Montcalm, se composait des régimens de Berry et de Roussillon et des piquets amenés par M. de Levis. Les volontaires attachés à l’armée avaient pris position dans les bois ouverts entre la rivière et la chûte. Les troupes de la colonie et les Canadiens étaient postés derrière les retranchemens érigés dans la plaine, vers le fort St. Frédéric, et étaient soutenus par un corps de réserve. Ces dispositions ayant été faites, l’armée attendit avec impatience l’arrivée des Anglais.

A midi, on entendit le feu commencer sur les gardes avancées, qui se replièrent en bon ordre sur le régiment de la Sarre, et bientôt les Anglais arrivèrent sur quatre colonnes formés de quatorze mille hommes, trois sur la hauteur, et une sur le penchant de la côte. Celle de la droite attaqua la première la gauche des Français, et dans peu le feu devint général. La colonne du penchant de la côte, où étaient le régiment des montagnards d’Ecosse, qui venait presque en front des Canadiens, après avoir essuyé leur première et leur seconde décharge, se replia entièrement sur le régiment de la Reine, en montant la colline pour forcer ses retranchemens. Cette colonne essuya le feu du régiment de la Reine en tête et celui des Canadiens en écharpe. Le combat ne fut nulle part plus opiniâtre et plus meurtrier qu’en cet endroit. Les Canadiens, divisés en quatre brigades, commandées par MM. Raymond, De St. Ours, Lanaudiere et De Gaspé, alternativement, firent des sorties sur cette colonne, en la prenant par derrière, et lui tuèrent beaucoup do monde.

Comme nous venons de le dire, le combat était devenu général sur toute la ligne: les Anglais se précipitaient sur les palissades avec la fureur la plus aveugle. Inutilement on les foudroyait du haut du parapet sans qu’ils pussent se défendre; inutilement ils tombaient enfilés, embarrassés dans les tronçons d’arbres, au travers desquels leur fougue les avait emportés. Tant de pertes ne faisaient qu’accroître cette rage effrénée. Elles se soutint pendant quatre heures, et leur conta plus de quatre mille hommes tués ou blessés, avant qu’ils abandonnassent une entreprise aussi téméraire.

Sur les 4 heures, le feu se ralentit un peu. Le général Abercrombie avait laissé une réserve de six mille hommes à la chûte: il en fit venir cinq mille, qui joints aux autres, recommencèrent un combat désespéré; mais la défense ne fut pas moins opiniâtre que la première fois. Enfin, le commandant anglais, voyant qu’il n’y avait pour lui aucune espérance de succès et que s’opiniâtrer plus longtemps s’était s’exposer à une défaite totale, prit le parti d’ordonner la retraite. Les derniers des Anglais qui firent ferme, furent ceux de la colonne du penchant de la côte, et ce furent les Canadiens, sortis de leurs retranchemens, qui eurent l’honneur de les mettre en pleine retraite. Ils rentrèrent dans leur camp à 9 heures du soir, avec trente prisonniers.

La perte des Français, fut d’environ cinq cents hommes, tués ou blessés et celle des Anglais de quatre à cinq mille: il en fut enterré quatorze ou quinze cents, dans les retranchemens et dans les bois voisins. Le marquis de Montcalm ne parut jamais plus grand que dans cette journée: il se montrait partout avec un air gai et assuré, et s’exposait comme le simple soldat, au plus grand danger, en faisant mouvoir sa réserve pour fortifier les endroits qui lui paraissaient les plus faibles. MM. de Levis et de Bourlamaque y donnèrent aussi des preuves éclatantes de zèle, de bravoure et d’habileté. Ce fut le premier qui dirigea les mouvemens des Canadiens contre la colonne de gauche des Anglais. M. de Bourlamaque fut blessé grièvement.

L’armée française n’était composée que de trois mille cinq cents hommes, au commencement de l’action, et elle se trouvait diminuée de cinq cents. Celle des Anglais était encore de treize à quatorze mille hommes; aussi s’attendait-on à la voir revenir le lendemain; mais le général Abercrombie avant fait rembarquer ses troupes, se retira de suite à son camp du lac George.

Comme la victoire de Carillon devait influer considérablement sur les dispositions de cinq Cantons, dont il était de la plus grande importance d’obtenir au moins la neutralité, le chevalier de Longueil y fut envoyé comme ambassadeur et négociateur. Afin de lui procurer une réception favorable, le gouverneur général le fit précéder d’une quantité considérable de présens magnifiques. On les informa ensuite de son arrivée à Chouaguen, où on les priait d’envoyer leurs chefs. Ceux-ci s’y rendirent en effet, et il s’y tint un grand conseil, le 10 Août. M. de Longueil leur parla de manière à leur faire comprendre l’importance de la dernière victoire, et fit tout ce qui dépendait de lui pour les engager à se joindre aux Français, et à ne prêter l’oreille à aucune proposition de la part des Anglais. Il y réussit jusqu’à un certain point; car dans leur réponse, ils l’assurèrent de leur attachement pour les Français, et lui dirent que comme tous les députés n’étaient pas présents, ils instruiraient les différentes tribus de ce qu’il leur avait dit de la part d’Ononthio, afin de faire ensuite connaître à ce dernier les sentimens des cinq Cantons.

