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Title: La Bibliothèque Canadienne, Tome IX, Numero 13, Janvier 1830.
Date of first publication: 1830
Author: Michel Bibaud (1782-1857) (editor)
Date first posted: Jan. 26, 2022
Date last updated: Jan. 26, 2022
Faded Page eBook #20220135
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La Bibliothèque Canadienne
Tome IX. | 1er. JANVIER 1830. | Numero XIII. |
Comme la prise du fort George était un événement important, le marquis de Vaudreuil en envoya la nouvelle en France par les premiers vaisseaux, et écrivit au ministre des colonies, pour apprendre de lui les intentions du gouvernement, quant aux opérations qu’il croirait nécessaires pour la défense du Canada. Il lui communiqua, en même temps les vues du marquis de Montcalm, qui, après la prise du fort George, lui avait écrit une lettre, où il lui disait, “que la colonie avait besoin de troupes, de provisions, d’artillerie et d’effets militaires de toutes sortes; qu’il devrait y être envoyé une seconde compagnie d’artillerie avec un nombre suffisant d’officiers; qu’il conviendrait de réduire les compagnies de la marine à cinquante hommes, chacune: mais qu’il fallait un plus grand nombre d’officiers pour commander les différents détachemens de Canadiens et de sauvages; que les soixante et douze compagnies, des troupes du roi devraient être portées au complet de quarante cinq hommes, chacune; ce qui y ferait une augmentation de trois cent soixante hommes, auxquels il conviendrait de joindre trois cents fusiliers du Roussillon; et qu’à l’égard des huit compagnies tirées des régimens de la Reine et de Languedoc, il serait à propos qu’elles fussent incorporées, et commandées par les huit plus anciens lieutenans, si l’on croyait devoir exempter les capitaines du service, &c.”
Tandis que ceci se passait au fort George, M. de Lignery, qui avait remplacé M. Dumas, au fort Duquesne, et M. de Bellestre, qui commandait au Détroit, agissaient aussi sur l’offensive, au moyen de partis de Canadiens et de sauvages, qu’ils envoyaient de temps à autre, sur les derrières des colonies de la Virginie et de la Pensylvanie.
Cependant la corruption semblait faire tous les jours des progrès. La misère des Acadiens restés à Miramichi, loin de diminuer, allait toujours en augmentant. Les vivres qu’on leur fournissait consistaient principalement en morue sèche ou salée, et très souvent elle était pourrie et incapable de servir à le nourriture; tellement qu’un grand nombre moururent de faim et de misère; ce qui n’empêchait pas les agens de demander pour eux autant d’argent et de provisions que si leur nombre n’eût pas diminué, afin de s’approprier le surplus. Le commissaire n’était pas moins payé que s’il eût en à pourvoir à la subsistance du nombre de familles qu’il y avait d’abord dans l’établissement, et l’intendant Bigot avait une part dans ses immenses profits.
M. Estebe, qui était, depuis quelques années, garde-magazin général à Québec, étant passé en France, on lui donna pour successeur M. de Clavery, premier commis de la société d’accapareurs, dont nous avons déjà eu plusieurs, fois occasion de parler. La place de contrôlleur, devenue vacante par la démission de M. Bréard, fut donnée a M. de V......: d’une cupidité insatiable, et sans aucun scrupule sur les moyens de s’enrichir, ce dernier se prévalut de son emploi pour son avantage privé, et pour celui de la société, qui lui donnait une part dans ses gains. Les officiers qui commandaient aux différents postes, et qui avaient droit de commercer avec les sauvages, tiraient les approvisionnemens qui leur étaient nécessaires des magazins de cette société, à condition qu’elle aurait sa part de leurs profits. Toutes les fois qu’on mettait en campagne des détachemens de troupes ou de milices, des bateaux de la société les accompagnait chargés de marchandises, et afin qu’il ne lui en coutât rien, on les faisait conduire par des soldats ou des Canadiens. Souvent même les présens envoyés aux sauvages étaient saisis par les gardes-magazins des différents postes, en vertu d’un ordre de l’intendant, et revendus à la couronne.
L’exemple donné par la compagnie fut imité par quelques uns des commandans des postes: sous le prétexte que les sauvages manquaient des effets qui leur étaient nécessaires, ils en faisaient de grandes demandes; et il ne les avaient pas plutôt reçus, qu’ils se les appropriaient, s’en servaient, ou les vendaient, suivant qu’ils y trouvaient mieux leur compte. Peu contents de cela, quelques uns allèrent jusqu’à présenter des comptes pour des effets qu’ils n’avaient jamais fournis; et les parties intéressées s’entendaient si bien entr’elles, que ces comptes n’étaient pas plutôt présentés qu’approuvés et payés. S’il faut en croire Mr. Smith, un officier, beau-fils du marquis de Vaudreuil, qui avait été envoyé à Michillimakinac, pour y faire sa fortune, ayant présenté un compte de dix millions de livres, pour des articles qu’il n’avait point fournis, la somme lui fut aussitôt payée par l’ordre de l’intendant. De là l’énorme quantité de papier-monnaie, ou d’ordonnances, dont le pays se trouva comme inondé, en 1760, et, qui lui occasionna une perte si considérable.
Cependant la forteresse de Louisbourg, appellée alors la clef du Canada, qui avait été bloquée en 1757, par une flotte anglaise commandée par l’amiral comte de Loudoun, fut attaquée et prise, dans l’été de cette année 1758. Ce fut le 2 Juin, dit l’abbé Raynal, à qui nous empruntons en grande partie ce récit, qu’une flotte composée de vingt trois vaisseaux de ligne et de dix-huit frégates, qui portait seize mille hommes de troupes aguerries, jetta l’ancre dans la baie de Gabarus, à une demi-lieue de Louisbourg; Comme il était démontré qu’un débarquement fait à une plus grande distance ne pouvait servir de rien, parce qu’il serait impossible de transporter l’artillerie et les autres choses nécessaires pour un grand siège, on s’était attaché à le rendre impraticable au voisinage de la place. L’assaillant vit la sagesse des mesures qui lui annonçaient des périls et des difficultés: il crut alors devoir appeller la ruse à son secours, et pendant que par une ligne prolongée, il menaçait et couvrait toute la côte, il descendit en force sur le rivage de l’anse au Cormoran.
