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Title: La Bibliothèque Canadienne, Tome IX, Numero 12, Decembre 1829.
Date of first publication: 1829
Author: Michel Bibaud (1782-1857) (editor)
Date first posted: Jan. 23, 2022
Date last updated: Jan. 23, 2022
Faded Page eBook #20220125
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La Bibliothèque Canadienne
Tome IX. | 15 DECEMBRE 1829. | Numero XII. |
Comme il était difficile d’obtenir les provisions nécessaires pour la subsistance des troupes, M. Bigot proposa au gouvernement de nommer un commissaire général, qui serait chargé de faire venir des vivres de France, pour les troupes du roi. L’intendant recommanda M. Cadet comme propre à remplir cette charge importante, et ce dernier fut en effet nommé commissaire général, par provisions du 1er. Janvier 1757. Dès qu’il fut nommé, Bigot envoya aux garde-magasins l’ordre de remettre entre les mains des commis de Cadet un inventaire des provisions de bouche qu’il y avait dans leurs postes respectifs, et de n’en faire aucune distribution que par leur ordre, ou celui de l’officier commandant. Le commissaire général fut chargé de toutes les dépenses, excepté celle des bateaux, pour le transport des provisions, lesquels étaient fournis par le gouvernement. Il demanda un million de livres, et cette somme lui fut aussitôt remise entre les mains. Afin de se prévaloir le plus promptement et le plus profitablement possible de son nouvel emploi, il prit à son service comme commis, un individu qui avait été renvoyé de chez un marchand, pour conduite malhonnête.
L’approvisionnement des troupes, dans le gouvernement de Montréal, et dans les postes du pays d’en haut, fut confié à deux individus, dont, l’un prit le nom d’inspecteur, et l’autre de trésorier. Le premier fit la visite des différents postes, bien moins dans la vue du service du roi, que pour y avoir des gardes-magasins favorables à son but. Ceux de ces derniers qui lui parurent trop intègres furent renvoyés, pour faire place à des gens plus faciles et plus accommodants; et comme il était important d’être en bonne intelligence avec les commandans, il leur fut fait des présens en argent et en boissons. Comme le gouvernement était obligé de pourvoir ces postes de vivres et de liqueurs fortes, on avait soin de diminuer dans les comptes, la quantité qu’il y en avait, afin d’avoir l’occasion d’en demander davantage. Les garde-magasins ne parlaient jamais, dans leurs demandes, de ce qu’il leur en restait entre les mains, afin que ce qui serait demandé ensuite, en addition à l’approvisionnement ordinaire, et qui se trouvait à la disposition de l’inspecteur, pût être revendu à la couronne à un prix exhorbitant.—Quant à la fourniture d’habillemens pour les troupes et les milices, elle fut confiée à Péan, pour les postes d’en haut, avec l’autorité de prendre dans les magasins du roi, tout ce qu’il lui faudrait, et l’on peut croire qu’il sut tirer bon parti de son nouvel emploi.
Cependant les habitans de Québec souffraient de la rareté et de la cherté du pain, vu la difficulté de se procurer du bled, dans les campagnes, au prix de six livres le minot fixé par l’intendant. Cadet, qui savait qu’il y avait beaucoup de bled chez les cultivateurs, conseilla à l’intendant de le saisir; et celui-ci fit aussitôt sortir l’ordre de ne plus porter ni moudre de bled à aucun des moulins de la province. Un nombre de commis chargés de cet ordre furent envoyés dans les différentes seigneuries pour voir à ce qu’il fût exécuté, excepté pourtant chez ceux des seigneurs à l’égard desquels la compagnie dont nous avons déjà parlé désirait se montrer indulgente. Cet ordre mit bientôt en vente une grande quantité de bled. Cadet, le secrétaire de l’intendant, et plusieurs des commis envoyes avec lui dans les campagnes, y firent un énorme profit, en le revendant vingt-quatre livres le minot.
Malgré la prise de Beauséjour par les Anglais, la somme d’argent accordée aux Acadiens émigrés, sous le gouvernement de M. de la Galissonnière, continuait à leur être payée annuellement, et comme c’était une assez riche mine à exploiter, Bigot y envoya un garde-magazin, et Cadet un commis pourvu d’une grande quantité de marchandises sèches et autres effets. Le garde-magazin avait ordre de ne faire aucun commerce particulier, mais de prendre chez le commis de Cadet tout ce qui lui serait nécessaire, et de donner des reçus de ce qui lui serait fourni. Par ce moyen, le commis accapara pour le maître tout l’argent donné par la couronne aux Acadiens, sans parler de l’énorme profit fait sur la vente des marchandises. Afin de n’être point troublé dans un jeu aussi profitable, la compagnie ajouta d’elle-même aux appointemens du commandant du poste, et fit un traitement considérable au surveillant qui avait été accordé à la prière des Acadiens.
En conséquence de l’ordre envoyé de France à M. de Vaudreuil de défendre les frontières de la colonie, et d’agir sur l’offensive, quand il croirait pouvoir le faire avec avantage, il envoya, pendant l’hiver, plusieurs partis de Canadiens et de sauvages, pour reconnaître le pays, sur les frontières des colonies anglaises. Un de ces partis, qui avait pénétré au-delà du lac Champlain, revint avec la nouvelle que les Anglais étaient activement occupés à fortifier le fort George, à l’extrémité méridionale du lac de ce nom, et y avaient amassé une grande quantité de vivres et de munitions. Le gouverneur et le marquis de Montcalm eurent un pourparler sur le sujet, et ils furent d’avis qu’il fallait attaquer le fort, avant que les ouvrages fussent achevés, et qu’il y eût été assemblé une forte garnison.
Comme il n’y avait pas de temps à perdre, M. de Montcalm forma un détachement de cent cinquante hommes de troupes de la colonie, de six cent cinquante Canadiens et de quatre cents sauvages, pour cette expédition. Le commandement de ces troupes fut confié à M. Rigaud de Vaudreuil, frère du gouverneur général, lequel, comme gouverneur particulier, (des Trois-Rivières,) avait dans la colonie le rang de colonel, et il eut pour second, le chevalier de Longueil, lieutenant de roi à Québec. Ce dernier s’était déjà distingué par sa bravoure et son habileté dans le métier des armes. Les troupes du roi étaient commandées par M. Ponlarié, capitaine au régiment du Roussillon, et celles de la marine, par M. Dumas, qui était descendu du fort Duquesne. Le chevalier Lemercier agissait comme ingénieur en chef. M. Rigaud avait pour instructions d’attaquer le fort par escalade, et s’il était repoussé, de mettre le feu aux bateaux, aux magazins et aux bâtimens qu’il y avait auprès. M. Ponlarié devait obéir en tout aux ordres du commandant, et s’efforcer de maintenir la bonne intelligence entre les troupes du roi et celle de la colonie; et s’il différait d’opinion avec M. Rigaud, dans le cas où il y aurait un conseil de guerre, il devait exposer ses raisons par écrit.
