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Title: La Bibliothèque Canadienne, Tome IV, Numero 1, Decembre, 1826.
Date of first publication: 1826
Author: Michel Bibaud
Date first posted: Apr. 20, 2020
Date last updated: Apr. 20, 2020
Faded Page eBook #20200441
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La Bibliothèque Canadienne
Tome IV. | DECEMBRE, 1826. | Numero 1. |
La Bibliothèque Canadienne. “Samedi dernier, a paru le numéro de cette publication pour le mois de Septembre. M. Bibaud, son infatigable auteur, n’a rien épargné pour le rendre intéressant et digne de lui. Les progrès rapides qu’a faits cet ouvrage, depuis plusieurs mois, doivent avoir augmenté le nombre de ses patrons. Ami de la littérature et des sciences, qui y sont traitées avec goût, je souhaite que tous ceux qui sont en état d’apprécier le mérite prennent l’ouvrage sous leur protection: par là ils se feront honneur à eux-mêmes, à leur pays, et à ceux qui travaillent à lui élever un monument littéraire. Je ne parlerai pas des morceaux contenus dans ce numéro en particulier; je me bornerai à dire qu’ils sont tous, prose et vers, bien choisis et dignes d’être offerts aux amateurs. C’est avec plaisir que je vois mes concitoyens commencer à écrire pour le public: on trouve dans la publication en question des échantillons de la littérature de notre pays, qui font honneur à leurs talens..... La Bibliothèque Canadienne est le canal propre pour communiquer nos essais aux habitans des Canadas et des pays étrangers.”
Extrait de la Gazette de Québec du 15 Octobre 1826.
“Nous venons de recevoir le 4e numéro du Journal de Médecine de Québec, et le 5e numéro du 3e volume de la Bibliothèque Canadienne. Les compositions originales et le choix des matières étrangères admises dans ces publications, montrent des talens, des connaissances et du goût. Le succès qu’elles ont eu jusqu’ici a réalisé pleinement, à ce que nous croyons, les espérances de leurs auteurs, et a fourni la preuve d’un désir croissant pour l’instruction dans ce pays. Le succès de ces ouvrages montre aussi que la généralité des lecteurs préfèrent à des sentimens vaporeux et exagérés, à un style verbeux et confus, ce qui est substanciel et avoué par le bon-sens.”
A ces témoignages publics nous en pourrions joindre de privés dont nous pourrions nous honorer également: nous nous contenterons du suivant, extrait d’une lettre datée de Québec, le 20 Octobre 1826: “Votre Bibliothèque s’enrichit tous les jours. Elle est, à mon avis, l’ouvrage le mieux adapté aux besoins, et aux circonstances de notre jeune pays. Continuez de nous instruire et de nous amuser: c’est votre motto; et vous avez atteint votre but et rempli votre tâche.”
Avec ces recommandations et celles que nous pourrions encore produire, nous prenons la liberté d’adresser de nouveau notre Journal à quelques personnes notables qui probablement n’ont pas encore eu occasion de le voir.
M. Robert, conseiller d’état, qui avait été nommé Intendant de Justice, Police, Finance et Marine pour la Nouvelle-France, par provisions datées du 21 Mars 1663, ne vint point en Canada; et M. Talon, qui y arriva en 1665, est le premier qui exerça cet emploi dans ce pays.
M. Gaudais, d’après l’ordre exprès qu’il en avait, retourna en France par les mêmes vaisseaux qui l’avaient amené à Québec, pour rendre compte au roi de l’état du pays, l’informer de la conduite de l’évêque et des ecclésiastiques; de l’effet qu’aurait produit l’établissement du conseil; de ce qu’il y avait de fondé dans les plaintes portées contre le baron d’Avaugour, et de la manière dont M. de Mésy aurait été reçu. Il parait que ce commissaire s’acquitta de sa charge en honnête homme, et que tout se passa à la satisfaction des parties, M. d’Avaugour lui-même, à qui on ne pouvait reprocher qu’un peu trop de prévention et d’opiniâtreté, parut fort content de son rappel, qu’il avait lui-même demandé.
Cependant les Iroquois étaient toujours armés; mais ils ne se montraient pas dans la colonie. Ils voulaient voir, en apparence, quel effet produiraient par rapport à eux les changemens qu’on y avait faits, et les secours qu’on y avait reçus. Pourtant Garakonthié ne cessait point de travailler à la paix, et la conduite qu’il avait tenue dans tous les tems donnait lieu d’espérer qu’on trouverait toujours en lui une ressource assurée contre les caprices et la légèreté de sa nation. Il avait de nouveau rassemblé les prisonniers français qui se trouvaient dans les cantons, et les avait envoyés à Québec escortés par trente Onnontagués.
Ceux-ci voyageaient avec toute la sécurité que devait leur inspirer une pareille commission; ils furent néanmoins surpris par un parti d’Algonquins qui les prirent pour des ennemis, et ne balancèrent point à les attaquer. Plusieurs furent tués, et les autres obligés de prendre la fuite. Les Français mêmes eurent bien de la peine à s’échapper dans ce désordre. Il y avait lieu de craindre que ce malentendu n’eût des suites encore plus funestes; mais Garakonthié parvint à faire entendre raison aux Onnontagués.
Quelques mois après, on fut agréablement surpris à Québec, d’y voir arriver le chef goyogouin dont il a déjà été parlé, lequel, sans faire mention de la rencontre des Algonquins, présenta à M. de Mésy des colliers de la part de tous les cantons, à la réserve de celui d’Onneyouth, et protesta de la sincère disposition où ils étaient de vivre en paix avec lui. Ce général lui fit l’accueil favorable qu’il méritait; mais il lui dit que ses prédécesseurs ayant été si souvent trompés par de pareilles propositions, il y aurait pour lui de l’imprudence de compter sur la bonne foi et la sincérité de sa nation; et il lui laissa entrevoir que son dessein était pris de mettre dans l’impuissance de remuer et de nuire un ennemi si souvent reconcilié en apparence, et toujours irréconciliable en réalité.
M. de Mésy le prenait sur ce ton élevé parce qu’il se sentait déjà fort, et qu’il s’attendait à l’être bientôt encore davantage.—Mais il survint, cette même année, dans le voisinage des cantons, un évènement qui changea un peu la position où ils se trouvaient par rapport à la colonie française. Les Anglais étant devenus maîtres de la Nouvelle-Belgique, qui avait appartenu jusqu’alors à la Hollande, les Iroquois ne tardèrent pas à s’appercevoir de l’antipathie et de l’animosité des deux nations entre lesquelles ils se trouvaient situés, et ils sentirent que ces dispositions leur feraient toujours trouver dans l’une des secours capables de les garantir de l’oppression de l’autre.