Cet endroit était faible par sa nature: les Français l’avaient étayé d’un bon parapet, fortifié par des canons dont le feu se soutenait, et par des pierriers d’un gros calibre. Derrière ce rampart étaient deux mille bons soldats et quelques sauvages. En avant il y avait un abattis d’arbres si serré, qu’on aurait eu bien de la peine à y passer, quand même il n’aurait pas été défendu. Cette espèce de palissade, qui cachait tous les préparatifs de défense, ne paraissait, dans l’éloignement, qu’une plaine verdoyante.
C’était le salut de la colonie, si l’on eût laissé à l’assaillant le temps d’achever son débarquement, et de s’avancer dans la confiance de ne trouver que peu d’obstacles à forcer. Alors, accablé tout-à-coup par le feu de l’artillerie et de la mousqueterie, il eût infailliblement péri sur le rivage, ou dans la précipitation de l’embarquement, d’autant plus que la mer était dans cet instant fort agité. Cette perte inopinée aurait pu rompre le fil de tous ses projets. Mais l’impétuosité française fit échouer toutes les précautions de la prudence: à peine les Anglais eurent fait quelques mouvemens pour s’approcher du rivage, qu’on se hâta de découvrir le piège où il devait être pris. Au feu brusque et précipité qu’on fit sur leurs chaloupes, et plus encore, à l’empressement qu’on eut de déranger les branches d’arbres qui masquaient des forces qu’on avait tant d’intérêt à cacher, ils devinèrent le péril où ils allaient se jetter. Dès ce moment, revenant sur leurs pas, ils ne virent plus d’endroit pour descendre qu’un seul rocher, qui même avait paru jusqu’alors inaccessible. Le brigadier général Wolfe, quoique fortement occupé du soin de faire rembarquer ses troupes, fit signe an major Scott de s’y rendre.
Cet officier s’y porta aussitôt avec les soldats qu’il commandait. Sa chaloupe étant arrivée la première, et s’étant enfoncée dans le moment qu’il mettait pied à terre, il grimpa tout seul sur les rochers; il espérait trouver cent des siens, qu’on y avait envoyés depuis quelques heures; il n’y en avait que dix. Avec ce petit nombre, il ne laissa pas de gagner le haut des rochers. Soixante Français et dix sauvages lui tuent deux hommes, et lui en blessent trois mortellement. Malgré sa faiblesse, il se soutint dans ce poste important, à la faveur d’un épais taillis. Enfin, ses intrépides compatriotes, bravant le courroux de la mer et le feu du canon, pour le joindre, achèvent de le rendre maître de la seule position qui pouvait leur assurer leur descente.
Dès que les français virent l’assaillant solidement établi sur le rivage, ils prirent l’unique parti qui leur restait, celui de s’enfermer dans les murs de Louisbourg. Les fortifications de cette ville étaient défectueuses, par ce que le sable de la mer, dont on avait été obligé de se servir pour leur construction, ne convient nullement aux ouvrages de maçonnerie. Les revêtemens des différentes courtines étaient entièrement écroulés. Il n’y avait qu’une casemate et un petit magazin à l’abri des bombes. La garnison qui devait défendre la place n’était que d’environ trois mille hommes, non compris les soldats de marine.
Malgré tant de disavantages, les assiégés se déterminèrent à la plus opiniâtre résistance. Pendant qu’ils se défendaient avec cette fermeté, les grands secours qu’on leur faisait espérer du Canada pouvaient arriver. A tout événement, ils préserveraient cette grande colonie de toute invasion pour le reste de la campagne. Qui croirait que tant de résolution fut soutenue par le courage d’une femme? Madame de Drucourt, continuellement sur les ramparts, la bourse à la main, tirant elle-même, trois coups de canon par jour, semblait disputer au gouverneur, son mari, la gloire de ses fonctions. Rien ne décourageait les assiégés, ni le mauvais succès des sorties qu’ils tentèrent à plusieurs reprises, ni l’habileté des opérations concertées par l’amiral Boscawen et le major général Amherst. Ce ne fut qu’à la veille d’un assaut impossible à soutenir qu’on parla de se rendre. Dans la capitulation de Louisbourg furent comprises toute l’île du Cap Breton et celle de St. Jean. La garnison de Louisbourg devait être prisonnière de guerre, et transportée en Angleterre. Cette garnison, était d’un peu plus de cinq mille hommes, y compris les matelots et soldats de marine, suivant Jefferys, qui donne au long le détail, ou plutôt le journal de ce siège; mais il y en avait une grande partie de blessés ou de malades. Sa perte en tués n’était pas très considérable. Celle des assiégeans, suivant le même Jefferys, fut de moins de deux cents hommes tués, et d’environ trois cinquante blessés. Ils trouvèrent dans la ville une quantité considérable d’artillerie, de munitions et d’effets militaires de toutes sortes, et se rendirent maîtres de cinq ou six vaisseaux de ligne et de plusieurs autres bâtimens de guerre.
Le gouverneur de l’île St. Jean, qui ne se croyait pas lié par la capitulation de Louisbourg, fit d’abord quelque résistance, dans le fort qui la défendait; mais il se rendit ensuite au lieutenant colonel Rollo, par une nouvelle capitulation, en vertu de laquelle les habitans de l’île devaient remettre leurs armes au commandant anglais, et être ensuite transportés en France, aux frais de l’Angleterre. Ces habitans, la plupart Acadiens réfugiés, étaient, suivant l’écrivain que nous venons de citer, au nombre de plus de quatre mille, répartis en différents endroits de l’île. Ils y vivaient presque tous dans l’aisance, et plusieurs récoltaient jusqu’à douze cents minots de bled par année. Ils avaient eu le bon esprit de s’adonner à l’éducation du bétail, et le nombre de leurs bêtes à cornes était de plus de dix mille. Depuis le commencement de la guerre, Québec était un marché sûr pour le surplus de leurs grains et de leurs viandes de boucherie, et la perte de l’île St. Jean ne contribua pas peu à augmenter la disette de vivres en Canada. Les habitans de St. Jean furent embarqués pour France, sur des vaisseaux anglais, suivant la capitulation; mais une grande partie périrent par naufrage, dans la traversée.
(A continuer.)
