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Title: La Bibliothèque Canadienne, Tome IX, Numero 8, Octobre 1829.
Date of first publication: 1829
Author: Michel Bibaud (1782-1857) (editor)
Date first posted: Dec. 29, 2021
Date last updated: Dec. 29, 2021
Faded Page eBook #20211269
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La Bibliothèque Canadienne
Tome IX. | 15 OCTOBRE 1829. | Numero VIII. |
Comme c’était l’intention du gouvernement de France de construire un fort régulier à Beauséjour, M. Chossegros de Lery, fils de l’ingénieur qui avait tracé les fortifications de Québec, y fut envoyé pour cet effet. M. de la Corne fut rappellé, et M. de Vassan, envoyé à sa place, avec ordre de hâter les ouvrages, de s’entendre avec l’abbé Leloutre, et d’éviter toute querelle avec les Anglais qui se fortifiaient à Beaubassin. La pénétration de de Vassan, dit M. Smith, lui fit bientôt connaître le vrai caractère de l’abbé Leloutre; mais ne voulant point se brouiller avec lui, il le laissa le maître d’en agir vis-à-vis des Acadiens comme il l’entendait. “Ces pauvres gens,” continue le même historien, “sans citer ses autorités, ne se furent pas plutôt placés sous sa direction, qu’ils furent accablés sous le poids de sa tyrannie; ils ne pouvaient obtenir ni les étoffes ni les vivres que leur fournissait le gouvernement, qu’à force de prières et de supplications, tant son cœur était étranger à tout sentiment d’humanité.”
En conséquence de la rareté de provisions qui menaçait de se faire sentir bientôt en Canada, M. Bigot s’était adressé au ministre des colonies pour obtenir l’approvisionnement nécessaire; mais comme cet approvisionnement ne pouvait être reçu que le printemps suivant, il écrivit au commissaire ordonnateur de Louisbourg pour lui mander de faire marché avec quelque commerçant anglais, pour l’approvisionnement des postes de l’Acadie. Le commissaire s’adressa à un monsieur Howe, qui s’était déjà engagé à fournir des provisions pour le poste de la rivière St. Jean, et qui se chargea volontiers d’en fournir aussi pour les autres, dans l’espérance d’y trouver son compte. L’abbé Leloutre, (c’est toujours Mr. Smith qui parle,) qui, conjointement avec un nommé Leblanc, fournissait sous-main des provisions à ces postes, sentit que ses intérêts pécuniaires souffriraient du marché fait avec Howe, et témoigna à M. de Vassan qu’il désaprouvait hautement les conditions de l’engagement qu’on avait pris avec cet Anglais, ajoutant qu’il désirait avoir une entrevue avec lui (Howe) sur le sujet. L’entrevue eut lieu en effet; mais à peine M. Howe eut-il prononcé quelques mots, qu’il fut tué par deux sauvages cachés derrière une espèce de haie. Mr. Smith prétend que ces sauvages avaient été placés derrière la haie par Leloutre lui-même; qu’à son retour au fort, il fut accusé de complicité dans le meurtre de Howe; qu’il s’en défendit, mais ne convainquit pas tout le monde de son innocence. L’historien ne dit pas ce que devinrent les assassins; s’ils subirent la peine de leur crime, ou s’ils demeurèrent impunis; circonstance qu’il n’aurait pas dû omettre, et qu’il n’aurait pas omise probablement, s’il avait cru qu’elle viendrait à l’appui de son assertion.
Les gouverneurs des colonies anglaises continuaient d’accorder à leurs commerçans la permission de faire la traite des pelleteries avec les sauvages sur les bords de l’Ohio. Comme la cour de France avait approuvé le plan de conduite de M. de la Galissonnière par rapport à ce pays, elle envoya à M. de la Jonquière l’ordre de mettre fin au commerce des Anglais dans les contrées de l’ouest, et de saisir les personnes et les effets de ceux qu’on y rencontrerait. Afin de mettre à effet les ordres de son gouvernement, le gouverneur général envoya M. de Contrecœur, gentilhomme canadien, et quelques autres officiers sur les bords de l’Ohio. A peine ces officiers étaient-ils arrivés dans le pays, qu’ils arrêtèrent trois traitans anglais, et les envoyèrent prisonniers à Montréal avec leurs pelleteries. Quelques jours après leur arrivée, ils subirent un interrogatoire devant le baron de Longueil et le commissaire Varin; il parut qu’ils avaient des permissions écrites des gouverneurs de leurs provinces de faire la traite avec les sauvages, à l’ouest des monts Apalaches, et quelque temps après ils furent renvoyés. Les détails de l’interrogatoire qu’on leur fit subir furent envoyés en France, et communiqués, par ordre du gouvernement, à l’ambassadeur d’Angleterre. Ici l’historien anglais du Canada jette tout le blâme sur le gouvernement de France, et cela parce que les deux couronnes avaient déjà nommé des commissaires pour fixer les limite que le traité d’Aix-la-Chapelle avait laissées indéterminées. Mais si ces limites n’avaient pas encore été déterminées, comment les gouverneurs des colonies anglaises pouvaient-ils avec droit prendre sur eux d’agir comme si elles l’eussent été à l’avantage de leur gouvernement, en accordant à leurs gouvernés la permission d’aller commercer dans des contrées de tout temps reclamées par la France, et jusqu’alors, il paraît, sans contradiction, et n’était-ce pas plutôt à la France de se plaindre la première, comme il paraît qu’elle le fit, si l’Angleterre soutenait alors les prétentions des gouverneurs de ses colonies; d’autant plus que le Mississippi et les rivières qui s’y jettent, tant du côté de l’Est que du côté de l’ouest, et particulièrement l’Ohio ou Belle Rivière, avaient été primitivement découverts par des Français ou des Canadiens.
Les commissaires étaient MM. de la Galissonnière et Silhouette de la part de la France; Shirley et Mildmay, de la part de l’Angleterre; leur commission avait plutôt rapport aux bornes de l’Acadie qu’à celles des pays de l’ouest, qui, comme nous venons de le dire, n’étaient guère contestées, ou du moins n’avaient pas, jusqu’à ces derniers temps, donné lieu à autant de réclamations, tant d’une part que de l’autre. Ces commissaires se rencontrèrent, mais ils avaient à soutenir des prétentions si opposées, qu’il parut bientôt très probable qu’il ne termineraient pas à l’amiable les différens qui existaient entre leurs gouvernemens, et que la paix ne serait pas de longue durée.
