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Title: La Bibliothèque Canadienne, Tome VI, Numero 5, Avril 1828.

Date of first publication: 1828

Author: Michel Bibaud (editor)

Date first posted: July 28, 2021

Date last updated: July 28, 2021

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La Bibliothèque Canadienne


Tome VI. AVRIL, 1828. Numero 5.

HISTOIRE DU CANADA.

Un corps d’environ trois mille hommes, Anglais, Mahingans et Iroquois, dont l’Iroquois domicilié La Plaque avait vu la garde avancée sur les bords du lac du St. Sacrement, devait attaquer le gouvernement de Montréal, tandis que la flotte anglaise ferait le siège de Québec. Dépourvu comme il l’était de troupes et de milices, le gouvernement de Montréal n’aurait probablement pas été en état de résister à un effort comparativement si puissant, s’il eût pu se réaliser. Mais en allant joindre les Iroquois, les Anglais et les Mahingans furent attaqués de la petite vérole, et plusieurs en portaient encore les marques lorsqu’ils arrivèrent au rendez-vous. Les Iroquois, que le retardement causé par cette maladie avait déjà mis d’assez mauvaise humeur, furent saisis, à cette vue, de la crainte que le mal ne les gagnât, et reprochèrent à leurs alliés qu’ils étaient venus pour les empoisonner. En effet, plusieurs d’entr’eux furent bientôt attaqués de la même maladie, et il y en eut plus de trois cent qui en moururent. Il n’en fallut pas davantage pour engager tous les autres à s’éloigner d’un lieu si funeste, et à se séparer de ceux qu’il s’accusaient d’y avoir apporté la contagion. Ainsi toute l’armée se dissipa.

Il y a bien de l’apparence que Phibs ignorait encore ce fait, à son arrivée devant Québec, et qu’il ne s’en douta que quand il apprit que tout était tranquille à Montréal. Ce soupçon joint au mauvais succès des différentes tentatives qu’il avait faites pour pénétrer dans la capitale du Canada, le détermina enfin à lever le siège de cette ville. Il avait perdu près de six cents hommes dans les trois combats dont nous avons parlé, et ses munitions et ses vivre s’étaient presque entièrement épuisés.

Le 23, sur le bruit qui se répandit du départ prochain de la flotte, MM. d’Orvilliers et de Subercase, capitaines, partirent avec cent hommes pour se jetter dans l’île d’Orléans, et le lieutenant de Villieu eut ordre de descendre par le petit canal jusqu’au Cap Tourmente, afin de s’opposer aux descentes des Anglais. Sur le soir, la flotte leva les ancres, et se laissa dériver à la marée. Le 24, elle mouilla à l’Arbre sec. Elle emmenait un assez grand nombre de Français, qui avaient été faits prisonniers en différentes rencontres, et entr’autres M. Trouvé, prêtre, que Phibs avait amené du Port Royal, M. de Grandville et les demoiselles Juliet et de la Lande. Cette dernière voyant qu’on ne parlait ni de rançon ni d’échange, demanda au chevalier Phibs s’il n’aimerait pas mieux retirer les Anglais prisonniers en Canada que d’emmener à Boston des Français dont il serait embarrassé, et s’offrit d’aller proposer de sa part au comte de Frontenac un échange où les deux nations trouveraient également leur avantage. Son offre fut acceptée; elle fut conduite à Québec, et n’eut aucune peine à résoudre le gouverneur général à entrer en négociation sur cet article avec l’amiral anglais. Il lui envoya son capitaine des gardes chargé d’un plein pouvoir, et comme le nombre des prisonniers était à peu-près égal de part et d’autre, le traité fut conclu sans difficulté et exécuté de bonne foi.

L’amiral continua ensuite sa route, fort chagrin d’avoir perdu la meilleure partie de son bien dans une expédition dont il avait fait presque tous les frais, et très inquiet sur ce qu’il deviendrait, dans une saison si avancée, sans pilotes côtiers sur un fleuve qu’il ne connaissait pas bien, et avec des vaisseaux en très mauvais état et presque entièrement dépourvus de provisions. Le sien pensa périr en faisant la traverse de l’île d’Orléans, et il en perdit, ou fut obligé d’en abandonner jusqu’à neuf autres avant d’être sorti du fleuve.

Cependant il restait encore un peu d’inquiétude à M. de Frontenac au sujet des vaisseaux qu’il atteindait de France; mais ils avaient été avertis à temps de l’arrivée de la flotte anglaise devant Québec, et s’étaient mis en sûreté dans le Saguenay, où ils demeurèrent jusqu’à ce que cette flotte fût repassée. Ces vaisseau mouillèrent devant la capitale le 12 Novembre, mais ils ne remédièrent pas à la famine qui devint bientôt extrême, parce que les courses des Iroquois avaient empêché, en plusieurs endroits, les habitans de semer ou de faire la récolte. On fut donc obligé d’envoyer les soldats vivre chez les habitans les plus aisés, qui loin d’en murmurer, les reçurent avec joie.

Le sège de Québec, sous le comte de Frontenac, est un des évènemens les plus importants de l’histoire du Canada; et Louis XIV le jugea assez considérable pour vouloir qu’une médaille en perpétuât le souvenir. D’un côté, on voit la tête de ce roi: de l’autre, la France conquérante est assise sur des trophées, au pied de deux arbres du pays, sur des rochers d’où s’échappent des torrens: un castor va se réfugier sous un bouclier, et le dieu sauvage d’un fleuve, qui épanche son urne aux pieds de la déesse, la contemple avec admiration. Pour devise: Kebeca liberata, M.DC.XC; et pour exergue; Francia in novo orbe victrix: Québec délivrée, 1690. La France victorieuse dans le nouveau monde.

Au mois de Mars de l’année suivante 1691, on vit arriver à la capitale des députés de presque toutes les tribus abénaquises, par lesquels on apprit, qu’il n’était encore rentré à Boston, au mois de Février, que quatre vaisseaux de la flotte qui avait assiégé Québec; que M. de Manneval avait été envoyé en Angleterre; et que pendant l’hiver les Cannibas et autres Abénaquis avaient ravagé cinquante lieues de pays dans la Nouvelle Angleterre. C’était ainsi que depuis longtems, les Anglais et les Français, les premiers au moyen des Iroquois, les derniers au moyen des Abénaquis, se faisaient plus de mal en Amérique, dans l’espace de quelques mois, quelquefois même de quelques semaines, qu’ils n’auraient pu s’en faire pendant des années entières, sans ces barbares et cruels auxiliaires.

Quelque temps après, trois députés agniers arrivèrent sans armes au Sault St Louis, avec une douzaine de prisonniers faits depuis peu, dans les environs de Chambly, par un parti de cent quarante guerriers de leur canton, et déclarèrent qu’ils venaient demander le paix à leur père Ononthio, mais qu’auparavant ils voulaient savoir s’il serait diposè à leur donner un terrain dans le voisinage du Sault, pour s’établir avec leurs familles. Ils ajoutèrent qu’ils avaient fait une très grande diligence pour avertir les Français d’être sur leurs gardes, parce que huit cents Iroquois des autres cantons se disposaient à entrer dans la colonie entre Montréal et les Trois Rivières. M. de Frontenac, sans rejetter absolument les propositions des Agniers, jugea à propos de paraître y faire peu d’attention, et recommanda au chevalier de Callières de faire traîner la négociation en longueur par les sauvages du Sault St. Louis.

Le grand parti dont les trois députes avaient donné avis parut en effet, au mois de Mai, du côté de Montréal. Il était composé de mille hommes. Ayant établi leur camp à l’entrée de la rivière des Outaouais, ils firent deux détachemens, l’un de cent-vingt hommes, qui prit sa route au nord, et l’autre de deux cents, qui tourna au sud-est. Le premier se jetta d’abord sur le quartier de l’île de Montréal appellé la Pointe aux Trembles, où il brûla une trentaine de maisons ou granges, et prit quelques habitans sur lesquels il exerça des cruantés inouies. Le second, dans lequel il y avait des Anglais et des Mahingans, se glissa entre Chambly et La Prairie, où il surprit douze sauvages du Sault St. Louis, hommes et femmes; mais le lendemain, des Agniers, qui étaient de ce parti, les ramenèrent chez eux, et déclarèrent qu’ils venaient traiter de la paix.

Un troisième détachement, composé d’environ quatre-vingts hommes, attaqua, presque dans le même temps, les sauvages de a Montagne, et leur enleva une trentaine de femmes et d’enfans. Plusieurs autres bandes moins considérables se répandirent depuis Repentigny jusqu’aux îles de Richelieu, et tirent partout de grands dégâts. Lemoyne de Bienville, à la tête de deux cents hommes choisis, partie Français, et partie Iroquois domiciliés, en surprit une, composée de soixante Goyogoins et Agniers, et comptait bien que pas un seul de ces barbares ne lui échapperait; mais les Agniers ayant demandé à parler aux Iroquois du Sault St. Louis, ceux-ci voulurent absolument les écouter, de peur, disaient-ils, de rompre tout accommodement entr’eux et ce canton. Les Agniers leur protestèrent qu’ils ne souhaitaient rien tant que la paix, et s’offrirent de s’en retourner chez eux, avec promesse d’envoyer incessamment des députés à Montréal, pour traiter avec M. de Callières. On les crut sur leur parole, et ils échappèrent par ce moyen, qui n’était qu’une ruse de guerre, à la mort ou à la captivité.

A peu-près dans le même temps, le sieur de La Mine, capitaine, découvrit un parti de trente Onneyouths à St. Sulpice, dans une maison abandonnée. Le chevalier de Vaudreuil, à qui il en donna avis, s’avança de ce côté, à la tête de cent ou cent-vingt volontaires, parmi lesquels on distinguait entr’autres le même de Bienville, le chevalier de Crisasi, réfugié sicilien, et Oureouharé. En s’approchant de la maison, ils apperçurant quinze Onneyouths couchés en dehors sur l’herbe, ne soupçonnant pas qu’il pût y avoir des Français en campagne. On donna dessus, et ils furent tous tués avant d’avoir pu se reçoinnaître.—Trois autres sortirent de la maison, au cri que firent les mourans; l’un d’eux fut aussi tué à l’instant même, et les deux autres s’en fuirent blessés dans les bois. Alors ceux qui étaient restés dans la maison se mirent en défense, et Bienville s’étant trop approche d’une fenêtre, fut renversé mort d’un coup de fusil. La perte de cet officier releva le courage des Onneyouths; mais le chevalier de Vaudreuil ayant fait mettre le feu à la maison, ils furent tous tués ou pris, en voulant s’ouvrir un passage, le casse-tête à la main. Les habitans firent impitoyablement brûler les prisonniers, persuadés que le seul moyen de corriger les Iroquois de leurs cruantés était de les traiter eux-mêmes comme ils traitaient les autres.

Cependant ceux des Iroquois qui étaient restés à l’entrée de la rivière des Outaouais allèrent se poster à l’endroit nommé le Long Sault, dans le dessein de faire main-basse sur tous ceux qui passeraient par là pour aller à Michillimakinac, ou pour en revenir, puis de se répandre dans les habitations françaises, afin d’empècher qu’on n’y fit la récolte. Sur l’avis qu’en donna M. de Callières au gouverneur général, le chevalier de Vaudreuil eut ordre d’assembler, dans le gouvernement de Québec, autant qu’il pourrait de soldats et de volontaires, pour aller donner le chasse aux ennemis: mais en arrivant aux Trois-Rivières, cet officier apprit qu’ils avaient décampé, probablement pour aller défendre leur pays menacé d’une incursion de la part des sauvages alliés des Français.

Le 1er Juillet, un petit navire de France mouilla devant Québec, et remplit la ville de joie, non pas tant à cause du secours qu’il lai apportait, que par l’assurance que donna le commandant, qu’elle en recevrait bientôt qui remmettraient l’abondance dans le pays. En effet douze jours après, M. Dutast, capitaine de vaisseaux, arriva avec un convoi de douze bâtimens de différentes grand uns. Il est vrai que la compagnie du Nord avait fait les frais de la meilleure partie de cet armement, et qu’il était principalement destiné à reprendre le Port Nelson sur les Anglais; mais comme l’entreprise ne se fit pas alors, la colonie en profita, pour se ravitailler, an moins jusqu’à un certain point.—M. Dutast au lieu rie se rendre de suite à la Baie d’Hudson, avec d’Iberville, qui devait partager les honneurs et les dangers de l’expédition, alla croiser dans le golfe et le bas du fleuve St. Laurent, alors infestés d’armateurs anglais.

M. de Frontenac fut d’autant moins tâché de cet arrangement, qu’il avait en partie ménagé, que le bruit commençait à se répandre que les Anglais songeaient sérieusement à prendre leur revanche de l’affront qu’ils avaient essayé, l’année précédente, devant Québec. On assurait que Phibs était allé en Angleterre, et en devait revenir avec une flotte beaucoup plus considérable que la première, pour une nouvelle tentative; et l’on était averti qu’il se faisait des préparatifs du côté d’Orange pour attaquer l’île de Montréal.