Il n’y avait encore aucun établissement européen dans la Floride, lorsque l’amiral de Coligny forma le dessein d’y établir une colonie toute composée de gens de sa religion (le calvinisme) Charles IX le laissa le maître d’user de toute l’étendue du pouvoir que sa charge lui donnait; et les Français auraient pu réussir, si, moins attachés à découvrir des mines d’or qui n’ont jamais existé dans cette contrée, il avaient eu principalement en vue de profiter des richesses naturelles d’un pays fertile et couvert d’une multitude d’animaux, dont les fourrures précieuses pouvaient former une branche considérable de commerce.
Outre le désir de trouver de l’or, qui fut toujours le premier motif des aventuriers qui allèrent dans le Nouveau-Monde, il paraît que d’autres vues contribuèrent à déterminer la cour de France à envoyer une colonie à la Floride. Les protestans s’étaient beaucoup multipliés dans le royaume, et l’on croyait devoir redouter des gens qui, par leurs principes de religion, semblaient naturellement portés à l’indépendance. On jugea donc qu’il était avantageux d’éloigner ceux qu’on regardait comme des ennemis domestiques, et l’on fut charmé qu’ils prissent d’eux-mêmes le parti de s’expatrier.
Le capitaine Ribaut, homme d’expérience, zélé calviniste fut choisi pour le chef de cette émigration. Il partit de Dieppe avec deux vaisseaux, et arrivé la à Floride, il vint prendre terre à l’embouchure d’une rivière qu’il appella rivière de Mai, du nom du mois où il la découvrit. Il éleva sur ses rives une forteresse qu’il appella Charles-Fort, du nom du roi Charles IX, alors régnant en France. Il éleva ensuite une petite colonne de pierre, sur laquelle il fit graver les armes de France. Il prit ainsi possession du pays au nom du roi, continua sa route, donnant le nom de nos principales rivières à toutes celles qu’il rencontrait, et traça dans une île un petit fort qui fut bientôt en état de loger tout son monde. Il ne pouvait le placer mieux, les campagnes des environs étaient belles et riantes, le terrain fertile, coupé par plusieurs rivières abondantes en poisson, et les bois remplis de gibier. Les lentisques y répandaient l’odeur la plus suave, et les sauvages de ces cantons étaient les plus sociables de l’Amérique.
Ribaut, fort satisfait de son établissement, retourna en France, pour y chercher un nouveau renfort; mais malheureusement, ce renfort n’arriva point, et la colonie se trouva réduite à la dernière extrémité. Le chef représenta vivement à sa petite troupe les maux qu’elle avait à craindre dans le dénuement où elle était réduite, et il fut conclu d’une voix unanime, que, sans perdre un seul jour, on construirait un bâtiment, et qu’on retournerait incessamment en Europe. Mais comment exécuter ce projet sans constructeurs, sans voiles, sans cordages et sans agrès? La nécessité, quand elle est extrême, ôte la vue des difficultés. Chacun mit la main à l’œuvre; des gens qui de leur vie n’avaient manié ni hache ni outil, devinrent autant de charpentiers et de forgerons. La mousse et une espèce de filasse qui croît sur les arbres de cette partie de la Floride, servirent d’étouppe pour calfater le bâtiment; chacun donna ses chemises et les draps de son lit pour faire des voiles. On fit des cordages avec l’écorce des arbres, et en peu de temps, le navire fut achevé et lance à l’eau. La même confiance qui en avait fait entreprendre la construction sans matériaux et sans ouvriers, fit affronter tous les périls de la navigation, avec très peu de provisions et point de matelots. Ils n’étaient pas encore loin en mer, lorsqu’ils furent arrêtés par un calme opiniâtre, qui leur fit consommer le peu de vivres qu’ils avaient embarqués. La portion fut bientôt réduite à douze ou quinze grains de maïs par jour. Cette modique ration ne dura pas même longtems. L’eau douce manqua aussi tout-à-fait.
D’un autre côté, le bâtiment faisait eau de toutes parts, et l’équipage, épuisé par la faim, était peu en état de travailler à la pompe. Dans cette affreuse situation, quelqu’un s’avisa de dire qu’un seul pouvait sauver la vie à tous les autres, en sacrifiant la sienne. Cette barbare proposition ne fut pas rejettée avec horreur; et l’on allait s’en remettre au sort pour le choix de la victime, lorsqu’un soldat nommé Lachau, déclara qu’il voulait bien avancer sa mort pour retarder celle de ses camarades. Il fut pris au mot, et on l’égorgea sur le champ sans qu’il fit la moindre résistante. Tous ces infortunés auraient péri de la sorte, les uns après les autres, si bientôt après, ou n’eût apperçu la terre, et ensuite un vaisseau qui approchait. Ils en reçurent des secours dont ils avaient le plus grand besoin, et ils apprirent que la guerre civile, rallumée en France plus vivement que jamais, avait empêché l’amiral de Coligny de s’occuper de la Floride; mais qu’après la paix qui venait de se conclure, il allait apporter tous ses soins au soutien de cet établissement.
En effet, le capitaine Ribaut fit un second voyage avec beaucoup plus de monde que la premiere fois. Ce furent autant de victimes, que les Espagnols sacrifièrent à leur haine et à leur ambition. Ils se regardaient comme les seuls souverains du pays, et ne pouvaient souffrir que des Français, et moins encore des calvinistes, entreprissent de s’y établir. Cependant, comme les deux nations étaient alors en paix, Ribaut ne fit aucune difficulté de se fier au commandant espagnol, qui avait donné sa parole d’honneur de ne lui causer aucune inquiétude; mais ce dernier s’appuyant sans doute sur ce principe abominable qu’on ne doit point de foi à des hérétiques, les fit tous mourir. On en pendit quelques uns, avec un écriteau portant que ce n’était pas comme Français qu’ils avaient reçu ce châtiment, mais comme calvinistes, ennemis de la foi.
Le capitaine Ribaut, qui ne fut pas compris dans cette exécution, demanda à parler au commandant, pour savoir de lui la raison d’un traitement si contraire à ce qu’on lui avait promis. On lui répondit que cet officier n’était pas visible. Un moment après, un simple soldat vint trouver le commandant français, et lui dit: N’avez-vous pas toujours prétendu que ceux qui étaient sous vos ordres vous obéissent ponctuellement? Sans doute, répliqua Ribaut, qui ne savait ou tendait ce discours.—Eh bien, reprit le soldat, ne trouvez pas étrange que j’exécute aussi l’ordre de celui qui me commande, et en achevant ces mots, il lui enfonça un poignard dans le cœur; ensuite on lui coupa la barbe, que le commandant espagnol envoya à Seville comme une marque de sa victoire.