M. de la Jonquière prévoyait bien que si la guerre avait lieu entre la France et l’Angleterre, l’Amérique en serait le théatre: il représenta donc à son gouvernement la nécessité de faire passer en Canada un grand corps de troupes, et d’y envoyer en même temps une grande quantité de munitions et de marchandises, afin qu’on en pût toujours fournir suffisamment et à assez bon marché aux cinq cantons pour les détacher de l’alliance et de la fréquentation des Anglais de la Nouvelle York. En attendant que ces troupes et ces effets fussent arrivés, le gouverneur crut devoir faire de son côté tout ce qui lui parut pouvoir faciliter l’exécution du plan qu’il avait en vue. Il fit partir M. de la Jonquiere-Chabert, accompagné de l’abbé Piquet, du Séminaire de Montréal, et d’un parti d’Iroquois du Sault St. Louis, pour le canton des Agniers, avec ordre de demander à ces sauvages la permission de bâtir un fort sur la frontière de leur pays, en leur promettant qu’ils y trouveraient constamment et à bon compte tous les effets dont ils pourraient avoir besoin. M. Chabert devait en outre demander aux Agniers la permission de résider parmi eux, et il avait ordre de n’épargner ni soins ni dépenses pour que le fort fut achevé le plus promptement qu’il se pourrait, s’il obtenait la permission de le bâtir. Chabert s’acquitta si adroitement de la commission dont le gouverneur l’avait chargé, et il fut si bien secondé par l’abbé Piquet, qu’il obtint sans peine la permission désirée: le fort fut bâti et nommé de la Présentation; et les Agniers, et autres Iroquois, partirent si satisfaits de la chose, que sans l’intervention de Sir William Johnson, qui avait déjà acquis beaucoup d’influence parmi ces peuples, “la plupart,” suivant Mr. Smith, “auraient abandonné les Anglais, pour se joindre aux Français.”
Jusque vers 1750, les Canadiens n’avaient pas eu sujet d’accuser leurs gouverneurs ou leurs intendans, de péculat, de conscussion, ou même de favoritisme ou de partialité marquée pour certains individus; mais au temps dont nous parlons, la corruption commença à se montrer chez presque tous les fonctionnaires publics de la colonie. Le marquis de la Jonquière, quoique touchant soixante mille livres par an d’appointemens et de pension, était d’une avarice sordide; l’intendant Bigot ne se trouvait pas assez riche ou assez payé pour soutenir dignement le rang qu’il occupait; et ils avaient tous deux des parens et des favoris qu’il s’agissait d’enrichir. Pour suppléer à ce qui leur manquait, ou à ce qu’ils croyaient leur manquer, du coté de la fortune, ils eurent recours, comme on l’a déjà vu, à la traite avec les sauvages, et la firent au moyen de sociétés qu’ils formèrent, et où ils firent entrer leurs parens et leurs amis. Quelquefois ils eurent recours à des moyens plus odieux encore. C’est ainsi, d’après Mr. Smith, que pour enrichir M. Pean son favori, mari d’une femme pour laquelle il avait un attachement particulier, M. Bigot lui prêta une forte somme d’argent, prise dans le trésor public, pour acheter du bled dans la campagne, et le racheta ensuite lui-même pour le gouvernement, à un prix exorbitant. Quelques uns de ces contrats avantageux, ajoute notre historien, enrichirent le favori, qui, à la recommandation de son protecteur, fut nommé major de Québec, et quelques années après, chevalier de St. Louis.
Par l’édit de 1716, il était expressément défendu à tout habitant du Canada de commercer avec les sauvages, sans une permission écrite du gouverneur général. M. de la Jonquière sut faire tourner cet édit à son avantage, ou plutôt il en abusa d’une manière tout-à-fait odieuse. Outre qu’il se faisait payer une forte somme d’argent pour les permissions qu’il accordait à des particuliers pour aller vendre des marchandises aux sauvages, il accorda à M. St. Sauveur, son secrétaire, la vente exclusive des eaux de vie à ces peuples. St. Sauveur résidait à Québec, et employait deux ou trois sergens de troupes, en quartier à Montréal, pour faire ce commerce, ou plutôt pour accorder, moyennant une énorme prime, aux marchands qui le demandaient, la permission de vendre de l’eau de vie aux sauvages. Le gouverneur, qui avait sa paît de ces profits, y vit un moyen d’enrichir aussi ses parens. Il avait obtenu, par son influence, la place de doyen de Québec pour son neveu, M. Pierre de Taffanel-Canabac, curé de campagne en France, qu’il avait fait venir en Canada, dans la vue de l’enrichir par le commerce. Il l’initia en effet au mystère, dit M. Smith, et lui fit faire une immense fortune, avec laquelle il le renvoya en France. Il avait aussi fait venir dans ce pays un autre neveu, le capitaine de Bonne de Miselle, pour commander sa compagnie de gardes. Il demanda d’abord pour lui le grade d’adjudant-général, sous prétexte qu’il n’y avait ni ordre ni discipline dans les troupes de la colonie; mais n’ayant pas eu une réponse favorable, il résolut de l’avancer d’une autre manière; il lui concéda une seigneurie, et lui accorda le poste de Ste. Marie, avec le privilège exclusif du commerce avec les sauvages, se contentant de lui associer un M. D’arpentigny.
Ce népotisme mit le comble au mécontentement qui régnait déjà depuis longtemps dans la colonie, contre M. de la Jonquière: on fit parvenir en France des plaintes nombreuses contre son administration, et prévoyant sans doute qu’il ne tarderait pas à être rapellé, il demanda lui-même son rappel; mais avant qu’il lui et été nommé un successeur, il mourut à Québec, le 17 ai 1752.
Le marquis de la Jonquière, sans être doué de talens transcendants, avait de l’habileté et de la bravoure; il avait fait preuve de cette dernière qualité surtout dans les combats où il s’était trouvé. Mais quoiqu’il eût amassé par le commerce en Canada plus d’un million de livres, qui se trouvèrent, à sa mort, entre les mains de M. de Verduc, greffier du conseil supérieur, son avarice n’avait en rien diminué. M. Smith raconte, que durant sa dernière maladie, il ordonna que les bougies de cire, allumées dans sa chambre, fussent remplacées par des chandelles de suif, observant que ces dernières feraient aussi bien et contaient moins.
Le même historien rapporte de M. de la Jonquière une autre anecdote, puisée dans le Journal des Jésuites, et en prend occasion de dire “qu’il savait soutenir avec fermeté les droits de la couronne; qu’il maintenait que le roi était le chef de l’église, et qu’il était investi du pouvoir de la gouverner comme il le jugeait expédient.” Sans adopter entièrement l’opinion d’un écrivain d’entre nous, qui paraît donner à entendre que ce serait le plus grand des malheurs pour les Canadiens, s’il fallait l’approbation du gouvernement civil pour la nomination d’un curé, comme pour celle d’un évêque de Québec, nous sommes bien convaincus que M. de la Jonquière ne s’est point exprimé sur le sujet de la manière que le dit M. Smith; quand même, comme le prétend, l’écrivain précité, toutes les opinions eussent commencé alors à se déplacer, chez une certaine classe d’hommes. Le marquis de la Jonquière n’était pas sans doute plus imbu de l’esprit philosophique que le comte de Maurepas, qui, comme le dit plaisamment un auteur, voulait borner toutes les études à la lecture de l’Almanach royal. Le simple fait est que la conduite du P. Letournois, au Sault St. Louis, ayant déplu au gouverneur, celui-ci jugea à propos de le déplacer; et de nommer à sa place M. de la Bretonniere, prêtre séculier. L’évêque et le supérieur des jésuites lui représentèrent qu’il n’avait pas plus droit de nommer à un bénéfice ecclésiastique, dans la colonie que de déplacer un bénéficier. M. de la Jonquière, sans répondre directement à leur représentation, leur fit savoir qu’il avait changé d’avis quant à M. de la Bretonnière; et qu’il avait nommé à sa place le P. Hocquet, jésuite.