Cependant l’accord qu’on se flattait d’avoir établi en Canada, par les changemens qu’on venait d’y faire, ne fut pas de longue durée: M. de Mésy, qui avait été nommé gouverneur à la recommandation de l’évêque de Pétrée, comme M. d’Avaugour avait été rappellé à sa demande, se brouilla, tout religieux qu’il était, avec ce prélat, et, au rapport de Charlevoix, avec la plupart des gens en place de la colonie, entr’autres, les sieurs de Villeray, conseiller, et Bourdon, procureur-général, qu’il fit embarquer, dit-il, sans aucune forme de justice. Pour juger qui avait le plus de tort, du gouverneur, ou de l’évêque, (car nous avons peine à croire que l’un ou l’autre fût tout-à-fait exempt de blâme,) dans ce différent, il faudrait avoir sous les yeux, ce qui nous manque, les mémoires qui s’écrivirent de part et d’autre, et qui partagèrent alors l’opinion publique. Charlevoix dit que l’évêque de Pétrée avançait contre le gouverneur des faits graves, sans mentionner quels étaient ces faits; M. de Mésy se plaignait surtout de la grande influence qu’avaient les jésuites dans la colonie: peut-être accusait-il ces religieux d’abuser de cette influence, et M. de Pétrée de les soutenir. C’est du moins ce que Charlevoix donne à entendre, en disant que le gouverneur, en récriminant, ne se disculpait pas. Quoiqu’il en soit, le prélat soutenu de la majorité du conseil, l’emporta encore une fois, à la cour de France, et M. de Mésy fut rappellé.
On lui donna pour successeur Daniel de Rémi, seigneur de Courcelles, officier de mérite et d’expérience; et M. Robert fut remplacé par M. Talon, intendant en Hainaut. Les provisions de ces messieurs étaient accompagnées d’une commission particulière, pour informer, conjointement avec Aléxandre de Prouville, marquis de Tracy, nommé, depuis quelque temps, vice-roi en Amérique, contre M. de Mésy, avec ordre, au cas qu’il fût trouvé coupable des faits dont il était accusé, de l’arrêter et de lui faire son procès. Enfin les ordres furent donnés pour lever de nouveaux colons, et faire embarquer le régiment de Carignan-Salières, qui arrivait de Hongrie, où il s’était fort distingué dans la guerre contre les Turcs. M. de Tracy, qui avait été aux Iles françaises avant de venir en Canada, arriva à Québec, au mois de Juin 1663, avec quelques compagnies du régiment de Carignan: il détacha une partie de ses soldats, avec des sauvages, sous la conduite du capitaine Tilly de Repentigny, pour donner la chasse aux Iroquois, qui avaient recommencé leurs courses. Il n’en fallut pas davantage pour obliger ces barbares à faire retraite, et à délivrer la colonie de leur présence.
Le reste du régiment de Carignan, à quelques compagnies près, arriva avec M. de Salières, qui en était colonel, sur une escadre qui portait aussi MM. de Courcelles et Talon, un grand nombre de familles, quantité d’artisans et d’engagés, les premiers, chevaux qu’on ait vus en Canada, des bœufs, des moutons, &c. en un mot, une colonie plus considérable que celle qu’on venait renforcer.
Dès que le vice-roi eut reçu ces secours, il se mit à la tête de toutes les troupes, et les mena à l’entrée de la rivière de Richelieu, où il les fit travailler en même tems à la construction de trois forts. Le premier fut placé à l’endroit même où avait été celui de Richelieu, bâti par le chevalier de Montmagnv, et dont il ne restait plus guère que les ruines. M. de Sorel, capitaine au régiment de Carignan, qui en fut chargé, et y fut laissé pour commandant, lui donna son nom. Le second fut bâti au pied du rapide de la rivière Richelieu; M. de Chambly, capitaine au même régiment, en eut la direction et le commandement, et le nom de St-Louis, qu’on lui donna d’abord, se changea bientôt en celui de cet officier. M. de Salières se chargea du troisième, qu’il fit construire trois lieues plus haut que le second, sur la même rivière; il le nomma fort de Ste-Thérèse, et y choisit son poste.
Ces ouvrages, qui furent exécutés avec une diligence extrême, intimidèrent d’abord les Iroquois, surtout les Agniers, et leur bouchèrent le passage principal et ordinaire pour entrer dans la colonie; mais ces barbares ne tardèrent pas à s’en ouvrir plusieurs autres; et l’on reconnut bientôt qu’on eût pu choisir pour quelques uns de ces forts des emplacemens plus convenables, et qu’en les répartissant sur des points plus différents et plus éloignés l’un de l’autre, on eût protégé la colonie d’une manière plus efficace et plus permanente.
Pendant qu’on était ainsi occupé à se mettre à couvert des incursions des Iroquois, M. Talon ne demeurait pas oisif à Québec: il s’instruisit parfaitement de la nature, des ressources et des forces du pays, et bientôt il eut achevé un mémoire, qu’il adressa à M. Colbert. Il lui apprenait que M. de Mésy était mort avant que la nouvelle de son rappel fût arrivée en Canada; qu’il avait été jugé à propos, entre M. de Tracy, M. de Courcelles et lui, de ne point informer contre la conduite de ce gouverneur; et que l’évêque de Pétrée, les ecclésiastiques, le conseil supérieur, en un mot, tous ceux qui s’étaient déclarés ses parties, n’ayant point fait de nouvelles instances à ce sujet, ils avaient cru que le roi ne trouverait pas mauvais que ses fautes fussent ensevelies avec lui dans son tombeau.
Il parlait ensuite de M. de Tracy, et disait que l’âge et les infirmités de ce vice-roi faisaient beaucoup craindre que le pays ne le possédât pas longtems; que son grand talent pour l’emploi que le roi lui avait donné le rendait néanmoins très nécessaire à la Nouvelle-France; et que supposé qu’il demandât son congé, son avis était que sa majesté ne lui donnât pas le dégout d’un refus, mais l’engageât à continuer ses services, en lui laissant la liberté du retour, et en témoignant qu’il lui ferait plaisir de n’en user, qu’après avoir reconnu que son absence ne serait point préjudiciable aux affaires de la colonie.
M. Talon s’expliquait ensuite en peu de mots, sur le compte de M. de Courcelles, et faisait aussi de lui un fort bel éloge, dont il ne rabattit rien, dit Charlevoix, dans le tems même des démêlés qu’il eut dans la suite avec ce gouverneur. Enfin, il disait nettement à M. Colbert, qu’il ne connaissait point, pour un grand ministre comme lui, de plus glorieuse occupation que les soins qu’il donnerait au Canada, n’y ayant point dans l’Amérique, de pays qui pût devenir plus utile à la France.
“Mais, continue-t-il, si sa majesté veut faire quelque chose du Canada, il me paraît qu’elle ne réussira, qu’en le retirant des mains de la compagnie des Indes Orientales, (dans lesquelles il était passé par suite de la renonciation de celle des cent associés;[1]) et qu’en y donnant une grande liberté de commerce aux habitans, à l’exclusion des seuls étrangers. Si au contraire, elle ne regarde ce pays que comme un lieu de commerce propre à celui des pelleteries, et au débit de quelques denrées, qui sortant du royaume, l’émolument qui en peut revenir ne vaut pas son application, et mérite très peu la vôtre. Ainsi, il semblerait plus utile d’en laisser l’entière direction à la compagnie, en la manière qu’elle a celle des Iles. Le roi, en prenant ce parti, pourrait compter de perdre cette colonie; car sur la première déclaration que la compagnie a faite, de ne souffrir aucune liberté de commerce, et de ne pas permettre aux habitans de faire venir pour leur compte des denrées de France, même pour leur subsistance, tout le monde a été révolté. La compagnie, par cette conduite, profitera beaucoup en dégraissant le pays, et non seulement lui ôtera le moyen de subsister, mais sera un obstacle essentiel à son établissement.”