A la nouvelle de cet attentat, toute la France ne respira que vengeance. Un gentilhomme gascon, nommé de Gourgues, se dévoua à l’honneur de sa patrie, et dans cette vue, vendit tout son bien, puisa dans la bourse de ses amis, fit choix de gens de bonne volonté, et partit à la tête d’une petite escadre, pour se liguer avec les Floridiens contre les Espagnols. Son projet réussit. Gourgues trouva le moyen de se rendre maître d’un fort qui réunissait tous les ennemis; et après le pillage, il fit conduire les prisonniers au même lieu où les Français avaient été massacrés. Il leur reprocha leur cruauté, leur perfidie, la violation de leur serment; et les livrant aux bourreaux, il les fit pendre à ses yeux, avec cette inscription plantée au milieu de la place: “Je ne fais ceci comme à Espagnols, mais comme à traîtres, voleurs et meurtriers.” Cette expédition terminée, qui eût été sans doute plus glorieuse, s’il y eût mis plus de modération, Gourgues revint en France, où il mourut avec la réputation d’un des plus grands capitaines de son siècle.
Beautés de l’Histoire des Etats-Unis.
A l’entrée de la baie du Roi Georges, découverte par Cook, est l’île de Noutka. Ce pays est couvert de collines escarpées, garnies de bois épais. Les côtes sont aussi boisées. Il y a beaucoup de petites rivières qui paraissent ne devoir leur origine qu’aux nuages, aux brouillards qui se promènent sur les collines, et aux neiges qui les couvrent. On y trouve des fraisiers, des groseilliers, des framboisiers, des aunes noirs, des renoncules, et un grand nombre de mousses et de fougères. Les bois y sont peuplés d’ours, de loups, de renards, de daims, de martres et d’écureuils.
Les naturels du pays sont de la taille ordinaire. Ils ont le corps arrondi, sans être musculeux; les vieillards seuls sont maigres. Leur visage est rond et plein, quelquefois large. Ils ont des joues poéminentes, souvent applaties subitement, vers les tempes: leur nez, applati à sa base, présente de larges narines et une pointe arrondie. Leur front est bas; leurs yeux petits, noirs, moins vifs que languissants; leurs lèvres larges épaisses, arrondies; leurs dents assez égales et bien rangées. Ils manquent absolument de barbe: quelques uns cependant en ont une petite touffe à l’extrémité du menton. Les vieillards ont une barbe épaisse sur le menton, et même des moustaches. Il ont beaucoup de cheveux, qui sont durs et forts, noirs et lisses, flottants sur leurs épaules. Ils n’ont rien d’agréable dans la forme du corps: leurs grands pieds sont d’une vilaine forme, et leurs chevilles très saillantes. Leur corps, incrusté de peinture, ne peut laisser deviner la couleur de leur teint. Ceux qui sont nétoyés ont presque la blancheur des Européens. Leur physionomie est, en général, uniforme et sans expression.
Les femmes ont à peu près, la même taille, les mêmes traits que les hommes, et il n’est pas facile de les distinguer.
L’habillement commun aux deux sexes, consiste en un manteau de lin, garni dans le haut d’une bande étroite de fourrure, et dans le bas, de franges ou de glands: il passe sous le bras gauche, est a taché sur le devant de l’épaule droite, par un cordon, et assujéti par un autre cordon, sur le derrière; les deux bras sont en liberté, et il laisse le côté droit ouvert; mais il est quelquefois ceint d’une bande de natte ou de poils. Par-dessus ce manteau, qui descend jusqu’aux genoux, est un autre petit manteau de la même étoffe, garni de franges, qui ressemble à un plat rond, ouvert au milieu, et au travers duquel on pourrait passer la tête. Leur tête est couverte d’un chapeau fait en cône tronqué, d’une belle natte. Une houppe arrondie, ou une touffe de glands de cuir, le décore souvent au sommet. Les hommes ont ordinairement une peau d’ours, de loup, de loutre de mer, dont les poils sont en-dehors, attachée comme un manteau, quelquefois sur le devant du corps, quelquefois sur le derrière. Leur vêtement est commode et ne manque pas d’élégance, quand il est propre; mais il l’est rarement. Leur corps est toujours barbouillé d’une graisse rance, et leur tète, comme leur vêtement, est garnie de vermine.
Quelquefois, ils se peignent le visage de noir, de rouge et de blanc, et alors ils sont affreux. A leurs oreilles percées sont suspendues des morceaux d’os, des plumes, de petits coquillages, des faisceaux de poils, ou des morceaux de cuivre. Plusieurs ont la cloison du nez percée, et ils y suspendent les mêmes objets qu’aux oreilles. Leurs poignets sont garnis de bracelets ou de grains blancs, ou de petites lanières de cuir, ornées de grains blancs. La cheville de leurs pieds est souvent couverte de bandes de cuir ou de nerfs de peaux d’animaux.
Dans les visites de cérémonies, ou lorsqu’ils vont à la guerre, ils ont des peaux d’ours et de loup garnies de bandes de fourrures. Leur tète est chargée de plumes grandes ou petites, et couverte d’un cône d’osier ou d’écorce battue. Leur visage est barbouillé de couleurs mêlées à de la graisse ou du suif, et qui forment différentes figures. Quelquefois, leur chevelure est divisée en paquets liés par derrière, et ornée de rameaux de cyprès. Ils se couvent aussi le visage d’une multitude de masques de bois sculpté, représentant des têtes d’hommes, d’aigles, de loups, de marsouins, ou d’autres animaux, et les font dominer par des morceaux de sculpture taillés comme la proue d’une pirogue peinte.
Le seul habit qu’ils ne portent qu’à la guerre, est un manteau de cuir double et très épais, qui couvre la poitrine et le cou, et s’étend jusqu’aux talens, orné de compartimens agréables, et qui est assez fort pour résister aux traits et aux piques, c’est une cotte de mailles complète. Quand ils vont se battre, ils portent encore un manteau de cuir revêtu de sabots de daim suspendus à des lanières de cuir couvertes de plumes. Dès qu’ils se remuent, ce manteau fuit un bruit semblable à celui d’une multitude de clochettes.
Ces sauvages sont d’un caractère indolent et paisible; ils ne manquent ni de docilité ni de bonté, et ont une sorte de politesse naturelle: il ne sont cruels qu’envers leurs ennemis. Ils sont paresseux, aiment la musique, et la leur est grave, mais touchante; elle est expressive, cadencée et d’un effet agréable. Un grelot, et un petit sifflet, sont leurs seuls instrumens.