En s’en retournant à Montréal, le chevalier de Longueil fit savoir à M. Payen de Noyan, qui commandait à Catarocouy, qu’il avait reçu avis, que le colonel anglais Bradstreet avait reçu l’ordre d’attaquer son fort. De Noyan mit sa place dans un meilleur état de défense, et fit demander un renfort de troupes au marquis de Vaudreuil. Celui-ci fit partir quinze cents hommes de milice, sous le commandement de Mr. Duplessis Fabiot, major de Montréal. Mais à peine ce dernier était arrivé à La Chine, qu’il apprit que de Noyan s’était rendu. Bradstreet ayant traversé le St. Laurent, le 25 Août, s’établit à cinq cents verges du fort, s’en approcha ensuite en s’emparant d’un ancien retranchement, d’où il battit la place avec tant d’effet, qu’au bout de trois jours, la garnison, qui n’était que de cent vingt hommes, se vit contrainte de capituler. Après avoir détruit le fort et les bâtimens qui l’environnaient, Bradstreet s’en retourna à Albany. Aussitôt qu’on eut appris que les Anglais s’étaient éloignés de Catarocouy, il y fut envoyé un détachement de troupes, avec ordre de rebâtir le fort Frontenac, sous la direction de l’ingénieur en chef De Pont-le-Roy. On fit partir en même temps un autre détachement, sous le commandement du capitaine de Montigny, pour renforcer la garnison de Niagara, et donner main-forte à M. de Lignery, au fort Duquesne, s’il était nécessaire. Il parait que le renfort ne fut pas envoyé à temps. Dès la fin de Juillet, le brigadier Forbes était parti de Philadelphie, et avait pénétré à l’ouest jusqu’à trente lieues du fort Duquesne. De là il envoya en avant le colonel Bouquet avec deux mille hommes. Celui-ci s’arrêta à seize ou dix-sept lieues du fort, et envoya le major Grant en reconnaissance. Les Français avaient été instruits de bonne de tous ces mouvemens; et s’étant placés en ambuscade, ils attaquèrent le parti du major Grant, le défirent, et le firent prisonnier avec trois cents de ses gens. Forbes s’advança alors pour réparer cet échec: lorsqu’il fut arrivé à quelque distance du fort Duquesne, il apprit que les Français l’avaient abandonné. Il en prit possession; changea son nom en celui de fort Pitt, et s’en retourna à Philadelphie.

(A continuer.)

LA PECHE DE LA MORUE.

Entre tous les établissemens dont les Européens ont couvert le Nouveau Monde, il ne s’en trouve point de la nature de celui de Terre-Neuve. Les autres ont généralement servi de tombeau aux premiers colons qu’ils out reçus, et à un grand nombre de ceux qui les ont suivis: lui seul n’a pas dévoré un seul homme; il a même rendu des forces à plusieurs de ceux que des climats moins sains avaient épuisés. Les autres ont été un théâtre à jamais odieux d’injustices, d’oppression, de carnage: lui seul n’a point offensé l’humanité, n’a blessé les droits d’aucun peuple. Les autres n’ont donné des productions qu’en recevant en échange des valeurs égales: lui seul a tiré du sein des eaux une richesse formée par la nature seule, et qui sert d’alimens à diverses contrées de l’un et l’autre hémisphère.

Le poisson qui rend ces parages si célèbres, c’est la morue. Jamais il n’a plus de trois pieds, et communément il en a beaucoup moins. L’océan n’en nourrit aucun dont la gueule soit plus large à proportion de la grandeur, ni qui soit aussi vorace. On trouve dans son corps jusqu’à des pots cassés, du fer et du verre. Son estomac ne digère pas ces matières, comme on l’a cru longtemps; il se retourne, et se décharge ainsi de tout ce qui l’incommode. Si l’estomac de ce poisson n’avait pu se retourner, il aurait été moins vorace. C’est son organisation qui le rend inadvertant sur les substances dont il se nourrit. La conformation des organes est le principe des appétits, dans toutes les substances vivantes des trois règnes de la nature.

La morue se montre dans les mers du nord de l’Europe. Elle y est pêchée par trente bâtimens anglais, soixante français, et cent-cinquante hollandais, les uns et les autres de quatre-vingt ou cent tonneaux. Ils ont pour concurrens les Islandais, et surtout les Norwégiens. Ces derniers s’occupent, avant la saison de la pêche, à ramasser sur la côte des œufs de morue, appât nécessaire pour prendre la sardine. Ils en vendent, année commune, vingt à vingt-deux mille tonnes, à neuf livres la tonne. Si l’on en avait le débit, on en prendrait bien davantage, puisqu’un physicien habile, qui a eu la patience de compter les œufs d’une morue, en a trouvé neuf millions trois cent quarante-quatre mille. Cette générosité de la nature doit être plus grande encore à Terre-Neuve, où la morue est infiniment plus abondante.

Elle est aussi plus délicate, quoique moins blanche; mais elle n’est pas un objet de commerce, lorsqu’elle est fraiche. Son unique destination est de servir de nourriture à ceux qui la pèchent. Salée et séchée, ou seulement salée, elle devient précieuse pour une grande partie de l’Amérique et de l’Europe. Celle qui n’est que salée se nomme morue verte, et se pêche au grand banc.

Cette bande de terre est une de ces montagnes qui se forment sous les eaux, des débris que la mer emporte et accumule. Les deux extrémités de ce banc se terminent tellement en pointe, qu’il n’est pas aisé d’en marquer exactement les bornes. On lui donne communément cent soixante lieues de long sur quatre-vingt-dix de large. Vers le milieu, du côté de l’Europe, est une espèce de baie, qui a été nommée la Fosse. Les profondeurs, dans tout cet espace, sont fort inégales, Il s’y trouve depuis cinq jusqu’à soixante brasses d’eau. Le soleil ne s’y montre presque jamais, et le ciel y est, le plus souvent, couvert d’une brume épaisse et froide. Les flots sont toujours agités, les vents toujours impétueux dans son contour; parce que la mer irrégulièrement poussée par des courans qui portent tantôt d’un côté et tantôt de l’autre, heurte avec impétuosité contre des bords qui sont partout à pic, et en est repoussée avec la même violence. Cette cause est d’autant plus vraisemblable, que sur le banc même, à quelque distance des bords, on est tranquille comme dans une rade, à moins d’un vent forcé qui vienne de plus loin.

La morne disparaît presque toujours du grand banc et des petits bancs voisins, depuis le milieu de Juillet jusqu’à la fin d’Août. A cet intervalle près, la pêche s’en fait toute l’année.

Avant de la commencer, on fait une galerie depuis le grand mât, en arrière, et quelquefois dans toute la longueur du navire. Cette galerie extérieure est garnie de barils défoncés par le haut. Les matelots s’y mettent dedans, la tête garantie des injures du temps par un toit goudronné, qui tient à ces barils. A mesure qu’ils prennent une morue, ils lui coupent la langue, ensuite ils la livrent à un mousse pour la porter au décolleur. Celui-ci lui tranche la tête, lui arrache le foie, les entrailles, et la laisse tomber par un écoutillon, dans l’entrepont, où l’habilleur lui tire l’arrête jusqu’au nombril, et la fait passer par un autre écoutillon dans la cale. C’est là qu’elle est salée et rangée en piles. Le saleur a l’attention d’observer qu’il y ait, entre les rangs qui forment les piles, assez de sel pour que les couches de poisson ne se touchent pas, mais qu’il n’y en ait que ce qu’il faut. Le trop ou le trop peu de sel est également dangereux: l’un et l’autre excès fait avarier la morue.