Vers la fin de Décembre, M. de Tracy étant de retour à Québec, Garakonthié y arriva avec des députés de son canton et de ceux de Goyogouin et de Tsonnonthouan. Il fit de beaux présens à ce général, et l’assura de la parfaite soumission des trois cantons. Il parla avec autant de dignité que de modestie des services qu’il avait rendus aux Français; et pleura, à la manière de son pays, le P. Lemoyne, mort depuis peu, et dit à ce sujet des choses si touchantes et si spirituelles, que le vice-roi et tous les assistans en furent étonnés. Il conclut en demandant la paix, et la liberté de tous les prisonniers que les Français avaient faits sur les trois cantons, depuis le dernier échange.
M. de Tracy l’écouta avec bonté, et lui fit en particulier et en public beaucoup d’amitié. Il lui accorda toutes ses demandes, à des conditions raisonables, et il le congédia, ainsi que les autres députés, chargé de présens. Le silence des Agniers et des Onneyouths, en cette rencontre, et plus encore leur conduite passée, ne laissaient aucun doute sur leur mauvaise volonté. Il fut donc résolu d’aller au plutôt leur apprendre qu’on était en état de les punir de leurs insultes et de leurs perfidies. Deux corps de troupes furent commandés pour aller leur donner la chasse: M. de Courcelles se mit à la tête du premier, qui était le plus considérable; le second marcha sous les ordres de M. de Sorel.
Les Onneyouths, instruits de ces préparatifs, en furent alarmés, et envoyèrent des députés à Québec, pour détourner l’orage qui les menaçait. Il parait même que ces députés avaient un plein pouvoir pour agir au nom des Agniers, qui néanmoins avaient encore des partis en campagne. Un de ces partis surprit et tua trois officiers, MM. de Chazy, Chamat et Marin, dont le premier était neveu du vice-roi. Ce funeste accident, et plus encore l’insolence brutale d’un chef agnier, firent rompre la négociation entammée par les Onneyouths.
M. de Sorel étant sur le point de tomber sur une bourgade du canton d’Agnier, rencontra une troupe de guerriers de ce canton qui avaient à leur tête le Bâtard flamand. Il se disposait à les charger, lorsque ce capitaine, se sentant fort inférieur aux Français, et ne voyant nul moyen d’échapper, prit le parti d’aborder M. de Sorel, et lui dit d’un air fort assuré, qu’il allait à Québec, traiter de la paix avec le vice-roi. M. de Sorel le crut et le conduisit lui-même à M. de Tracy, qui le reçut bien. Un autre chef agnier arriva à Québec, peu de jours après, et se donna aussi pour un député de son canton. On ne douta point alors que les Agniers ne fussent véritablement disposés à la paix. Mais un jour que le vice-roi avait invité les deux prétendus députés à sa table, le discours étant tombé sur la mort de M. de Chazy, le chef agnier, levant le bras, dit que c’était ce bras même qui avait cassé la tête au jeune officier. “Ce bras ne cassera plus la tête à personne,” répartit M. de Tracy; et il le fit étrangler sur le champ, par le bourreau, en présence du Bâtard flamand, qu’il retint prisonnier.
D’un autre côté, M. de Courcelles, qui ne savait rien de ce qui se passait dans la capitale, était entré dans le canton d’Agnier: mais avant de commencer les hostilités, il avait jugé à propos d’aller s’aboucher avec le commandant de Corlar, bourgade de la Nouvelle-York, et il avait tiré parole de cet officier qu’il ne donnerait aucun secours aux Iroquois. Il souffrit beaucoup dans cette expédition, qu’il fit au cœur de l’hiver, les raquettes aux pieds, et portant lui-même ses provisions et ses armes, comme le dernier des soldats, dont plusieurs qui étaient nouvellement arrivés de France, furent estropiés par le froid. En choisissant ce temps pour aller porter la guerre chez les Agniers, M. de Courcelles s’était sans doute attendu à les surprendre; mais il s’apperçut bientôt qu’il s’était trompé. Il trouva toutes les bourgades abandonnées: les vieillards, les femmes et les enfans s’étaient mis en sureté dans les bois, et tous les guerriers avaient marché contre d’autres tribus sauvages, en attendant l’issue des négociations commencées par les Onneyouths. Il y eut néanmoins quelques escarmouches pendant la nuit, avec des coureurs agniers, dont quelques uns furent tués, et d’autres faits prisonniers. Aucun Français ne fut tué ni blessé; mais un officier et quatre ou cinq soldats périrent dans le cours de l’expédition, apparemment de froid et de fatigue.
(A continuer.)
Ces associés se trouvant réduits à trente-cinq, avaient remis, comme on l’a vu plus haut, purement et simplement, en 1662, tous leurs droits au roi, qui, peu de tems après, comprit la Nouvelle-France dans la concession qu’il avait faite des colonies de l’Amérique en faveur de la Compagnie des Indes, avec le droit de nommer le gouverneur et tous les officiers. Mais comme cette compagnie n’avait pas encore assez de connaissance des sujets propres à remplir les premiers postes, elle pria le roi d’y pourvoir, jusqu’à ce qu’elle fût en état d’user de son privilège. |
C’était une chose curieuse, dans les premiers tems de la révolution française, d’entendre tout le monde se servir du mot de Constitution, et lorsqu’on demandait une définition de ce mot, il ne se trouvait personne qui pût en donner une satisfaisante. La plus grande preuve de l’ignorance générale à cet égard, était l’assertion hardiment avancée, que la France n’avait pas de constitution, qu’une population d’au-delà de vingt millions d’âmes avait pu subsister comme nation, pendant plus de quatorze siècles, et cela constamment sous un gouvernement monarchique héréditaire, suivant des lois communes et bien définies; le souverain jouissant d’un pouvoir qui, tout absolu qu’il paraissait être, était cependant déterminé et restreint dans de certaines bornes, qui en prévenaient les abus; et si ces bornes étaient quelquefois outrepassées, le despotisme momentané qui en résultait ne pouvait jamais dégénérer en tyrannie. Mais, sans contredit, la plus grande preuve que la France jouissait même d’une bonne constitution, c’est qu’aucune de ces convulsions civiles, que, comme toutes les autres nations, elle a quelquefois éprouvées, n’a jamais pu l’altérer, ni même l’ébranler. L’hérédité de la souveraineté, suivant l’ordre de primogéniture, et à l’exclusion des femmes, n’a jamais été interrompue, et elle a résisté aux armes victorieuses des Anglais déjà maîtres de presque toute la France, et aux puissants efforts de la Ligue, et aux Espagnols soutenant la cause de sujets révoltés. Il est à croire que tel serait encore l’état de la France, malgré les économistes, les philosophes et les philanthropes modernes, malgré les charlatans politiques, dont l’ineptie est actuellement reconnue de tout homme doué du plus simple bon-sens, si la bonté excessive de Louis XVI ne se fût pas laissée persuader de faire l’expérience de leurs prescriptions pernicieuses. En faisant le sacrifice des pouvoirs qu’il tenait de la constitution même, il l’a en effet renversée, et elle l’a écrasé sous ses ruines.[1]
Il n’en était pas de même, à ces époques reculées, de l’Angleterre: c’était de ce pays là qu’on pouvait dire alors qu’il n’avait pas de constitution; témoin ces révolutions sanglantes, qui n’ont cessé de l’agiter, jusqu’à l’abdication pusillanime de Jacques II. Avant la mémorable année de 1688, l’autorité était constamment le résultat de la force: elle passait continuellement des mains du roi à celles de ses barons révoltés, ou était envahie par un clergé ambitieux. La couronne appartenait au plus rusé, ou au plus fort, et le sujet qui pour sa loyauté, était élevé aux plus hautes dignités, sous un règne, se voyait trainer au supplice sous un rival heureux, usurpateur de cette couronne, qui semblait n’appartenir à personne, et être la récompense de l’audace et du crime.—C’est cependant de cet état de désorganisation et de désordre que, semblable à Minerve, cette constitution dont l’empire britannique jouit actuellement, qui l’a conduit au plus haut degré de prospérité, et qui fait l’envie et l’admiration de tout le monde, est sortie tout à coup, sans convulsion, et dans toute sa perfection.