Les maisons qui composent leurs bourgades, sont dispersées sur trois lignes qui s’élèvent par degrés l’une au-dessus de l’autre: les plus grandes sont sur le devant: de grandes rues séparent les lignes. Leurs maisons sont, à peu de chose près, faites comme celles des autres sauvages du nord. Les planchers qui forment leurs toits peuvent s’écarter quand il fait beau temps, et se rejoindre, quand il tombe de la pluie. Il n’y a point de portes; un espace ouvert, haut de deux pieds, y sert d’entrée. Un petit banc de planches, couvert de nattes, sert de siège et de lit à toute la famille.
Cas cabanes exhalent une puanteur insupportable; ils y sèchent, ils y vident leurs poissons. Leurs entrailles mêlées aux restes des repas, offrent des tas d’ordures qui ne s’enlèvent jamais. Elles sont cependant ornées de statues, faites de blocs de troncs d’arbres sculptés grossièrement, offrant une figure d’homme et des bras peints.
A Noutka, les hommes ne témoignent aux femmes ni égards ni tendresse. La vie de celles-ci est très laborieuse; mais les jeunes gens y sont surtout oisifs et indolents; ils se vautrent au soleil, et se roulent sur le sable, toute la journée. Les filles s’y conduisent avec la plus grande décence.
Les pêcheries ne les tentaient guère plus (les Canadiens) que les manufactures. La seule qui fût un objet d’exportation était celle du loup-marin. Cet animal a été rangé parmi les poissons, quoiqu’il ne soit pas muet, et que né constamment à terre, il y vive plus communément que dans l’eau. Sa tête approche un peu de celle du dogue; il a quatre pattes fort courtes, surtout celles de derrière, qui lui servent plutôt à ramper qu’à marcher. Aussi sont-elles en forme de nageoire, tandis que celles de devant ont des ongles. Il a la peau dure, et couverte d’un poil ras. Il nait blanc; mais il devient roux ou noir en croissant. Quelquefois, il réunit les trois couleurs.
On distingue deux sortes de loup-marin. Ceux de la plus grosse espèce pèsent jusqu’à deux mille livres, et semblent avoir le nez plus pointu que les autres. Les plus petits, dont la peau est communément tigrée, sont plus vifs, plus adroits à se tirer des pièges qu’on leur tend. Les sauvages les apprivoisent jusqu’à s’en faire suivre.
C’est sur les rochers, et quelquefois sur la glace, que les uns et les autres s’accouplent, et que les mères font leurs petits. Leur portée ordinaire est de deux; elles les alaitent souvent dans l’eau, mais souvent à terre. Quand elles veulent les accoutumer à nager, elles les portent, dit-on, sur le dos, les laissent aller de temps en temps dans l’eau, puis les reprennent, et continuent ce manège jusqu’à ce qu’ils soient en état de braver seuls les flots. La plupart des petits oiseaux voltigent de branche en branche avant de voler dans l’air: l’aigle porte ses aiglons pour les accoutumer à défier les vents; est-il surprenant que le loup-marin, né sur la terre, exerce ses petits à vivre dans l’eau?
On ne pêche cet amphibie qu’à Labrador. Les Canadiens se rendent à cette glaciale et presque inhabitable côte, vers le milieu d’octobre, et y séjournent jusqu’au commencement de juin. C’est entre le continent et quelques petites îles peu éloignées, qu’ils tendent leurs filets. Les loups-marins qui viennent ordinairement de l’Est, et en grandes bandes, veulent passer ces espèces de détroits, et s’y trouvent pris. Portés à terre, ils y restent gelés jusqu’au mois de mai. Alors on les jette dans une chaudière ardente, d’où leur graisse coule dans un autre vase, où elle se refroidit. Sept ou huit de ces animaux donnent une barrique d’huile.
La peau des loups-marins servit originairement à faire des manchons. On l’employa depuis à couvrir des meubles, à faire des souliers et des bottines. Lorsqu’elle est bien tannée, elle a presque le même grain que le maroquin, Si d’une part, elle est moins fine, de l’autre, elle conserve plus longtems sa fraicheur.
On convient généralement que la chair du loup-marin n’est pas mauvaise; mais on gagne davantage à la réduire en huile. Elle est longtems claire: elle n’a point d’odeur; elle ne laisse point de lie; elle sert à brûler, ou bien à préparer des cuirs.
Le Canada envoyait annuellement à la pêche du loup-marin cinq ou six petits bâtimens, et en retirait pour le commerce environ 250,000 livres d’huile.
Raynal.
Vers l’an 1750, on fit, à Naples, la découverte d’une lumière perpétuelle. Le prince de Sansévero travaillant à un procédé chimique; il ouvrit, à une heure après minuit, quatre cucurbites de verre: en voulant les examiner un peu de trop près avec une bougie, la matière contenue dans l’un de ces vases prit sur le champ, et donna une flamme très vive. Il enleva promptement ce vase de la table sur laquelle il était posé, et laissa brûler pendant six heures la matière qu’il renfermait. La flamme, au bout de ce temps, s’étant trouvée aussi belle, et toute aussi forte qu’au premier instant, il l’étouffa en couvrant le verre, qui en avait à peine contracté une chaleur sensible. Le lendemain, il voulut inutilement rallumer cette matière, dont le poids n’était pas diminué: il en mit dans un tuyau de verre, et y enfonça une mèche; il ne put parvenir à lui faire prendre feu, qu’après y avoir ajouté un quart d’once de la même matière. La flamme qu’elle produisait était plus faible que celle d’une lampe ordinaire; elle allumait une bougie, et brulait la main, quand on la tenait élevée de quatre pouces au dessus; sa fumée noircissait le papier à la même distance; en lisait auprès, sans peine, l’écriture la plus menue; la moindre inclinaison du tuyau la faisait trembler de façon qu’elle menaçait de s’éteindre: mais étant bien perpendiculaire, elle formait un cône parfait. Elle a brûlé de cette manière pendant six mois, sans mouvement, sans aucun changement peur la clarté, et sans diminution du poids de la matière. Le prince de Sansévero, pour mieux examiner la nature de cette flamme, fit faire autour une grande lanterne carrée, à laquelle il essaya de mettre un couvercle: la flamme aussitôt devint tremblante, et fut toute prête à s’éteindre; il fit faire à différentes hauteurs des trous aux parois de la lanterne; chaque fois, il observa que la flamme cessait d’être perpendiculaire, et qu’elle dirigeait sa pointe vers le trou qui l’ittiraît, jusqu’à faire un angle droit avec sa mèche. Dès qu’on enlevait la lanterne, elle reprenait la direction perpendiculaire. Cette découverte peut justifier la perpétuité des lampes sépulchrales, que des savans ont traitée de fable.