Mais, un phénomène bien constaté, c’est qu’à peine la pêche de ce poisson est commencée, que la mer s’engraisse, s’adoucit et que les barques règnent sur la surface des eaux, comme sur une glace polie. Lorsqu’on dépèce la baleine, la graisse qui en découle produit le même effet. Un vaisseau nouvellement goudronné appaise la mer sous lui, et autour des bâtimens qui l’avoisinent. En 1756, le Dr. Franklin allant à Louisbourg avec une grande flotte, remarqua que la vague de deux vaisseaux était singulièrement unie, tandis que celle des autres était agitée. Il en demanda la raison au capitaine, qui lui expliqua cette différence par la lavure des ustensiles de cuisine; raison qui ne satisfit pas le physicien, mais dont il reconnut la vérité par une suite d’expériences, où il vit quelques gouttes d’huile, dont la quantité réunie aurait à peine rempli une cuillère, tempérer les vagues à plus de cent toises, avec une célérité d’expansion aussi merveilleuse que sa division. Il parait que l’huile végétale a plus d’efficacité que l’huile animale. On estime la durée du calme qui en résulte à deux heures, en pleine mer, où cet effet exige l’effusion d’un volume d’huile considérable. Le sacrifice de quelques barils de ce liquide a sauvé de grands bâtimens d’un naufrage dont ils étaient menacés par la plus effroyable tempête.

Malgré une infinité de faits authentiques, jusqu’à présent il est douteux que l’huile, ou en général tous les corps gras, ou fluides, ou divisés, aient la vertu d’abaisser la hauteur des flots. Ils paraissent n’avoir d’action que contre les brisans.

On dit que la mer brise lorsqu’elle s’élève très haut en bouillonnant et en formant comme des colonnes d’eaux, qui retombent avec violence. Lorsque la mer est grosse, les vagues montent, mais se suivent régulièrement, et les navires obéissent sans péril à ce mouvement, qui semble les porter aux nues ou les descendre aux enfers. Mais lorsque les vagues sont agitées violemment par des vents qui soufflent en sens contraire, ou par quelque autre cause, il n’en est pas ainsi. Deux vaisseaux assez voisins pour se parler, cessent tout-à-coup de s’appercevoir. Il s’élève entre eux une montagne d’eau, qui, venant à éclater et à fondre sur eux, suffit pour les abîmer. Cet état de mer n’est pas fréquent; on peut voyager longtemps sans y être exposé; mais l’emploi de l’huile n’en garantit-il qu’un seul bâtiment, sur la multitude de ceux qui couvrent l’océan, dans un grand nombre d’années, l’importance de ce facile secours serait encore très grande.

Les pêcheurs de Lisbonne et ceux des Bermudes rendent à l’eau le calme et la transparence avec un peu d’huile, qui arrête tout-à-coup l’irrégularité des réfractions des rayons de la lumière, et leur permet d’appercevoir le poisson. Les plongeurs modernes, qui vont chercher la perle au fond de la mer, ont coutume, à l’exemple des plongeurs anciens, de se remplir la bouche d’huile, qu’ils lâchent goutte à goutte, à mesure que l’obscurité leur dérobe leur proie. Il y en a qui présument la présence du requin et l’abondance du hareng, dans les lieux où la mer leur offre un calme qui n’existe pas sur le reste du parage. Les uns diront que c’est l’effet de l’huile qui s’échappe du corps du hareng; d’autres, qu’elle en sort sous la dent du requin qui le dévore. Ils usent du même moyen tantôt pour discerner les pointes de rocher couvertes dans l’agitation des flots; tantôt pour arriver à terre avec moins de péril. Pour cet effet, les uns suspendent au derrière de leurs barques, un paquet d’intestins remplis de la graisse du fumal ou pêtrel, oiseau qui vomit toute pure l’huile des poissons dont il se nourrit. D’autres remplacent ces intestins par une cruche renversée, dont l’huile distille à discrétion, par une ouverture faite au bouchon.

Le terrible élément qui a séparé les continens; qui submerge les contrées; qui chasse devant lui les animaux et les hommes, s’appaisera dans sa fureur, si vous passez et repassez, à sa surface, une plume imbibée d’huile. Qui sait quelles peuvent être les suites de cette découverte, si l’on peut appeler de ce nom une connaissance qui ne peut être disputée à Aristote et à Pline? Si une plume trempée dans l’huile applanit les flots, que ne produiront point de longues ailes, sans cesse humectées du même fluide, et artistement adaptées à nos vaisseaux?

La morue sèche s’obtient de deux manières: celle qu’on nomme pêche errante appartient aux navires expédiés tous les ans d’Europe pour Terre-Neuve, à la fin de Mars, ou dans le courant d’Avril. Souvent ils rencontrent, au voisinage de l’ile, une quantité de glaces, que les courans du nord poussent vers le sud, qui se brisent dans leur choc réciproque, et qui fondent plutôt ou plus tard, à la chaleur de la saison. Ces pièces de glace ont quelquefois une lieue de circonférence, s’élèvent dans les airs à la hauteur des plus grandes montagnes, et cachent dans les eaux une profondeur de soixante à quatre-vingts brasses. Jointes à d’autres glaces moins considerables, elles occupent une longueur de cent lieues, sur une largeur de vingt-cinq ou trente. L’intérêt, qui porte les navigateurs à toucher le plus promptement aux attérages, pour choisir les hâvres les plus favorables à la pêche, leur fait braver la rigueur des saisons et des élément conjurés contre l’industrie humaine. Les ramparts les plus formidables de l’art militaire, les foudres d’une place assiégée, la manœuvre du combat naval le plus savant et le plus opiniâtre, n’ont rien qui demande autant d’audace, d’expérience et d’intrépidité, que les énormes boulevards flottants que la mer oppose à ces petites flottes de pêcheurs. Mais la plus avide de toutes les faims, la plus cruelle de toutes les soifs, la faim et la soif de l’or percent toutes les barrières, traversent ces montagnes de glace, et l’on arrive enfin à cette île, où tous les vaisseaux doivent se charger de poisson.