J’ai dit, plus haut, et je ne crains pas de le répéter, que ce mot de constitution n’ayant, que je sache, jamais été bien clairement défini, ne peut présenter en général qu’une idée vague et indéterminée. Je vais donc hazarder une définition de ce mot, qui, si elle n’est pas absolument complète, renfermera au moins, dans des bornes plus resserrées, l’idée qui y est attachée. Je dirai donc que par le mot Constitution doit s’entendre la coordination de tous les élémens organiques qui entrent dans la composition d’un tout, de manière qu’ils tendent tous à un but unique, et que par l’harmonie et la régularité de leurs fonctions respectives, l’existence et la durée de ce tout soient assurées et consolidées.
Tout le monde, en ouvrant une montre, peut facilement se mettre au fait du mécanisme de son organisation; mais il n’appartiendra qu’à l’horloger consommé, après l’examen des élémens qui composent ce mécanisme, de prononcer sur la bonne ou mauvaise constitution de la montre, non seulement d’après leur coordination générale, mais encore d’après leurs qualités individuelles. Quand nous voyons un homme jouissant généralement d’une bonne santé, nous disons qu’il est d’une bonne constitution, c’est-à-dire que tous ses organes vitaux ont les qualités requises pour les fonctions qui leur sont assignées; si, au contraire, sa santé nous parait languissante, nous prononçons hardiment qu’il y a quelque vice dans sa constitution; mais le médecin seul peut découvrir quel est l’organe affecté de ce vice.
Il en est de même de la constitution politique d’un état, et principalement de celle de l’empire britannique. En lisant Blackstone et Delolme, il n’est pas difficile de se former de l’organisation de cette dernière une idée suffisante pour nous la faire admirer. Ces auteurs nous en montrent tous les ressorts apparents, tous les organes constituants, nous indiquent même leurs fonctions respectives: ils exposent à notre vue une machine aussi magnifique que compliquée, en apparence, et qui paraît être l’effet de l’esprit philosophique le plus profond. Mais transportez-la, telle que décrite par eux, dans tout autre pays, et vous vous appercevrez bientôt que sa marche sera irrégulière, et que, par conséquent, elle ne doit pas son succès en Angleterre, à sa seule organisation.—On verra qu’il lui manque quelque chose, comme qui dirait, de local, et que, comme un tendre exotique, elle ne peut fleurir dans sa perfection que sur le sol britannique. En effet, elle est une production naturelle de l’Angleterre; elle y a pris racine d’elle-même, et elle n’a dû sa maturité qu’aux flots de sang dont elle a été arrosée. Nul être vivant n’en a conçu le plan; il s’est montré et développé de soi-même, et tout le mérite est d’avoir su saisir le moment de se l’approprier pour toujours. C’est donc dans la suite des évenemens qui l’ont produite, c’est donc dans l’histoire de l’Angleterre que nous en devons chercher et l’origine et les progrès, et non chez les Germains, les Romains et les Grecs. Je vais donc tracer une esquisse rapide de cette origine et de ces progrès, ou plutôt de ces évenemens qui ont naturellement conduit à l’organisation, pour ainsi dire physique, de cette admirable, mais, je le crains, inimitable constitution. Je dis inimitable, car je crois fermement qu’elle ne peut résulter, dans aucun pays, que des mêmes causes qui y ont conduit, en Angleterre, et il n’est guère probable que les mêmes causes puissent encore se présenter.
Tout le monde connaît ce trépied politique, d’une solidité à toute épreuve, sur lequel s’élève la constitution britannique dans toute sa majesté: cette trinité sociale, dans laquelle réside la toute-puissance nationale; ce principe créateur, protecteur et vigilant, dont l’influence bienfaisante se répand sur les quatre parties du globe. C’est donc dans la réunion et le concours d’actions du roi, de la chambre haute ou des pairs, et de la chambre des communes, que consiste l’essence de la constitution britannique. Mais comme il a été dit plus haut, cette combinaison n’est pas l’invention du génie philosophique, mais bien le résultat d’une suite d’évenemens qui en avaient prouvé la nécessité. Essayons de les tracer rapidement.
Je ne remonterai pas plus haut que le règne de Guillaume le Conquérant; tout ce qui le précède ne présentant que des conjectures fondées sur des traditions monacales. Ce prince usa du droit de conquête, et s’appropriant les domaines des vaincus, il en garda une partie pour lui, et distribua le reste à ses compagnons d’armes. Dans ces temps reculés, le système féodal était presque le seul connu; et en vertu de ce système, l’habitant du domaine faisait partie intégrante de la propriété seigneuriale, sous la dénomination de serfs: il existait cependant un intermédiaire entre le seigneur et les serfs, lequel consistait dans les vassaux, les seigneurs eux-mêmes étant distingués par l’appellation de grands vassaux de la couronne. En cette qualité, ils étaient tenus à de certains services et autres redevances envers le roi, et ils en exigeaient eux-mêmes de semblables de leurs vassaux, proportionnément aux portions de leurs domaines qu’ils leur concédaient, en les tirant de leur condition de serfs.
Les voyages que Guillaume était souvent obligé de faire dans ses états du continent donnaient lieu à des révoltes fréquentes, qu’il ne manquait pas de punir, à son retour, par la confiscation des terres des indigènes; et ces confiscations tournaient toujours au profit des grands de sa cour et de ses favoris. Ainsi aggrandis ces seigneurs, avec la force se sentirent la volonté de secouer le joug de l’autorité royale; d’où s’en suivit une lutte sanglante et presque continuelle entre le souverain et les barons, sous les successeurs de Guillaume. L’influence ecclésiastique d’alors faisait pencher la balance en faveur du côté où elle se portait; et comme l’autorité n’avait d’autre base que la force, dès que le parti conquis avait recouvré la sienne, il prenait sa revanche, et conquérait à son tour. On ne peut donc encore appercevoir dans cet état de choses, aucune base constitutionnelle; car l’oligarchie diffère de bien peu de l’anarchie.