Charles Lemoyne, baron de Longueil, alors gouverneur de Montréal, étant le plus ancien officier de la colonie, prit les rènes de l’administration, en attendant l’arrivée du successeur de M. de la Jonquière. C’est le premier et jusqu’à présent le seul Canadien, qui se soit trouvé à la tête du gouvernement de son pays.
(A CONTINUER.)
La conduite des nouveaux Anglo-Américains ne mérite pas toujours des louanges, et les fautes qu’ils commirent occasionnèrent leurs propres malheurs. Ce peuple composé de fugitifs, que l’intolérance des prélats avait chassés d’Angleterre, ne se vit pas plutôt paisible dans ses nouveaux établissement, qu’il se livra à la chaleur d’un faux zèle, et imita la fureur de ceux qui avaient été les auteurs de son exil. Il poursuivit impitoyablement les quakers, les anabaptistes, et d’autres sectaires dont les sentimens différaient des siens, et devint persécuteur quand il cessa lui-même d’être persécuté. Ni la faiblesse de l’âge, ni les infirmités de la vieillesse, ni l’honneur du sexe, ni la dignité du ministère, ni la naissance, ni la fortune, ne purent vaincre la rage de ces fanatiques. Ce zèle anglican s’étendit jusqu’aux sorciers, et il est presque incroyable à quels excès il s’est porté. On ne peut lire sans indignation le procès de la nommée Suzanna Martin, de la ville de Salem, accusée et convaincue de sortilège. La veille de l’exécution, cette infortunée adressa le mémoire suivant à ses juges:
“Votre humble et malheureuse suppliante, n’ayant aucun crime à se reprocher, et voyant les basses subtilités de ses accusateurs, ne peut juger que favorablement de ceux qui se trouvent dans le cas dont elle gémit pour elle-même. Le ciel connait mon innocence; elle sera connue de même au grand jour, à la face des hommes et des anges. Je ne vous demande point la vie, mais je souhaite, et Dieu connait mes intentions, qu’on mette fin à l’effusion du sang innocent, qui ne peut manquer d’être continuée, si les choses ne prennent point un autre cours. Quoique je sois persuadée que vous employez tous vos efforts à connaître la vérité, cependant le témoignage de ma propre conscience m’assure que vous êtes dans la plus triste de toutes les erreurs. Je vous supplie donc d’examiner de plus près quelques uns des malheureux accusés, qui, par la faiblesse de leur esprit, se sont reconnus coupables: vous verrez qu’ils vous trompent, en se trompant eux-mêmes: je suis sûre du moins qu’on le verra dans l’autre monde, où vous êtes prêts à me faire passer, et je ne doute pas non plus qu’il n’arrive tôt ou tard un grand changement dans vos idées. On m’accuse moi et d’autres d’avoir fait une ligue avec l’esprit de perdition: nous ne pouvons avouer un crime dont nous sommes innocents. Je sais qu’on m’accuse injustement, et j’en conclus qu’on ne fait pas moins d’injustice aux autres. Je le répète, Dieu qui pénètre le fond des cœurs, et devant le tribunal de qui je vais paraître, Dieu m’est témoin que je n’entends rien à tout ce qui regarde les sortilèges. Comment pourrais-je mentir à lui-même et livrer volontairement mon âme à sa vengeance éternelle?”
Une pièce si forte et si touchante ne fit aucune impression sur les juges. Cette femme dit adieu d’un air ferme à son mari, à ses enfans, à ses amis, et marcha au supplice avec un courage et une grandeur d’âme qui ne causèrent pas moins d’attendrissement que d’admiration aux spectateurs. Quoique la crainte eût porté plusieurs des accusés à se confesser coupables, il n’y en eut pas un qui ne se rétractât en mourant, et qui ne demandât au ciel de faire retomber son sang sur ses accusateurs et sur ses juges.
Les uns et les autres n’en furent pas moins acharnés à la perte des innocents. On faisait mourir sans pitié des enfans de douze ans; on dépouillait tout nus les accusés, pour découvrir sur eux des preuves de sortilèges. Les taches de scorbut, auxquelles les vieillards sont sujets, passaient pour des marques que le démon avait imprimées sur leur chair. Il n’y avait point d’histoire de spectres et de fantômes qui ne passât pour véritable dans l’esprit de la populace, comme dans les siècles les moins éclairés. Au défaut de témoins, on avait recours à la torture, et ces malheureuses victimes étaient contraintes, par la force des tourmens, d’avouer les crimes qu’il plaisait à leurs bourreaux de leur dicter. Les prisons étaient remplies, et il n’y avait point de jour qui ne fût marqué par quelque exécution. Cependant la rage des délateurs ne se lassait point; le nombre des prétendus sorciers allait toujours en augmentant; et ce qu’il y eut de plus singulier, c’est que les juges qui refusaient leur ministère aux accusateurs se virent eux-mêmes accusés à leur tour, et forcés de quitter la colonie pour se dérober aux fureurs du peuple.
Il était temps enfin que les choses prissent une autre face: la voix de la raison fit taire celle du fanatisme; les délateurs furent intimidés; on élargit cent cinquante prisonniers; deux cents, qu’on avait arrêtés, furent renvoyés absous, et l’on ordonna un jeune général, accompagné de prières publiques, pour demander pardon à Dieu de tant d’horreurs et d’absurdités.
Heureux le Canada: de ces erreurs fatales
Jamais il ne souilla ses antiques annales,
Et jamais il ne vit un fanatisme ardent
D’un crime imaginaire accuser l’innocent,
Le condamner à mort, le conduire au supplice:
Non, la religion y fut consolatrice,
Y conserva des mœurs l’aimable aménité,
Et ne s’arma jamais d’un pouvoir redouté.