Le voyage de Phibs était réel; mais il paraît qu’on n’eut pas assez de confiance en son habileté pour lui confier un second armement, d’autant plus qu’il n’était pas en état d’en faire encore les frais; et celui qui se faisait dans la Nouvelle York n’était pas assez considérable pour agir seul avec succès. Il n’était composé que d’environ cinq cents hommes, Anglais, Agniers et Mahingans. Il se mit néanmoins en campagne, sans doute dans l’espoir de se grossir avant d’entrer en action.

Dès que le chevalier de Callières eut appris que l’ennemi approchait, il assembla sans peine sept à huit cents hommes et les fit camper à La Prairie de la Magdeleine. Il envoya ensuite plusieurs partis à la découverte; et peu de jours après, un des fils du sieur Hertel, lui rapporta qu’il avait apperçu un canot sauvage dans la rivière de Sorel, un peu au-dessus du rapide de Chambly. Sur ce rapport, le gouverneur de Montréal comprit que Chambly était en danger, et y envoya le sieur de Valrènes avec deux cents hommes. Il y avait dans cette troupe deux autres capitaines, MM. d’Orvilliers et de Muys, le lieutenant Dupuys et plusieurs autres subalternes; et elle fut suivie d’un gros de sauvages et d’habitans, lesquels devaient faire un corps à part sous la conduite du sieur Lebert du Chesne, qui s’était déjà posté vers Chambly.

Il y avait déjà trois jours que ceux qui étaient restés à La Prairie, couchaient au bivouac, lorsque dans la nuit du 10 au 11 d’Août, qui fut extrêmement pluvieuse et obscure, ils se retirèrent dans le fort. Ce fort était à trente pas du fleuve, sur une hauteur située entre deux prairies, dont une, qui regardait l’endroit appellé La Fourche, était coupée par une petite rivière à la portée du canon du fort, et un peu plus près par une ravine. Entre les deux, il y avait un courant sur lequel on avait bâti un moulin: c’était de ce côté-là, à la gauche du fort, qu’étaient campées les milices, accompagnées de quelques sauvages outaouais. Les troupes réglées campaient sur la droite, et les officiers avaient fait dresser leurs tentes vis-à-vis, sur une hauteur.

Une heure avant le jour, la sentinelle qui était postée au moulin, apperçut des gens qui se glissaient le long de la hauteur sur laquelle était le fort: elle tira un coup de fusil, cria aux armes, et se jetta dans le moulin. C’étaient des ennemis qui, se coulant le long de la petite rivière de la Fourche et la ravine, gagnèrent le bord du fleuve et s’y cantonnèrent; et qui, trouvant le quartier des milices dégarni, en chassèrent le peu de monde qui y restait, et s’y logèrent. Quelques Canadiens et six Outaouais furent tués dans cette surprise.

Au bruit de la sentinelle, M. de St. Cyrque, ancien capitaine, qui commandait en l’absence de M. de Callières, retenu au lit par une grosse fièvre, marcha à la tête des troupes, dont une partie prit le long de la grève, et l’autre par la prairie, en faisant le tour du fort. Le bataillon que St. Cyrque commandait en personne arriva le premier à la vue du quartier des milices; quoique cet officier ne sût pas encore que les ennemis en fussent les maîtres, comme il en eut quelque soupçon, il s’arrêta pour s’en éclaircir. Dans le moment, on fit sur lui une décharge de mousqueterie dont il tut blessé à mort. Un sieur d’Escairac fut aussi blessé mortellement, et M. d’Hosta fut tué roide.

Le second bataillon arriva presque au même instant, conduit par M. de la Chassaigne, et l’on donna tête baissée sur l’ennemi, qui, après une assez vigoureuse résistance, commença à se retirer en bon ordre. M. de St. Cyrque, qui avait eu la veine cave coupée, perdait tout son sang; mais il ne fut pas possible de l’obliger à rentrer dans le fort, qu’il n’eût vu les ennemis tourner le dos; et il répara ainsi par son intrépidité la faute qu’il avait faite de se laisser surprendre. Il tomba mort, quelques momens après, à la porte même du fort.

Cependant les ennemis retraitaient dans une contenance qui sentait moins les vaincus que les vainqueurs, emportant plusieurs chevelures, et poussant des cris, comme pour insulter aux troupes françaises. En arrivant près du bois, ils s’apperçurent qu’ils étaient suivis par un petit détachement, que conduisait le sieur Domergue. Ils lui dressèrent une ambuscade, dans laquelle il tomba, et tous ceux qui le composaient y périrent. Les confédérés, enhardis par ce succès, reprirent le chemin par où ils étaient venus. Après qu’ils eurent fait environ deux lieues, leurs coureurs découvrirent les troupes que commandait M. de Valrènes, qui, au premier bruit du combat, était accouru, avec le sieur Lebert. Les ennemis croyant ce corps moins considérable qu’il ne l’était, ne balancèrent pas un moment à l’attaquer, et le firent avec une résolution qui aurait pu déconcerter un commandant moins ferme et moins habile que Valrènes.—Par bonheur pour cet officier, il se trouva en cet endroit deux grands arbres renversés; il s’en fit un retranchement, plaça sa troupe derrière, et lui fit mettre ventre à terre, pour essuyer le premier feu des ennemis. Il lui ordonna ensuite de se relever, la partagea en trois bandes, dont chacune fit sa décharge: puis avec une présence d’esprit et une promptitude incroyables, il les rangea en bataille, et chargea l’ennemi avec tant d’ordre et de vigueur, qu’il le fit plier partout. Les alliés se réunirent néanmoins jusqu’à deux fois: mais après une heure et demie de combat, ils furent contraints de se débander, et la déroute fut entière. On en compta cent-vingt sur la place, et l’on sut ensuite que le nombre des blessés surpassait de beaucoup celui des morts.

Cette action fut très vive, et conduite avec toute l’intelligence possible. Valrènes était partout, faisant en même temps les devoirs de capitaine et de soldat, combattant et donnant ses ordres avec autant de sang-froid que s’il eût commandé un exercice. Le jeune et brave Lebert du Chesne s’y distingua extrêmement, à la tête des Canadiens et fut blessé à mort, ainsi qu’un autre officier nommé Varlet. Les chefs sauvages s’y surpassèrent, et l’un d’eux fut tué en exhortant les siens de la voix et par son exemple à combattre en gens de cœur. Les Anglais et leurs Alliés y montrèrent un courage qui fit d’abord balancer la victoire. On s’y battit presque comme les anciens, homme à homme et corps à corps. C’était le courage, c’était l’adresse, c’était la présence d’esprit qui l’emportaient; on en venait réellement aux mains; on luttait, on se terrassait; et quand les armes ou les munitions manquaient, on se brulait le visage avec la bourre du fusil. Les drapeaux et les bagages restèrent aux vainqueurs; mais ils ne purent poursuivre les fuyards, parce qu’ils étaient si excédés de fatigues qu’ils ne pouvaient plus se tenir de bout, et que les armes leur tombaient des mains. Ils avaient en effet, marché trois jours par des chemins affreux, sans pouvoir prendre un moment de repos, manquant de vivres, et ne trouvant que des eaux bourbeuses pour étancher leur soif. La perte des Français, ce jour-là, fut de soixante hommes tués et autant de blessés, dont quelques uns moururent de leurs blessures, entr’antres MM. Lebert et Varlet.

A la nouvelle de l’approche des ennemis, M. de Frontenac était parti de Québec pour se rendre à Montréal; mais ayant appris, en y arrivant, leur défaite et leur fuite, il retourna aussitôt sur ses pas. Il reçut, peu de temps après, une lettre du gouverneur général de la Nouvelle Angleterre, qui le priait de lui faire rendre les prisonniers que les Abénaquis avaient faits sur ses terres, et lui proposait la neutralité en Amérique, malgré la guerre qui continuait en Europe entre l’Angleterre et la France.

M. de Frontenac écrivit en réponse au général anglais, que quand il lui aurait renvoyé le chevalier d’Eau et M. de Manneval, qu’il retenait prisonniers, l’un par la trahison des Iroquois, l’autre par la mauvaise foi de l’amiral Phibs, il pourrait entrer avec lui en pourparler; mais que sans cela il n’écouterait rien. Si les sauvages devaient entrer dans la neutralité, l’avantage eût été réciproque, et peut-être la Nouvelle France y eût-elle gagné plus que la Nouvelle Angleterre et la Nouvelle York: le comte de Frontenac devait le sentir; mais Charlevoix prétend que ce général avait des preuves certaines que le gouverneur de la Nouvelle Angleterre ne parlait pas sincèrement.

Quoique les deux grands partis qui avaient menacé le gouvernement de Montréal fussent dissipés, la petite guerre d’incursions y continuait toujours, et il se passait peu de semaines qu’on n’y éprouvât quelque alarme. Dans une de ces incursions, trois Français ayant été enlevés, à la rivière des Prairies, Oureouharé, à peine de retour du combat de la Magdeleine, se mit aux frousses des ravisseurs, les atteignit au Rapide Plat, sur le chemin de Catarocouy, leur tua deux hommes, leur en prit quatre, et ramena les Français à Montréal. Ce chef descendit ensuite à Québec, pour y voir le gouverneur général, qui le combla d’amitiés et de présens.

(A continuer.)

GROTTE DU MAMMOTH.

Cette grotte, qui n’a pas moins de dix milles de longueur, se trouve dans l’état de Kentucky; elle fut, il n’y a pas très longtemps, visitée par deux voyageurs; mais un seul revint pour conter leur triste aventure, tient le récit, qu’on va lire, rappelle l’épisode si connu des catacombes, de Delille.

Connaissant la longueur du chemin qu’ils auraient à parcourir, ils avaient en soin de se munir d’une lanterne et de prendre avec eux pour deux jours de provisions; ainsi préparés, ils s’engagèrent avec confiance dans l’immense cavité. Ils traversèrent d’abord une suite de vastes salles dont ils admirèrent les voûtes hardies et la bizarre architecture; mais souvent de larges et profondes crevasses leur barraient le chemin et les forçaient à suivre en rampant une route circuitante. Ils avaient ainsi avec beaucoup de difficulté, passé plusieurs de ces précipices, lorsqu’un accident funeste les priva de leur lanterne. Ils en étaient au second jour de cette périlleuse excursion. On peut juger de leur état! L’un d’eux en fut affecté au point de paraître en perdre la raison; la tête lui tourna, il s’évanouit probablement, et roula en tombant dans le gouffre au bord duquel il se trouvait encore: il est à croire que cette secousse le fit revenir un instant à lui-même, car son ami l’entendit s’écrier: “Dieu! ayez pitié de moi!....” Aussitôt après, le bruit lointain de sa chûte et un gémissement sourd apprirent à son malheureux compagnon qu’il allait se trouver seul dans cet horrible labyrinthe; il essaya de se pencher vers l’abîme et d’appeler de toutes les forces de sa voix; mais ses cris, répétés par les échos de la voûte, furent toujours suivis du plus désespérant silence.

“Seul alors, au milieu d’une effroyable nuit, je pensai, dit-il, qu’il eût été heureux pour moi de périr dans le même moment; car comment oser espérer de sortir de cette affreuse prison, à travers le nombre d’abîmes qu’il me fallait de nouveau éviter sans les voir? cela me parut d’une impossibilité telle que je résolus de rester où j’étais et d’y attendre patiemment la fin de mon existence.”

Mais le désir de la vie ne s’éteint pas si facilement au cœur de l’homme; bientôt il raisonna différemment: “Que risqué-je (pensa t-il) à tenter l’aventure? la mort ne peut m’atteindre qu’une fois; et périr pour périr, autant vaut succomber en travaillant pour ma délivrance.”

Il essaya donc aussitôt de revenir en arrière, et se traînant sur ses pieds et ses mains, il parvint à cheminer pendant un jour entier sans accident, jusqu’à ce qu’épuisé de fatigue et perdant de nouveau courage, il se prit à pleurer amèrement; mais ces larmes mêmes soulagèrent sa douleur: il se sentit ranimé, et continua à avancer, toujours au milieu d’épaisses et désolantes ténèbres.

Il avait remarqué en entrant dans la grotte, qu’on y pénétrait par plusieurs embranchemens; il se persuada qu’il s’était engagé dans une fausse route, et qu’il se trouvait peut-être alors plus éloigné que jamais du but vers lequel il ne cessait de tendre; cette idée anéantit un instant toutes ses facultés; une sueur froide inonda son visage; jamais la mort ne lui avait paru si proche. Mais à cette crise de faiblesse succéda le dernier élan du désespoir; il recommença à se traîner en avant avec une sorte de fureur, lorsque tournant brusquement la saillie du mur qu’il longeait depuis plusieurs heures, l’étoile brillante du matin s’offrit tort-à-coup à ses regards: il était arrivé à l’entrée de la grotte!

Ce qu’il éprouva alors peut se sentir, mais aucun langage ne saurait l’exprimer.—(Phare du Havre.)

RELATION, &c.