Il faut, si l’on veut hâter les progès des sciences, ne pas accoutumer de bonne heure les jeunes personnes à l’erreur, et refaire presque tous les livres élémentaires. On trouve, par exemple, dans presque tous les élémens de géographie et d’astronomie, qu’il y a sept planètes; mais cela n’est pas vrai, même depuis la découverte de la planète d’Herschell, (Uranus), dans la manière dont on les compte. Le soleil et la lune ne sont pas des planètes: le soleil n’est ni opaque ni en mouvement comme elles; il est l’astre autour duquel tournent les sept planètes mais nombrées tout différemment, savoir en mettant la terre et Herschell au lieu du soleil et de la lune. La lune est une simple satellite qui tourne autour de la terre: celle-ci est bien réellement une planète, oubliée dans l’ancienne énumération de sept, comme on y a aussi oublié les satellites de Jupiter et de Saturne. Au lieu de confondre ainsi toutes les idées, en désignant par le même nom des astres dont la fonction et la nature sont très différentes, il fallait dire que le soleil est un astre lumineux, autour duquel tournent les sept planètes, en y comprenant la terre et Herschell; et n’y comptant pas la lune.
La Gazette de Tiflis publie les détails suivants sur l’expédition scientifique du Caucase:—
“Notre expédition partit le 26 juin des eaux chaudes minérales pour l’Elborouss, sous le commandement du général de cavalerie Emmanuel en personne; elle était accompagnée de MM. Kupfer, minéralogue, Ménéthrié, zoologue, conservateur du Musée de l’Académie des Sciences de Saint-Petersbourg, Lentz, professeur adjoint de physique, Meyer, botaniste de Dorpat, et Vansovitch, employé des mines attaché à l’usine de Lougansk.
“Après avoir surmonté toutes les difficultés que nous présentait la route, nous arrivâmes le 8 juillet au pied de l’Elborouss, et campâmes sur la rivière de Malka. Les bagages avaient été laissés à 15 verstes de l’Elborouss; une pièce de canon fut amenée jusqu’à 8 verstes du camp. L’escarpement des montées et des descentes et le peu de largeur des sentiers tracés le long des flancs rapides des montagnes ne permettaient pas d’avancer plus loin autrement qu’à pied ou à cheval à la légère; mais sur toute la route, nous n’avons rencontré nulle part ni les marais impracticables, ni en général, les obstacles naturels qui, au dire de Klaproth et autres voyageurs, défendent les approches de l’Elborouss.
“Le tems ne nous était pas favorable; des brouillards et des pluies continuelles rendaient notre marche très pénible. Arrivés au pied de l’Elborouss, nous nous proposions d’attendre le beau tems; mais, à notre grande satisfaction, le ciel s’éclaircit le lendemain matin, et les deux cimes de l’Elborouss nous apparurent dans toute leur majesté.
“MM. les académiciens résolurent de profiter de ce tems si favorable à leur entreprise. Nous nous empressâmes de les munir de tout ce qui était nécessaire pour cette marche difficile; c’est-à-dire de pieux, de cordes, &c. Ils eurent une escorte de quelques Circassiens et de volontaires pris parmi les Cosaques. Ils partirent du camp à neuf heures du matin, et ce n’est que vers le soir qu’ils atteignirent les premières neiges, où ils se disposèrent à passer la nuit, après avoir monté environ 8 verstes. Le lendemain 10, ils se remirent en marche à trois heures du matin. La gelée les favorisa beaucoup, et ils avançaient avec assez de succès; mais leur marche devenait de plus en plus pénible car la neige, commençant à fondre, s’enfonçait sous leurs pieds. Ils furent obligés de faire de fréquentes haltes, et se partagèrent en petites divisions. Restés dans le camp, nous observions avec la plus grande curiosité la marche de nos voyageurs. Vers neuf heures du matin, ils avaient gravi à plus de la moitié de la montagne, et s’arrêtèrent pour se reposer derrière des rochers, qui les dérobèrent entièrement à notre vue. Une heure après un seul homme parut au-delà des rochers, s’avançant d’un pas assez ferme et mesuré vers la cime de l’Elborouss. C’est en vain que nous nous attendions à le voir suivi par d’autres voyageurs; personne ne parut, et, au contraire, plusieurs d’entr’eux commencèrent à redescendre. Tous les regards se fixèrent sur celui qui accomplissait une entreprise aussi hardie. Se reposant à tous les cinq ou six pas, il avançait audacieusement; tout près du sommet, il disparut entre les rochers. Les spectateurs attendirent longtems son apparition avec intérêt et impatience; vers 11 heures, on le vit tout-à-coup sur la cime elle-même de l’Elborouss. Une salve de mousqueterie, la musique, les chants et les acclamations de joie firent retentir les airs à cette vue. Nous restâmes jusqu’au soir dans l’incertitude de savoir quel était celui qui le premier d’entre les mortels eût escaladé la plus haute des montagnes du Caucase, considérée jusqu’à ce jour comme inaccessible. Au retour des voyageurs, nous apprîmes que l’audacieux, qui avait osé tenter l’ascension de l’Elborouss, et qui en avait prouvé la possibilité, était un Kabardien, ancien pâtre, nommé Kiliar, homme contrefait et boiteux. Il a reçu en récompense le prix de 400 roubles et 5 archines de drap, qui avait été proposé par le général Emmanuel.
“L’un des académiciens, M. Lentz, est parvenu à une hauteur de 15,200 pieds. L’élévation totale de l’Elborouss au-dessus du niveau de l’Océan Atlantique est évaluée à 16,800 pieds, c’est-à-dire, à près de 5 verstes en ligne verticale.