M. B . . . d, Epitre inédite.
Grasset-Saint-Sauveur (N***), né à Montréal, en Canada, en 1757,[1] mort à Paris en 1810, fut vice-consul de France en Hongrie. Comme littérateur on lui doit, I. Costumes civils et actuels de tous les peuples connus, avec Maréchal, 1784.—II. Tableaux de la fable, représentés par figures, accompagnés d’explications, avec le même.—III. Tableaux cosmographiques de l’Europe, l’Asie, l’Afrique et l’Amérique, 1787, in-4o.—IV. L’antique Rome, ou description historique et pitoresque de tout ce qui concerne le peuple romain dans les costumes civils, militaires et religieux, dans les mœurs publiques et privées. depuis Romulus jusqu’à Auguste; 1795 ou 1796, in-4o.—V. Les Amours du comte dé Bonneval, pacha à deux queues, connu sous le nom d’Osman, rédigés d’après quelques mémoires particuliers; 1796, in-18.—VI. Le Sérail, ou histoire des intrigues secrètes et amoureuses du grand-Seigneur; 1795, 2 vol.—VII. Fastes du peuple français, ou Tableaux raisonnés de toutes les actions héroïques et civiques du soldat et du citoyen français, etc. 1796, in-4o.—VIII. Ware, Julia et Zelmire, Histoire véritable, traduite de l’anglais; 1796, in-12.—IX. Voyage dans les îles Vénitiennes, 3 vol. in-8o. avec un atlas, in-4o.—X. Voyage dans les îles Baléares, Encyclopédie des voyages, 5 vol, in-4o.—et enfin, XI. Le Muséum de la Jeunesse, dont dix livraisons ont paru avant su mort. M. Babie, homme de lettres, son ami, avec lequel il avait donné les Archives de l’honneur, ou notices sur les généraux et officiers de tout grade, qui ont fait les campagnes de la révolution, huit volumes in-8o. se charge de terminer cet intéressant ouvrage. (Dictionnaire universel, historique &c. par MM. Chaudon et Delandine.)
En recourant aux Régistres de la paroisse de Montréal de cette année, on voit que M. Grasset-Saint-Sauveur, dont l’auteur de cet article parait ignorer le nom de baptême, ainsi que le jour de naissance, a été baptisé sous le nom de Jacques, et est né à Montréal, le 6 avril 1757. Ses père et mère étaient André Grasset-Saint-Sauveur, secrétaire du Marquis de Vaudreuil, et Marie Joseph Quesnel Fonblanche.—Éditeur. |
La curiosité dont je veux vous parler est convenablement nommée la Montagne de glace. Elle est située dans le comté l’Hamshire, non loin du chemin qui conduit de Winchester à Romney, et près d’un cours d’eau appellé la Rivière du Nord. Elle n’est pas d’une grande hauteur, et ses côtes ne sont ni taillés à pic ni escarpes. Environ un demi-mille, et peut-être un peu plus, du flanc qui fait face à l’ouest, est entièrement composé de pierres, depuis la base jusque près du sommet. Ces pierres, dont la pesanteur varie de dix à vingt livres, sont entièrement détachées les unes des autres, et peuvent être déplacées facilement avec la main, n’y ayant point, ou presque point de terre entr’elles: conséquemment il n’y croît point d’arbres, et les seuls arbrisseaux qu’on y trouve sont quelques touffes de groseilliers sauvages assez éloignées les unes des autres.
Un des flancs de la montagne ci-dessus est exposé aux rayons du soleil depuis neuf ou dix heures du matin jusqu’à son coucher, sans aucune autre montagne ou colline pour l’en garantir. On trouve dans cette montagne, dans toutes les saisons de l’année, en été aussi bien qu’en hiver, de la glace en abondance. On se la procure sans la moindre difficulté: il n’est besoin que d’ôter les pierres de dessus, pour trouver dessous de la glace adhérente à d’autres pierres ou détachée, en morceaux de différentes grandeurs, tous aussi durs et aussi compacts que durant le cœur d’hiver. Ce fut le 4 Juillet que je visitai cette montagne, et l’on se rappellera que quelques jours auparavant, le temps avait été extrêmement chaud. Néanmoins, avec l’aide d’un monsieur qui m’accompagnait, je me procurai de la glace en abondance; et je suis persuadé que dans l’espace de dix minutes, nous aurions pu en amasser beaucoup plus que nous n’aurions pu en porter sans nous trop fatiguer. On la trouve en si grande quantité, et on se la procure si aisément, que les personnes du voisinage sont dans l’habitude journalière d’y eu envoyer chercher, dans les grandes chaleurs, pour l’usage de leurs familles. La glace que je vis se trouvait près du pied de la montagne, et je ne doute pas qu’on n’en puisse trouver beaucoup, en montant jusqu’à une distance considérable; mais la difficulté de monter sur ces pierres détachées et roulantes, et le danger qu’elles ne tombent, lorsqu’on déplace celles d’au-dessous, m’ont empêché de m’assurer du fait.
Il sort de cette montagne, et au travers de ces pierres, un courant d’air très fort et extrêmement froid. Il ne ressemble point à la brise ordinaire qui se fait sentir dans nos campagnes, et qui se ralentit par intervalles; mais il est continu et aussi froid que l’est le vent au mois de Décembre. Autant que je puis me rappeller ce que Mr. Jefferson dit, dans ses Notes sur la Virginie, de la Caverne Venteuse, je suis persuadé que le courant d’air de la montagne dont je parle est beaucoup plus fort et plus froid que celui de cette caverne. On peut dire de plus, pour achever la description de cette montagne singulière, qu’un monsieur qui demeure auprès, a bâti parmi les pierres une petite maison, afin d’y tenir la viande, le beurre, le lait, &c. constamment frais. Je vis pendre aux dernières pièces de cette cabane des glaçons aussi durs et aussi fermes que ceux qui pendent des gouttières, au milieu de l’hiver, et l’on m’a dit qu’il n’était pas rare de trouver les mouches attirées par l’odeur des viandes, engourdies et sans mouvement sur les pierres.
Comté d’Amherst, 22 Juillet 1829.
Le mot quaker signifie trembleur, parce que dans leurs assemblées religieuses, celui qui se croit inspiré et prononce un discours de morale, a coutume de trembler, comme par le mouvement de l’Esprit-saint. Le nom de quakers ne leur est donné que par les autres sectes; ils s’appellent entr’eux amis ou frères.
Le mérite principal des quakers consiste dans l’économie, dans l’application aux affaires, dans leur zèle ardent à remplir les devoirs de l’hospitalité, de la bienfaisance. En cela leur conduite est vraiment exemplaire et digne de louanges.
La simplicité est leur vertu favorite, et ils suivent-encore assez strictement le conseil de Penn: “Que tes vêtemens soient unis et simples; vise à la commodité et à la décence, mais point à la vanité. Si tu te tiens propre et chaudement, ton but est rempli: vouloir faire davantage, c’est voler les pauvres.”
James Pemberton, un des plus riches quakers d’Amérique, et que ses vertus faisaient regarder comme un de leurs plus respectables chefs, portait un habit râpé, mais sans tache. Il aimait mieux vêtir les pauvres que changer souvent d’habits.