Mais les croisades, en ouvrant des communications éloignées, donnèrent l’essor aux spéculations commerciales. Le résultat de ces spéculations fut une augmentation de richesses qui, après avoir donné elles-mêmes naissance à l’industrie manufacturière, en retirèrent de nouveaux alimens. Cette industrie attira les habitans de leur servitude territoriale dans les villes, auxquelles la richesse procura non seulement des franchises et des immunités, mais encore leur acquit une influence politique qui les faisait rechercher par les parties opposées. Ce fut vers cette époque que la force arracha d’un roi pusillanime la signature de ce qu’on appelle emphatiquement la Grande Charte (Magna Charta,) et qu’on nous représente comme l’origine de notre constitution.—Quant à moi, je n’y trouve pas la moindre apparence d’une base constitutionnelle. C’est encore la force qui dicte à la faiblesse: ce sont des barons victorieux qui dictent des lois au roi vaincu et le dépouillent d’une partie de son autorité, pour augmenter la leur. Tout pour eux, rien pour le peuple. Il n’y eut pas un seul de ces barons auquel il vint à l’esprit d’affranchir ses vassaux et ses serfs, et de les faire participer aux prétendus droits extorqués à l’ennemi abbattu. Cette assertion paraîtra sans doute hasardée; mais il suffira de référer aux évenemens subséquents. Si par cette charte si fameuse, la constitution britannique eût été consommée, comment se serait-il fait que les guerres civiles n’eussent pas dès lors cessé? car le but et l’effet d’une constitution est d’établir l’ordre social et de créer les pouvoirs nécessaires et suffisants pour le maintenir. Henry VIII et Elisabeth possédèrent un pouvoir aussi absolu que Louis XIV lui-même. Mais revenons sur nos pas. L’effet de cet abandon forcé des principales sources de l’autorité royale ne manqua pas de se faire sentir. Les successeurs du faible monarque, impatients du joug qu’il leur avait laissé en héritage, cherchèrent à le briser; et ils ne virent d’autre moyen d’y réussir que celui de s’étayer de l’influence toujours croissante des villes. Fières de leur importance, elles mirent un prix à l’assistance qu’on leur demandait, et ce prix fut leur admission régulière dans le grand conseil national, comme le troisième état, se réservant toutefois le droit exclusif de se taxer elles-mêmes. Telle fut l’origine de la chambre des communes, qui n’existait pas avant cette époque, quoiqu’il soit vrai que les rois appelassent quelquefois à leurs conseils des personnes sages et discrètes, tirées des villes, et que Simon de Montfort, sous Henry III, les eût introduites dans le parlement, pour se soutenir dans l’autorité qu’il avait usurpée.
Mais cette innovation n’établit pas encore la constitution. Au contraire, la création de ce nouveau pouvoir ne fit, pour un temps, qu’enfanter de nouveaux désordres.
La réformation et l’ouverture des cloîtres, qui en fut la conséquence immédiate, disséminèrent les connaissances qui, jusque là, étaient restées comme emprisonnées dans leur enceinte. Cet accroissement de lumières ajouta à l’influence des communes, et leur pouvoir devint si redoutable, que pour leur résister, il s’établit une ligue entre le roi et les nobles. De cette manière, l’autorité royale conserva sa plénitude, sous les rois qui surent la manier.
L’avènement des Stuarts au trône d’Angleterre fut comme le signal de la lutte entre la couronne et les communes. Jacques I porta dans les discussions politiques d’alors cet esprit argumentateur qu’il avait acquis sur les bancs de l’école: mais loin d’en sortir victorieux, il trouva des adversaires non moins bien versés que lui dans cette espèce de guerre, et cet abaissement de la dignité royale, qui jusque là n’avait requis que la soumission, sans chercher à persuader, prépara la voie aux évènemens sanglants du règne suivant.
La liberté religieuse, qui s’était plus ou moins établie avec la réformation, avait enfanté une variété de sectes, parmi lesquelles il s’en trouvait qui avaient aboli la hiérarchie ecclésiastique, et lui avaient substitué l’égalité la plus absolue. Cet esprit d’égalité, et par contre d’indépendance, étendit son influence sur les relations politiques, et donna naissance à la secte des indépendans. Cette secte s’introduisit dans la chambre des communes, y acquit une prépondérance marquée, renversa le trône et les autels, abolit la noblesse, s’empara de tous les pouvoirs, et consomma ses crimes par le régicide. Mais Cromwell, par ses talens et son hypocrisie, s’étant assuré le soutien de l’armée accoutumée à vaincre sous lui, arracha bientôt de leurs mains le pouvoir dont ils ne savaient pas faire usage; et, revêtu de l’autorité souveraine, sous le nom de protecteur, il gouverna le royaume, sans aucune assistance parlementaire. Sa mort replaça les Stuarts sur le trône. Si Charles II, si longtems exilé, avait su mettre à profit l’expérience et le malheur, il aurait affermi l’autorité royale sur des bases solides. Les maux que l’anarchie révolutionnaire avait causés étaient encore sentis, et tous les esprits étaient convaincus que la royauté seule pouvait guérir ces maux, et en prévenir le retour. Mais l’amour des plaisirs l’emportant sur ses devoirs et ses intérêts, il négligea de profiter du moment d’enthousiasme qui accompagna sa rentrée dans ses états; il ne sut pas saisir l’occasion, favorable, et finit par s’aliéner l’estime de ses sujets. Jacques II, son successeur, s’était déjà aliéné leur cœur, par l’imprudence de ses démarches et par ses opinions religieuses. Craignant d’éprouver le sort de son père, dont le menaçait l’arrivée de Guillaume d’Orange, il se mit à l’abri par une fuite qui fut regardée comme une abdication volontaire. Cette chaîne non interrompue de dissentions civiles prouve, de la manière la plus évidente, qu’il n’existait jusque là aucune constitution déterminée. La nation passait alternativement du despotisme royal à l’anarchie populaire, ou à l’oligarchie aristocratique, suivant que le sort des armes en décidait. La loyauté du jour devenait trahison le lendemain, et le désordre règnait partout. En effet, la force peut être un droit de fait, mais non un droit d’équité; elle ne lie qu’autant que la chaîne est assez forte pour résister aux efforts de celui qui la porte: une fois rompue, son effet n’existe plus.
(La suite au numéro prochain.)
En convoquant les états généraux, Louis XVI ne fit que se conformer à un des articles de la constitution dont parle notre auteur; et, au contraire de ce que dit ici cet écrivain, tous les bons esprits nous semblent persuadés que les abus du pouvoir arbitraire, la corruption des mœurs publiques et privées, le gaspillage des deniers publics, et conséquemment le délabrement des finances, &c. en étaient rendus à un tel point, que sans une révolution, la France ne pouvait plus subsister comme nation. |
Mercredi, 18 de ce mois, quelques habitans de Valcartier ont fait une excursion au sommet du mont Tsonnonthouan, situé sur la rive septentrionale de la rivière Jacques-Cartier, à 24 milles au nord-ouest de Québec.