(Suite et fin.)

Le 11, nous continuâmes notre route, et vers 10 heures, nous rejoignîmes Mr. A Grignon avec environ 20 Folles-Avoines, et un Soki, nommé Thomasson, qui avait été à la Prairie du Chien une vingtaine de jours auparavant. Il fut ici donné ordre au capitaine Rolette d’aller en avant jusqu’au Portage, où il devait trouver La Sarcelle, et le prier d’envoyer 60 ou 80 jeunes guerriers sauvages au confluent de l’Ouisconsin avec le Mississippi, pour couper la retraite à l’ennemi, s’il tentait de descendre par cette dernière rivière. Cet ordre devint pourtant inutile; car le capitaine Rolette ayant rencontré La Sarcelle à deux lieues en avant de nous, il avait appris de lui que les ennemis ayant débarqué tous leurs effets, demeuraient dans les maisons du village et du fort, sans le moindre soupçon qu’on dût les attaquer. Cette nouvelle ayant, été communiquée à notre commandant, il contremanda prudemment l’ordre donné au capitaine Rolette, de peur que si l’ennemi voyait rader un si grand nombre de sauvages autour du village, il n’en fût alarmé, et ne prît le parti de se retirer: ce qu’il désirait empêcher. Dans le cours de la journée, six autres Sokis se joignirent à nous. Ils avaient fait deux chevelures. Nous fîmes, ce jour-là, 13 lieues.

Le 12, nous fîmes 14 lieues, et allâmes camper à quatre lieues du Portage. Nous rencontrâmes, ce jour-là, plusieurs petits partis de sauvages déguenillés et à demi morts de faim. Ils nous demandèrent à cor et à cri des hardes, des marchandises, &c. mais notre commandant réussit à les appaiser, en leur disait que des hommes qui allaient en guerre ne devaient pas s’occuper de marchandises; qu’il ne convenait qu’à de vieilles femmes de demander des hardes; que s’il y en avait parmi eux qui eussent honte d’être nus, ils pouvaient s’en retourner à leurs champs de maïs, et qu’il ne les mènerait point à la guerre.

Le 13, nous nous mîmes en marche, à l’heure accoutumée, et arrivâmes à 10 heures au portage de l’Ouisconsin. Nous y trouvâmes un nombre de sauvages, la plupart Puans et Pouteouatamis, qui nous y attendaient, suivant qu’il avait été convenu, et qui tous se montrèrent très actifs à transporter notre bagage, nos effets et nos berges au-delà du portage; de sorte qu’à 8 heures du soir, tout était de l’autre côté. Nous y fûmes joints par un parti de sauvages de la Rivière Noire; mais après qu’on leur eut donné des munitions, et confié un présent pour Le Hibou-Noir, leur chef, on les lui renvoya pour le prier d’intercepter un parti d’Américains, qui, avait-il appris, remontait la Mississippi, sous le major Campbell, pour renforcer la garnison du fort Shelby. Nous fûmes encore joints, en cet endroit, par 350 sauvages de la tribu d’Ouinabégo; mais comme ils avaient avec eux leurs familles, il ne nous fut pas possible de constater le montant de notre force effective.

Le 14 au matin, toute la brigade fut à flot de nouveau, sur l’Ouisconsin. On donna aux sauvages un peu de munitions, afin de les mettre en état de chasser pour leur subsistence; et tout fut préparé pour notre marche en avant. Notre officier commandant ayant tenu conseil avec les chefs sauvages, leur demanda ce qu’ils appellent un parti de guerriers, qui se compose d’un nombre de jeunes gens alertes, choisis dans chaque tribu, et dont le devoir est d’agir comme avant-garde. Ils devaient se tenir à quelque distance en avant de nous, dans un ou deux canots, et dans le cas où ils feraient quelque découverte, en avertir le reste de la brigade par le cri de guerre.

La Sarcelle, en envoyant ses ordres aux différentes tribus dans sa route de Michillimakinac, leur avait mandé de s’assembler au Portage, le 15; et comme plusieurs d’entr’eux n’étaient pas encore arrivés, notre force se trouva beaucoup moindre qu’il ne s’y était attendu. Après beaucoup d’instances, il persuada notre commandant d’attendre pendant un jour l’arrivée de ce renfort. Le colonel M’Kay fut induit à en agir de la sorte, moins par le prix qu’il mettait au renfort attendu, que par la promesse qu’il avait faite en partant de Michillimakinac, de ne rien refuser à La Sarcelle de ce qu’il pourrait lui accorder sans danger ou inconvénient. En conséquence, nous ne fimes qu’environ une lieue et demie, et campâmes à la rivière Burrabo. Ici les chefs s’assemblèrent autour de notre commandant, qui était assis à l’ombre d’un chêne, et se mirent à lui débiter, suivant leur coutume, de longues harangues, dont la teneur était qu’ils étaient très pauvres, qu’ils avaient un grand besoin de hardes et de vivres, et que leurs chefs avaient enfin résolu d’être toujours fidèles à leur père, le roi d’Angleterre. Notre colonel leur répondit qu’il n’avait pas présentement le temps de tenir de longs conseils ni de faire de longs discours; que la résolution qu’ils prennient maintenant ils auraient dû la prendre depuis longtemps, pour leur propre avantage; qu’il avait été surpris de voir les enfans du roi d’Angleterre laisser passer impunément ses ennemis parleurs villages, qu’aussitôt qu’il se serait rendu maître de la Prairie du Chien, il espérait voir leurs chefs; qu’il leur donnerait alors des munitions, et qu’ils pourraient lui parler librement.

Le 15, nous fimes 22½ lieues, et campâmes au Détour des Pins. Il ne se passa rien de remarquable, ce jour-là, si ce n’est que La Sarcelle s’y montra plus importun que jamais par ses demandes de provisions, et que les autres s’amusèrent à chanter leurs chansons de guerre, et à supplier le Grand Esprit de leur donner du courage, de les aider à détruire leurs ennemis, et à s’en retourner ensuite sains et saufs dans leurs villages.

Le 16, après que nous eûmes fait 26 lieues, un orage accompagné de tonnerre nous contraignit de nous arrêter au Petit Village pour la nuit. Dans le cours de la journée, une outarde ayant passé au-dessus de la brigade, les sauvages tirèrent plusieurs coups de fusil, nonobstant la défense qui leur avait été faite de tirer, et le cri de guerre se fit entendre de charpie canot. Un parti de soldats stationné pour faire obéir aux ordres, eut à se jetter au milieu de la brigade, et à briser les fusils et les avirons de ceux qui se trouvèrent coupables de désobéissance. Dans la matinée, le lieutenant Brisbois, et Mr. A. Grignon, avec un détachement de sauvages, furent envoyés en avant pour reconnaître et constater, autant que possible, la situation de l’ennemi.

Le lendemain, à une heure du matin, nous nous remîmes en route et avançâmes jusqu’au Petit Gris, à environ trois lieues du village de la Prairie du Chien, où nos reconnaisseurs nous attendaient. Ils avaient pris un Mr. Antoine Bribois, de qui nous apprîmes que le fort, qui est situé sur une éminence, derrière le village, était monté de six pièces de canon, et garnisonné par une soixantaine de soldats, non compris les officiers. Il y avait aussi dans la rivière devant le fort, une forte chaloupe canonnière, d’environ 60 pieds de quille, portant 14 pièces de canon, et 60 ou 70 hommes d’équipage, et placée hors de la portée des petites armes à feu. Après avoir reçu cette information, notre commandant forma son plan d’attaque. Nous devions débarquer au vieux fort, à environ deux milles au-dessous du village. Le capitaine Grignon, avec sa compagnie, et le lieutenant Brisbois, du département des sauvages, avec les Puans, les Folles-Avoines et les Courtes-Oreilles, tous sous le commandement du lieutenant colonel M’Kay, devaient former la division de centre. Le capitaine Rolette avec sa compagnie, les Sioux, les Saulteurs et les Sokis, sons le lieutenant Graham, formaient l’aile droite, et le capitaine Anderson avec sa compagnie, l’aile gauche de notre petite armée. Ce dernier était encore chargé d’avoir soin des berges, de garder le camp et de couper la retraite à l’ennemi, s’il tentait de retraiter. Les arrangemens ayant été ainsi faits, et le poste et le devoir de chacun lui ayant été assignés, la brigade s’avança jusqu’au lieu du débarquement; notre commandant ayant intention d’attaquer le lendemain matin, à la pointe du jour.

Comme nous approchions du lieu où nous devions débarquer, la difficulté de conduire des troupes aussi mal disciplinées que le sont les sauvages, commença à se manifester. Deux fermiers s’en venant à cheval au-devant de nous, aussitôt qu’ils furent apperçus, les sauvages firent leur terrible cri de guerre, poussèrent leurs canots vers le rivage, les uns nageant, les autres marchant dans l’eau, et se jettèrent sur eux en une masse confuse. Heureusement, le premier qui atteignit ces malheureux les connaissait, et cette circonstance leur sauva la vie. Ils les jettèrent néanmoins à bas de leurs chevaux, et dans leur rage, les trainèrent à la berge de notre commandant.

Comme tout délai aurait donné à l’ennemi plus de temps pour se préparer, et n’aurait pas été prudent, vu l’humeur dont étaient les sauvages, le débarquement se fit aussi promptement que possible, et le capitaine Rolette défila avec son détachement jusqu’à une position élevée, à environ un quart de mille en avant de notre camp. Il est de la justice de remarquer ici que le parti de jeunes guerriers sauvages, qui avait été envoyé devant comme reconnaissance, s’était bien acquitté de son devoir; car il avait détenu tous ceux qu’il avait rencontrés; de sorte que jusqu’alors les ennemis n’avaient au aucun avis de notre approche. Il est plus facile d’imaginer que de décrire la consternation où ils durent se trouver, en voyant plus de 1200 Canadiens et sauvages avec autant de pavillons déployés qu’ils en avaient pu trouver, à une demi-lieue de leur fort.

Environ une heure après que nous fûmes débarqués, notre officier commandant envoya le capitaine Anderson avec un pavillon de trève au fort, pour le sommer de se rendie. Au bout de 20 minutes, cet officier revint avec la réponse négative du commandant. Lorsque cette réponse fut connue des sauvages, il devint impossible de les tenir sons aucune restreinte; ils entourèrent le fort, et s’emparèrent des maisons abandonnées qu’il y avait à l’entour; de sorte que, mû par un sentiment d’humanité, notre colonel crut devoir envoyer deux compagnies pour entourrer le village, et mettre les habitans a l’abri de leur vengeance. Ces barbares se mirent à tirer irrégulièrement sur le fort, et sur la chaloupe canonnière, sans aucun effet. La chaloupe canonnière ayant commencé à tirer de son côté, notre pièce de campagne fut placée à la portée du fusil de ce vaisseau, et si bien servie, que ceux qui étaient à bord commencèrent à se trouver dans une position très peu agréable. Ils essayèrent d’abord à remonter, mais trouvant la chose impossible, ils profitèrent du courant, pour descendre et accélérer leur fuite. Nous les suivîmes, autant que nous pûmes, sur le rivage: mais trouvant que le vaisseau était beaucoup plus fort que nous ne nous y étions attendus, nous ne pûmes tenter de l’aborder avec nos berges, et en le poursuivant avec notre canon, nous aurions laissé notre camp exposé à une sortie du fort. Nous cessâmes donc de le poursuivre, et dépêchâmes un parti de Sokis, pour l’attaquer dans les rapides, où il était probable qu’il échouerait et que l’équipage serait obligé de débarquer.

Ce petit combat dura environ trois heures: nos volontaires s’y conduisirent avec beaucoup d’ordre et de bravoure; et bien que l’ennemi fit un feu très vif tant du fort que de la chaloupe canonnière, jusqu’à ce que ce vaisseau eût été délogé, et qu’un grand nombre de leurs boulets fussent tombés au milieu de nous, nous n’eûmes que deux hommes de tués et huit de blessés, outre trois sauvages, qui, rodant follement autour du fort, y furent blessés. Généralement parlant, les sauvages, à l’exception des Puans, se conduisirent aussi bien qu’on pouvait s’y attendre. Ces derniers, bien qu’il leur eût été expressément défendu de faire aucun mal aux habitans, coururent an village, aussitôt qu’ils eurent débarqué, y tuèrent les animaux, et y pillèrent tout ce qui leur tomba sous la main. Après le combat, nous retournâmes à notre camp, pour nous y préparer à l’attaque du fort.

Le 18 au matin, nous fimes l’inspection de nos munitions, et il se trouva qu’il n’y avait plus que trois charges de boulets pour notre pièce de canon. Nous employâmes donc la journée à faire des boulets de plomb, et en même temps, le capitaine Grignon fut envoyé, avec deux berges, à la poursuite de la chaloupe canonnière, avec ordre de la détruire, s’il était possible.—Le soir, il arriva 10 sauvages de Milliwacki, avec parole qu’il en viendrait 20 autres, le lendemain matin: et qui eut lien.