Toutes les dispositions nécessaires ayant été faites, M. de Rigaud partit de Montréal au commencement de Mars, et campa le 17 du même mois, derrière une colline, à une lieue et demie du fort George. Le dessein du commandant français avait été de surprendre la garnison; mais, n’y ayant pas réussi, il prit le parti d’investir le fort. En même temps qu’il employa une partie de son armée à amasser des fascines, il posta un corps de sauvages sur le chemin du fort Edward, afin de couper la communication avec Albany. Le 21, M. de Rigaud fit sommer le commandant anglais de se rendre, mais celui-ci le refusa, en disant qu’il était résolu de se défendre jusqu’à la dernière extrémité. Désespérant de pouvoir emporter le fort par escalade, le commandant français se vit contraint de s’en tenir à la seconde partie de ses instructions: il brula toutes les maisons qu’il y avait aux environs du fort George; l’hôpital, trois hangards remplis de provisions, trente bateaux, et un grand nombre de chaloupes; après quoi, il reprit la route de Montréal.
Le gouverneur général approuva ce qu’avait fait son frère, et vit dans l’incendie des magazins et des bateaux des Anglais, au fort George, un moyen de retarder leurs progrès, s’ils avaient dessein d’attaquer Carillon, ou la Pointe à la Chevelure. Afin de mettre les forts qu’il y avait en ces endroits, dans un meilleur état de défense, M. de Bourlamaque y fut envoyé, avec deux bataillons, pour continuer les ouvrages, et s’assurer de la communication entre les deux lacs, (de Champlain et du St. Sacrement). Le capitaine Pouchot fut envoyé en même temps à Niagara comme commandant, avec ordre de mettre ce fort dans le meilleur état de défense possible. Cet officier envoya aux tribus du nord et de l’ouest l’invitation de faire descendre leurs chefs à Montréal, pour assister au grand conseil qui devait s’y tenir. Elles acquiescèrent toutes, et promptement à l’invitation; les chefs descendirent, accompagnés d’un grand nombre de guerriers, et dans l’audience que leur donna le gouverneur général, il leur dit en substance, que, comme ils n’ignoraient pas les derniers succès qui avaient couronné les armes du grand Ononthio leur père, il espérait qu’ils n’auraient plus aucune communication avec les Anglais, ses ennemis; que ces derniers avaient bâti sur le terrain de leur père, un fort qu’il avait reçu ordre de détruire, et qu’il ne doutait pas qu’ils ne fussent d’eux-mêmes portés à l’aider dans cette entreprise. Ils lui répondirent en peu de mots, qu’ils avaient écouté attentivement son discours, et qu’ils étaient déterminés à se conformer à sa volonté. Pour les affermir dans cette résolution et leur témoigner sa satisfaction, M. de Vaudreuil leur fit distribuer plus de présens qu’il ne s’en donnait ordinairement, en ces occasions.
Comme l’entreprise contre le fort George exigeait, pour réussir, plus de moyens que n’en avait eu M. de Rigaud, on assembla à St. Jean, où il avait été bâti un fort en 1749, des troupes et des milices de toutes les parties de la province. Le transport des vivres et des munitions, qui se fit, en grande partie, par bateaux, de Montréal à Sorel, et de là à St. Jean, fut encore pour la plupart des employés corrompus et prévaricateurs du gouvernement, un moyen d’amasser des richesses par toutes sortes de fraudes et de déceptions, ou plutôt par le pillage de l’argent et des effets du roi. Si l’on ajoutait foi à tout ce que rapporte M. Smith, en cet endroit, plusieurs officiers de troupes, et quelques Canadiens, employés dans ce transport, auraient eu part au brigandage; mais nous aimons mieux croire qu’il y a ici erreur, ou du moins exagération, de la part d’un historien, dont la prévention parait être la passion dominante, et qui, par un nombre d’avancés plus que suspects, avertit indirectement son lecteur d’être constamment sur ces gardes.
Quoi qu’il en soit, le chevalier de Lévis, qui commandait à St. Jean, reçut, le 3 Juillet, l’ordre de traverser le lac Champlain, pour aller joindre le marquis de Montcalm à Carillon, ou Tigonderoga, où ce dernier était occupé à faire ses préparatifs pour traverser le lac du St. Sacrement.
Après la jonction, l’armée se trouva composée de cinq mille cinq cents Français et Canadiens, et de dix-huit cents sauvages. Elle s’embarqua aussitôt, et arriva le 5 Août, à l’extrémité du lac. Le fort George fut aussitôt investi, et le général français envoya au colonel Munro, commandant de la place, par M. Fontbrune, son aide-de-camp, une lettre, où il le sommait de se rendre, en lui disant, qu’il avait une armée nombreuse, un train considérable d’artillerie, et un grand corps de sauvages, dont il ne pourrait plus restreindre la fureur, si quelques uns d’eux étaient tués; qu’il lui était inutile d’entreprendre de défendre sa place, dans l’espoir d’être renforcé, vu qu’il avait pris toutes les précautions pour qu’il ne pût lui arriver aucun secours; et qu’il lui demandait une réponse immédiate et décisive.