Ils portent un habit de drap brun assez fin et sans plis. Leurs cheveux sont coupés en rond et sans poudre. Le chapeau qu’ils portent en Amérique est ordinairement blanc, depuis que Franklin a prouvé les avantages que possède cette coiffure, et les inconvéniens des chapeaux teints en noir.
Il y a des quakers qui s’habillent avec plus de soin et de recherche, qui se poudrent, qui portent des boucles d’argent et des manchettes; mais les autres les regardent comme des schismatiques et des hommes faibles.
Les quakers prennent les bas de laine le 15 Septembre: c’est un article de leur discipline; car elle s’étend jusqu’à leurs habillemens, et c’est à leur régularité à l’observer qu’ils attribuent leur longue vie. On allègue en preuve qu’ils ont raison, que parmi les quakers contemporains de Penn, en 1693, il en existait encore six en 1791.
Les quakers n’otent leur chapeau pour personne et tutoient tout le monde; mais si ceux qui ne sont point quakers en usent de la même manière à leur égard, ils se fâchent. Leur mauvaise humeur se manifeste sur leur physionomie, et quelquefois ils s’en plaignent ouvertement. Une des singularités qui paraissent les plus ridicules à ceux qui ne sont point de leur secte, est leur manière de saluer avant de boire. Je te regarde, dit un quaker, au lieu de dire à ta santé. Un jour, à un diner où se trouvait beaucoup de monde, un jeune homme s’avisa de dire à un quaker avant de boire: Thomas, je te regarde.—Je le vois bien, Guillaume, répondit le quaker, et tu le fais avec beaucoup d’impudence encore. Les quakers observent que les membres des autres sectes n’étant pas obligés par leur religion de s’écarter de l’usage ordinaire, ils ne doivent pas traiter les quakers différemment des autres.
Autrefois, donnait-on un soufflet à un quaker, il présentait l’autre joue; lui demandait-on son habit, il offrait de plus sa veste. Maintenant les choses sont bien changées, tant en Angleterre qu’en Amérique. On rapporte plusieurs exemples de gens qui, pour avoir pris un peu trop de licence envers les quakers, ont payé cher leur indiscrétion. Avant la révolution de 1775, un matelot anglais, qui s’imaginait peut-être que les quakers d’Amérique étaient plus patients que ceux d’Angleterre, trouva dans une hotellerie un quaker assis près du feu avec plusieurs autres personnes; il s’avisa d’en faire l’essai; il lui donna sur l’épaule un coup assez rude, en lui disant: “Je vous procure une occasion de pratiquer les devoirs que votre religion vous prescrit.” Le quaker était un de ces hommes extraordinaires pour la force. Il se lève, ouvre seulement les deux premiers doigts de chaque main, prend le matelot par le milieu du corps, le porte jusqu’à la muraille, et le serre si fort, que l’imprudent est réduit à recourir aux prières. Comme le matelot rappellait au quaker les principes de bonté qui lui étaient prescrits: il est vrai, répondit celui-ci, que ma religion me défend de te battre, mais elle ne me défend pas de te corriger. Enfin, après l’avoir serré contre le mur de manière qu’il ne dût pas oublier la leçon, il le posa à terre, et s’en retourna tranquillement auprès du feu.
On sait que les quakers regardent la guerre comme un outrage fait à l’humanité, et refusent de prêter serment devant les cours de justice ou les magistrats.
Une dame, voyant la pompe funèbre de son mari, s’écria: Ah! que mon mari serait aise de voir cela, lui qui aimait tant les cérémonies.
Un malade recommanda qu’on l’ouvrit après sa mort, et donna pour raison de cette volonté, que les médecins n’ayant jamais pu s’accorder entr’eux sur la cause de sa maladie, il ne serait pas fâché de savoir à quoi s’en tenir sur le genre de sa mort.
Le père d’un paysan se mourait: le bon villageois fut appeller le curé, et demeura près de trois heures à sa porte à heurter tout doucement. Le petit bruit qu’il faisait fut enfin entendu: le pasteur se leva, et apprit avec regret que le villageois était à sa porte depuis longtemps. J’avais peur, dit le paysan, de vous éveiller. Qu’y a-t-il, lui demanda le curé?—Mon père se mourait quand je suis parti.—Comment, répliqua le curé, il est inutile que j’aille chez vous; votre père sera mort infailliblement.—Oh! non, monsieur, reprit le villageois, notre voisin m’a promis de l’amuser en attendant.
Un particulier ayant une cruche d’excellent vin, la cacheta. Son valet fit un trou par-dessous, et buvait le vin. Le maître ayant décacheté la cruche, fut fort surpris de voir son vin diminué sans en pouvoir deviner la cause. Quelqu’un lui dit qu’on devait l’avoir tiré par-dessous: non, répondit le maître, ce n’est pas par-dessous qu’il manque, c’est par-dessus.
Un homme faisant un inventaire, décrivait ainsi une tapisserie de Flandres: item, une tapisserie à personnages de bêtes.
Un bourgeois était d’une coterie où l’on donna un repas sans l’inviter: piqué de ce mépris, je m’en vengerai, dit-il; je veux donner un grand repas où je serai tout seul.
Un gentilhomme voyant dans sa basse-cour un tas d’ordures, se fâcha sur ce qu’on ne l’ôtait pas. Son domestique s’excusa sur le manque de charretiers. Que ne fais-tu, dit-il, une fosse à côté pour enterrer ces ordures?—Mais, dit le domestique, ou mettrai-je la terre qu’on tirera de la fosse? Grand sot, s’écria le maître, fais la fosse si grande que tout y puisse entrer.
Une femme fondait en larmes pendant que son mari était à l’agonie: on voulut l’arracher d’auprès de lui, pour qu’elle n’eût pas ce triste spectacle devant les yeux. Laissez-moi, dit-elle, ici: on est toujours bien aise de voir mourir son mari.
Dans une audience où l’on faisait beaucoup de bruit, le président dit: Hussiers, faites faire silence: nous avons jugé je ne sais combien de causes sans les entendre.
Deux paysans furent députés pour aller dans une grande ville, choisir un peintre qui entreprît le tableau du maître-au-til de leur église. Le sujet était le martyre de St. Sébastien. Le peintre demanda si l’intention des habitans était de le représenter vivant ou mort. Cette question les embarrassa, et comme ils ne pouvaient la résoudre, ils étaient obligés de s’en retourner sans rien conclure. L’un d’eux, prenant son parti, dit à ce peintre: le plus sûr est de le représenter en vie; si on le veut mort, on pourra toujours bien le tuer.
Un Espagnol passait un jour dans un village du Brabant. Plusieurs chiens aboyaient et couraient après lui. Il se baissa pour prendre une pierre et la jetter; mais il avait gelé, et la pierre tenait si fortement qu’il ne put l’arracher. Oh! le maudit pays, s’écria t-il en jurant, où on lâche les chiens et l’on attache les pierres.