Cette montagne, sur laquelle probablement, il n’était encore monté d’autres hommes que des sauvages, forme l’angle le plus méridional de cette vaste chaîne de montagnes de granit, qui s’étend des côtes de Labrador, le long de la rive septentrionale du St-Laurent, jusqu’à Québec, et de là à la rivière des Outaouais et aux rives septentrionales des lacs Huron et Supérieur, et couvre presque tout le pays, en allant au nord, à l’exception de la vallée du Saguenay, jusqu’à la Baie d’Hudson. Son élévation est d’environ 2000 pieds au-dessus du niveau du St-Laurent. Elle est divisée en deux parties qui forment deux sommets distincts, et elle a encore cela de particulier qu’elle offre un aspect à peu près semblable de tous les côtés. La grand espace de terre qu’elle couvre lui a mérité le nom de Tsonnonthouan, que lui ont donné les sauvages, et qui, dans leur langue, signifie Grande Montagne.
Quoique si près de Québec, il n’y avait, jusqu’à ces dernières années, aucun établissement à moins de 12 milles de cette montagne, toute la vallée de la rivière Jacques-Cartier, au-dessus du pont, qui forme un espace de 30 milles de longueur, sur une largeur variable de 10 à 20 milles, étant demeurée jusqu’alors inculte, à cause de la difficulté d’y obtenir des terres, et de ce qu’il en aurait couté pour pratiquer des chemins dans les terrains marécageux situés derrière les anciens établissemens.
Le parti se mit en route de l’établissement sur la concession du Dr. Blanchet, derrière la terre de feu Mr. Planté, à 10 heures du matin. Après avoir monté quelque temps, nos voyageurs, (si nous pouvons nous servir de ce terme,) arrivèrent à un plateau, sur le bord du torrent qui divise la montagne du côté du nord-est; et au bout d’un quart d’heure, ils rencontrèrent une cabanne sauvage, sur la rive occidentale du même torrent. On voyait alors, de temps à autre, Québec et la campagne environnante, à travers les arbres de haute futaie qui couvrent toute la montagne. En laissant le torrent, la montée devient roide et difficile. Au bout de dix minutes, nos voyageurs parvinrent à une belle source, sortant de dessous le rocher, qu’ils appellèrent Puits de Sainteté, (Holy Well): quinze minutes après, ils furent arrêtés par d’immenses masses de granit formant des murs insurmontables; néanmoins, ils trouvèrent, sur la gauche, entre deux masses perpendiculaires, un passage étroit, mais praticable, qu’ils appellèrent Porte d’Espérance, (Hope Gate); et à 11¼ heures, après avoir passé plusieurs cavernes et crevasses d’une étendue et d’une profondeur considérables, en apparence, ils parvinrent au haut de l’angle du sud-est du sommet occidental de la montagne. Ils choisirent pour station, à ce point, une grande masse de granit à surface plane et presque circulaire, de 20 à 30 pieds de diamètre, et élevée d’environ cinq pieds au-dessus du niveau général du terrain.—Au nord de ce rocher, ils érigèrent, sur la cîme d’une haute épinette, un pavillon anglais, et déposèrent dans le sol, dans une bouteille de verre, une pièce de monnaie de cuivre de sa présente Majesté. On abattit quelques arbres, en cet endroit, pour avoir vue sur le pays au sud-ouest de la montagne.
Le parti se transporta de là sur le côté méridional de ce sommet du Tsonnonthouan. Il est plan, d’une grande étendue, et couvert d’un sol profond de terre légère, au-dessus duquel est une couche de plusieurs pouces d’épaisseur de ce sable blanc et fin que l’on rencontre si fréquemment en Canada, dans les sols vierges, sous la terre noire formée par la décomposition des feuilles. Le bois est généralement le bouleau blanc, de l’espèce dont les sauvages emploient l’écorce pour faire divers petits ouvrages. Au centre de ce point de la montagne, il y a un enfoncement qui est une espèce de marais. En général, le sol et les productions végétales indiquent une atmosphère plus humide que dans la vallée. Au sud de cette station, (pour ainsi l’appeller,) est un vaste bloc quarré de granit sous lequel il y a une source d’eau vive.—Plus à l’ouest, le sommet de la montagne offre l’aspect le plus intéressant. On commence à descendre de ce sommet par un mur sémi-circulaire de granit, d’une longueur considérable, et d’environ 30 pieds de hauteur: au-dessous, est une terrasse plane et sémi-circulaire, d’environ 150 pieds de largeur, du bord extérieur de laquelle la descente continue le long d’un mur perpendiculaire de granit solide, d’environ 100 pieds de hauteur. Il fut tracé des sentiers pour aller à ces parties de la montagne.
De ce sommet du Tsonnonthouan, la perspective est étendue et grande au-delà de ce qu’on peut imaginer, nulle autre contrée peut-être ne fournissant, sous ce rapport, autant d’avantages que la vallée du St-Laurent, à ce point particulier, d’où l’on voit se déployer sous ses yeux, sur les deux rives du fleuve, le pays plan compris entre la chaîne des montagnes du nord et celle des montagnes du sud, qui s’étendent depuis l’embouchure du St-Laurent jusqu’aux montagnes blanches du Nouveau-Hampshire et aux montagnes vertes de Vermont. Les objets qui s’apperçoivent de l’angle du sud-est du sommet occidental du Tsonnonthouan, sont compris dans un espace de 3,600 milles en superficie, dont la surface du St-Laurent occupe 200, étant visible dans sa longueur, par intervalles, l’espace de 90 milles.
Du côté de l’est, la vue s’étend sur 40 milles en profondeur des montagnes situées derrière le Cap Tourmente; jusqu’aux sources de la rivière Jacques-Cartier, et aux montagnes qui se trouvent sur les eaux occidentales du Saguenay. On apperçoit distinctement, par dessus les montagnes de Charlesbourg, celles qui se trouvent sur la rive méridionale du fleuve, derrière la rivière Ouette, et on les suit de l’œil, sans interruption, jusqu’aux hauteurs entre les sources des rivières St-Jean, Pénobscot, Kennebec, Connecticut, Etchemin, Chaudière, Bécancour et Nicolet.—Sur la rive septentrionale, les bords méridionaux des montagnes du nord commencent à être visibles au St-Maurice, et s’élèvent graduellement de là jusqu’aux montagnes du lac des Sept-Iles, et aux sources de la rivière de Portneuf. Dans l’espace mitoyen, le St-Laurent est visible depuis St-Vallier jusqu’à la pointe de Champlain, quoique caché occasionnellement par les hauteurs de Québec, de St-Augustin, de Jacques-Cartier et des Grondines, adjacentes à la rive septentrionale. Dans le voisinage, et, pour ainsi dire, sous les pieds du spectateur, se déploie toute la vallée de Jacques-Cartier, depuis la Montagne des Sœurs jusqu’au pont, avec ses lacs, ses marais et ses points ouverts par le défrichement, ainsi que la rivière avec ses îles et ses cascades, par intervalles, au milieu de la forêt naturelle qui en couvre encore presque entièrement les deux rives. A gauche, se présente le lac St-Charles, et à droite, le lac St-Joseph ou Lontaritzie montre sa vaste surface cachée en partie par le bord de la Grande Montagne.