Après le débarquement, il faut couper du bois, élever ou réparer des échafauds. Ces travaux occupent tout le monde; lorsqu’ils sont finis, on se partage. La moitié des équipages reste à terre, pour donner à la morue les façons dont elle a besoin. L’autre moitié s’embarque sur des bateaux. Pour la pêche du caplan, il y a quatre hommes par bateau; et trois, pour la pêche de la morue. Ceux-ci, qui font le plus grand nombre, partent dès l’aurore, s’éloignent jusqu’à trois, quatre et cinq lieues des côtes, et reviennent, dans la nuit, jetter sur leurs échafauds, dressés au bord de la mer, le fruit du travail de toute la journée.

Le décolleur, après avoir coupé la tête à la morue, lui vide le corps, et la livre à l’habilleur, qui la tranche et la met dans le sel, où elle reste huit ou dix jours. Après qu’elle a été lavée, elle est étendue sur du gravier, où on la laisse jusqu’à ce qu’elle soit bien séchée. On l’entasse ensuite en piles, où elle sue quelques jours. Elle est encore remise sur la grève, où elle achève de sécher, et prend la couleur qu’on lui voit en Europe.

Il n’y a point de fatigues comparables à celles de ce travail. A peine, laisse-t-il quatre heures de repos chaque nuit. Heureusement, la salubrité du climat soutient la santé contre de si fortes épreuves. On compterait pour rien ses peines, si elles étaient mieux récompensées par le produit.

Mais il est des hâvres où les grèves, trop éloignées de la mer, font perdre beaucoup de temps. Il en est dont le fond de roc vif et sans varec, n’attire pas le poisson. Il en est où il jaunit par les eaux douces qui s’y déchargent, et d’autres où il est brûlé par la réverbération du soleil, réfléchi par les montagnes.

Les hâvres même les plus favorables ne donnent pas l’assurance d’une bonne pêche. La morue ne peut abonder également dans tous: elle se porte tantôt au nord, tantôt au sud, et quelquefois au milieu de la côte, attirée ou poussée par la direction du caplan ou des vents. Malheur aux pêcheurs qui se trouvent fixés loin des lieux qu’elle préfère. Les frais de leurs établissemens sont perdus, par l’impossibilité de la suivre avec tout l’attirail qu’exige cette pêche. Elle finit dès les premiers jours de Septembre, parce que le soleil cesse alors d’avoir la force nécessaire pour sécher la morue.

Raynal.

ÉDUCATION FAMILIERE,

Ou série de lectures pour les enfans, depuis le premier âge jusqu’à l’adolescence, par Miss Edgeworth. Traduit de l’anglais par Mme Sw. Belloc. 1ere. et 2e. séries, ornées de vignettes dessinés par MM. Alfred et Tony Johannot. Chez Alexandre Mesnier.

Jean-Jacques, qui se prit assez tardivement, suivant moi, d’un amour vraiment paternel pour les enfans d’autrui, veut que l’on ménage à leur jeunesse le supplice de cette maudite instruction qui fane les plus belles fleurs de leur vie. A l’en croire, il faut prendre le temps pour complice, tendre d’habiles guet-a-pens à leur intelligence, et les faire aller au savoir à l’improviste; longue comédie, où s’userait le génie des plus grands professeurs du monde, et qui n’exigerait pas moins que toute une existence d’homme pour perfectionner un esprit d’enfant.

Ce serait, nous n’en doutons pas, une existence pleine de charme que celle d’un père qui n’aurait et ne verrait à remplir sur terre que des devoirs paternels. Par malheur, cet âge d’or n’est pas le nôtre, et dans l’Eldorado même de Candide, pays perdu à tout jamais, Voltaire nous a représenté des hôteliers, des mathématiciens et des rois, ce qui prouve qu’il y a aussi dans ce monde des devoirs de politique, de sciences et de spéculations qui se jettent à travers les soins de famille.

J’accorderai volontiers au philosophe génevois, car mes souvenirs m’y contraignent, que la science est une importunité de premier ordre pour un petit polisson qui aimerait bien mieux s’ébattre joyeusement avec ses petits camarades. Que de larmes a fait couler l’alphabet! et cet odieux latin de l’Epitome historiæ sacræ; que de soucis ne donne-t-il pas avant que l’enfant parvienne à le traduire dans un français abominable! Voyez ces milliers de jeunes forçats, le deuil sur le front, assis à la ribambelle sur un banc de chêne, mourir d’un long martyre en épelant un langage qu’ils n’utiliseront peut-être jamais, et glissant parfois un regard furtif et douloureux à travers les vitres enfumées de leur prison classique, pour suivre un pur rayon de soleil qui va dorer les arbres du jardin; et ils sont pour dix ans à cette galère!

Cependant il est essentiel de rejeter cet apprentissage loin, bien loin des jours de l’âge mûr, afin que l’homme se mette de suite alors à son métier d’homme, et soit bien complètement formé pour les devoirs de la vie.

Tous les efforts de l’esprit humain, toute la bonne volonté de la civilisation, pour ne pas affliger l’enfant, doivent donc tendre à diminuer ses peines et à rendre les voix de l’instruction plus aimables à celui qui n’en voit pas le but, à celui qui peut-être même ne touchera jamais ce but; car il n’y a pas que la vieillesse qui meure.

Les méthodes modernes d’enseignement ont donc tendu à terminer plus rapidement, au moyen de l’enseignement mutuel et de la statilégie, l’apprentissage élémentaire des parties les plus fastidieuses de notre éducation.

Ceci est un grand progrès, mais en douant l’écolier des moyens de lire, il ne faut pas négliger de donner de l’attrait à ses lectures, et sur ce point nous avons encore beaucoup à faire: il est très rare en effet qu’on lui mette entre les mains des ouvrages spécialement à sa portée. Il est plus rare encore que l’on lui en fasse lire qui le charment, le fixent, et viennent faire un jeu pour lui d’une excellente leçon.

Dieu me garde de trouver que le Télémaque de M. de Fénélon soit un livre assommant: un critique a pu le dire dans un accès de gaîté, mais il est juste de dire que ce livre, donné à un gamin de dix ans pour le récompenser de sa volubilité à réciter de mémoire la table de Pythagore, n’est nullement là à sa destination. J’en dois dire autant des Fables de Lafontaine, ouvrage d’une profondeur étonnante, et gros de plusieurs milliers de volumes. Cela n’est bon à l’enfance que pour les images.