Le 19 au matin, ayant élevé deux parapets, l’un à 700, et l’autre à 450 verges du fort, et tous les préparatifs ayant été faits, nous nous avançâmes en corps pour donner l’assaut à la place; mais au moment où le premier boulet rouge allait être mis dans le canon, un parlementaire s’avança du fort. C’était un officier chargé de proposer de rendre le fort, sans autre condition que l’assurance, de la part de notre commandant, que les officiers et soldats américains seraient mis à couvert de tout mauvais traitement de la part des sauvages. Les Sioux se conduisirent extrêmement bien en cette occasion: car en voyant le pavillon blanc, non seulement ils cessèrent de tirer, mais entourrant l’officier, ils le garantirent de toute insulte de la part des autres sauvages, et le conduirent sain et sauf à notre commandant.

Nous avions encore une tâche difficile à remplir: les sauvages dont le nombre surpassait de beaucoup celui des Canadiens, ne voulaient donner aucun quartier à l’ennemi; et comme il était tard, nous ne pouvions prendre une pleine possession du fort que lendemain matin, pour pouvoir remplir la condition à laquelle il se rendait. On y fit pourtant entrer une forte garde; on prit possession de la poudrière, et l’on convint qu’on ne ferait sortir les prisonniers que le lendemain au matin.

Le 20, les sauvages paraissant encore résolus de massacrer les prisonniers, nous n’osâmes pas les faire sortir du fort. Notre commandant y fit entrer le capitaine Anderson avec deux compagnies, avec ordre de fermer les postes sur lui, tandis qu’il resterait lui même dehors, pour tâcher d’appaiser les sauvages.—Après avoir raisonné avec eux pendant trois heures, et leur avoir représenté que les ennemis étant présentement nos esclaves, il y aurait de la lâcheté à les tuer, il réussit enfin à persuader à la plupart, des tribus de leur donner quartier.—Les Ouinabégos furent les plus difficiles à persuader: ils disaient qu’ils n’avaient joint l’expédition que pour tuer ces mauvais esprits, qui s’étaient emparés de leurs teres, et qu’ils étaient déterminés à le faire. Dans le cours de la soirée pourtant, ils consentirent aussi à épargner les prisonniers et revinrent avec les autres à notre campement, ou plutôt donnèrent à entendre qu’ils l’allaient faire: car on apprit ensuite qu’ils avaient tenu eutr’eux un conseil privé, et avaient résolu d’assembler toute leur tribu au Portage, pour y guetter et massacrer les prisonniers, dans leur route à Michillimakinac. Ils furent pourtant frustrés dans leur dessein et leur attente: car au lieu d’emmener les prisonniers à Michillimakinac, le colonel M’Kay s’étant procuré des bateaux, leur fit descendre le Mississippi, jusqu’à St. Louis, sous la protection d’une chaloupe canonnière, escortée par le lieutenant Brisbois, du département des sauvages, après leur avoir fait donner parole qu’ils ne serviraient pas durant la guerre.—Pour qu’ils courussent moins de danger, il fit partir avec eux six chefs des tribus par lesquelles ils avaient à passer, entre la Prairie du Chien et St. Louis. Ils arrivèrent tous sains et saufs, et notre officier, ainsi que nos hommes furent très bien reçus par le général Clark, commandant de la place.

Le 21 fut employé à faire partir des présens pour les sauvages de Millivacki, à sortir du fort ce qui en pouvait être emporté, à monter les canons sur des affuts, et à faire les autres arrangemens nécessaires. En même temps, on fit partir un canot pour le bas du fleuve, afin d’obtenir des renseignemens, et savoir si l’ennemi faisait monter des renforts.

Le 22 au matin, toutes nos forces furent passées en revue, devant le fort, et il fut tiré une salve royale; après quoi le capitaine Anderson se rendit à la porte principale, avec une bouteille de vin, dont il s’était pourvu pour l’occasion, et changea, avec toute la solemnité convenable, le nom du fort en lui donnant celui de notre brave et habile conducteur, à la conduite duquel était dûe l’heureuse issue de notre expédition. Lançant la bouteille de vin contre la porte, il s écria: “Le fort Shelby ayant été pris, le pavillon britannique est maintenant déployé sur le fort M’Kay.” Toute notre petite armée répondit par trois acclamations.

Ainsi s’est terminée une expédition qui avait été entreprise dans des conjonctures de nature à ralentir l’ardeur de toutes autres troupes que des troupes anglaises sous un commandant sur le courage et là prudence consommée duquel elles comptaient avec la plus entière confiance, et qui, par la manière dont il conduisit cette entreprise difficile, justifia pleinement la confiance qu’on avait mise en lui.

Les Américains qui se rendirent dans le fort étaient J. Perkins, lieutenant au 24 régiment d’infanterie et capitaine de milice, G. H. Kennerly, capitaine de milice: J. Kennerly, 2d lieutenant de milice; 3 sergens, 3 caporaux, un commissaire; un interprète, 66 soldats et 82 miliciens, comme il paraît par le retour de l’officier qui commandait dans le fort lorsqu’il se rendit.

Le nombre de ceux qui furent tués dans la chaloupe canonnière doit avoir été considérable; car aucun des coups de notre pièce ne fut perdu, dès qu’elle eut commencé à tirer dessus, et ceux de nos gensqui furent envoyés à sa poursuite, en virent jetter à l’eau un grand nombre de corps morts.

A l’Editeur du Canadian Magazine.

Monsieur—Relativement à la relation qui a paru dans vos deux derniers numéros de l’expédition sous mon commandement au fort de Shelby, j’ai à remarquer que les noms du bombardier Keating, de l’artillerie royale, présentement adjudant de fort, à l’île Drummond, et du capitaine Dease, de la milice de la Prairie du Chien, ont été par mégarde entièrement omis; et il est de la justice de dire qu’ils n’ont pas moins de titres aux éloges et aux remercimens de leur pays, que les messieurs nommés dans la relation. Vous m’obligerez en insérant cette lettre dans votre prochain numéro. J’ai l’honneur d’être votre très obéissant serviteur,

Wm. M’Kay.

ELECTRICITÉ.

Le mot électricité vient du mot grec electron, ambre, parce que l’ambre étant frotté; attire des corps fort légers, tels que la paille, les feuilles, &c. Les anciens connaissaient cette propriété de l’ambre; et les physiciens modernes ont remarqué que cette propriété était aussi celle du souffre, du jayet, de la cire, des résines, du verre, des pierres précieuses, de la soie, de la laine et de presque tous les poils des animaux. Un grand nombre d’expériences ont prouvé que tous les corps de la nature, les métaux exceptés, pouvaient devenir électriques.

Les premières observations sur l’électricité sont d’un physicien anglais appellé Gilbert. Quelque temps après, Othon de Guerick, bourguemestre de Magdebourg, s’avisa de faire avec un globe de souffre des expériences qui donnèrent des connaissances plus exactes sur cette propriété des corps: ce fut la première machine de rotation qui parut. Cet habile physicien découvrit le premier les attractions et répulsions électriques, et la possibilité de transmettre l’électricité par le moyen d’un fit. Robert Boyle, et après lui, les physiciens de l’académie de Florence, firent plusieurs autres observations. Enfin Hauksbee imagina le tuyau et le globe de verre, qu’il lit tourner sur son axe.

Il était réservé au siècle dernier de produire par la machine électrique les phénomènes les plus étonnants. M. du Fay, à l’occasion de la douleur qu’il ressentit, en tirant une étincelle de la jambe d’une personne suspendue sur des cordons de soie, pensa que la matière électrique était un véritable feu, capable de bruler aussi bien que le feu ordinaire, et que la piqûre qu’il avait sentie était une véritable brûlure. En partant de cette réflexion, M. Ludolf, savant allemand, vint à bout d’enflammer l’esprit de vin par une étincelle électrique, qu’il tira du pommeau d’une épée.

Aujourd’hui, il ne paraît plus douteux que le fluide électrique, qui semble répandu par toute la nature, est la même matière que celle du tonnerre: les nombreuses observations de l’illustre Franklin nous en ont donné des preuves irrévocables. Il imigina de faire descendre réellement la foudre des cieux par le moyen d’un cerf-volant électrique. En conséquence, il mit en croix deux petites lattes, assez longues pour atteindre aux quatre coins d’un grand mouchoir de soie étendu. Il fixa les coins de ce mouchoir aux extrémités de la croix, en ajoutant une corde très longue, avec laquelle il avait fait filer un fil de métal très délié. Au sommet du montant de la croix, il avait fixé un fil d’archal très pointu, qui s’élevait environ un pied au-dessus du bois. Avec cet appareil, il profita de la première occasion où il vit un orage qui menaçait de tonnerre, pour aller se promener dans une campagne, où il enleva son cerf-volant. Mais il se passa un temps considérable avant d’obtenir aucun signe d’électricité. Enfin il remarqua quelques fils de la ficelle de chanvre, qui se dressaient et se repoussaient, les uns les autres, précisément comme s’ils eussent été suspendus à un conducteur ordinaire.—En effet, le fluide électrique descendait par cette corde de chanvre, et était reçu par une clef attachée à son extrémité. La partie de la corde qu’on tenait à la main était de soie, afin que la vertu électrique pût s’arrêter quand on arriverait à cette clef. Franklin chargea des bouteilles à cette clef, et avec le feu électrique qu’il obtint, il alluma de l’esprit de vin, et fit toutes les autres expériences que l’on a coutume de faire avec un globe ou un tube frotté. Cette expérience ingénieuse le conduisit à l’invention du paratonnere.[1]

Mais si cette expérience est facile et amusante, elle est en même temps fort dangereuse. En 1795, M. Brown fit monter un cerf-volant près d’un nuage électrisé: peut-être avait-il négligé quelque précaution pour s’isoler de son appareil; mais un coup violent de tonnerre se fit entendre; la foudre parcourut la corde du cerf-volant, et tua sur la place le physicien et le cheval qu’il montait.—(Petit Dictionnaire des Inventions.)


Un physicien partant de cette invention, dont l’utilité est évidemment démontrée, a voulu faire un paratonnerre du parasol dont nous nous servons ordinairement. Il ne s’agissait que de quelques petits accessoires, qui s’adaptaient au parasol et s’en détachaient avec une égale facilité; mais personne ne s’est soucié de mettre à l’épreuve ce préservatif, que l’on pouvait bien appeller un rèmede plus dangereux que le mal.

BATEAUX A VAPEUR.

Plusieurs personnes se disputent l’honneur d’une des plus grandes inventions qui aient signalé les temps modernes, je veux dire l’application de la vapeur comme puissance motrice à la marche des bateaux. C’est une destinée qui est commune à cette découverte et à plusieures autres de la même importance, telles que celles de la poudre à canon, de la boussole, de l’imprimerie, &c. Il est difficile dans des procès de cette nature de prononcer entre des titres qui peuvent être également valables; car il est possible que ces découvertes aient eu lieu en même temps sur plusieurs points du globe, sans que la gloire des hommes de génie qui l’on trouvée, chacun de son côté, en doive ressentir quelque atteinte.

L’honneur de l’invention des bateaux à vapeur est généralement attribué à l’Américain Fulton. L’un de nos compatriotes a revendiqué avec chaleur la même gloire. M. le Marquis de Jouffroy fit, en 1783, naviguer à l’aide de la vapeur, sur la Soane, un bateau de 150 tonneaux.

On a déjà cité plusieurs faits qui établiraient des essais plus anciens encore, de se diriger à volonté sur le liquide élément, comme on a essayé à plusieurs reprises même de s’élever dans les airs. En voici un que nous supposons plus anciens qu’aucun autre, puisqu’il remonte à près de trois siècles, et dont la lecture confirmera ce que nous venons de dire, qu’il est possible que des hommes de génie, à de longs intervalles de temps, ou à de grandes distances de lieux, inventent également une même chose dont le besoin est généralement senti, on dont l’utilité est d’un usage général.

Les lignes suivantes sont extraites d’une collection des voyages des Espagnols, publiée à Madrid par Ferdinandez Navarete.

“En 1543, le capitaine de vaisseau Blasco de Garay demanda à l’empereur Charles-Quint de faire en sa présence, dans un port d’Espagne, l’expérience d’une machine qui pouvait faire marcher de grands navires sans le secours des avirons ou des voiles. L’expérience se fit à Barcelone, le 17 Juin de cette année 1543. Blasco de Garay fit marcher un bâtiment de 200 tonneaux nommé la Trinidad; il fit usage d’une grande chaudière remplie d’eau, et de deux roues placées à l’extérieur du navire. Le trésorier de l’empereur fit un rapport défavorable; il se fondait sur ce que la chaudière pourrait éclater, et que la vitesse acquise par ce moyen n’était que de 4 milles à l’heure. L’inventeur découragé détruisit cette machine ingénieuse qui, 300 ans plus tard, est devenue le moteur le plus puissant des arts et de la navigation. Charles-Quint fit cependant défrayer Blasco de Garay, et il lui accorda en sus 40,000 maravédis.”—(Journal Français.)

MYOLOGIE CANADIENNE.