Nos voyageurs n’eurent pas le temps de se transporter au côté du nord de la montagne, pour avoir vue sur la vallée de la rivière au Pin et du lac Tantaré. On sait que c’est une suite non interrompue de montagnes jusqu’à la vallée du Saguenay. Des cinq individus dont se composait ce parti, l’un était natif d’Angleterre; un autre, d’Irlande; un troisième, d’Ecosse; un quatrième, du Canada, et un cinquième, du Connecticut
Vu la clarté générale de l’atmosphère dans l’Amérique du Nord, et la facilité d’y appercevoir les objets à une grande distance, il est probable qu’à l’aide de bons télescopes, on pourrait communiquer de cette montagne à celle de Chambly, par des signaux, au moyen d’une seule station intermédiaire, sur la rive méridionale du fleuve. On communiquerait aussi, au moyen d’une ou deux stations intermédiaires, avec les montagnes blanches, qui s’apperçoivent de l’océan atlantique; et il est probable qu’au moyen de quatre ou cinq stations intermédiaires, on communiquerait de Chambly à New-York: de sorte, qu’au moyen de six ou sept stations entre New-York et Québec, les nouvelles pourraient se transmettre d’une ville à l’autre, en quelques minutes et à peu de frais.—— Québec, 21 Octobre 1826.
Cormier—Prudence. Chaque arbre, chaque plante a une physionomie qui lui est propre, et qui semble lui donner un caractère. L’amandier étourdi se presse de donner ses fleurs au printems, au risque de n’avoir point de fruits l’automne, tandis que le cormier, qui s’élève lentement, ne porte ses fruits que quand il a acquis toute sa force; mais alors sa récolte est assurée. Voila pourquoi on en fait l’emblême de la prudence.—Cet arbre, si beau, si durable, garde tout l’hiver ses fruits d’un rouge éclatant; on le voit briller au milieu des neiges: c’est une moisson qui ne se récolte qu’en hiver, et que la providence a réservée aux petits oiseaux.—
Gui commun—Je surmonte tout. Le gui est un petit arbuste, qui croît au sommet des plus grands arbres; le chêne superbe devient son esclave, et le nourrit de sa propre substance. Les druides avaient une espèce d’adoration pour une faiblesse si supérieure à la force; le tyran du chêne leur paraissait également redoutable aux hommes et aux dieux. Voici ce qu’ils contaient pour appuyer cette opinion: Un jour, Balder dit à sa mère Friga, qu’il avait songé qu’il mourrait. Friga conjura le feu, les métaux, les maladies, l’eau, les animaux, les serpens, de ne faire aucun mal à son fils, et les conjurations de Friga étaient si puissantes, que rien ne pouvait leur résister. Balder allait donc dans les combats des dieux, au milieu des traits sans rien craindre. Loke, son ennemi, voulut en savoir la raison; il prit la forme d’une vieille, et vint trouver Friga. Il lui dit: Dans les combats, les traits et les rochers tombent sur votre fils Balder, sans lui faire de mal. Je le crois bien, dit Friga; toutes ces choses me l’ont juré; il n’y a rien dans la nature qui puisse l’offenser: j’ai obtenu cette grâce de tout ce qui a quelque puissance: il n’y a qu’un petit arbuste à qui je ne l’ai pas demandé, parce qu’il m’a paru trop faible: il était sur l’écorce du chêne; à peine avait-il une racine; il vivait sans terre; il s’appelle mistiltien; c’était le gui. Ainsi parla Friga.—Loke aussitôt courut chercher cet arbuste, et venant à l’assemblée des dieux, pendant qu’ils combattaient contre l’invulnérable Balder, car leurs jeux sont des combats, il s’approcha de l’aveugle Heder: Pourquoi, lui dit-il, ne lances-tu pas ainsi des traits à Balder? Je suis aveugle, répondit Heder, et je n’ai point d’armes. Loke lui présente le gui de chêne et lui dit: Balder est devant toi. L’aveugle Heder lance le gui; Balder tombe percé et sans vie. Ainsi, le fils invulnérable d’une déesse fut tué par une branche de gui lancée par un aveugle. Telle est l’origine du respect porté dans les Gaules à cet arbrisseaux
Les Couronnes—Emblêmes des fleurs chez les différents peuples.—Aussitôt qu’il y a eu sur la terre une famille, une prairie, un arbre, un ruisseau, on a aimé les fleurs. Les peuples de l’Orient, qui semblent être les hommes primitifs, n’imaginent rien de plus doux que de vivre éternellement dans un jardin délicieux, entourrés de belles femmes, et couchés sur des fleurs: les femmes elles-mêmes, dans ces voluptueuses contrées, ne sont regardées que comme d’aimables fleurs, faites pour embellir la vie, et non pour en partager les soins. On cultive la beauté dans les sérails de l’Asie, comme une rose dans un parterre, et on n’exige d’elles que d’être belles comme une rose. Les peuples religieux qui habitent les bords de l’Indus et qui boivent les eaux du Gange, regardent certaines fleurs qu’ils ne cueillent jamais, comme les demeures passagères des nymphes et des sylphides. Le soin d’arroser ces plantes de prédilection est confié aux bramines encore vierges.—Elles s’occupent aussi à en tresser d’autres pour la décoration des temples et pour leur propre parure. Les jeunes Bayadères couvrent leurs têtes de l’immense corolle de l’aristoloche; elles ont des colliers de fleurs de mongris, et des ceintures de fleurs de frangipanier. Dans la somptueuse Egypte, on porta cette passion si loin, qu’Amasis, de simple particulier, devint général des armées du roi Parthénis, pour lui avoir présenté un chapeau de fleurs. Les Grecs, disciples des Egyptiens, se livrèrent au même goût. A Athènes, on portait tous les jours au marché des corbeilles qui étaient enlevées à l’instant. C’est là où l’on voit s’engager un combat charmant entre Pausias, célèbre peintre de Sycione, et la bouquetière Glicéra sa maîtresse: c’était, dit Pline, un grand plaisir de voir combattre l’ouvrage naturel de Glicéra contre l’art de Pausias, qui finit par la peindre elle-même, assise et faisant un chapeau de fleurs.
Les fleurs étaient non seulement alors, comme aujourd’hui, l’ornement des autels et la parure de la beauté, mais les jeunes gens s’en couronnaient dans les jeux, les prêtres dans les cérémonies, les convives dans les festins; des faisceaux et des guirlandes étaient suspendus aux portes, dans les circonstances heureuses: et, ce qui est plus remarquable et plus étranger à nos mœurs, les philosophes eux-mêmes portaient des couronnes, et les guerriers en paraient leurs fronts, dans les jours de triomphe: car les couronnes devinrent bientôt le prix et la récompense du talent, de la vertu et des grandes actions. Le tems, qui a détruit les empires n’a point détruit ce langage emblématique; il est venu jusqu’à nous avec toute son expression: les couronnes de chêne, de myrte, de roses, de laurier, sont encore destinées aux guerriers, aux poëtes et aux amours. Les fleurs consacrées aux dieux étaient le symbole de leur caractère et de leur puissance. Le lys superbe appartenait à Junon, le pavot à Cérès, l’asphodèle aux mânes, la jacynte et le laurier à Apollon, l’olivier à Minerve, le lierre à Bacchus, le peuplier à Hercule, le cyprès à Pluton, le chêne à Jupiter.