Il appartient aux Anglais, nation méthodique et vraiment consciencieuse même jusqu’à la minutie, cette cousine germaine de l’ennui, il lui appartenait de créer des livres à l’usage de l’enfance.

Prenez en effet cet ouvrage de Miss Edgeworth, recueil de leçons, de conseils et de préceptes mis en drames, d’un quart d’heure chacun: drames dont les héros sont de l’âge de votre enfant, et donnez-le au bambin. S’il ne fait pas ces personnages imaginaires dont les pensées sont exactement les siennes et les jeux ses jeux, de vrais amis avec lesquels il sera joyeux de se trouver sans cesse; si les conseils indiscrets qu’il y trouvera, les curiosités d’un certain ordre qu’il y recueillera doucement; si enfin tout cet enfantillage, mêlé à du sérieux, mais de manière à ne pas éveiller en lui la crainte d’une leçon, n’est pas un plaisir pour lui, c’est qu’il est d’une nature complètement inculte, c’est qu’il a été d’abord blasé par une éducation vicieuse.

Pour moi, qui ai vu de mes yeux de jeunes enfans se tourmenter l’esprit des histoires semées dans ce livre, en faire le texte de leurs conversations naïves, les traduire dans leur style à leurs petits camarades, et chercher à propager leur science de la veille dans leurs loisirs du lendemain avec les ignorans de leur âge; moi qui ai souri de ce prosélytisme de gamin qui fait le savant un quart d’heure après avoir appris; moi, enfin, qui, pour moi-même, grand personnage qui doit nécessairement rougir d’ignorer quelque chose, ai trouvé d’excellentes choses à savoir dans ces livres si poétiquement, si purement traduits, j’ai juré qu’il ne tiendrait pas à moi que l’Education Familière obtînt en France la même popularité qu’en Angleterre. Livre charmant, en effet, puisqu’il peut aller a l’esprit de l’enfant et au cœur de l’homme fait.

Messager des Chambres.

LA STATUE DE LOUIS XIII.

Une statue de Louis XIII, en 1829! cela est presque fabuleux. Et des députés se sont trouvés qui ont été assez peu économes de la fortune publique pour voter une semblable dépense! et non-seulement ils ont voté une statue à Louis XIII, mais encore ils ont, par acclamation, décidé qu’on remonterait Louis XV sur son piédestal. Pendant qu’ils étaient en train d’enthousiasme, comment n’ont-ils pas fait la même grâce à Henri III et à François 1er? Certes, ce ne serait pas plus ridicule. A tout prendre même, c’est une injustice qu’on a fait à l’amant de la belle Ferronnière, et à l’ami de Saint-Mégrin; mais ce n’était pas de justice qu’il s’agissait en 1816; c’était d’ancien régime. Si avant la révolution française, François 1er et Henri III avaient eu des statues dans quelque place ou dans quelque carrefour de Paris, en 1816 on les aurait redressées, comme on décidait qu’on relèverait celles de Louis XIII, et Louis XV.

“Que Richelieu, comme le disait avec raison, le 25 Septembre 1818, dans la Minerve, le spirituel et judicieux auteur des Lettres sur Paris; que Richelieu, portant la couronne de son maître, ait élevé un monument à sa faiblesse; que la politique du ministre ait rendu cet hommage à la docilité du souverain, la France doit-elle s’associer aujourd’hui à sa reconnaissance, et payer, après deux siècles, la dette d’un ministre ambitieux?” Non, sans doute, elle ne le doit pas. La France constitutionnelle, si elle était consultée, n’élèverait de monumens qu’aux vrais grands hommes, aux rois qui ont mérité l’amour du peuple et l’admiration de la postérité; mais la France n’est comptée pour rien; en 1816 des courtisans proposaient, des ministres présentaient, et la chambre introuvable décrétait. Il en conte cher, la nation paie, et on lit dans les inscriptions latines que, par les soins pieux des citoyens, la France a décerné les honneurs du bronze ou du marbre, à Louis XIII, par exemple! Mensonge insigne, qui fait le peuple complice d’un compérage de cour où il n’est pour rien que pour les frais, dont on lui grossit tant qu’on peut le mémoire.

Vous croyez que les habitans du Marais vont être bien fiers de l’embellissement de la place Royale! Pas du tout; ils savent trop bien quel fut le roi dont vous leur vendez l’image médiocre. Ils ont en haine la trahison, et vous voulez qu’ils saluent celui qui livra Cinq-Mars et de Thou au cardinal, que lui, roi, voulait renverser avec ces deux nobles conspirateurs! Ne l’espérez pas: Louis XIII va leur gâter leur belle promenade; ils ne le verront pas une fois, le bras en avant, qu’ils ne supposent que c’est pour donner un ordre honteux dont Richelieu fera son profit.

Il ne fallait pas relever la statue de Louis XIII; c’est une faute, qui vous fera accuser dans l’avenir d’avoir rendu les mêmes honneurs au vice qu’à la vertu.... Mais enfin la voilà; on l’a inaugurée avec pompe, comme on fit pour celle de Biard fils et de Daniel de Volterre, le 27 Septembre 1639. Des fanfares, des aubades de tambour, des bruits de canon ont annonce au quartier que le pupille de Richelieu sortait du lange où M. de Chabrol le tenait emmaillotté depuis trois mois; les troupes ont présenté les armes; elles ont défilé devant l’effigie royale, au pied de laquelle se sont inclinés les magistrats de la ville, qui iront aussi bientôt s’incliner au pied de celle du chaste adorateur de mesdames de Pompadour, de Chateauroux et du Barry.

Le Constitutionnel.

VOLÉE INNOMBRABLE D’OISEAUX.

Il y a plusieurs îles près des côtes de la Terre de Van-Diémen, et le nombre des oiseaux qu’on y voit parfais est presque incroyable. “Je vis, dit le capitaine Flinders, une bande on volée de pétrels de 50 à 80 verges de profondeurs, et de 300 verges, ou plus, de largeur; ces oiseaux n’étaient pas éloignés ou à des distances inégales les uns des autres, mais ne laissaient entr’eux que l’espace nécessaire pour faire mouvoir leurs ailes; et durant une heure et demie, cette volée de pétrels continua à passer sans interruption, et avec une vitesse peu inférieure à celle des tourtres.” En supposant que la volée ait été de 50 verges seulement de haut en bas, et de 300 en largeur, et qu’elle faisait 30 milles par heure, et donnant trois verges en bas d’espace à chaque oiseau, le nombre en aurait été de 151,500,000. Le nombre des cages ou boites nécessaires pour loger ces oiseaux, aurait été de 75,750,000 et donnant une verge carrée à chaque cage, elles auraient couvert l’espace de dix-huit milles et demi carrés.