(Extrait du Voyage de J. Lambert en Canada.)

Les mouches communes ou domestiques sont en beaucoup plus grand nombre en Canada qu’en Angleterre; il n’est pas décidé si elles sont natives du pays, ou si elles y ont été importées; mais il est certain qu’elles sont plus hardies et plus importunes que leurs sœurs européennes. Le tourment que causent ces insectes dans les mois de Juin, Juillet et Août, ne saurait se concevoir. Il faut que votre chambre soit absolument obscure; ou il vous est impossible d’y demeurer en repos: plus elle sera éclairée et échaudée, plus les mouches seront nombreuses et actives, et plus votre tourment sera grand.—Il m’est arrivé de m’asseoir pour écrire, et d’être forcé de jetter la plume de côté, en conséquence de leurs irritantes morsures, qui m’obligeaient de porter incessamment la main à mes yeux, à mou nez, à ma bouche ou à mes oreilles. Quand je ne pouvais plus écrire, je me mettais à lire, et j’étais obligé d’avoir toujours une main eu mouvement du côté de ma tête.

Enfin lorsque ma patience était épuisée, je prenais mon chapeau, et sortais, dans l’espoir d’être recréé par le délicieux zéphir, qui se joue souvent dans l’atmosphère dans cette saison; mais en moins de cinq minutes, je me trouvais accablé par les rayons brulants du soleil du midi. Pour éviter un coup de soleil, je gagnais un bocage touffu, qui semblait m’inviter à m’aller mettre à l’abri sous son épais feuillage; mais comme si c’eût été pour mettre le comble à mes souffrances, je me trouvais aussitôt entouré par des myriades de maringouins, de brulôts, et d’autres insectes venimeux, dont les attaques répétées sur mon visage, sur mes mains et sur mes jambes, me forçaient à retourner malgré moi vers mes premiers tyrans, qui, quoiqu’également importuns, ne sont certainement pas aussi dangereux que leurs frères à longues pattes.

Les maringouins abondent dans les bois pendant plus de trois mois. Leurs morsures sont venimeuses, et se sont trouvées quelquefois dangereuses. Il est arrivé que des déserteurs, qui avaient fui dans les bois, y ont péri en conséquence des grandes inflammations que leur avaient causées les morsures d’essaims innombrables de ces insectes. Le jus de citron, le vinaigre ou tout autre acide, appaise la douleur et fait disparaître l’enflure presque incontinent. Il est curieux de voir ce petit insecte se jetter sur votre main, insérer sa trompe dans un des porcs, et sucer le sang. En très peu d’instans, son corps, qui était auparavant d’un gris léger et presque transparent, devient rouge et gonflé de sang; et il ne quinte jamais prise avant que son appétit ne soit complètement rassasié. On pense qu’il est moins dangereux de le laisser s’en aller de son propre mouvement, lorsqu’il est rassasié, que de le tuer sur la main; car on présume qu’il emporte alors son venin avec le sang.

Les brulôts sont si petits qu’ils sont à peine perceptibles dans leurs attaques; et l’on aura souvent le front rouge de sang avant de s’être apperçu que l’on est au milieu d’eux.

Les abeilles sont abondantes, et volent en petits essaims dans les bois et les jardins. On dit qu’elles étaient inconnues en Amérique avant l’arrivée des Européens, et les sauvages n’ayant point de mot dans leur langue pour les décrire, les appellent mouches anglaises. Il n’y a que quelques Canadiens qui aient des ruches. Les abeilles que j’ai vues dans les jardins m’ont paru plus grosses que celles d’Angleterre.

Les mouches à dragon, les guêpes et les mouches à cheval ne sont pas plus communes dans les parties cultivées du pays qu’elles ne le sont en Angleterre. Mais il y a une espèce de mouche que quelques uns appellent en anglais shadfly, mouche à l’alose, parce qu’elles ont coutume de paraître lorsque ce poisson commence à donner, et disparaissent de même au bout de quinze jours ou trois semaines. C’est vers le commencement de Juin qu’elles arrivent et voltigent en grands essaims, particulièrement dans les villes. Elles sont d’une innocuité parfaite, quoique rangées dans la classe des insectes qui ont des aiguillons.

Comme je me rendais de Québec aux Trois Rivières, par eau, dans le mois d’Août, je rencontrai une espèce curieuse de mouches, qui s’élevant en masses épaisses de la surface de l’eau, venaient se loger sur le vaisseau. J’ai trouvé depuis qu’elles appartiennent à la classe des éphémères; mais elles diffèrent considérablement de celles d’Europe, et je les crois de la même famille que l’ephoron leukon, ou mouche blanche, qui se trouve si la rivière de Passaic, dans l’Amérique du Nord, et qui a été de couverte et décrite dernièrement parle Dr. Williamson.—Celles que je rencontrai, se montraient vers soleil couchant, et étaient parfaitement blanches. La longueur de leur corps était d’environ trois quarts de pouce, et elles avaient deux ailes nerveuses et transparentes, d’à-peu-près la même longueur, et étendues presque verticalement. Leur queue était munie de deux soies de même longueur à peu-près que leur corps. Elles volaient avec une vitesse étonnante, planaient au-dessus de l’eau pendant quelques secondes, puis venaient se reposer sur le vaisseau, où, en très peu de temps, elles changeaient de vêtemens, et s’envolaient, laissant derrière elles leur peau entière, depuis lu tète jusqu’à la queue. C’était exactement la forme complète du corps, mais sans les aîles. J’en examinai des centaines, qui toutes firent la même chose, et qui firent sortir leur corps et leurs aîles de leur peau extérieure, après quoi elles s’envolèrent. Il me parut qu’elles n’auraient pu se défaire de leur peau, si elles n’eussent été posées sur quelque substance qui leur facilitât ce dépouillement, et je n’en ai vu aucune se placer sur l’eau pour cette fin. La surface de l’eau autour du vaisseau se trouva couverte des dépouilles de ces petits insectes. Plusieurs s’envolaient dès que leurs aîles étaient libres, et tandis que leur peau adhérait encore à leur queue: elles s’en débarassaient pourtant bien vite par le mouvement qu’elles se donnaient eu volant, et elle tombait conséquemment dans l’eau. Je ne pus obtenir aucune information des habitans concernant ces mouches; car ils ne sont rien moins qu’admirateurs des beautés de la nature.

La mouche à feu (lampyris) est un autre insecte curieux, commun en Canada, ainsi que dans les autres parties du continent américain. Cette mouche est remarquable par la brillante étincelle de lumière qu’elle émet, en volant en l’air, dans une soirée d’été. Elle est de la classe des escarbots, de couleur brune claire, et d’un demi pouce à trois quarts de pouce de longueur. La lumière, autant que j’ai pu m’en appercevoir, jaillit de l’abdomen, qui, jusqu’à la queue, est d’un jaune de paille clair, et composé de jointures. D’autres pourtant ont affirmé que la lumière provenait de deux points glanduleux situés entre la tête et les épaules, et qui ne sont visibles que quand l’insecte vole: mais j’en ai pris quelques unes, que j’ai mises dans des phioles avec de l’herbe, et elles ont donné exactement la même lumière que lorsqu’elles volaient dans l’air. Il paraît donc que la lumière est émise à la volonté de l’insecte, ou quand il respire. Le soir, en plein air, ces mouches sont extrêmement jolies, leur lumière phosphorique paraissant comme des étoiles éloignées, ou de vives étincelles. Elles sont très délicates, et ne vivraient pas longtemps renfermées.

BIOGRAPHIE.

George Canning naquit à Londres, le 11 avril 1770. Son père, qui fut d’abord avocat, et qui ensuite se livra, mais sans succès, au commerce des vins, mourut une année après la naissance de ce fils unique. Madame Canning, que la mort de son mari laissa sans fortune, chercha sur le théâtre des moyens d’existence: et le jeune Canning fut élevé par les soins d’un oncle paternel, qui l’envoya au collège d’Eton. A seize ans, le jeune étudiant, remarquable déjà par un esprit supérieur, mais enclin à la raillerie, publia un journal intitulé le Microcosme.

Ce fut en 1792 que Canning fut présenté au célèbre Sheridan et par celui-ci à Fox et à Burke. Il parut d’abord adopter le parti des whigs; mais s’apercevant bientôt que c’était seulement en marchant sous la bannière du gouvernement, et en s’attachant au parti tory, qu’il verrait s’ouvrir pour lui la carrière des honneurs et de la fortune, il délaissa bientôt les amis whigs qui l’avaient accueilli; et s’étant fait présenter à Pitt, il s’arrangea avec ce ministre, et entra bientôt au parlement. Il commença donc sa carrière politique au moment de l’ouverture de la guerre contre la France, lorsque les torys, soutenus par le puissant génie de Pitt, recueillaient les malédictions des patriotes anglais. “Le murmure et le mécontentement, dit l’auteur, se manifestaient partout; ce n’était plus une simple désapprobation de la guerre; c’était un fervent désir qu’elle pût se terminer au désavantage même du pays. Tout le monde voulait la paix: le commerce et les manufactures, les pauvres et les riches. L’aristocratie seule s’y opposa, et sa résistance opiniâtre triompha de la volonté générale et de l’intérêt de tous.”

En 1795, Canning fut nommé sous-secrétaire d’état. Il avait pris, dit-on, avec Pitt, son protecteur, l’engagement de ne parler dans la chambre que lorsqu’il en serait requis. Cette docilité, condition sine quâ non de son avancement futur, l’empêcha de se faire remarquer comme orateur au début de sa carrière. Ce ne fut qu’en 1797, et dans une discussion sur la traite des noirs, qu’il prononça son premier discours vraiment remarquable.

En 1798, il établit, avec MM. Frere et Ellis le fameux journal intitulé Revue antijacobine, qui obtint un grand succès et qui eut pour but principal d’attaquer par le ridicule plutôt que par le raisonnement les opinions populaires du jour.

En 1801, une administration qui avait subsisté plus de dix-sept ans; qui s’était établie et maintenue en dépit de la chambre des communes et de la nation; qui avait fini par triompher d’une opposition formidable par le talent et par le nombre, fut dissoute tout à coup; et Pitt ayant donné sa démission, lord Grenville, le comte Spencer, le lord chancelier Dundas, Wyndham et Canning, quittèrent le ministère.

Par suite de transactions particulières, Canning avait promis de soutenir de tous ses efforts la nouvelle administration dirigée par Addington; mais il ne le fit pas ou le fit mal. Et bientôt, jettant le masque, il attaqua dans la chambre des communes, avec violence et sans relâche, un ministère qui avait compté sur son appui.

En 1804, Pitt ayant repris les rênes de l’administration, appella de nouveau Canning auprès de lui comme trésorier de la marine.

En 1806, après la mort du premier ministre, Canning fit partie d’une nouvelle administration, formé par lord Grenville, Fox &c., et se mit à la tête du parti Pitt. Ce ministère ayant présenté aux chambres, malgré la volonté du roi, un bill tendant à autoriser l’admission des catholiques dans l’armée et dans la marine, fut dissous aussitôt. Le duc de Portland ayant été nommé premier ministre, Canning obtint le portefeuille des affaires étrangères, et Castlereagh celui des colonies. Quelque tems après l’infructueuse expédition contre Walcheren, un duel eut lieu entre ces derniers. Canning, qui avait eu à se plaindre d’un procédé peu délicat de la part de son collégue, fut blessé à la cuisse, et se retira dos affaires.

Il occupa peu l’attention de la chambre pendant les années 1810 et 1811. Mais en 1812, la question de l’émancipation ayant été agitée de nouveau, Canning prit une part brillante et active aux discussions qui curent lieu à ce sujet. Pendant cette année, il se fit surtout remarquer au parlement par son opposition à presque toutes les mesures proposées par Castlereagh. Il resta sans emploi pendant toute l’année 1814, et accepta enfin le poste d’ambassadeur à Lisbonne. En 1816, il fut nommé président de bureau du contrôle. En 1820 eut lieu le procès de la reine; Canning, que des liens d’amitié unissaient à cette princesse, refusa de prendre part à cette odieuse affaire et donna sa démission. En 1822, il fut nommé gouverneur général de l’Inde britannique; mais la mort de Castlereagh, qui survint en Septembre de la même année, le retint en Angleterre, où il accepta le ministère des affaires étrangères; et, où, en 1827, après la maladie qui a éloigné lord Liverpool du ministère, il fut nommé premier ministre. Canning n’occupa ce poste que peu d’instans: il fut enlevé à sa brillante carrière le 8 Août 1827.

POTASSE ET CENDRES GRAVELLÉES.

La potasse, ou sous-carbonate de potasse, est un sel acre caustique, très soluble dans l’eau, qui existe dans la plupart des plantes, combiné avec les acides qui se forment pendant l’acte de la végétation: on l’extrait de ces plantes par l’incinération et par la lixiviation, mêlé avec différents sels, tels que le sulfate de potasse et le muriate de potasse, qui comme lui, est très soluble. Ces trois sels, mêlés en diverses proportions, colorés assez souvent par un peu d’oxide de fer ou de manganèse, constituent la potasse du commerce.