“Nous avons vu dans les environs de notre camp, au pied de l’Elborouss, de belles chutes d’eau de plusieurs rivières; la plus belle est sans contredit celle formée par la rivière de Malka; elle tombe avec un bruit incroyable, d’une hauteur perpendiculaire de près de 20 sajenes; on n’aperçoit pas le courant de l’eau, mais les vagues se précipitent en masses isolées et l’une après l’autre. A environ 5 sajenes au-dessus de cette cataracte se trouve un pont naturel en pierre, couvert d’herbe, et c’est ici que passe la route qui conduit, dans le Karatchaieff et les montagnes. En général les sites de cette contrée sont fort beaux.
“On a trouvé dans les montagnes, pendant notre marche, du plomb, beaucoup de houille, et du gypse, du porphyre, du jaspe, des conglomérations, &c.; toute la chaine du Caucase est granitique.”
M. le docteur Cherwin fait hommage à l’Académie d’une brochure dans laquelle il combat les opinions de M. Lassis sur la fièvre jaune, et en particulier sur l’épidémie de Gibraltar. Ce dernier médecin ne croit pas à l’existence de la fièvre jaune comme maladie spéciale, et il regarde tout au moins comme inutile l’émigration des habitans d’une ville en proie à cette épidémie. M. Cherwin, au contraire, croit qu’il est avantageux de quitter le foyer de l’infection; il insiste sur les dangers de toute mesure contraire, et cite ce qui s’est passé dernièrement à Gibraltar à l’appui de son opinion.
M. Bobineau Desvoidy adresse plusieurs observations d’histoire naturelle. L’une d’elles a trait à une variété de vipère connue dans le pays de l’auteur sous le nom de vipère rouge. Sur une femelle de cette espèce qu’il destinait à quelque expérience, il remarqua que l’abdomen était singulièrement développé. Il l’ouvrit, et y trouva trois mille petits à différents degrés de grosseur. Personne jusqu’à présent n’avait noté une aussi effrayante fécondité chez ce dangereux reptile. L’auteur a poursuivi ses recherches, mais rien de semblable ne s’est plus offert à lui. Il est vrai que ses observations ultérieures out été faites sur la variété commune. Il est par-là porté à croire que le vipère rouge est une espèce distincte, et cette conséquence est encore confirmée, à ses yeux, par la malignité plus grande des morsures de cette vipère.
M. Bourden envoie le premier volume manuscrit d’une Physiologie comparée qu’il se propose de publier. Il le soumet à l’examen de la section de médecine, comme un titre qui lui permettrait d’aspirer à ses suffrages, dans le cas où elle croirait devoir inscrire des médecins physiologistes sur la liste des candidats à la place vacante. Il rappelle ses autres travaux, et notamment son traité de physiologie médicale.
M. Boyer a fait un rapport favorable sur un instrument imaginé par M. Baudeloque, neveu. Cet instrument, destiné à remplacer tous les instrumens aigus et tranchans dont on s’est servi jusqu’ici dans la pratique des accouchemens les plus difficiles, a pour effet, en broyant, en un instant, la tête de l’enfant mort pendant le travail de l’accouchement, d’en diminuer le volume, à tel point, qu’elle peut ensuite traverser le bassin le plus mal conformé: il a déjà été employé avec succès par son inventeur. Le rapporteur ne dissimule aucun des inconvéniens de ce procédé; il le croit préférable à ceux qu’on a employés jusqu’ici. L’Académie approuve les conclusions de ce rapport.
M. Brongniart rend le compte le plus favorable d’un travail intitulé: Recherches sur quelques Revolutions du Globe terrestre. L’auteur de ce mémoire est M. Elie de Beaumont, ingénieur des mines. Le tems n’est pas encore bien éloigné, où l’on décorait du nom de géologie, quelques hypothèses brillantes sur la cause des boulversemens dont notre globe offre d’irrécusables témoignages. Après avoir tenté vainement de deviner la nature, on s’est décidé à l’étudier, et alors une géologie nouvelle, une véritable science a pris naissance et s’est montrée digne d’intéresser les esprits bien faits par ses résultats.
Un des principaux auteurs de cet heureux changement, le célèbre Werner, par une étude attentive des roches et de leur superposition, a pu le premier déterminer l’ordre chronologique de la formation des terrains. Depuis, les dépouilles fossiles du règne animal, ont fourni aux savans français en quelque sorte un nouveau chronomètre géologique, et ont permis d’assigner l’âge relatif des terrains modernes. Les principes de la science paraissent désormais fixés; mais quelques anomalies d’abord peu nombreuses, se sont ensuite multipliées, et l’on a dû en chercher une nouvelle explication. C’est ainsi qu’on a vu le granite, regardé comme le plus ancien des terrains, recouvrir des schistes qui contiennent des restes organiques. Les Alpes offrent des couches verticales dont on ne peut contester l’identité, avec des couches que l’on retrouve horizontales dans les pays plats, et qui ont été formées au sein des eaux. Il parait donc naturel d’admettre que la formation de ces montagnes a eu lieu parle soulèvement du granite qui a redressé les couches qui le recouvraient et qui même quelquefois les a recouvertes. Mais il restait à déterminer, en comparant la nature et la direction des couches ainsi soulevées, si toutes les chaînes de montagnes devaient leur naissance au même phénomène, si cette grande révolution ne s’était pas répétée à plusieurs reprises avec des circonstances différentes. C’est la solution de toutes ces questions que M. Elie de Beaumont s’est proposée, et qu’il a donnée avec une masse de preuves qui ont paru convaincantes à la commission.
Ce géologue admet trois époques dans la formation des montagnes. La première révolution a consisté dans le redressement des couches analogues aux montagnes du Jura. Le seconde a formé les Pyrénées et les Apennins. La plus moderne qui a été aussi la plus forte a donné naissance aux Alpes, et a porté a plus de trois mille mètres l’élévation des terrains tertiaires qui contiennent des fossiles organiques. M. Brongniart termine en demandant l’insertion de ce Mémoire dans le recueil des savans étrangers. Les conclusions du rapport sont adoptées.
Grammaire de la langue grecque et de ses différents dialectes, présentée dans un ordre analytique et synoptique, par A. Gerfaux, Paris, chez Kilian, libraire, rue de Choiseul, No. 3.
Parmi les écrits philologiques récemment publiés, peu méritent d’obtenir un succès aussi général que cette grammaire synoptique. Composée dans le but spécial de montrer le véritable génie de l’idiôme des anciens Hellènes, elle peut encore servir à indiquer une nouvelle voie dans l’étude des langues mortes. C’est une sorte de compromis entre la méthode d’enseignement de l’Université, et une méthode plus en rapport avec l’esprit d’analyse qui se fait remarquer dans les Facultés des Sciences.