Le colonel Munro lui répondit d’un ton un peu fanfaron, qu’il rejettait la proposition avec mépris, et qu’il défendrait son fort et ses retranchemens, tant qu’il lui resterait un homme pour tirer un coup de canon. Ce qui rendait cet officier si hardi, c’était la persuasion où il était que le général Webb, qui était à peu de distance avec quatre mille hommes, attaquerait Montcalm, et le contraindrait à lever le siège de son fort, ou du moins parviendrait à y faire entrer des secours. La lenteur, ou plutôt l’inactivité de Webb ne surprit guère moins le marquis de Montcalm que le colonel Munro lui-même, et le premier en profila pour pousser le siège avec vigueur. La garnison se défendit avec bravoure; mais ayant épuisé toutes ses munitions, et n’espérant plus d’être secourue, le commandant demanda à capituler. Les principales conditions furent, que la garnison sortirait de la place avec les honneurs de la guerre, et serait conduite au plus proche des forts anglais par une escorte de cinq cents hommes, pour la mettre à couvert des insultes et de la barbarie des sauvages. Malgré cette précaution, ces barbares encore plus animés par l’amour du pillage que par l’esprit de vengeance, et épiant le moment favorable, celui de l’éloignement du corps de l’armée française, tombèrent sur les Anglais, dans la route pour se rendre au fort Edward, et en massacrèrent un grand nombre, en dépit des efforts de l’escorte française, obligée elle-même d’agir avec prudence et ménagement pour éviter d’être enveloppée dans le massacre. Les sauvages prétendaient qu’on leur avait promis les armes et le bagage de la garnison du fort George; et quand ils virent qu’elle emportait tout, ils résolurent de se payer de leurs mains. C’est du moins ce qu’ils dirent pour s’excuser; et malheureusement, leur grand nombre et le besoin qu’on avait d’eux empêchèrent que les principaux coupables, au moins, fussent punis comme il le méritaient. C’est ce qui est arrivé, toutes les fois qu’on a mis les armes entre les mains des sauvages, sans être assez résolu, ou assez puissant pour les contraindre à observer les lois de la guerre.
(A CONTINUER.)
Plusieurs voyageurs ont raconté des choses surprenantes de la taille des Patagons. D’autres ont prétendu que ces sauvages étaient de la taille ordinaire des Européens. Ce qu’il y a de sûr, c’est que, sans être des géans aussi monstrueux qu’on avait voulu d’abord le faire croire, ce sont des hommes d’une taille fort extraordinaire. Beaucoup d’entre eux ont plus de sept pieds: le plus grand nombre a de six pieds et demi à sept pieds; aucun n’en a moins de six. Ils ont un embonpoint proportionné à la hauteur de leur corps, et sont agiles autant que nerveux, forts et robustes.
Les Patagons ont la figure d’une couleur bronzée. Ils se peignent de différentes couleurs, et tracent des cercles noirs et jaunes autour de leurs yeux. Quelques uns y dessinent la forme d’un cœur. Ils ont les cheveux longs et noirs. Il les teignent quelquefois en blanc, et les attachent sur le sommet de la tête. Ils les coupe sur le devant en forme de couronne.
Les Patagons sont insoucians par caractère: il ne s’occupent qu’à la chasse et à la pêche, et changent de demeure, lorsque les lieux qu’ils habitent ne leur fournissent plus en assez grande quantité leur nourriture accoutumée. Ainsi ces peuples mènent la vie nomade. Quelques branchages entrelacés leur tiennent lieu de maisons. Leurs mœurs sont rudes comme le climat, mais elles n’ont aucune teinte de férocité. Leur esprit n’est pas porté à la défiance; lorsque des voyageurs européens abordent sur leurs côtes, ils leur tendent les bras comme à des amis, et la plus grande amitié s’établit aussitôt entre les uns et les autres. Ils sont prévenants, communicatifs et hospitaliers: cependant ils sont susceptibles et fiers, et n’endureraient pas patiemment une violence.
Ces peuples ne paraissent pas avoir de culte ni de gouvernement: ils semblent cependant reconnaître un chef. Un bonnet de plumes d’autruches lui sert de couronne: un tablier d’étoffe est toute sa parure. Toutes ses prérogatives consistent à ne rien faire et à ne se mêler de rien; prérogatives singulières dans un chef. Ils n’ont de déférence bien marquée que pour les vieillards. Pour les femmes, elles sont dans une grande dépendance des hommes.
Le soleil et la lune sont les deux seuls objets dans la nature à qui les Patagons rendent quelque hommage. A la nouvelle lune, les habitans de la Terre Magellanique s’assemblent: ils marchent solennellement en procession autour de leurs cabanes, précédés du leur chef, qui fait pirouetter un cerceau garni de sonnettes, et semblent vouloir imiter, par ces démonstrations emblématiques, la révolution périodique de l’astre qui préside à la nuit. Leur langage est assez doux, mais tous leurs sons viennent du gozier; et ils ont un cri fort, qui approche du mugissement du taureau.
La polygamie n’est point en usage chez les Patagons. Quand une femme est sur le point d’accoucher, tout le monde abandonne la cabane, et la femme, restée seule, n’a pour se délivrer d’autres secours que ceux de la nature. A peine accouchée, la mère prend le nouveau né dans ses bras, et vient elle-même le présenter à la famille. On emmaillote aussitôt l’enfant dans une peau de mouton, et, pendant les premiers mois, la mère le plonge tous les matins dans la rivière; ce qui fait que pendant l’hiver, qui est rigoureux en Patagonie, les enfans tous nus bravent le froid et la neige, et n’en paraissent pas incommodés.
La sobriété, la vie active des Patagons font que chez eux la vieillesse est toujours exempte de décrépitude. Ils se nourrissent de la moëlle et de la chair demi rôtie ou plutôt crue, des guanaques, des vigognes et des ânes sauvages. On n’a pas encore pu les accoutumer à l’eau de vie.
La flèche est l’arme principale des Patagons. Cette arme leur sert aussi d’instrument de chirurgie. Ils s’en piquent pour se faire saigner, ils se l’enfoncent dans la gorge pour se forcer à vomir, lorsqu’ils veulent se purger. Leurs arcs n’ont guère que trois pieds neuf pouces de long, et leurs flèches dix-huit pouces.
Ils ont une autre arme fort singulière; elle consiste en deux pierres, dont l’une ronde et de la grosseur d’un boulet de deux livres, est ajustée dans une bande de cuir qui est attachée et cousue au bout d’un cordon de boyaux tressés en façon d’un cordon de pendule. Au bout opposé à cette pierre ronde, est une autre pierre plus petite de moitié que l’autre, et couverte d’une espèce de vessie qui la joint bien partout. Ils tiennent cette petite pierre dans la main, après avoir passé la corde entre leurs doigts, et, ayant fait le mouvement du bras, comme pour la fronde, ils lâchent le tout sur l’objet qu’ils veulent atteindre, et vont le frapper jusqu’à la distance de quatre cents pas.
Les cérémonies qu’ils observent dans les funérailles sont très simples; aussitôt qu’un des leurs a rendu le dernier soupir, ils l’ensevelissent dans une peau de cheval, avec son arc, ses flèches et tout son petit mobilier, et le portent loin de son habitation, dans une fosse creusée en rond, qui est ensuite comblée sur le champ. Ceux qui doivent pratiquer le deuil, se retirent dans la solitude, pendant un certain temps, où ils s’occupent à conjurer les démons et les revenans, dont ils ont une extrême frayeur. Pour cela, ils frappent sans cesse sur les peaux de cheval qui tapissent l’intérieur de leurs huttes.