C’est dans les pays où les bois sont communs, et particulièrement en Russie et en Amérique, qu’on prépare la potasse. On brûle le bois sur le sol, dans un lieu à l’abri du vent; on obtient pour résidu des cendres, qui sont formées de sous-carbonate de potasse, tous solubles dans l’eau et dans l’alumine, de silice d’oxide de fer, d’oxide de manganèse, de sous-carbonate de chaux, de quelques atômes de charbons échappés à l’incinération, matières sur lesquelles l’eau est sans action. On lessive les cendres à chaud; on fait évaporer la liqueur jusqu’à satiété; on calcine le résidu jusqu’au rouge, dans un four à réverbère, afin de sécher et de brûler complètement les matières charboneuses qui auraient pu être entraînées: on retire ce résidu; on le laisse réfroidir, et ou l’expédie pour le commerce, dans des tonneaux bien fermés, sous le nom de potasse du pays dans lequel l’opération a été faite.

On reconnaît dans le commerce six espèces de potasse; savoir, la potasse de Russie, cette d’Amérique, la potasse perlasse, cette de Trêves, cette de Dantzick et cette des Vosges.

Comme dans l’art du blanchiment et de la teinture, les parties alcalines seules sont utiles, les prix des potasses sont entre eux comme la quantité d’acide nécessaire à leur saturation; par conséquent, on connaît cette dont l’emploi est le plus avantageux, en comparant, le prix de chaque espèce à la quantité de l’alcali qu’elle contient.

Le teinturier n’emploie jamais le sous-carbonate de potasse par dans ses opérations; c’est toujours à l’état de potasse de commerce qu’il en fait usage dans les cas d’essais ou d’opérations délicates.

Le procédé pour l’obtenir consiste à faire un mélange de deux parties de crème de tartre, et une de nitre: on enveloppe ce mélange dans des cornets de papier; en les plaçant au milieu des charbons, on les fait brûler; ensuite, on retire la masse saline que l’on lessive avec de l’eau très pure, et on la fait évaporer jusqu’à siccité: c’est ce qu’on connaît sous le nom de nitre fixé par des charbons, ou sel de tartre.

Lorsqu’on veut employer la potasse pure, il faut la priver de son acide carbonique, avec lequel elle se trouve toujours combinée en plus ou moins grande proportion, et qui lui donne la propriété de faire effervescence avec les acides; pour cela, après l’avoir dissoute, on la traite avec la chaux, qui la sépare de son acide carbonique et se précipite en formant un sel insoluble. On a alors ce que l’on appelle potasse pure ou caustique: cependant elle retient encore une portion d’acide carbonique, et pour l’en priver, il faut la traiter avec l’alcohol. Alors il se forme deux combinaisons: l’une, qui est un alcohol de potasse, et l’autre, qui reste en solution, dont une partie d’eau, et qui se sépare en cristallisant est du carbonate de potasse pure; mais on ne peut avoir besoin de cette préparation, en teinture, que pour des expériences de recherches. Les cendres gravetées, qui sont le produit de l’incinération de la lie du vin et de la cendre, sont riches en alcali, quoique la potasse y soit moins pure que celle qui provient du tartre.

Les végétaux dont on retire la potasse, diffèrent beaucoup entr’eux, et par la quantité de cendres qu’ils donnent dans leur combustion, et par les proportions de potasse qui se trouvent dans ces cendres.

Son usage nous est déjà connu; on s’en sert beaucoup dans l’art du blanchîment; un s’en sert aussi dans la fabrication du bleu de Prusse, dans l’art de la verrerie; mais elle sert surtout, en teinture, à dissoudre certaines parties colorantes de nature comme résineuse, tels que l’indigo, le rouge de Carthagène, &c. Cette combinaison est facilement détruite par un acide qui s’empare de l’alcali, et précipite ainsi la partie colorante dans toute sa pureté.—(Phare du Havre.)

UN THEATRE A ALEXANDRIE.

L’Egypte a déjà un journal; elle va s’enrichir d’un théâtre.—Nous publions la lettre qui nous en donne avis:

“Une société des principaux négocians israëlites d’Aléxandrie, dans la vue de récréer leurs loisirs, eurent l’idée de former dans une salle de l’hôtel Valenem, un théâtre bourgeois, sur lequel des amateurs représentaient tant bien que mal des petits drames italiens. Plusieurs négocians turcs et levantins, qui connaissaient un peu la langue italienne, ont brigué et obtenu le faveur d’assister à ce divertissement; ils y ont pris beaucoup de plaisir, et en ont parlé à leurs amis. Il en a même été question au divan du gouverneur, qui a exprimé le regret de ne pas entendre l’italien. La société israëlite en a été informée, et elle s’est empressée de faire traduire en turc un drame italien, les Prisonniers de Montenero. On attend un bon effet de la morale de la pièce, qui montre le danger d’une justice trop expéditive. Les acteurs conserveront les costumes européens, et un prologue indiquera leurs emplois respectifs. On a cru devoir adoucir certains passages et retrancher un rôle d’usurier.

“Il sera piquant d’observer l’effet de cette représentation sur un auditoire turc, et sur l’âga qui doit y assister. Il ne serait pas impossible qu’un personnage de la plus haute importance, qui recherche avec un extrême empressement tout ce qui vient d’Europe, voulût bien aussi prendre une idée de ce genre d’amusement. Dans cette espérance, et pour ne pas être pris au dépourvu, on travaille à ajuster quelques scènes sur des sujets empruntés à l’histoire des califes. Afin de ne pas fatiguer l’attention de l’illustre auditeur à suivre les fils d’une longue intrigue, chaque scène représentera une action séparée, qui aura un but moral facile à saisir. Ce sera un jeune calife qui voyage incognito avec un vieux gouverneur: celui-ci fera sortir de chaque rencontre le sujet d’une leçon de morale et même de politique. Pendant la représentation, des yeux seront chargés d’observer l’impression que ces moralités produiront sur les spectateurs; et si l’effet est favorable, on se hazardera à présenter, sous la forme dramatique, des vérités directement applicables.”

INSCRIPTION

POUR LE MONUMENT DE WOLFE ET MONTCALM,

Erigé à Québec en 1828.

Monscalmus cecidit, sed non inglorious; à quo

  Confisas arces nil nisi mors rapuit.

Wolfius occubuit victor: sic sanguine ducis

  Albion obtinuit mœnia tincta sui.

Pro patriâ, pro rege mori, quàm dulce, decorumq.?

  His sint digna viris prœmia, sera licet.

Quos simul una dies vidit cecidisse sub armis

  Una columna ferat nomina juncta simul.

AUTRE:

 

      Wolfio et Monti-calmo,

  Viris heroico funere claris,

  De patriâ suâ œquè meritis,

Quorum unum infaustum flexit Gallia,

  Flevit et alterum victorem Albion,

              Hunc lapidem

         Provincia Canadiensis grata

              Dicabat,

            Anno: ——

AUTRE:

 

Miror inacccessis suspensas rupibus arces;

Miror eas potuisse capi sive arte, vel armis,

Dùm duce impavido tectas et milite forti.

Tela struunt cœdem dùm mille tonantia circùm,

Quis tantas moles, prœruptaque scandere saxa

Audeat? Wolfus adest, qui mœnia, classe relictâ,

Expugnare ardens, ea iam tenet alta triumphans.

Prœlia miscentur; fatali vulnere tactus

Mons-calmus cecidit: lugentes cedite, Galli,

Cedite, sed tanto debetur victima duci:

Wolfus et occubuit victor; sic gaudia luctu

Turbantur; partam caro sic sanguine portam

Obtinuêre sui. Nunc ætas postera laudes

Heroum dignas, prœclaraque funera dicat.

Gloria quos eadem junxit, nunc nomina grati

Amborum aspiciant simul uno marmore cives.

 

  Nicolet, 21 Avril, 1828.

LE LAQUIS PICARD.

CONTE.

 

  Certain seigneur ayant pris pour laquais

  Un grand picard, des plus neufs, des plus niais

  Qui fût sorti des plaines de Sautère;

  Le lendemain, (Dieu sait pour quelle affaire)

  L’ayant en vain fait sonner, on lui dit,

  Que le picard était encore au lit,

  Le maître y court.... Eh bien, lourde pécore,

  Que fais-tu là, dit-il?—Je vous attends.

  —Qui? moi, faquin?.... parle, reprends tes sens?

  Tu m’attendais! eh! pourquoi donc encore?

—Seigneur, outre l’argent que vous me donneriez,

Ne m’avez-vous pas dit que vous in m’habilleriez?

JOURNAL SAUVAGE.

Nous avons reçu le premier numéro du Phœnix Chéroquis, le premier journal, à ce que nous croyons, qui ait jamais été publié par une nation sauvage. La vue seule de cette production suffirait pour détruire mille fois toutes les déclarations mal fondées, toutes les vaines déclamations de ces Blancs intéressés qui ont osé affirmer que les Sauvages n’étaient pas faits pour la vie civilisée.

Cette feuille, quand on envisage toutes les circonstances, est une des plus remarquables qui soient jamais sorties de dessous la presse. D’abord, elle a été établie par des Sauvages; en second lieu, elle est le résultat d’une résolution ferme et déterminée de leur part d’adopter les avantages de la civilisation, dans laquelle ils ont déjà fait, sans contredit, des progrès considérables, malgré l’opposition de ceux qui les environnent.

Quant au contenu de cette feuille, on y trouve, entr’autres choses, la première partie de leur constitution libre, la première, à ce que nous croyons, dont il soit fait mention chez un peuple sorti depuis si peu de temps de la vie purement sauvage. Enfin, une grande partie des matières qui y sont contenues sont des extraits d’autres journaux, &c. traduits en langue chéroquise, en caractères inventés par M. Guess (ou Guyst) l’un de la nation. L’auteur,[1] comme on nous l’a assuré, quoiqu’ignorant l’ait de lire et d’écrire a formé cet alphabet de syllabes, sur des principes qui n’appartiennent qu’à lui, et avec un entier succès.—(Journal Américain.)


Voyez Bibliothèque Canadienne, Tome V, No. I.

FARD.

    Les ruines d’un maison

Se peuvent réparer; que n’est cet avantage

    Pour les ruines du visage?

La Fontaine.

Le plus spirituel de nos moralistes, Labruyere, a dit: “Si les femmes étaient telles naturellement, qu’elles le deviennent par artifice, qu’elles perdissent en un moment toute la fraicheur de leur teint, qu’elles eussent le visage aussi allumé et aussi plombé qu’elles se le font par le rouge et par la peinture dont elles se fardent, elles seraient inconsolables.”

Cette vérité me paraît incontestable; et cependant, du nord au midi, de l’orient à l’occident, chez les peuples sauvages, chez les nations policées, le goût de se farder est universel. L’Arabe vagabonde, le Turque sédentaire, la belle Persane, la Chinoise au petit pied, la Russe au teint frais, la flegmatique Anglaise, l’indolente Créole, et la Française vive et légère, toutes les femmes du monde veulent plaire, et presque toutes aiment à se farder.—Ce goût bizarre règne au désert comme au sérail. Duperron raconte qu’une jeune sauvage voulant attirer ses regards, prit furtivement un morceau de charbon, fut le piler dans un coin, s’en frotta les joues, et revint avec un air triomphant, comme si cet ornement l’avait rendue plus sûre de l’effet de ses charmes. M. Castellan, dans ses lettres sur la Grèce, et sur l’Hellespont, trace, à peu-près ainsi, le portrait d’une princesse grecque, qu’il peignit à Constantinople. Ce n’était point, dit-il, la beauté idéale que j’avais rêvée. Ses yeux noirs, bien fendus et à fleur de tête, avaient l’éclat du diamant; mais ses paupières noircies en gâtaient l’expression. Ses sourcils, joints par une teinture, donnaient une sorte de dureté à son regard. Sa bouche, très petite et fortement colorée, pouvait être embellie par la sourire, mais je n’eus jamais la satisfaction de l’y voir naître. Ses joues étaient couvertes d’un rouge très foncé, et des mouches, taillées en croissant, défiguraient son visage. Qu’on imagine enfin l’immobilité de son maintien, le sérieux glacial de sa physionomie, et on croira que j’ai voulu représenter une madone italienne. Ainsi le désir de plaire égare également la fille du désert et la belle odalisque. Le plus haut point de la civilisation est celui qui nous ramène à la nature et au bon goût, qui jamais ne s’en écarte. C’est lui qui inspira La Fontaine, lorsqu’il traça le portrait de la mère des amours.

Rien ne manque à Vénus, ni les lis, ni les roses,

Ni le mélange exquis des plus aimables choses,

Ni ce charme secret dont l’œil est enchanté,

Ni la grâce plus belle encor que beauté.

On a fait delà buglosse (fleur printanière) l’emblême du mensonge, parce que sa racine sert à la composition de plusieurs sortes de fards. Celui dont elle est le base est peut-être le plus ancien et le moins dangereux de tous. Il réunit même plusieurs avantages; il dure quelques jours sans s’effacer; l’eau le ranime comme les couleurs naturelles, et il ne fane point la peau qu’il embellit.