Ce fait est curieux en lui-même, et il est, de plus, important, en ce qu’il tend à faire voir que les oiseaux aquatiques, qu’on a regardés comme les principaux architectes de la portion supermarine des terres nouvelles de l’Australasie, loin d’être incapables d’un tel ouvrage, sont en état de l’effectuer en beaucoup moins de temps que ne l’imaginent ceux qui ne se font pas une idée juste de leur nombre.

(Tableau de l’Australasie.)

MONTAGNE VOLCANIQUE.

—On a découvert, il y a déjà quelque temps, à Sulzbach, dans les environs de Sarrebruck (Prusse,) une espèce de montagne volcanique. Elle a la forme d’un cône un peu irrégulier, de 6 à 800 pieds de haut, et couvert de bois, excepté vers le sommet, où il n’y a plus de végétation que des mousses. La chaleur du sol va croissant jusqu’au sommet, d’où sortent par plusieurs fentes d’un petit cratère de 30 pieds des vapeurs si chaudes, qu’un œuf y cuit en quelques minutes.

ANATOMIE.

L’enfant à deux têtes, dernièrement arrivé de Sardaigne à Paris, et qui a attiré autant d’attention dans la capitale française, que les enfans siamois en excitent à Londres, est mort. Ainsi se sont évanouïes toutes les espérances que fondaient les physiologistes modernes sur l’observation de cette double organisation, si la vie s’y fût prolongée. Ritta, ou le côté droit de l’enfant, était malade depuis trois jours, et sa maladie ne paraissait affecter nullement la santé de Christina, l’autre côté; de sorte qu’au moment où Ritta rendit l’âme, Christina était pendue au sein de sa mère, et jouait avec son visage. Mais tout-à-coup elle laissa aller le sein, poussa un soupir et mourut. Le père refusa longtemps de laisser disséquer ce monstre, mais les sollicitations de M. Geoffroy Saint-Hilaire et les injonctions de la police, vainquirent sa répugnance, et l’enfant bicéphale a été porte au théâtre d’anatomie, dans le jardin du roi, où il a été disséqué le 26 novembre, en présence des membres d’une commission nommée par l’académie royale de médecine, composée de MM. Ant. Dubois, Serres, Suard, Castel, et Geoffroy St. Hilaire, auxquels furent adjoints les barons Cuvier et Portal, et les docteurs Duméril, Paul Dubois, Lisfranc et quelques autres médecins.

PHÉNOMENE.

—Nous lisons dans un feuille hollandaise:

La fille Engeltje van der Vlies, âgée de 42 ans, qui a cessé de boire en 1820, tandis que déjà elle n’avait plus mangé depuis 1818, vit encore, et par conséquent sans manger, ni boire, ni prendre aucune nourriture, depuis neuf ans accomplis.

Ce phénomène, qui mérite d’être plus connu qu’il ne l’est, a été dûment constaté par la commission médicale du district, de manière à ne laisser aucun doute à l’égard de sa véracité. Cette fille, née à Schiedam, demeure au village de Pynacker, à proximité de Delft et de La Haye, où elle est soignée dans la maison de ses maîtres, qu’elle a servis pendant plusieurs années avant sa maladie. Récemment le terme de sa vie semblait prochain; mais au moyen de langes imbibés de spiritueux, qu’on lui a appliqués sur le corps, attendu qu’il serait plus possible de lui faire prendre des remèdes que des alimens, on est parvenu à ranimer ses sens, et, d’après les dernières nouvelles, on se flattait de prolonger encore sa débile existence.

ASTRONOMIE.

—Un astronome de la Providence, dans les Etats-Unis de l’Amérique septentrionale, prétend avoir découvert, au moyen d’un télescope d’une nouvelle invention, que les taches qu’on aperçoit dans le soleil, en plus ou moins grand nombre, proviennent des nuages immenses qui sortent des nombreux volcans que renferme cet astre; tandis que la lune serait, selon lui, couverte de glaces et de neiges éternelles. Il considère les taches de la lune comme étant les reflets des mers glaciales, et les élévations pyramidales, qu’on voit au centre de cet astre, comme les sommets de volcans éteints. Cet astronome n’ayant aperçu aucun nuage autour de la lune, il pense que cet astre ne possède aucune atmosphère, ou si elle en a une, qu’elle doit être excessivement mince et peu étendue.

ANECDOTES AMERICAINES.

Le colonel, un des juges de Charles 1er., avait vécu inconnu et ignoré pendant plus de huit ans dans la maison d’un habitant: le reste de la famille de ce colon ignorait le crime dont il s’était rendu coupable. Sa barbe et ses cheveux, devenus blancs, étaient très longs. Il arriva qu’un dimanche, les sauvages fondirent sur les habitans de ce canton, lorsqu’ils étaient à l’église; cet ancien colonel, qui depuis longtemps désirait la mort, fut instruit de leur arrivée par leurs hurlemens; il s’arme, sort, va à leur rencontre, aidé de son ancien génie militaire, animé par sa bravoure, il contribua à chasser les sauvages et à sauver le peuple. A peine le danger fut-il passé qu’il disparut de la foule, et rentra dans sa chambre, où il continua à se tenir renfermé sans jamais paraître. Ces bonnes gens, frappés d’un événement aussi singulier, ainsi que de la conduite et de la bravoure de cet inconnu à barbe blanche, s’imaginèrent qu’il était un ange tutélaire envoyé à leur secours par l’Etre suprême, et leurs descendans le croient encore.

Lorsque les Américains commençaient à prendre les armes, un vieillard de quatre-vingts ans se mit dans le nombre de ces généreux guerriers, et s’obstina à ne point s’éloigner, quelques instances qu’on lui pût faire. “Laissez-moi, s’écria-t-il, ma mort peut-être utile; je me placerai devant un plus jeune que moi, afin de recevoir le coup dont il serait atteint, et qui ravirait à ma patrie un défenseur que je lui aurai conservé.”