Le vêtement des Patagons consiste en une simple peau de cuir, qui leur couvre la moitié du corps. Quelques uns d’entre eux en nouent les extrémités avec un fil de boyau. Pardessus, il mettent un grand manteau de peaux de guanaque cousues ensemble par pièces, le poil en dedans, qu’ils attachent avec une ceinture, et qui descend presque jusqu’aux talons. Ils laissent ordinairement retomber en arrière la partie faite pour couvrir les épaules, de sorte qu’ils sont presque toujours nus de la ceinture en haut. Quelquefois, cette casaque de peau, d’une forme approchant des manteaux des montagnards écossais, leur couvre le dos, et vient se fermer sur la poitrine, en laissant les épaules nues. Plusieurs portent le vêtement que les Espagnols appellent poncho, pièce d’étoffe carrée, qui n’a d’ouverture que pour passer la tête: ce vêtement descend jusqu’aux genoux. Les hommes et les femmes sont habillés à peu près de même. Les Patagones, presque blanches, et d’une figure agréable, sont coquettes à leur manière. Elles portent des bracelets de cuivre ou d’or pâle, quand elles peuvent s’en procurer, ou bien quelques grains de collier de verre bleu, qu’elles attachent sur deux longues tresses de cheveux qui leur pendent sur les épaules. Les jeunes se peignent les paupières en noir. Elles aiment les ajoutemens et mettent toutes beaucoup de soins à leur parure.
Les Patagons ont des espèces de bottines de cuir de cheval, ouvertes par derrière, quelquefois ornées autour du jarret d’un cercle de cuivre, d’environ deux pouces de largeur, armées au talon d’une cheville de bois qui sert d’éperon. Les jeunes gens se font des colliers avec des grains de rassade jaunes et blancs, et des grelots. Leurs cheveux, presque aussi rudes que des soies de cochon, sont noués avec une fiscelle de coton.
Ces sauvages font usage d’une espèce de caleçon qu’ils tiennent fort serré, et de brodequins qui descendent du milieu de la jambe jusqu’au coude-pied par-devant, et qui, par derrière passent sous le talon. Le reste du pied est découvert.
Les Patagons ne sont pas jaloux: la paix règne toujours dans leurs ménages; leurs femmes et leurs filles jouissent d’une assez grande liberté. Cependant il est une de leurs tribus dont le caractère est essentiellement différent: les sauvages de cette tribu n’adorent ni le soleil ni la lune; mais seulement le ciel et l’univers entier.
Les Patagons aiment à exercer l’hospitalité: leurs hôtes sont traités avec une confiance qui peut paraître extraordinaire. Ces sauvages ont une manière de faire politesse aux étrangers qui est fort bizarre: ils vous font courir pêle-mêle avec eux; puis ils s’étendent sur vous au nombre de trois ou quatre, pour vous empêcher de sentir le froid. Les étrangers tâchent, autant que possible, de se soustraire à cette marque de leur amitié.
Depuis qu’ils ont été visités par les Espagnols, ces Indiens ont introduit quelques mots espagnols dans leur langue. Ils fument à la manière du Chili, renvoyant la fumée par les narines, et sont très amateurs de pipes et de tabac. Leurs chevaux sont petits et faibles; mais ils les maintient avec beaucoup d’adresse. Autrefois, ils étaient montés sur des animaux semblables à des ânes.
(Beautés de l’Histoire d’Amérique.)
En l’année 1720, les Espagnols entreprirent de former des établissemens à l’ouest du Mississippi. L’envie d’éloigner tous les naturels du Nouveau-Mexique, dont les entreprises et l’esprit inquiet leur donnaient de l’ombrage, et pouvaient leur devenir préjudiciables un jour, leur fit former le projet d’établir une colonie puissante bien au-delà du terrain où ils avaient jusqu’alors arrêté leurs limites. La troupe nombreuse qui devait la composer, partit de Santa Fé avec tout ce qu’il fallait pour former un établissement solide, et prit sa route du côté des Osages, nation indienne à laquelle on voulait se joindre pour exterminer une peuplade voisine, dont on se proposait de prendre la place. Mais les Espagnols se trompèrent de route, et s’adressèrent précisément à la nation dont ils avaient conjuré la ruine. Le chef des Missouris, instruit par leur méprise, du danger que sa nation avait couru, fut assez habile pour dissimuler et promettre son secours: il ne demanda que deux jours pour rassembler ses guerriers. Il les rassembla en effet, et amusant les Espagnols par des fêtes et des danses, il les surprit endormis, et massacra toute la troupe, jusqu’aux femmes et aux enfans. L’aumônier, qui était un moine jacobin, échappa seul à ce massacre, et ne dut son salut qu’à la singularité de son vêtement, qui fit sans doute croire à ces sauvages, qu’il n’était pas de la nation de leurs ennemis.
L’événement extraordinaire que nous allons rapporter, prouve que le remords accompagne toujours le crime, et que souvent il contribue lui-même à sa punition.
Au mois d’Août 1812, dans la ville de Pittsburg, capitale du Kentucky, on avait amené devant la cour criminelle un individu accusé d’avoir assassiné son maître et de l’avoir volé. Le délit était bien constaté; le concours des circonstances, l’aveu même du coupable, ne laissaient aucun doute à cet égard. Cet homme, nommé Harrison, journalier dans les environs de Fayette-town, étant devant le président, nommé James W***, ce magistrat se leva pour prononcer la sentence de mort; mais au moment de prendre la parole, une paleur subite se répandit sur son visage; son corps fut agité d’un tremblement universel, et il resta incapable de proférer un seul mot: on le transporta à son logis, dans un état affreux de convulsion et de délire.