Mais cette pudeur douce, innocente, enfantine,

Qui colore le front d’une couleur divine,

rien ne saurait l’imiter, et l’art la détruit sans retour. Voulons-nous plaire longtemps, voulons-nous plaire toujours, écartons le mensonge de nos cœurs, de nos lèvres et de notre visage, et répétons sans cesse avec le poëte:

Rien n’est beau que le vrai, le vrai seul est aimable.

Madame de Latour.

SONNET EN BOUTS RIME’S,

SUR L’OR.

Ce métal précieux, cette fatale pluie

Qui vainquit Danaé, peut vaincre l’univers:

Par lui les grands secrets sont souvent découverts;

Et l’on ne répand point de larmes qu’il n’essuie.

 

Il semble que sans lui tout le bonheur nous fuie;

Les plus grandes cités deviennent des déserts;

Les lieux les plus charmants sont pour nous des enfers

Enfin tout nous déplaît, nous choque et nous ennuie.

 

Il faut, pour en avoir, ramper comme un lézard:

Pour les plus grands défauts c’est un excellent fard;

Il peut, en un moment, illustrer la canaille.

Il donne de l’esprit nu plus lourd animal;

Il peut forcer un mur, gagner une bataille:

Mais il ne fit jamais tant de bien que de mal.

 

Madame Deshoulieres.

——

AIR.

Pourquoi revenez-vous, printemps? qui vous rappelle?

Le chant des rissignols et leurs tendres amours

    Redoublent ma douleur mortelle.

Que le cruel hiver ne durait-il toujours!

  Tireis, hélas! Tircis est infidèle;

    Hé! qu’ai-je à faire de beaux jours?

 

Mademoiselle Deshoulieres.

LE SOMNAMBULE.

Don Duhaget, autrefois prieur de la chartreuse de Pierre-Châtel, était d’une très bonne famille de Gascogne, et avait servi avec distinction: il avait été vingt ans capitaine d’infanterie; il était chevalier de St. Louis. Je n’ai connu personne d’une piété plus douce et d’une conversation plus aimable.

Il racontait ainsi un fait assez singulier arrivé à lui-même:

“Nous avions, disait-il, à, .... où j’ai été prieur avant que de venir à Pierre-Châtel, un religieux d’une humeur mélancholique, d’un caractère sombre, et qui était connu pour être somnambule.

“Quelquefois, dans ses accès, il sortait de sa cellule et y rentrait seul; d’autres fois il s’égarait; on était obligé de l’y reconduire. On avait consulté et fait quelques remèdes: ensuite les rechutes étant devenues plus rares, on avait cessé de s’en occuper.

“Un soir que je ne m’étais pas couché à l’heure ordinaire, j’étais à mon bureau, occupé à examiner quelques papiers, lorsque j’entendis ouvrir la porte mon appartement, dont je ne retirais presque jamais la clef; et bientôt je vis entrer ce religieux dans un état absolu de somnambulisme.

“Il avait les yeux ouverts, mais fixes; n’était vêtu que de la tunique avec laquelle il avait dû se coucher, et tenait un grand couteau à la main.

“Il alla droit a mon lit, dont il connaissait la position, eut l’air de vérifier, en tâtant avec la main, si je m’y trouvais effectivement; après quoi, il frappa trois grands coups, tellement fournis qu’apres avoir perce les couvertures, la lame entra profondement dans le matelas, ou plutôt dans la natte qui m’en tenait lieu.

“Lorsqu’il avait passé devant moi, il avait la figure contractée et les sourcils froncés. Quand il eut frappé, il se retourna; et j’observai que son visage était détendu, et qu’il y régnait quelque air de satisfaction.

“L’éclat de deux lampes qui étaient sur mon bureau ne fit aucune impression sur ses yeux, et il s’en retourna comme il était venu, ouvrant et fermant avec discrétion deux portes qui conduisaient à ma cellule; et bientôt je m’assurai qu’il se retirait directement et paisiblement dans la sienne.

“Vous pouvez juger, continuait le prieur, de l’état où je me trouvai pendant cette terrible apparition. Je frémis d’horreur à la vue du danger auquel je venais d’échapper, et je remerciai la Providence: mais mon émotion était telle qu’il me fut impossible de fermer les yeux le reste de la nuit.

“Le lendemain, je fis appeller le somnambule, et lui demandai sans affectation, à quoi il avait rêvé la nuit précédente.

“A cette question il se troubla. Mon père, me répondit-il, j’ai fait un rêve si étrange, que j’ai véritablement quelque peine à vous le découvrir: c’est peut-être l’œuvre du démon; et....—Je vous l’ordonne, lui répliquai-je: un rêve est toujours involontaire; ce n’est qu’une illusion. Parlez avec sincérité.—Mon père, dit-il alors, à peine étais-je couché que j’ai rêvé que vous aviez tué ma mère; que son ombre sanglante m’était apparue pour demander vengeance et qu’à cette vue, j’avais été transporté d’une telle fureur, que j’ai couru à votre appartement; et que vous ayant trouvé dans votre lit, je vous y ai poignardé. Peu après, je me suis réveillé tout en sueur, en détestant mon attentat: et bientôt j’ai béni Dieu qu’un si grand crime n’ait pas été commis....—Il a été plus commis que vous ne pensez, lui dis-je, avec un air sérieux et tranquille.

“Alors je lui racontai ce qui s’était passé, et lui montrai la trace des coups qu’il avait cru m’adresser.

“A cette vue, il se jeta à mes pieds, tout en larmes, gémissant du malheur involontaire qui avait pensé arriver, et implorant telle pénitence que je croyais devoir lui infliger.

“Non, non, m’écriai-je, je ne vous punirai point d’un fait involontaire; mais désormais je vous dispense d’assister aux offices de la nuit, et vous préviens que votre cellule sera fermée en dehors, après le repas du soir, et ne s’ouvrira que pour vous donner la facilité de venir à la messe de famille qui se dit à la pointe du jour.”

Si, dans cette circonstance, à laquelle il n’échappa que par miracle, le prieur eût été tué, le moine somnambule n’eût pas été puni, parce que c’eût été de sa part un meurtre involontaire.

LE NOMBRE 7.

(Pour la Bibliothèque Canadienne.)

Ce n’est point des vertus, des propriétés particulières du nom-7 que je veux parler: je laisse aux philosophes de l’antiquité, et particulièrement aux Pythagoriciens, leur systême, on plutôt leurs rêveries sur les propriétés morales des nombres. Mais le nombre 7 est applicable à tant de choses différentes, qu’il me paraît y avoir assez de singularité pour le remarquer particulièrement. Par exemple:

L’Astronomie physique offre les 7 Planètes principales: Mercure, Vénus, Telles ou la Terre, Mars, Jupiter, Saturne, Uranus; le Septentrion, ou les 7 Etoiles de la Grande Ourse; &c.

Le Calendrier, les 7 Jours de la semaine;

La Physique, les 7 Couleurs primitives: le rouge, l’orangé, le jaune, le vert, le bleu, l’indigo et le violet; &c.

La Minéralogie, les 7 Métaux parfaits: l’or, l’argent, la platine, le cuivre, le fer, l’étaim et le plomb; &c.

La Musique, les 7 Notes de la Gamme;

La Topographie, les 7 Collines de Rome;

La Géographie politique, l’Heptarchie, ou les 7 Royaumes d’Angleterre, sous les Saxons; les 7 Provinces-unies des Pays-Bas; la République des 7 Iles; &c.

L’Art, les 7 Merveilles du monde, savoir: les Pyramides d’Egypte, les Murs de Babylone, le Labyrinthe de Crète, le Tombeau de Mausole, le Temple de Diane d’Ephèse, la Statue de Jupiter Olympien, le Colosse de Rhodes;

La Mythologie, les 7 Pléiades, filles d’Atlas et de Pléione, savoir: Maia, Electre, Taygète, Astérope, Mérope, Alcyone et Céléno; le Septematrus, ou les 7 jours de fête consacrés à Minerve et aux autres déesses;

La Fable, les 7 Héros Argiens; Adraste, Polynice, Tydée, Amphiaraus, Capanée, Hippomédon et Parthénopée, et les 7 Héros Thébains: Mélanippe, Actor, Polyphontès, Mégarée, Hyperbius, Lasthénès et Etéocles;

L’Histoire, les 7 Sages de la Grèce: Thales, Pittacus, Bias, Périandre, Cléobule, Philon et Solon; les 7 Rois de Rome: Romulus, Numa Pompilius, Tullus Hostilius, Ancus Martius, Tarquin l’Ancien, Servius Tullius et Tarquin le Superbe;

La Bible, les 7 Anges ou Esprits qui, selon le livre de Tobie et l’Apocalypse, se tiennent perpétuellement devant le trône de Dieu; les 7 Sceaux du livre, les 7 Phioles et les 7 Trompettes du jugement; &c.

L’Eglise primitive, les 7 Villes épiscopales de l’Asie Mineure: Ephèse, Smyrne; Pergame, Tyatire, Sardes, Philadelphie et L.-odicée;

La Théologie, les 7 Péchés capitaux: la Religion Catholique, les 7 Sacremens, les 7 Commandemens de l’Eglise: &c.

La Lithurgie, les 7 Psaumes Pénitentiaux, les 7 Chapelles, les 7 Autels, les 7 Stations, &c. &c.

M.

LA BOTTE d’ASPERGES.

Passant au Palais-Royal, par un beau jour du mois de Février, je m’arrêtai devant le magazin de madame Chevet, la plus fameuse marchande de commestibles de Paris, qui m’a toujours fait l’honneur de me vouloir du bien; et y remarquant une botte d’asperges dont la moindre était plus grosse que mon doigt indicateur, je lui en demandai le prix. “Quarante francs, monsieur, répondit elle. Elles sont vraiment belles; mais à ce prix, il n’y a guère que le roi on quelque prince qui pourront en manger.—Vous êtes dans l’erreur; de pareils choix n’abordent jamais les palais; on y veut du beau, et non du magnifique. Ma botte d’asperges n’en partira pas moins, et voici comment.

“Au moment où nous parlons, il y a dans celte ville au moins trois cents richards, financiers, capitalistes fournisseurs et autres, qui sont retenus chez eux par la goutte, la peur des catarrhes, et autres causes qui n’empêchent pas de manger; ils sont auprès de leur feu, à se creuser le cerveau pour savoir ce qui pourrait les ragouter; et quand ils se sont bien fatigués sans réussir, ils envoient leur valet de chambre à la découverte; celui-ci viendra chez moi, remarquera ces asperges, fera son rapport, et elles seront enlevées à tout prix. Ou bien ce sera une jolie petite femme qui passera avec son amant, et qui lui dira: Ah! mon ami, les belles asperges! achetons les; vous savez que ma bonne en fait si bien la sauce. Or en pareil cas, un amant comme il faut ne refuse ni ne marchande. Ou bien c’est une gageure, un baptême, une hausse subite de la rente.... Que sais-je, moi!.... En un mot, les objets très chers s’écoulent plus vite que les autres, parce qu’à Paris, le cours de la vie amène tant de circonstances extraordinaires, qu’il y a toujours des motifs suffisants pour les placer.”

Comme elle parlait ainsi, deux gros Anglais qui passaient en sa tenant sous le bras, s’arrêtèrent auprès de nous, et leur visage prit à l’instant une teinte admirative. L’un d’eux fit envelopper la botte, même sain en demander le prix, la paya, la mit sons son bras, et l’emporta en sifflant l’air: God save the King.

“Voila, monsieur,” me dit en riant madame Chevet, “une chance tout aussi commune que les autres, dont je ne vous avais pas encore parlé.”—(Journal Français.)

LE SUMAC ou VINAIGRIER.

L’extrait du Voyage de J. Lambert, publié dans le dernier numéro de la Bibliothèque Canadienne, me rappelle ce passage d’un petit ouvrage intitulé: Tableau d’Histoire Naturelle:

“Le sumac de Virginie, qu’on nomme en Canada Vinaigrier, porte des fruits en grappes dont on fait par infusion, un très bon vinaigre, qu’on peut employer dans les assaisonnemens. Il y a en Europe une espèce de sumac qui fournit du tan.”

Lambert parle du vinaigre, mais ne dit rien du tan: pourtant, d’après ce qui m’a été dit dernièrement, notre sumac est encore utile sous ce rapport. Un Anglais, qui a établi une tannerie à la Côte des Neiges, se trouvant, ces jours derniers, près de la montagne avec un monsieur de cette ville, lui dit, en lui montrant une touffe de vinaigriers, que c’était un arbre précieux pour les tanneurs; que son écorce donnait au cuir à peu-près la consistance et l’apparence qu’a celui d’Angleterre. Je n’ai pu savoir s’il se servait de l’écorce du sumac au lieu de celle du chêne, ou du tan ordinaire, ou si c’est seulement après que le cuir a été tanné à la manière ordinaire, qu’il le met dans une infusion d’écorce de vinaigrier; le monsieur de qui je tiens la chose, n’ayant pas pense à s’en informer. Je suppose pourtant que c’est lorsque le cuir en est à peu-près au point où le portent nos tanneurs canadiens, que celui dont je parle se sert de l’écorce du sumac (qu’il fait bouillir, a-t-il dit) pour l’améliorer. Quoiqu’il en soit, puisque c’est une amélioration, et une amélioration aussi importante que facile et peu conteuse, dès que j’aurai pu me mettre parfaitement au fait du procédé, je me ferai un devoir d’en faire part au public.