Une Américaine était à bord d’un des bateaux plats dans une des expéditions qui commencèrent la guerre: un boulet emporta la tête d’un soldat qui était à ses côtes; le sang jaillit sur elle et couvrit le visage d’un enfant qu’elle tenait entre ses bras. La nouvelle Lacédémonienne, dans un accès d’héroïsme, élevant alors son enfant le plus haut qu’il lui fut possible: “Te voila, s’écria-t-elle, dignement initié au service de ton pays; c’est ton engagement que tu viens de signer.” Puis se tournant vers son mari: “Mets le feu au canon, dit-elle, et venge la mort de ton brave camarade.”

Deux jeunes soldats américains désertèrent de l’armée et retournèrent à la maison paternelle. Leur père, indigné de cette action, les chargea de fers, et les conduisit lui-même au général qu’ils avaient abandonné, et qui fut assez généreux pour leur faire grâce. Le père parut étonné d’une telle indulgence, et s’approchant du général, il lui dit, les larmes aux yeux: “C’est plus que je n’avais osé espérer.”

Une jeune personne nommée Macrey, belle, aimable et née de parens honnêtes, était promise depuis peu de temps à un officier anglais. Elle fut enlevée par les Indiens dans la maison paternelle, près le fort Edouard: ils la traînèrent dans les bois, avec quelques autres jeunes gens des deux sexes; et là, les barbares lui firent subir l’horrible opération du scalpel avant de lui donner la mort. Ainsi, cette infortunée, au lieu de marcher à l’autel, reçut la mort des mains mêmes des féroces compagnons d’armes de l’époux auquel elle allait appartenir.

D’autres écrivains rapportent différemment cette histoire tragique. L’officier anglais, nommé Jones, disent-ils, craignant que la jeune personne qu’il aimait ne fut exposée à quelque danger, tant à cause de l’attachement connu de son père au parti royaliste, que des rapports qui existaient déjà entre les deux amans, avait engagé deux Indiens de diverses tribus à aller la prendre chez ses parens, et à l’amener au camp sous leur escorte: une forte récompense devait être le prix de leur zèle. Les sauvages conduisirent en effet la demoiselle à travers les bois; mais, au moment de la remettre entre les mains de son époux, ils se disputèrent à qui appartiendrait la totalité de la récompense. Alors, l’un d’eux, transporté d’une aveugle fureur, d’un coup de casse-tête étendit la malheureuse fille à ses pieds.

(Beautés de l’Histoire des Etats-Unis.)

POÉSIE CHINOISE.

Le Canton Register dit que l’empereur de la Chine a composé une ode sur la prise et la destruction de la forteresse de Changkihur, où quelques rebelles résistaient, depuis quelque temps, à l’autorité du gouvernement. Cette ode a été imprimée, et il en a été envoyé une copie à chacun des princes et grands dignitaires de l’empire, qui en ont tous accusé la réception, dans les termes les plus flatteurs pour le poëte impérial. Aussi sa Majesté Céleste a-t-elle jugé à propos de faire imprimer toutes leurs lettres de remerciement dans la Gazette de Pékin. L’ode qui a attiré à l’empereur ce torrent de louanges, ou de critique admiratrice, comme s’exprime le Régister, est composée de vingt-quatre lignes.

GRECE.

Convention entre les Turcs et les Grecs.

Nous soussignés Ossuk Aga, Osman Aga et Aslan Bey Monhourdan, ayant été battus dans une bataille contre les Grecs à Pietra, le 12 de ce mois, et étant trop faibles pour sortir de cette position, par force ouverte, avons prié le commandant en chef Démétrius Ipsilanti, qui commandait les Grecs dans le dit engagement, de nous permettre de passer sans être molestés, et nous avons obtenu son consentement aux conditions suivantes:

Art. 1er. Le Shatarck Démétrius Ipsilanti s’engage à évacuer les fortifications supérieures de Pietra, commandées par le Chiliaock Caristodulo H. Pétro, à la pointe du jour et quand les otages auront été échangés.

Art. 2e. Il remettra tous les Turcs qui sont prisonniers dans le camp grec, aussitôt que les Turcs auront mis en liberté tous les Grecs qui sont prisonniers dans leur camp.

Art. 4e. Il accompagnera les troupes turques avec une force convenable, jusqu’à Boudonitza, afin de garantir leur sureté; et alors les otages seront échangés.

Ossuk Aga, Osman Aga et Aslan Bey, prennent de leur coté, les engagemens suivans:

Art. 5e. Dans leur route à Boudonitza, ils ne causeront aucun préjudice aux habitans, aux maisons ou aux bestiaux.

Art. 6e. Ils emmèneront avec eux les garnisons qui sont maintenant en Livadie, dans le Khan de Cadi Turchoie et Pontans; c’est-à-dire laisseront les garnisons de Boudonitza, &c. toutes celles établies jusqu’aux Thermopyles et Alamaner dans l’état où elles sont maintenant et sans les fortifier.

Art. 7e. Les troupes turques commenceront leur marche, quand le Shaturk leur aura fait savoir que les fortifications supérieures de Pietra auront été évacuées et que les otages auront été échangés.

Art. 8e. Les prisonniers grecs seront remis avant que les turcs sortent de Pietra.

Art. 9e. En foi de quoi, &c. fait au camp de Pietra le 13 (25) Septembre 1829.

Candie, 9 Octobre. Le 7 de ce mois, la garnison, par ordre de Soliman-Pacha, a fait une saillie contre les Grecs qui s’étaient rassemblés en grand nombre, à la distance de deux lieues de cette ville et qui paraissaient vouloir la bloquer étroitement. L’effet de cette sortie a été fatale aux insurgens qui ont été chassés de leur position avec une perte de 140 hommes. La perte des Turcs a été d’environ 30 hommes.

Modon, 1er Novembre. Depuis qu’il a paru dans le Moniteur cette phrase dans laquelle il est dit qu’en considération de la paix, le roi de France retirera ses troupes de la Morée, les Anglais croisent continuellement devant Navajin. La brigade française d’occupation, aussi bien que les Grecs pensent que le lendemain même de notre départ, un corps qui est tout prêt dans les Iles Ioniennes, débarquera ici et prendra possession des points que nous avons mis en état de défense. Le président n’ayant pas de troupes pour prendre en même temps possession d’Athènes et de Navarin, les Anglais feront facilement leur entrée sans coup férir.