En effet, les personnes étrangères aux progrès des connaissances humaines ne sauraient s’imaginer combien la méthode d’analyse et d’analogie peut être favorable à l’étude. Si d’un côté la mémoire aide le raisonnement, il est certain que le raisonnement fortifie considérablement la mémoire.
Si l’homme, si l’enfant même est un être raisonnable, pourquoi se refuserait-on à raisonner avec lui dans cette hypothèse, sauf à en rabattre, plus ou moins? Et pour l’enfant comme pour l’homme fait, n’est-il pas plus concluant, plus satisfaisant d’avoir la raison démonstrative des choses, que de s’occuper sans cesse à deviner des égnimes, ce qui est un peu long lorsqu’on y passe huit ou dix ans de sa vie? Un professeur de l’Université de Paris, M. Pottier. a déjà cherché à prouver que la langue latine était fondée sur la raison et même sur les mathématiques; nous pouvons affirmer que le grec ne lui cède en rien à cet égard. Jamais cet idiôme harmonieux et riche ne nous a paru aussi raisonnable, ce qui ne peut rien gâter ici, que dans la Grammaire synoptique de M. Gerfaux. Est-ce à cet excellent ouvrage, ou à la langue elle-même, que nous devons ce résultat? C’est probablement à toutes deux. D’un autre côté, les amateurs d’études fortes ne peuvent qu’encourager un genre de travail bien rare de nos jours, où la science est souvent logée un peu à l’étroit. Cette grammaire de la langue grecque et de ses différents dialectes est certainement le travail qui présente le plus complètement et le plus méthodiquement en France le véritable état de la langue d’Homère et de Démosthène; la syntaxe ne renferme pas moins de sept cents exemples détachés dans une colonne séparée, les préceptes se trouvant dans la colonne en regard. Par la forme, les developpemens et l’exécution typographique, M. Gerfaux a montré qu’il sentait combien un idiôme si parfait dans ses détails comme dans son ensemble, demandait à être traité d’une manière large, simple et digne enfin de la plus belle langue parlée par le plus beau peuple du monde.
Journal des Débats.
Le Bic est borné au nord-est par le seigneurie de Rimouski, et au sud-ouest par celle de Nicholas Riou, appellée Baie de Ha! Ha! L’origine de ce nom, d’après ce que me disent les plus anciens habitans de Rimouski, est comme suit:—Quelques voyageurs, qui se trouvaient fatigués, désirant trouver un endroit où ils pussent passer la nuit, l’un d’eux qui avait plus de connaissances des environs que les autres, leur dit de patienter jusqu’à ce qu’ils fussent arrivés au bel endroit qu’il allait leur montrer. Lorsqu’ils y furent arrivés, ils s’écrièrent tous d’admiration: Ah! Ah!
Près de cet endroit est l’anse de Mocou, lieu charmant, à peu près à la moitié de la distance entre la baie de Ha! Ha! et le Bic. Le Cap à l’Orignal, dans le seigneurie du Bic, a environ 300 pieds d’élévation, du côté du fleuve, et au sud; mais, on peut y monter par d’autres endroits, au moyen des arbrisseaux qui croissent sur ses côtés. Au sud de ce cap, il y avait une maison et une assez grande quantité de terre en culture. Mais le propriétaire étant mort depuis longtems, le tout est allé en ruines. On y pourrait former une très belle ferme.
Lorsqu’on monte sur ce cap, on y jouit d’une vue agréable et étendue. Dans la baie du Bic, où il y a un groupe d’îles et presqu’îles; les maisons et les moulins qui se présentent à une certaine distance, tout concourt à la rendre charmante.
Parmi ces petites îles il y en a deux d’assez remarquables: la première que l’on nomme l’îlet à Massaire, a une caverne où l’on dit que 500 Micmacs ont été massacrés par les Malécites, il y a douze ans; on y a trouvé des os et autres restes humains. On peut traverser à l’autre à gué, dans les basses eaux. En montant sur les rochers qui s’y trouvent, on découvre une caverne de 150 pieds de profondeur. Quand on y est entré, on croit appercevoir dans le fond, un superbe tapis vert. J’y suis entré à différentes fois, et j’ai observé que plus il faisait chaud dehors, plus il y faisait froid.
On pêche dans tous les environs de ce cette baie et des îles qui s’y trouvent, et à l’embouchure des deux rivières qui s’y déchargent, du saumon d’une excellente qualité, et de grosses anguilles.
Trois-Pistoles, Novembre, 1829.
M. Chasseur vient d’ajouter à son cabinet une nouvelle rareté; c’est Le Harle, oiseau de l’espèce canarde et qui habite les régions les plus septentrionales de ce continent. Il a la tête du vert bigaré du serpent, avec un collier d’un noir éclatant qui descend jusqu’à la moitié du col, où il fait un contraste subit avec le restant du corps, qui est d’un beau rose crème. Les plumes des ailes sont noires, le bec et les pieds cramoisis. Après notre canard des bois, c’est probablement un des plus beaux de l’espèce: à la vérité nos variétés de canards sont innombrables, et on peut presque dire que par la beauté, l’élégance et l’éclat de leur plumage, ils rivalisent les oiseaux des tropiques.—Gaz. de Québec.
Mariés:—A Québec, le 12 décembre dernier, par M. l’archidiacre Mountain, Edouard Desbarats, écuyer, avocat, à Dlle E. Gravely.
A St. Jean Port-Joli, le 15, par Messire Boissonnault, W. Power, écr. avocat, de Québec, à Dlle Suzanne De Gaspé.
Décédés:—A Québec, M. Charles Blouin, depuis 30 ans messager du Conseil Législatif.
Au même lieu, le 22, Dlle Catherine Lebourdais, âgée de 12 ans.
A Montréal, le 26, à l’âge d’environ 70 ans; l’honorable Louis Charles Foucher, un des Juges de la Cour du Banc du Roi pour le district de Montréal.
Commissionnés:—M. Ed. Armstrong, Maître du Hâvre de Montréal; John Bruce, écr. Collecteur de Douannes au Port de Québec.
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Mis-spelled words and punctuation have been maintained except where obvious printer errors occur.
[The end of La Bibliothèque Canadienne, Tome IX, Numero 13, Janvier 1830. edited by Michel Bibaud]