J’observerai encore que M. Lambert se trompe, quand il ne donne au sumac que cinq pieds de hauteur: on voit de ces arbres qui ont, du moins dans le district de Montréal, jusqu’à douze ou quinze pieds de hauteur, sinon davantage.

Le cotonnier, dont il est parlé dans le même article, n’est pas une plante exclusivement particulière au Canada: son nom scientifique d’asclepias syriaca indique qu’elle est commune, ou du moins qu’elle se trouve en Syrie.

M. D.

PETITE CHRONIQUE CANADIENNE.

Le Bazar des Dames a été ouvert lundi (7 Avril) depuis deux heures jusqu’à cinq. Lorsqu’il a été ferme, il était littéralement cacombré de visiteurs. Les différentes tables auxquelles présidaient quelques unes des Dames les plus distinguées de Québec offraient une grande variété d’articles de goût faits en grande partie pour l’occasion, par des Dames désireuses de secourir l’indigence, et faisaient autant d’honneur au bon goût et à l’industrie des belles contributrices, qu’aux sentimens qui les ont portées à travailler à une si bonne cause, et pour laquelle on ne s’adresse jamais en vain aux cœurs des Dames. Il y avait aussi quelques contributions de la part de Messieurs, surtout un livre de dessin, par un officier élevé dans l’artillerie royale, et qui tient un rang distingué parmi les artistes dans le dessin à l’eau, et quelques dessins de vues superbes prises des environs de Québec, du costume des Canadiens, sauvages, &c. par un officier du 79e, et dont l’exécution est parfaite et tout-à-fait conforme à la nature. Nous avons souvent pensé que les vues et les sujets du pays tonneraient dans les mains du graveur, matière à un volume très amusant, qui ne manquerait pas de devenir populaire, et qui récompenserait ceux qui l’auraient entrepris, vu qu’on l’acheterait pour les souvenirs qu’il rappellerait à ceux qui auraient visité ces provinces; ou, s’il était exécuté avec la fidélité et l’exactitude qui caractérisent si éminemment les ouvrages de l’officier dont les dessins sont l’objet de ces remarques, un pareil volume deviendrait une acquisition précieuse dans le portefeuille de l’amateur ou du protecteur des beaux-arts. Nous sommes assurés que si le Monsieur dont nous parlons voulait consacrer ses loisirs à un tel ouvrage, il ajouterait grandement à sa réputation comme artiste, et rendrait service au public. Ce sera donc un vrai plaisir pour nous, si cette suggestion de notre part a quelque effet sur lui.

Le Bazar des Dames a rencontré un plein succès, dans son objet, qui était de lever un fonds pour le soulagement des indigens. Les billets d’admission seuls ont rapporté lundi £25, et le produit de la vente £225.—Pap. de Québec.


Nous apprenons que le capitaine Bayfield, partit de Québec avec le lieutenant Collins et M. Bowen, le 26 Février dernier, et qu’ayant engagé un parti de Canadiens aux Trois-Rivières, ils commencèrent l’arpentage à la Pointe du Lac, le premier Mars. Ils ont visité Nicolet, la Baie St. Antoine, les deux villages de St. François, William Henry, Berthier, Rivière du Loup et Machiche. Les clochers couverts de fer-blanc en tout ces endroits étaient d’excellents objets pour les opérations trigonométriques, et nous apprenons que leurs positions et distances relatives ont été exactement determinées.

La variation du compas a été obtenue en neuf endroits différents du lac, sur la glace, loin du rivage, et hors par conséquent d’aucune attraction magnétique du sol ou des rochers qui, en quelques parties du Canada, peuvent beaucoup influer sur l’aiguille.

Outre les grands triangles qui, comme nous l’avons dit plus haut, ont été étendus entre les clochers, et divers autres objets apparents, on a aussi étendu d’autres moindres triangles à quelques objets sur le rivage, qui avec la mesure linéaire, ont complété la délinéation des rives du lac, au sud, de Nicolet à William Henry, de là en traversant et en faisant le tour de l’isle à Berthier, au S. O. et de là à la pointe du lac, le point du départ: l’épaisseur de la glace, qui était de 1½ jusqu’à 3 pieds, a empéché de souder ou de fouiller le fond. Ainsi la partie de l’arpentage qui regarde la navigation, et la délinéation des marais et bas-fonds, à présent couverts de neige, reste encore à être faite par le capitaine Bayfield, dans une saison plus avantageuse, vers la fin d’août ou au commencement de septembre, temps auquel les eaux sont ordinairement basses.—Gaz. de Québec.


Trois partis, dans chacun desquels il y a un arpenteur, ont remonté les rivières, Etchemin et Chaudière, pour se rencontrer sur le terrain disputé, près de la ligne frontière entre cette province et les Etats-Unis, proche Mars Hill, dans la vue de faire un nouvel arpentage de l’espace fertile de terre qui se trouve à la source de la rivière St Jean.—Mercury.


Le Nova-Scotian d’Halifax, du 2d courant renferme un extrait des retours du recensement, qui viennent d’être achevés, et mis devant la législature. Il paraît que la population a augmenté de moitié depuis 1807, date du dernier recensement: à recompte, elle doublerait en 20 ans.

En voici les résultats généraux:—

Population.—Mâles, non compris les serviteurs, 57,986; femmes, non comprises les servantes, 56,509; serviteurs mâles 5,783; servantes 3,913; (total, y compris le Cap-Breton estimé à 20,000,) 143,848 âmes.

Religion.—Eglise d’Ecosse, 37,225; do. d’Angleterre, 28,659, do. de Rome, 20,401; Méthodistes, 19,408; Baptistes, 19,790; autres Dissidens 8,777.—Total des dissidens, 47,978.—Total des trois églises, 86,285.

Agriculture:.—Acres en culture, 292,000; produit du froment 152,861 boisseaux; autres grains, 440,625; patates, 3,299,220; foin, 163,218 tonneaux; chevaux, 12,951; bêtes à cornes, 110,818; moutons, 173,731; cochons, 71,482.—Gaz. de Québec.


Il a été donné deux décisions importantes pendant le terme supérieur de la cour du banc du roi, qui s’est clos samedi le 19 du courant.

La première a rapport à M. Sewell, schériff de ce district. Pendant l’absence récente de ce dernier en Angleterre, M. Young fut nommé pour agir en sa place, conjointement et séparément. Dernièrement des sommes considérables tombées entre les mains de M. Young en cette capacité, n’avant pu être recouvrées, on a poursuivi M. Sewell, avec qui M. Young agissait conjointement. La cour a déclaré M. Sewell responsable des réclamations qu’on avait contre M. Young. La cour était composée de MM. les juges Bowen, Kerr et Taschereau; le schérif étant le fils du juge en chef, la cour a été privée des lumières de son honneur.

La seconde décision a été, qu’une marchande publique s’obligeait, pour le fait de son commerce, elle et son mari, à la contrainte par corps.—Ib.


Monument de Wolfe et Montcalm.—Les ouvriers sont sur le point de commencer leurs opérations. Nous apprenons que pour plusieurs bonnes raisons exposées au Comité, il a été résolu que le site du Monument serait changé. Le point choisi pour le placer est dans le jardin d’en haut, et l’on dit que le public retirera du changement cet avantage, que l’espace occupé par ce jardin sera ouvert pour être une promenade publique.—S’il en est ainsi, le voisinage du Cap sera beaucoup amélioré, et s’il est permis aux musiciens des régimens d’y jouer, durant l’été, ce sera un amusement et une recréation de plus pour nos citoyens.—(Gazette Officielle de Québec.)


Nous avons le plaisir d’observer que la Société d’Agriculture a donné une belle coupe d’argent à cet agriculteur judicieux et entreprenant, Mr. Anthony Anderson. Les motifs qui ont porté la Société à donner à Mr. Anderson ce témoignage de son approbation s’expliqueront mieux par l’inscription que porte la coupe, et qui est comme suit, (en anglais:)—

“Cette coupe a été présentée par la Société d’Agriculture de Québec, le 2 Avril 1826, à Anthony Anderson, écuyer, de Hedly Lodge, comme un faible témoignage de l’estime que ses confrères font du zèle qu’il a mis en tout temps à promouvoir les vues de la Société, et pour l’exemple qu’il a donné en adoptant et en continuant à pratiquer le système approuvé d’agriculture européenne.”—Ib.


Les amateurs Canadiens ont donné (pour le bénéfice des pauvres) hier soir (16 Avril) la comédie intitulée, Le Grondeur, suivie de L’Avocat Patelin. L’auditoire était respectable et nombreux, et nous apprenons que la manière dont les différents rôles ont été remplis a fait beaucoup d’honneur aux acteurs, et a obtenu les applaudissemens répétés des spectateurs.—Ib.


Il a été mis entre nos mains un petit traité ayant pour titre: “General Rules for the Gamut, and special Rules for fingering, briefly examplified.” Ne connaissant rien à la musique, nous ne pouvons juger par nous-même du mérite de ce petit ouvrage; mais nous avons entendu dire à nos amis musiciens, qu’il sera aussi utile à l’élève qu’il fait honneur à l’auteur, jeune monsieur de cette ville, qui, par modestie, n’a pas voulu mettre son nom à la publication.—Mercury.


A un diner qui a eu lieu au Mansion-House, le 23 de ce mois, en honneur de l’anniversaire de la naissance du Roi, il a été bu:—“A la dissémination des Connaissances, des Arts et des Lettres en Canada:” toast, ou souhait, qui ne peut-être que très agréable à ceux d’entre nous qui cultivent, ou qui aiment les sciences et la littérature; surtout s’ils peuvent y joindre l’espoir que ce souhait se réalisera.

MARIAGES ET DECES.

MARIÉS:

A Québec, le 15, du présent mois d’Avril, J. Ble. Bonneville, Notaire, de Ste. de la Nouvelle Beauce, à Dlle. Louise Julie Fortier, de Québec;

A Montréal, le même jour, Mr. François Allard, à Dlle. Françoise Demers dite Montfort;

A Boucherville, le 21, Mr. Remy Claude Weilbrenner, Chirurgien, à Dlle. Marie Anne St. Dizier, fille de feu E. Nivard St. Dizier, écuyer;

A Montréal, le 23, Mr. R. G. de Lapotherie, Etudiant eu droit, à Dlle. Mathilde Duperrez:

DÉCÉDÉS:

A Daillebout, comté de Warwick, le 5 du courant, Dame Marianne Cerré, veuve de feu l’honorable P. L. Panet, en son vivant un des Juges de la Cour du Banc du Roi pour le District, de Montréal;

A Varennes, le 10, généneralement regrettée, Dame Marie Huer Dulude, veuve de feu Gaspard Massue, écuyer, âgée de 77 ans;

Au même lieu, le même jour, Paul Lussier, fils, écuyer, Avocat, âgé d’environ 36 ans;

A la Malbaie, le même jour, à l’âge de 85 ans, généralement regrettée, Me. Nairne, veuve de feu le colonel Nairne, concessionnaire primitif de la seigneurie de Malbaie;

A Montréal, le 16, George Henry Monk, écuyer, de la Mascouche;

A la Rivière Ouelle, le 18, François Letellier, écuyer, N.P;

A Lanoraye, le même jour, Dame Geneviève Poitras, veuve de feu Mr. Jean Bezeau, et mère de Messire Bezeau, Curé de la paraisse;

A Québec, le 23, à l’âge de 65 ans, Pierre Edouard Desbarrats, écuyer, Imprimeur des lois pour Sa Majesté, Assistant grellier de la Chambre d’Assemblée, Lieutenant Colonel de milice et Juge de paix pour le district de Québec;

A Montréal, le 24, Dame Josepthe Curot, épouse de Louis Guy, écuyer, âgée de 50 ans:

“Le Ciel nous l’a ravie!—an souvenir nous reste,

    “Celui de ses vertus:

“C’est le parfum du soir, l’odeur pure et céleste

    “De la fleur qui n’est plus.”

ERRATA.

Dans le dernier numéro, article Relation, &c., page 134, ligne 6e, lisez, “négligence volontaire;” et page 138, ligne 20e, pour “environ 30,” lisez, “environ 300.”

TRANSCRIBER NOTES

Printer errors have been corrected. Where multiple spellings occur, majority use has been employed.

Mis-spelled words and punctuation have been maintained except where obvious printer errors occur.

[The end of La Bibliothèque Canadienne, Tome VI, Numero 5, Avril 1828. edited by Michel Bibaud]