Ainsi nous auront mis la Morée dans un état de défense afin qu’elle puisse devenir une annexe des Iles Ioniennes. Ici chacun est étonné et dégoûté d’une mesure qui fait de l’expédition du maréchal Maison un moyen de conquête pour nos voisins des bords de la Tamise. Les Grecs, surtout, sont dans le plus profond désespoir de se voir ainsi livrés. Nous aurons perdu Navarin au bénéfice de l’Angleterre, qui ne rendra pas un port de cette importance.—(Journal des Débats.)

Aucune, 3 Novembre. Deux régimens anglais sont attendus de Malte à Corfou. On dit aussi que les Anglais occuperont Missolonghi.

Il parait que l’Angleterre a l’intention d’agir comme médiatrice, sur le continent grec, comme la France a agi dans la Morée, et que le lord haut-commissaire a reçu de Londres des dépêches, qui sont principalement relatives à cet objet.

PETITE CHRONIQUE CANADIENNE.

A une assemblée de la Société Littéraire et Historique, tenue au Vieux Château, avec la permission de Son Excellence, Mardi dernier (5) au soir, un des membres a lu un papier intéressant sur les coraux, et un autre a exhibé un modèle admirable de mécanisme à vapeur. Il a aussi été examiné à cette assemblée un nombre de curiosités et d’antiquités; après quoi plusieurs nouveaux membres out été élus par ballote.—Gaz. Offic.

Le lecteur a dû remarquer que M. Wilkie se propose de donner un cours de leçons de Philosophie Morale. Le docteur Blanchet, jeudi (14) à 2 heures, va donner dans les chambres de la Société Littéraire et Historique, une leçon sur le galvanisme, accompagnée d’un nombre d’expériences sur une forte batterie.—Gaz. de Québec.

On dit qu’il a été intenté une poursuite, de la part du gouvernement contre M. le protonotaire Perrault, pour £4000, comme caution pour autant du ci-devant schérif De Gaspé, qui faillis en 1824 au montant de £27,000 d’argent déposé entre ses mains, par suite de jugemens de la cour du banc du roi dans la saisie et exécution de biens fonciers.—Ibid.

Nous apprenons que le Procureur Général fit motion hier (13) en cour d’appel pour une ordonnance de cour contre M. le Juge Uniacke du Banc de Montréal, contre M. Rolland, avocat, dernièrement nommé pour succéder au Juge Foucher, contre M. Henry McKenzie et M. le Schérif Gugy, pour voir dire pourquoi il ne sortirait pas contre eux une prise de corps, pour avoir été concernés dans la seconde saisie de quelques livres et papiers de la compagnie du Nord-Ouest, en conséquence de laquelle le jugement de la Cour d’Appel déclarant la première saisie illégale, n’a pas reçu son exécution. On dit que l’ordonnance pour la seconde saisie est sortie sous une forme différente de la première, celle-ci ayant été une saisie-gagerie, et la seconde un scellé.—Ibid.

Nous apprenons qu’il a été nommé un comité de magistrats pour prendre en considération les honoraires payés au bureau de la police ou bureau de la paix, dans la vue de les rendre moins à charge au public. Il y a deux ans, un projet de la même nature était devant les magistrate, mais nous croyons qu’il a produit bien peu d’allègement pour le public. La composition du comité actuel porte à espérer davantage de la mesure en question. Nous apprenons qu’une amende de quelques schelins, encourue pour contravention aux réglémens de police, produit souvent, outre la perte du temps, des frais de huit à neuf piastres; ce qui a l’effet d’empêcher les poursuites entièrement, ou de les laisser entreprendre par des délateurs qui en font un métier, et qui peuvent presque ruiner une pauvre famille, pour une simple peccadille, pour la violation de règlemens dont l’utilité est quelquefois fort douteuse.—Ibid.

M. Audy, peintre, vient d’achever une copie du portrait de Sa Majesté, maintenant exposé dans les chambres de l’assemblée. Elle est excellente et ne le cède en rien à celle de M. Légaré. M. Audy n’a jamais eu l’avantage de visiter l’Europe et a été son propre maître. Ces exemples vont à montrer qu’il y a dans le pays, pour la peinture, des talens qui ne demandent que de la culture, pour faire honneur au pays qui les voit naître.—Ibid.

RÉGISTRE PROVINCIAL.

Mariés: A Ste Anne de la Pérade; le 3 du présent mois, Pierre Charest, écuyer, Seigneur des Grondines, à Demoiselle Adélaïde Methot;

A Montréal, le 3, T. A Regly, écuyer, à Dame Cartwright, veuve de feu Hugh Fraser, écuyer,

Au même lieu, le même jour, le Révd. Arthur Norman, ministre-assissant de l’église de Christ, à Dlle Mary Julia, fille de feu Hugh Fraser, écuyer


Décédés: A Montréal, le 2 du présent mois, Pierre Berthelet, écuyer, Négociant, âgé de 84 ans;

A Québec, le même jour, Pierre Langlois, écuyer, Marchand, âgé de 80 ans;

A Montréal, le 4, à l’âge de 83 ans, Sir John Johnson, Baronet, membre du Conseil Législatif de cette province, et Surintendant au département des Sauvages. Sir John Johnson était fils du général Sir William Johnson, célébré dans l’histoire des colonies anglaises de l’Amérique et du Canada.

A Montréal, le 6, Mr. Samuel Hedge, âgé de 58 ans;

A Québec, le 8, John D’Estimauville, écuyer, Trésorier des Chemins;

A Montréal, le 9, regrettée de tous ceux qui ont eu l’avantage de la connaître particulièrement, Dame Marie Rose Duranseau, épouse de Mr. J. Bte. Lafleur;

Au même lieu, le 15, H. P. Leodel, écuyer, Médecin et Chirurgien, âgé 75 ans.


Commissionnés: Jean Roch Rolland, écuyer, un des Juges puinés de la Cour du Banc du Roi, pour le District de Montréal, à la place de l’Honorable L. C. Foucher, décédé;

R. Hunter Gairdner, écuyer, Avocat et Procureur;

MM. L. A. Moreau, Joseph Belle, Remy Ouellet, Notaires.

TRANSCRIBER NOTES

Printer errors have been corrected. Where multiple spellings occur, majority use has been employed.

Mis-spelled words and punctuation have been maintained except where obvious printer errors occur.

[The end of La Bibliothèque Canadienne, Tome IX, Numero 14, Janvier 1830. edited by Michel Bibaud]