Un grand nombre de citoyens se rendirent dans la maison de ce magistrat, et la stupeur fut générale, lorsque revenant à lui-même, il demanda pardon à Dieu et aux hommes de l’assassinat qu’il avait commis sur la personne de William Bates, Ecossais, dont il avait été le domestique, vingt ans auparavant, et dont il s’était approprié les dépouilles. On s’imagina qu’il était dans le délire; on chercha à le calmer; mais tous les efforts furent inutiles: il persista dans sa déclaration, et on le traduisit en prison. Voici le terrible aveu que le remords et la vérité lui arrachèrent. Je passai en Amérique avec Mr. Bates, qui avait bien voulu me prendre à son service dans un moment où j’étais dénué de tout: il me montrait beaucoup de bonté, me traitait plutôt comme son ami que comme son domestique. Arrivé à New-York, il résolut de se rendre dans l’état de Kentucky, où il voulait acheter des terres et fixer sa demeure. Il avait avec lui vingt mille dollars en billets de banque; il me proposa de le suivre, et j’y consentis avec joie. Pendant le voyage, il me vint une foule d’idées sinistres que je m’efforçai d’abord de repousser. Toutes les fois que nous passions dans une forêt, je réfléchissais combien il me serait aisé de tuer mon compagnon de voyage et de m’approprier l’argent dont il était possesseur: je me représentais la vie heureuse et indépendante que je mènerais avec une pareille somme, et, comme je n’étais pas dénué d’instruction, j’espérais m’avancer dans un pays naissant, et prendre un jour une place honorable parmi mes nouveaux concitoyens. Enfin, je ne pus résister au funeste penchant qui m’entrainait, et un jour, près des bords de l’Ohio, entre deux rochers, à vingt milles de Pittsburg, j’attaquai mon maître avec un bâton noueux, et je le privai de la vie. Je n’oublierai jamais qu’étant sur le point de rendre le dernier soupir, il me dit ces terribles paroles: Ah! malheureux, tu n’échapperas pas à la justice divine! Ces mots me firent frissonner. Je pris les vingt mille dollars et je poursuivis ma route. Arrivé à Pittsburg, je cachai la plus grande partie de mes richesses; j’achetai une petite boutique, où je me contentai de petits profits, afin de ne pas trop attirer l’attention sur moi. J’eus soin de changer de nom. Mes voisins me voyant prospérer par degrés, attribuèrent ces faveurs de la fortune à mon industrie et a mon activité. Après quelques années, j’étendis mon commerce, j’obtins la considération générale, j’épousai une femme que j’aimais, j’eus des enfans, je parvins à l’office de juge, et personne en apparence n’étais plus heureux que moi. Cependant le souvenir du crime que j’avais commis ne m’abandonnait jamais; souvent au milieu des nuits, j’ai cru voir un spectre se placer au pied de mon lit, fixer sur moi des yeux ardents, et me répéter ces paroles foudroyantes: Malheureux, tu n’échapperas pas à la justice divine. Je considérais ces visions sinistres comme l’effet d’une imagination vivement affectée; mais lorsqu’au tribunal, j’allais prononcer la peine de mort contre l’individu condamné pour le genre de crime que j’ai commis, le spectre a paru à mes yeux, et j’ai entendu ces paroles: “Malheureux tu n’échapperas pas à la justice divine! Mes sens se sont glacés. Dieu me pousse au sort qui m’est réservé; je ne puis garder plus longtemps le terrible secret qui oppressait mon cœur; la mort ignominieuse que j’implore finira tous mes tourmens.”
La justice tardive des hommes seconda les projets de la providence; et ce crime, si longtemps impuni, reçut enfin le châtiment qui lui était dû.
(Beautés de l’Histoire des Etats-Unis.)
Mr. Bibaud. Vous m’obligerez, en insérant dans votre journal, que je veux conserver, le trait suivant, que je viens de lire dans un livre qui ne m’appartient pas.
“Eudamidas, de Corinthe, touchait à sa dernière heure, et laissait sa mère et sa fille exposées à la plus cruelle indigence; il n’en fut point alarmé; il jugea des cœurs d’Arethus et de Charixene, ses fidèles amis, par le sien propre. Il fit ce testament, qui ne doit jamais être oublié: Je lègue à Aréthus de nourrir ma mère, et à Charixène de marier ma fille; et en cas que l’un des deux vienne à mourir, je substitue en sa part celui qui survivra. Les deux amis du vertueux et sensible Eudamidas se montrèrent dignes de lui. Charixène maria la fille d’Eudamidas, le même jour que la sienne, et leur donna une égale portion de son bien. Le pinceau du Poussin a consacré cette action sublime; il a peint Eudamidas dans le moment où il n’a plus qu’un souffle de vie, et où il dicte ses dernières volontés.”
Votre, &c. &c. L...... F......
Nous avons reçu la Gazette de Cape Town du 16 août. Le vaisseau de S. M. y était arrivé du voyage scientifique, entrepris par M. Forster. Les détails, qu’en a donnés un officier de ce vaisseau, sont des plus intéressans. Les expériences magnétiques furent commencées à Monte Video, d’où le Chanticleer partit le 5 octobre de l’année dernière pour aller à l’Ile Station, sur la côte orientale de la Terre de Feu. Le Chanticleer mouilla dans un petit havre du côté septentrional, et que le capitaine Forster a nommé havre de Cook, du nom de ce fameux navigateur. L’Ile Station est couverte de vastes forêts, qui couronne le sommet même des montagnes. Le principal arbre est le hètre antarctique, qui couvre le pays d’une verdure perpétuelle. Au nombre des végétaux les plus utiles, on y remarqua le céleri, l’herbe au scorbut, et nombre d’arbustes fruitiers. Le sol est humide et marécageux, et couvert de lichen, de mousse et de tourbe. Après avoir pris les observations nécessaires, le Chanticleer partit du Port Cook le 21 décembre, dans la vue de profiter des avantages de l’été à South-Shetland. Le 2 janvier ils rencontrèrent la première banquise de glace par la latitude 60, et en avançant ils en virent de plus en plus grand nombre, et en une seule fois ils en virent 83.
Le Chanticleer se tint un peu au sud du groupe de Shetland, et arriva sur un terrain d’une grande étendue, avec une chaîne de hautes montagnes, couvertes de glace et de neige jusqu’aux bords de l’eau. Etant près de terre, le capitaine Forster débarqua et prit possession du pays au nom du roi George IV, en déposant un cylindre de cuivre contenant une notification a cet effet. La place fut appelée Cap Possession, et la terre fut nommée en même temps Clarence Land, en l’honneur de son Altesse Royale. Le Cap Possession est par la Lat. 64 sud, et est autant que nous avons pu le voir, la terre la plus mérédionale du globe. C’est là où le capitaine Forster a borné sa course du côté du sud. On y a amassé un peu de neige rouge semblable à celle des régions arctiques.