Une fille s’accusait à confesse d’avoir chanté une chanson fort deshonnête. Le confesseur, non content de cet aveu, lui demanda quelle était cette chanson. Cette fille, sans autre façon, se mit à la chanter tout haut dans l’église.
A la naissance du dernier dauphin de France, on maria cent filles dotées. Une d’entr’elles se faisant inscrire, on lui demanda le nom de son futur. Je croyais, dit-elle, qu’on fournissait tout.
Un homme malade envoya son valet pour savoir l’heure qu’il était à un cadran solaire: le valet n’y connaissant rien, arracha-le pieu, et portant le cadran à son maître, ma foi, lui dit-il, regardez-y vous-même; car pour moi, je n’y vois goutte.
Un cuisinier demanda à son maître comment il voulait qu’on lui accommodât un canard sauvage: Faites m’en, dit le maître, du bœuf à la mode.—Le même Seigneur ayant acheté un tombeau: Je ne veux pas, dit-il, qu’on y mette âmes vivantes que ma famille.
M. Dumeril fait en son nom et au nom de M. Magendie, un rapport sur un mémoire du docteur Cottereau relatif à l’emploi du chlore dans les cas de phthisie pulmonaire.
M. le rapporteur commence par rappeller que c’est M. Gannal qui le premier, a signalé l’emploi du chlore dans la phthisie. Un mémoire a été présenté par ce chimiste sur ce sujet à l’Académie, et aucun rapport n’en a encore été fait à l’Académie; une des observations renfermées dans ce mémoire a même été démentie. Tout cela n’a pas empêché plusieurs médecins de faire des expériences sur l’efficacité de la substance préconisée par M. Gannal. Parmi ces derniers se trouve M. Cottereau, inventeur d’un appareil de son invention, à l’aide duquel il peut compter le nombre des gouttes d’eau employées dans chaque expérience, ainsi que la température à laquelle ce liquide est élevé.
Le mémoire de M. Cottereau ne contient qu’une seule observation; mais cette observation paraît complètement favorable à l’efficacité du chlore. Un étudiant en médecine, âgé de vingt-six ans, atteint d’une maladie qu’un des commissaires nommés par l’Académie avait reconnue pour une phthisie, a recouvré par suite de l’administration du chlore, une santé qui ne s’est pas démentie jusqu’ici. MM. les commissaires ajoutent qu’un grand nombre d’observations semblables à celle qu’a communiquée l’auteur leur seraient nécessaires pour porter un jugement sur l’efficacité du nouveau remède.
Mercredi l’après-midi, à la demande du due de Wellington, le char à vapeur de Gurney, fut mis en action dans la cour des casernes de Hounslow, en présence de Sa Grâce, des dames Percy, Dance et Murray; des lords Fitzroy, Somerset, Rosstyn et Thomas Cecil; du lieutenant général sir George Murray, de sir Charles Dance, et d’un grand nombre de messieurs du militaire et de savans. Sa Grâce, Sir W. Gordon, les dames Percy, &c. avaient une voiture attachée au char et firent le tour de la cour avec la plus vive satisfaction. Après cela on attacha au char un waggon contenant 27 soldats, outre M. Gurney et deux ou trois nommes sur la machine; et quoique le chemin fut désavantageux, raboteux et fait de sable et de gravier mouvant, le char à vapeur fit le tour sans paraître rien perdre de sa vitesse, allant sur le pied de 9 à 10 milles à l’heure.
Dans ces expériences, M. Gurney n’appliqua ordinairement la vapeur qu’à une roue, pour donner à la compagnie une preuve entière du pouvoir et de la practibilité de l’invention. L’ayant satisfaite sous ce rapport, de même que pour la conductibilité, par une variété dévolutions et d’évolutions, il lui donna un échantillon de sa vitesse, et fît sept ou huit fois le tour, sur le pied de 16 à 17 milles à l’heure. Il est difficile de dire si le plaisir l’emporta sur la surprise de l’assemblée, en voyant des preuves si peu équivoques de succès de M. Gurney. Le duc de Wellington fît observer qu’il n’était guère possible de calculer les avantages, que nous pourrions tirer de l’introduction d’une pareille invention. Journal Anglais.
Un correspondant du Gardener’s Magazine de Londres, dit qu’un pécher de l’espèce appellée Royal George, cultivé dans le jardin du révérend Mr. Howman, a produit un gros fruit, dont les trois quarts sont de pèche, et l’autre quart de brugnon, absolument distincts par l’apparence et la flaveur. Cela est sans doute provenu de ce que le pollen de l’un a été porté sur celui de l’autre; mais pourquoi n’y a-t-il pas eu de mélange? Il y a très peu de différence dans le noyau. Il y a un brugnonier à environ cinq verges du pécher.
Le dernier numéro du New-England Farmer, parle d’un pommier de Goellnitz, de soixante ans d’existence, sur lequel on a recueilli trois cent trente variétés de pommes.
Le même journal contient un détail curieux, fourni par le professeur Nuttall, sur un pommier, à Cambridge, produisant des pommes roussettes, dont une des branches s’est trouvée chargées de pommes d’Harvey. L’arbre qui porte les pommes d’Harvey est près de l’autre; et le phénomène a été opéré par le transport de la poussière séminale du premier.
Nous avons vu dernièrement, est-il dit dans le Mercury de New-Bedford, une pomme renette, cuillie à Little Compton, du poids de vingt onces et de quinze pouces de circonférence.
Il existe à Lontworth, dans le comté de Gloucester, un châtaignier qui est l’objet de la vénération des habitans, et le sujet des observations, commentaires et supputations de tous les savans exotiques et indigènes. Cet arbre vient de prendre sa mille vingt-neuvième année. Il a 52 pieds de circonférence, mais son principal mérite est dans son extrême vieillesse; car on trouve eu Angleterre d’autres arbres plus gros encore.
Est-il rien de plus poétique qu’un arbre de mille vingt-neuf ans? Assis à l’ombre de ses vieux et débiles rameaux, lorsque la brise agite son rare feuillage, quelle âme rêveuse ne tenterait d’évoquer les souvenirs des siècles passés? Et certes, les âmes rêveuses ne manquent pas en Angleterre. Aussi, assure-t-on qu’une demi-douzaine de ladys ont écrit autant de romans ou nouvelles, dans lesquels le Nestor des châtaigniers joue le principal rôle.
Sous un autre rapport, une société de naturalistes entretient à ses frais un commissaire chargé de noter les moindres variations dans la constitution du vieillard. Cette société a déjà composé dix-huit volumes in-folio sur ce phénomène de longévité végétale.
Or, il arriva ces jours derniers que le commissaire n’ayant plus de remarques nouvelles à faire, la société n’eut plus rien à rédiger. Elle était donc réduite à se battre les flancs pour inventer quelques merveilles naturelles, quand par bonheur on apporta, séance tenante, une longue caisse qui fut ouverte avec empressement, et offrit à l’admiration de tous les membres un concombre....Mais quel concombre! douze pieds de longueur, sans en rabattre un douce. C’était un hommage de M. Birknell.