Le 19 janvier, le Chanticleer mouilla dans le havre de l’Ile Deception, que, l’on donne pour l’endroit le plus extraordinaire du monde. Cette île est d’origine volcanique, et n’est formée que de collines de cendres noires, de tuf rouge, et des masses supérieures de glace et de neige d’une grandeur prodigieuse. Les rivages sont tout fumans aussi bien que le sommet des montagnes de neige. Les seuls êtres vivans de cette île sont les pingouins, et ils y sont en nombre incalculable. Il en fut tué quelques milliers, et ils en salèrent plusieurs centaines pour le voyage. Cet animal est une espèce singulière de loups-marins, et qu’on n’a pas décrite, et il donne une grande quantité d’huile, L’île Deception n’offre aucune trace de végétation: la solitude et l’aridité présentant à l’œil un aspect affreux.
Le 8 mars, le Chanticleer laissa ce lieu remarquable et se rendit au Cap Horn, pour continuer les expériences et faire les observations nécessaires. Il approche beaucoup de l’Ile Station, sous le rapport du climat, du caractère et des productions. On a faussement représenté le climat des régions méridionales, et on en a peint sous des couleurs trop fortes la rigueur et la sévérité. On peut citer nombre de faits au soutien de cet avancé; qu’il suffise de dire, que la végétation du Cap Horn, par la latitude 50 degrés sud, est aussi vigoureuse, que celle de la même latitude nord. Ayant rempli l’objet de son voyage aux régions méridionales, le Chanticleer partit du Cap Horn le 24 mai, et après une course heureuse de 27 jours, il doubla Table Land.
De tous les héros, anciens et modernes, il n’en est pas un seul qu’il n’ait eu ses détracteurs. Les petits esprits ont cherché, de tout temps, à ravaler et à mettre, en quelque sorte, à leur niveau, les grands hommes. La critique voit dans Themistocle, un déserteur de sa patrie; dans Demosthene un orateur frénétique et un lâche soldat; dans Alexandre, l’assassin de ses amis et l’incendiaire du monde entier: elle n’est pas plus favorable aux Romains qu’aux Grecs; elle peint Romulus comme un chef de brigands et d’infames raviseurs; les Cincinnatus et les Fabricius, comme des sauvages cachés sous des huttes, dont ils ne sortent que pour piller, ou pour massacrer leurs trop faibles voisins; les Catons comme des fanatiques; Pompée, comme un ambitieux mal adroit; Cesar, comme un tyran victime de sa clémence et de sa présomption; Octave, comme un destructeur volontaire et comme un bienfaiteur politique de ses concitoyens.
La malignité n’est pas moins ingénieuse à rabaisser les hommes les plus illustres d’entre les modernes: elle reproche à Charlemagne d’avoir de sang-froid fait égorger plusieurs milliers de Saxons, après le gain d’une bataille; à Guillaume la Conquérant son avarice, &c. à Phillippe-Auguste, ses petites jalousies contre Richard Cœur de Lion; à Louis XI, ses expéditions d’Egypte et de Tunis; à Louis XII, de ne s’être point assez mélié de Ferdinand le Catholique; à François I, ses imprudences; à Henri IV, ses faiblesses; à Louis XIV, son goût pour le faste et pour la guerre, au Grand Condé, son inquiétude et ses défections; à Turenne, ses indiscrétions et le ravage du Palatinat; à Marleborough, sa trahison envers son maître et son bienfaiteur; à Guillaume III, de n’avoir été heureux que contre son beau-père; à Philippe, régent de France, sa trop grande facilité; au Czar Pierre I, sa passion pour le vin, &c. L’envie assied son sceptre sur la tombe des grands hommes, et persécute même leurs cendres. Mais malgré ses efforts sa dent se brise contre leur statue, et la postérité ne voit que les grandes qualités et les grandes actions.
(Dérision ou Contradiction.)
Dans un rapport sur la dernière apparition de la comète d’Encke, en 1828, M. Gauthier dit que les résultats obtenus s’accordent avec ceux qu’Encke s’était procurés précédemment en 1823, et qui l’enduisirent à supposer dans l’espace un milieu ou fluide éthéré, dont la résistance agissant comme force tangentielle contre le mouvement de la comète, augmentait la puissance du soleil, et abrégeait la période de révolution. Les plus célèbres géomètres, et Newton lui-même avaient déjà calculé l’influence qu’un tel milieu de résistance pouvait avoir sur les mouvemens des comètes et des planètes. Ils avaient trouvé que son effet serait de diminuer continuellement l’excentricité de leurs orbites, et de raccourcir leurs grands axes et les périodes de leurs révolutions; que la longeur du périhélie n’éprouverait qu’un changement périodique, et que les nœuds et l’inclinaison de l’orbite ne seraient point changés. Dans le cas de la comète d’Encke, les deux premiers effets ont été décidément produits et il y a deux circonstances qui facilitent ce calcul: la première est que cette comète est toujours vue au même point de son orbite, et près de son périhélie; et la seconde, que son orbite n’est assujettie qu’à de très légers changemens. Ces deux circonstances permettent de supposer que les tems des révolutions (du moins pendant quelques périodes,) diminuent d’une égale quantité; de manière que leur diminution peut-être regardée comme proportionnelle au quarré des temps. La variation périodique du périhélie peut aussi être négligée sans inconvénient. M. Encke suppose avec Newton que l’éther, ou le milieu résistant, est répandu dans tout l’espace; que sa densité diminue en raison inverse du quarré de la distance du soleil, et que la force de résistance est toujours proportionnelle au quarré de la vélocité linéaire actuelle de la comète.—Bib. Univ.
Vérité qu’on fuyait, il est temps de renaître!
O monde, aggrandis-toi; Copernic va paraître;
Il parait; il a dit: l’univers est changé;
Seul, au centre du monde, à son poste rangé,
Le Soleil voit de loin notre terre inclinée
Conduire obliquement les signes de l’année;
Et montrant tour à tour ses divers horizons,
En cercle au tour de lui promener les saisons.
Soleil, quelle est ta force? Elle entraine, elle guide
Les mondes l’un par l’autre attirés dans le vide:
Depuis l’ardent Mercure en tes feux englouti,
Jusqu’à ce froid Saturne au pas appesanti,
Qui prolonge trente ans sa tardive carrière,
Ceint de l’anneau mobile où se peint sa lumière,
Tu les gouverne tous. Qui peut te gouverner:
Quel bras autour de toi t’a contraint de tourner?
Rien n’existait encore; la parole éternelle
Perce au fond du cahos, et l’ébranle et t’appelle;
Il s’ouvre, tu jaillis de ses flancs entr’ouverts;
Tu cours donner sa forme au naissant univers;
De sept rayons premiers ta tête est couronnée;
L’antique nuit recule, et par toi détrônée,
Craignant de rencontrer ton œil victorieux,
Te cède la moitié [1] de l’empire des cieux
Je ne te peindrai point conduisant les années,
Et les heures en cercle à ta suite enchaînées,
Sœurs d’un âge pareil qui mesurent le jour;
C’est au brillant Ovide à décrire ta cour;
De ton char fabuleux qu’il peigne les prestiges,
Qu’il t’élève un palais tout peuplé de prodiges,
Et qu’embellit surtout la pompe de ses vers;
Roi du jour, ton palais n’est-il pas l’univers?
Mais que dis-je? Au-delà des bords que tu fécondes,
Règnent, environnés d’un cortège de mondes,
D’innombrables Soleils, plus éclatants que toi;
Et parvenu près deux à peine je te voi.
Qui dira leur distance, et leur nombre et leur masse?
L’imagination en tremblant les embrasse;
Sa faiblesse se perd dans leur immensité.
De Fontanes.
Elle lui cède tout, excepté les cônes ombreux des planètes, qui ne sont presque rien dans l’immense espace même de notre seul système. |
Nous empruntons du Morning Journal, l’anecdote suivante. Une Jeune et jolie paysanne de Mont Orsano, village situé au sud de l’Italie, tombait fréquemment du haut mal. En vain des prières et des offrandes avaient été adressées pour sa guérison, jamais il ne parut d’amélioration dans son état. Clémentina c’était le nom de cette jeune fille, avait un ami dont la vigilance ne s’était pas encore démentie; cet ami, c’était son chat, qui partageait avec elle son lit et sa nourriture; jamais il ne l’abandonnait dans ses promenades, et dès qu’il prenait une attaque à sa jeune maîtresse, son chagrin devenait sensible. Pur la suite même, Mina devint tellement au fait de ce mal que, devinant sur la physionomie de Clémentina l’approche d’une attaque, il courait à la maison et prévenait de l’événement les parens et les amis de sa pauvre maîtresse, en les tirant par leurs vêtemens, en miaulant douleureusement. Quand il avait réussi à attirer leur attention, il les guidait vers l’endroit où il avait laissé Clémentina évanouie. A quinze ans, cette jeune fille mourut, et Mina suivit le char sur lequel le corps de sa maîtresse fut exposé, selon la coutume en Italie. Contemplant à chaque instant avec douleur les restes inanimés de Clémentina, il accompagna le corps jusqu’à la fosse, où il voulait se précipiter, à mesure qu’elle se remplissait. Il fallut que les assistans l’arrachassent de ce lieu et l’emportassent après la cérémonie. Le lendemain et les jours suivans, on l’apperçut se rendre au cimetière et se coucher sur la fosse dont il avait gratté la terre. Ses visites duraient déjà depuis quelque tems, lorsqu’enfin on le trouva expirant sur la tombe. Mina n’avait pu survivre à sa douleur.
Un baronet écossais, franc buveur s’il en fut jamais en Ecosse, prit un domestique qui lui était recommandé comme probe et d’un bon caractère; mais ce serviteur aimait autant que son maître la douce rosée de la montagne. Aussi le baronet mit pour condition expresse qu’il ne serait jamais ivre la même nuit que lui. Au bout de trois mois, le domestique vint dire à son maître: Monsieur, vous savez que j’ai fidèlement rempli la mission qui m’était imposée de ne jamais être ivre la même nuit que vous.—“Je le sais, mon brave; tu es un homme de parole.”—“Oui, Monsieur, je suis de parole; mais je vous quitte.”—“Pourquoi?”—“Parce qu’il m’est impossible de vivre sans faire de tems en tems un petit extra, et depuis trois mois vous ne m’avez pas laissé une seule nuit pour mon compte.” Le baronet, enchanté de cette franchise, lui fit apporter aussitôt trois bouteilles de wiskey, en lui donnant carte blanche pour trois nuits.
Les poëmes publiés dernièrement par le roi de Bavière, ont excité un vif intérêt parmi les littérateurs allemans. Un Anglais d’une grande réputation littéraire, est, nous dit-on, occupé à les traduire.
Le Milton d’Herbert a été traduit en allemand, par Mr. Richards, ci-devant lieutenant dans l’armée hanovérienne. Cette traduction est très estimée en Allemagne.
On annonce comme devant être publiée prochainement une traduction de l’histoire de la Chine de Chou-Fou Tszé, par P. P. Thoms. On dit que cette histoire commence au règne de Fo-hi, 3000 ans avant l’ère chrétienne, d’après la chronologie chinoise, et va jusqu’au règne de Min-ti, c’est à dire jusqu’à l’an 300 de la même ère, comprenant une période de 3300 ans.
Le seconde série du Roman de l’histoire, annoncée depuis si longtemps, est maintenant sous presse, et paraîtra prochainement.
On annonce aussi comme devant être publié sous peu de temps, le second volume des Elémens de Physique du Dr. Arnott. L’ouvrage sera alors complet.
Journal Anglais.
L’organisation militaire de l’Egypte subit de nombreux changemens; elle est tout entière aujourd’hui entre les mains d’Ibrahim Pacha, le vice-roi paraissant ne plus s’être réservé qu’une faible portion de l’administration et principalement celle relative à l’agriculture. Son fils, qui a témoigné dès son enfance un goût décidé pour le métier des armes, poussera probablement l’état militaire de l’Egypte aussi loin qu’il peut aller en raison de la population et des finances. On peut s’attendre à ce qu’en peu d’années, non seulement l’armée sera beaucoup augmentée en nombre, mais encore placée, par ses institutions, sur le pied le plus respectable.
Ibrahim Pacha adopte le système d’employer les soldats, aussitôt qu’ils sont formés, aux travaux d’utilité publique. C’est ainsi que les Romains ont exécutés des constructions colossales; c’est en occupant sans relache des milliers de bras, qu’ils sont parvenus à ces productions dont la grandeur frappe d’étonnement les hommes de notre siècle, si fécond pourtant en créations. Ce système offre un double avantage: celui de pourvoir à des ouvrages qu’il ne serait sans doute pas possible d’entreprendre en salariant des ouvriers; et celui d’entretenir la vigueur et l’habitude du travail parmi les hommes formés dès lors à tous les genres de fatigues.