Vint ensuite un rabbin très-érudit, M. S. H. Abraham, apportant une fraise de neuf pouces de circonférence.
Un des membres eut alors une idée.... Il proposa de célébrer cette journée mémorable par un banquet.
Un banquet! on approuva tout d’une voix. Il fut donc arrêté que la table serait dressée sous le châtaignier millénaire, que M. Birknell serait invité à venir faire les honneurs de sen concombre, M. S. H. Abraham de sa fraise: et afin que tout fût d’une longueur extraordinaire, on choisit pour président un gentleman nommé membre correspondant seulement à cause de sou nom, M. John Ollenbockengraphensteinertosfen.
Journal Français.
Grece—Dans notre dernier numéro, dit le Courier des Etats-Unis, nous avons parlé de quelques soulèvemens dans les troupes grecques. Nous voyons aujourd’hui qu’ils n’étaient dûs qu’à ce que le comte Capo-d’Istria voulait obliger ces troupes à rentrer en Morée et abandonner les conquêtes qu’elles avaient faites dans la Livadie, la Thessalie et l’Albanie. Mais le président ayant laissé les divers corps dans leurs positions, l’ordre s’est rétabli de lui-même.
Suivant des nouvelles de Trieste en date du 7 août, les Grecs rassemblaient en Livadie un corps d’armée considérable, afin d’exécuter une opération importante. “On devait donc s’attendre, ajoutait-on, à entendre sous peu parler d’un grand combat qu’ils auront livré aux Turcs.”
On écrivait d’Egine sous la date du 11 juillet.
“L’assemblée nationale des Grecs va se réunir le 12 à Argos, dans le golfe de Napoli de Romanie. Déjà la majeure partie des députés y est rendue; le président de la Grèce et tous les membres du gouvernement y sont également. M. Capo-d’Istria est venu faire une tournée ici pour y prendre de l’argent qu’il envoie à l’armée de Romélie; le président est un homme de beaucoup d’esprit qui a un tact et une perspicacité étonnante. Le célèbre Canaris est ici; c’est l’homme le plus simple et le plus modeste qu’on puisse rencontrer; il ne se doute pas de son mérite et semble fort embarrassé des éloges qu’on lui adresse.
“Des débats de la plus haute importance vont s’agiter à Argos: là, vont se discuter les grands intérêts de la Grèce, et son sort s’y décidera. Les Hellènes, dit-on, ne veulent pas accepter le souverain étranger qu’on veut leur imposer, et l’on prétend que le comte Capo-d’Istria sera réélu président à vie.”
Russie et Turquie.—L’armée russe poursuit le cours de ses succès. On l’a vue, dans notre dernier numéro, traverser le Balkan presque sans obstacle. Des nouvelles officielles reçues à Berlin le 13 août, contiennent les détails suivans sur les opérations de cette armée, depuis le 19 juillet jusqu’au 24:
“Toutes les places qui entourent le golfe de Bourgas étaient au pouvoir des Russes: Eminch, Burnu, Mesembria ou Mesevri, Achiolin et la ville de Bourgas elle-même. On s’était joint à la garnison de Sizeboli. Aidos seul a présenté quelque difficulté; il y a eu devant cette place un combat livré par une partie de la garnison de Chumla, détachée trop tard par le grand-visir. Aidos a été emporté le 24, ainsi que Bourgas où les troupes russes sont entrées pêle-mêle avec les fuyards.
“L’escadre de l’amiral Greigh a pris part à ces événement en bombardent trois jours de suite Mesembria: elle est suivie d’un convoi de vivres. Tous les magasins des Turcs sont d’ailleurs tombés au pouvoir du général Diébitsch.”
Ces opérations ont été conduites avec une telle promptitude, que les Turcs n’ont pas eu le tems de faire retirer les habitans, la plupart chrétiens, des campagnes ainsi qu’ils avaient fait jusqu’à présent.
Le général Geismar, sur la marche duquel il y avait tant d’incertitude, paraissait s’être avancé sur la route de Sophia, avec un corps de 8,000 hommes, et pouvait, ajoutait-on, faire beaucoup de mal au Turcs. Rutschuk et Guergevo étaient toujours bloqués.
La réserve, forte de 48,000 hommes, a dû passer le Pruth à Fultschin, en 4 colonnes; la première le 13 juillet, la seconde le 27 du même mois, la troisième le 10 août et la quatrième le 24 douze mille hommes de ces troupes ont dû marcher sur Guergevo, et tout les reste se diriger par Kallarasch sur Chumla et les Balkans. Le général Roth a reçu un renfort de 20 mille hommes.
L’empereur Nicolas a fait promulguer un ukase par lequel il ordonne une nouvelle levée de quatre individus sur cinq cents mâles, c’est-à-dire d’environ cent à cent vingt mille hommes, la population mâle étant de 28 à 30 millions d’individus.
De considérables convois de vivres ont dû arriver à Bucharest, Silistrie, Paja et Slatina, et être déposés dans les magasins de ces villes.
Angleterre.—Une lettre d’Angleterre nous annonce que la presse des matelots a commencé dans le Northumberland, le Cumberland, le Devonshire, &c. On parle de l’armement de 12 vaisseaux de ligne, 15 frégates et 20 autres bâtimens de guerre, qui doivent, dit-on, être prêts à mettre à la voile le 15 septembre prochain. On fait des provisions de toute espèce à Chatham, à Plymouth et à Portsmouth. Tout annonce une expédition maritime. Courier.
Azores.—Le capitaine Bridges, commandant le navire Sicily, arrivé cette semaine de Saint-Michel, rapporte que l’attaque faite sur l’île de Terceire pur l’escadre de don Miguel a été repoussée.
On se rappelle que les habitans de Terceire s’attendaient à cette attaque depuis long-tems. Un 74, trois frégates, quatre transports et d’autres bâtimens, en tout dix-sept voiles, quittèrent St. Michel le 23 juillet, mais n’arrivèrent devant Terceire que le 9 août. Après avoir bombardé la ville pendant plusieurs heures, ils envoyèrent des troupes à terre: 1800 hommes devaient être débarqués, en trois corps, mais le premier et le second avaient à peine touché le rivage, qu’ils furent attaqués avec vigueur, et totalement détruits, à l’exception d’un seul homme, dit-on, qui échappa à la nage. Le feu des batteries fut alors dirigé contre les vaisseaux et les chaloupes avec beaucoup de succès: de 2 à 400 hommes furent tués. Selon les rapports qui circulent, le 74 a reçu vingt boulets et la frégate, plus de trente. L’escadre fut obligée de s’éloigner, et avait même disparu tout-à-fait hors de la vue de l’île. Daily Advertiser.