Le vice-roi et son fils continuent leur séjour à Alexandrie. Parmi les grands de la cour réunis autour d’eux se trouve Venna-Babri, premier commis du trésor, homme de confiance de S. A. Les conseils se succèdent, et on y examine, à fond la question agitée déjà depuis plusieurs mois, d une réforme générale dans les administrations.
Plusieurs personnages influens dans le conseil ont ouvert l’opinion qu’à l’avenir le gouvernement n’expédiât aucun produit pour son compte et en abandonnât complètement l’exportation au commerce. Cette idée parait avoir obtenu l’assentiment de Méhémet-Ali, et si elle était adoptée, elle serait déjà à elle seule une amélioration très importante, principalement pour le commerce européen.
On assure, dit un Journal de Paris, que le Prince Grec Soutzo et M. Eynard, qui sont à Paris depuis quelques jours, sont chargés des pleins pouvoirs du gouvernement grec pour traiter d’un emprunt sous la garantie de la Russie et de la France. On dit qu’ils offrent d’amples sûretés pour le payement régulier de l’intérêt, en assignant des rentes sur les produits actuels de la Grèce, qui excèdent déjà la somme suffisante pour payer l’intérêt. Le gouvernement français ayant suspendu ses subsides, les deux agens ci-dessus mentionnés ont sollicité de la France un subside temporaire de quelques centaines de mille francs, dont la Grèce a le plus urgent besoin de continuer les améliorations commencées sous l’influence de l’armée française, et protégée par la présence des troupes.
Sa Sainteté Pie VIII, pour attacher son nom à de grands souvenirs, a ordonné que le Forum romain aujourd’hui le Campo Vaccivo, soit déblayé, à l’instar du Forum de Trajan, qui sortit de terre sous l’administration des Français, et pendant que Rome faisait partie de l’empire. D’après les ordres du Saint Père, tous les monumens antiques qui existent entre les monts Palatin et Capitolin vont être exhumés et sortir de leurs ruines. La vaste enceinte comprise entre l’arc de triomphe de Septime Sévère et l’arc érigé par Trajan à Titus, sera bientôt rendue a son ancienne destination, offrira le pompeux éclat de la grandeur romaine, et deviendra une des plus belles faces de la ville éternelle. Les déblais se font avec activité et intelligence, mais les objets d’art trouvés jusqu’à ce jour ont été mutilés par le fanatisme et par le tems; les excavations déjà faites ont prouvé que le pavé du Forum romain est aussi beau celui du Forum de Trajan: si le zèle ne se ralentit pas, le Champ des Vaches disparaîtra dans peu, et les Romains pourront fouler avec orgueil le sol même sur lequel ont marché leurs ancêtres.
Le Messager de Galignani, journal anglais publié à Paris, dit que le retour du comte de la Ferronnays, de Florence à Paris, quoique récemment nommé à l’ambassade de Rome, et celui de M. de Raynezal, revenu de Berne, au lieu d’aller à Vienne prendre la place du duc de Laval Montmorency, ont donné lieu à de nouvelles rumeurs sur un changement de ministère. Celui de tous les rapports en circulation qui obtient le plus généralement croyance, est al retraite du comte de Labourdonnaye et du comte de Bourmont, et l’entrée du comte Roy et du comte de la Ferronnays au ministère.
Nous avons vu dernièrement, et avons regardé comme une nouveauté, ou pour mieux dire, peut-être, comme une invention extrêmement utile, et faisant beaucoup d’honneur à son auteur, (qu’on nous dit être M. Duvernay,) Le Calendrier des Jours Juridiques, à vendre au Bureau de La Minerve et à la Librairie de MM. Fabre & Cie. Ce n’est peut-être pas assez de dire de cette feuille, plus petite que le Calendrier ordinaire, qu’elle renferme beaucoup en peu d’espace; et l’on n’en fait peut-être pas assez connaître l’utilité, en disant qu’on y trouve, mois par mois, le tableau fidèle de tous les jours juridiques dans le district de Montréal, des termes supérieurs, des termes inférieurs, des sessions générales de la paix, et même des cours de tournée; et ceux de la cour d’appel. On y trouve encore non seulement les noms, mais encore la résidence, des juges, des avocats, des notaires et des huissiers; en un mot une grande commodité, et le moyen d’épargner beaucoup de tems et de démarches, à tous ceux qui ont affaire à la cour ou chez les gens de loi.
Un petit ouvrage (publié aussi par M. Duvernay) qui ne peut manquez d’avoir son utilité, surtout dans les campagnes, pour lesquelles il est principalement destiné, c’est “Le guide du Cultivateur, ou Nouvel Almanac de la Température pour chaque jour de l’Année, imité des Almanacs Allemands, &c.” Aux choses annoncées par le titre de ce petit livret, on a ajouté un petit abrégé de l’histoire du Canada, des sentences, des maximes et des anecdotes, qui ne peuvent qu’en augmenter le mérite.
On doit voir avec plaisir ces sortes de productions se multiplier dans le pays; car outre qu’elles marquent dans leurs auteurs un esprit inventif et une émulation bien placée, elles accommodent le public à très peu de frais. Il est à espérer que l’on persévèrera dans la même carrière; qu’on y fera des progrès, et que bientôt, les Canadiens ne seront plus en arrière des autres peuples, sous ce rapport.
Décédés.—A Montréal, le 1er. du présent mois de Décembre, à l’âge de 62 ans, Dame Marie Josephte Jérôme dite Latour, veuve de feu Mr. Narcisse Roy;
Au même lieu, le 6, à l’âge de 33 ans, Mr. Pierre Léandre Dupuy, marchand;
A St. Roch, (Québec,) le 8, Mr. Charles Bargeron, âgé de 82 ans;
A Québec, le 9, Messire Jean Marie Fortin, ci-devant curé de Saint Jean, ile d’Orléans, âgé dé 79 ans;
A Montréal, le même jour, François Xavier, enfant de Mr. Hypolite Lusignan, âgé de 5 ans;
Au même lieu, le 11, Julie Charlotte, enfant du Docteur C. A. Lusignan;
A St. Benoit, le 13, généralement regretté, Louis Masson, écuyer, marchand, et ci-devant capitaine de milice.
Commissionné.—Mr. Duncan M’Callum, Arpenteur.
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Mis-spelled words and punctuation have been maintained except where obvious printer errors occur.
[The end of La Bibliothèque Canadienne, Tome IX, Numero 12, Decembre 1829. edited by Michel Bibaud]