Buénos-Ayres.—Les journaux qu’apporte le schooner Virginia, qui mit à la voile pour Baltimore le 14 août, publient que la République est parfaitement tranquille. On ne craint plus le renouvellement de la guerre civile. Les Fédéralistes ont réconnu l’élection des représentans. Le général Rosas a licencié son armée, et renvoyé à leurs travaux ses alliés, les caciques indiens. Le gouverneur Lavalle a annoncé, le 7 août, que Manuel J. Garcia était nomme ministre des finances: Thomas Guido, des affaires étrangères; Manuel Escalada, de la guerre et de la marine; et J. A. Gelli, de la police.
Depuis la publication de notre dernier numéro, la nouvelle de la sanction du bill de la représentation a été reçue dans ce pays, et annoncée officiellement. L’acte, dit le Mercury de Québec, a une opération immédiate, quant à ce qui regarde les comtés de Drummond, Sherbrooke, Stanstead, Missiskouy et Shefford. Parmi ceux qu’on désigne comme candidats, nous avons entendus dire que le colonel Heriot s’offrait pour Drummond, et Mr. Robert Jones, de St Armand, pour Missiskouy. On parle de Mr. Goodhue comme candidat pour l’un des autres comtés, et nous avons oui dire que quelques messieurs de Québec avaient intention d’offrir leurs services aux électeurs des nouveaux comtés; mais d’après ce qui s’est passé dernièrement dans les townships, il parait à peu près certain qu’ils choisiront pour représentans des individus virant au milieu d’eux, et conséquemment plus liés avec eux d’intérêt, et plus au fait de leurs besoins.
Le comte de Dalhousie, avant de s’embarquer à Portsmouth pour l’Inde, a donné un repas splendide au capitaine Fitzclarence et aux officiers de la frégate Pallas, à l’hôtel de George. Les officiers navals et militaires les plus distingués étaient au nombre des convives.
Les amis de lord Dalhousie, en cette province, apprendront avec plaisir que Sa Majesté a honoré sa Seigneurie d’une audience privée d’une demi-heure, avant son départ pour l’Inde. Il ne conviendrait peut-être, pas de faire une allusion plus particulière à cette audience; mais nous sommes pleinement autorisés à dire qu’elle a été tout à fait satisfaisante pour sa Seigneurie, à qui sa Majesté à dit adieu de la manière la plus graveuse.
Il y avait eu une correspondance entre Sir George Murray et lord Dalhousie, et les renseignemens que nous avons sur le sujet nous viennent d’une personne qui avait lu le tout. Cette correspondance a été terminée de la part du bureau colonial par une lettre très flatteuse de Sir George Murray, et qui a dû être très agréable à sa Seigneurie, dont une des lettres en explication de nos affaires provinciales a dû être imprimée par l’ordre de ce ministre.
Comme lord Dalhousie avait résolu de ne se point prévaloir de sa nomination au gouvernement de l’Inde, avant d’avoir obtenu l’entière approbation de sa Majesté et des ministres, nous ne faisons que rendre justice à ses amis en cette province, en leur apprenant les faits que nous venons d’exposer, et que nous tenons d’une personne qui a eu la meilleure occasion de les connaître personnellement. Gazette Officielle.
Nous avons eu des renseignemens qui nous mettent en état de corriger, à certains égards, les détails contenus dans un article relatif à son Excellence le ci-devant gouverneur général, que nous avons transcrit de la Gazette Officielle de Samedi. Nous pouvons maintenant dire, d’après la meilleure autorité, que quoiqu’il n’ait encore rien para de la part de son Excellence, en réponse aux accusations mal fondées portées contre elle par les délégués de cette province, son Excellence, aussitôt après son arrivée en Angleterre a mis devant le gouvernement une représentation contre les procédés qui la concernaient, et a depuis contredit pleinement les témoignages donnés devant le comité du Canada. Le département des colonies doit être en possession de ce document, pour en faire ce qu’il jugera convenable; mais on ne doit pas croire que son Excellence ait vu ces accusations sans y répondre, et sans se justifier. Mercury.
—Son Excellence est repartie aujourd’hui (lundi) à 3 heures pour Québec, accompagnée de ses aides-de-camp, et de Sir T. Noël Hill. Pendant son court séjour en cette ville, Son Excellence a montré beaucoup d’intérêt pour les améliorations publiques, et pour celle du port de Montréal, visitant les quais avec beaucoup de soin, et se procurant le plus possible de renseignemens. Son Excellence a déjeuné, ce matin, chez sa Grandeur Monseigneur l’Evêque de Telmesse; elle a marqué le désir de voir l’église de Saint Jacques, et les divers établisemens d’éducation qui en dépendent. Sir James Kempt en a exprimé sa satisfaction, témoignant en même tems l’intérêt qu’il prend à l’éducation de la jeunesse.—Min.
—Le Grand Voyer du District de Montréal a nommé Mr. Charles Whitcher son député pour la partie du district comprise dans le district inférieur de St. François.
—Un bateau venant du Haut Canada chargé pour le compte d’un Mr. M’Pherson, de cette ville, a péri dans les rapides en haut du lac St. Louis. On dit qu’il y avait neuf hommes à bord, la plupart Canadiens, et personne ne s’est sauvé.—Ib.
Mariés:—À Bastiscan, le 23 septembre dernier, par M. Loranger, M. P. Rivard Lacoursiere; Etudiant en droit, à Dlle Reine Dubuc, fille de Mr. J. Bte. Dubuc, de Ste. Genevieve;
Au même lieu, le même jour, Mr. U. Baily, Marchand, à Dlle Sophie Dubuc, aussi fille de Mr. J. Bte. Dubuc;
A Montréal, le 29 du mois dernier, Mr. P. Beaudry, fils, à Dlle Celamire Roy-Portelance, fille de Ls. Roy-Portelance, écuyer;
Décédés:—À Québec, le 28 du mois dernier, l’honorable James Irvine, Négociant et membre du Conseil Législatif;
A la Rivière des Prairies, le 29, Mr. J. M. Cadieux, âgé de 80 ans;
A Montréal, le 3 du présent mois, Marie Angélique Ermine, enfant de L. M. Viger, écr. âgée d’environ un an;
A La Prairie, le 9, Suzanne Cécile, enfant de J. Lagueux, écr. de Québec, âgée de deux ans et demi;
A St. Benoit, le 10, Mr. Pierre Clairoux, Écclesiastique.
Commissionnés:—Henri Voyer, écr. Avocat et Procureur;
William Burns Lindsay, écr. Greffier de la Chambre d’Assemblée, à la place de William Lindsay, senior, écr., qui a résigné.
Printer errors have been corrected. Where multiple spellings occur, majority use has been employed.
Mis-spelled words and punctuation have been maintained except where obvious printer errors occur.
[The end of La Bibliothèque Canadienne, Tome IX, Numero 8, Octobre 1829. edited by Michel Bibaud]