La signification, le goût et l’usage des fleurs passèrent des Grecs chez les Romains, qui portèrent ce luxe jusqu’à la folie: on les voyait changer trois fois de couronne dans un seul repas; ils disaient qu’un chapeau de roses rafraîchissait la tête et préservait des fumées du vin; mais bientôt voulant jouir d’une double ivresse, ils entassaient des fleurs autour d’eux, de façon à produire l’effet qu’elles étaient destinées à prévenir. Héliogabale faisait joncher des fleurs les plus rares, ses lits, ses appartemens et ses portiques; et bien avant lui, on avait entendu Cicéron reprocher à Verrès d’avoir parcouru la Sicile, dans une litière, assis sur des roses, ayant une couronne de fleurs sur la tête et une autre au cou.
Le goût des fleurs prit naissance parmi nous avec celui de la galanterie; le règne de la beauté fut aussi celui des fleurs; tout alors prit une expression, et la composition d’un bouquet ne fut plus une chose indifférente. Chaque fleur avait sa signification: un chevalier partait-il pour une expédition lointaine, son chapel, formé de giroflées de Mahon et de fleurs de cerisier, semblait dire à sa belle: Ayez de moi souvenance et ne m’oubliez pas. Avait-on fait choix d’une dame, et lui avait-on demandé l’honneur de la servir, la jeune beauté se montrant parée d’une couronne de blanches marguerites, était censée répondre, j’y penserai. Voulait-elle le bonheur de son amant, elle préparait la couronne de roses blanches, qui signifiait le doux je vous aime. Mais si les vœux étaient rejettés, la fleur de dentdelion indiquait qu’on avait donné son cœur, que le requérant d’amoureuse merci ne devait conserver aucune espérance, et qu’il employait mal son tems.—Les feuilles de laurier peignaient la félicité assurée; le lys des vallées ou le glayeul, la noblesse et la pureté des actions et de la conduite; de petites branches d’if annonçaient un bon ménage, et le bouquet de basilic indiquait qu’on était fâché et même brouillé. Dans ce bon tems, l’amour armé d’un bouquet pouvait tout oser; une fleur dans une main exprimait bien souvent plus que n’oserait dire le billet le plus tendre.
Les Turcs, comme tous les Orientaux, se servent du langage des fleurs; mais ils l’ont corrompu, en mêlant à leur signification celle des rubans, des étoffes et de mille autres choses. La fête des tulippes est chez eux d’une telle magnificence, que sa description paraitrait merveilleuse, dans les merveilleuses pages des Mille et une Nuits.
Éruption bourbeuse dans un marais. Le 2 Septembre 1824, à 6 heures du soir, il s’est fait une ouverture dans les marais de Stamburry, comté d’York, (en Angleterre); le terrain s’est enfoncé de 18 pieds, et présentait deux cavités principales, dont l’une avait environ 600 pieds de circonférence, et l’autre 1800. De ces cavités jaillirent deux immenses colonnes d’eaux bourbeuses, qui se réunissant à 300 pieds de leurs sources, formèrent, en deux, heures, un torrent d’environ 150 pieds de large sur 12 de profondeur. Le torrent suivait le cours d’un ruisseau qu’il débordait à 60 ou 80 pieds de chaque côté, sur toute sa route, qui fut de 7 à 8 milles: il déposa une substance noire, qui avait depuis 8 jusqu’à 16 pouces de profondeur: on y reconnaissait du sable, des fragmens rocailleux et des morceaux de bois ou d’arbres déracinés, qu’il avait entrainés. Il renversa dans son cours un pont de pierre, dévasta plusieurs champs de bled, détruisit des haies et des murs, et entra dans différentes maisons dont il souleva les meubles. Au moment de l’éruption, les nuages avaient une couleur cuivrée; l’atmosphère était très électrisée; il faisait une chaleur étouffante; on entendait de violents et de fréquents coups de tonnerre, et les éclairs étaient extrêmement brillants. Une heure avant, on ressentait à peine un léger courant d’air; mais bientôt il s’éleva un ouragan qui dura deux heures, et qui fut suivi d’un grand calme. Une pluie abondante, qui avait duré pendant ce temps, cessa, et l’atmosphère redevint très pure. On attribue ce phénomène à une éruption souterraine, la plus considérable qui ait eu lieu en Angleterre depuis plusieurs siècles.
Rivière d’où sortent des flammes. Aux puits salins, sur la rivière Calfkillar, à environ 3 milles de Sparta, aux Etats-Unis d’Amérique, il est arrivé un phénomène très curieux: une colonne de feu de 40 pieds de haut s’est élevée du milieu de la rivière, large d’environ 50 verges; elle éclairait les objets d’alentour à une distance de 200 verges. On pense que la veille, en sondant pour trouver l’eau salée, les ouvriers sont arrivés à une cavité remplie de gaz hydrogène sulfuré, qui en montant a rencontré une autre ouverture que le passage de la sonde, s’est fait jour à travers un rocher jusqu’au lit de la rivière, et s’est ouvert un passage au milieu des eaux, qui bouillonnaient avec violence autour de l’endroit d’où s’échappait le gaz. On approcha avec précaution une torche allumée; il prit feu aussitôt, et un immense volume de flammes monta dans l’air. On eût dit qu’il s’élevait un feu du fond même de la rivière. Les nuages qui étaient au-dessus de ce foyer de lumière prenaient les teintes les plus belles et les plus variées: la sombre lueur rougeâtre qui éclairait le paysage, en teignait les divers objets de rouge, de vert, de jaune et de bleu. L’union de deux élémens d’une nature si opposée contribuait à rendre ce spectacle encore plus imposant. (Revue Encyclopédique, 1824.)
Plantes animées. Les différentes manières d’être de la vie animale, depuis l’homme et le singe jusqu’au chétif vermisseau que nous écrasons sous les pieds, sont liées par des gradations de ressemblance suffisantes pour faire voir que le tout est le résultat d’un même plan général, quelque différence qu’il y ait dans les formes ou apparences extérieures. Mais nous n’avons jamais pensé que la vie animale et la vie végétale se montrassent sous une forme qui paraît les identifier dans le même individu. Tel semble pourtant être le fait, d’après l’extrait suivant d’une lettre d’Addison Pinnico, médecin de Sagamon, dans l’État des Illinois, datée du 4 Mai 1826.
“Le capitaine Abraham Hatheway a trouvé, en labourant dans un champ où il y avait eu des navets, un nombre d’insectes végétants (ou de végétaux vivants): Il m’en a donné plusieurs, lorsque je passai chez lui, il y a quelque temps, et que je vous envoie ci-inclus. La racine de la plante est toujours près de la tête de l’animal, qui est une espèce de petit vers; et la tige se divise quelquefois en trois feuilles. Mon voisin a planté quelques unes de ces productions singulières dans son jardin, et il se propose d’en examiner le progrès et de faire de nouvelles observations.”
(Journal Américain)
Québec, Septembre 1821.
(*) Mon cher monsieur,—Vous me demandez de vous faire part des soins que j’apporte à la culture de mon Tabac; c’est mettre trop de prix à ce que je vous ai déjà dit des petits succès que j’ai eus, en suivant les avis d’un étranger, et d’un ci-devant esclave. Mais vous le voulez: voici donc mon secret.
Il s’agit tout simplement de planter le tabac d’aussi bonne heure que possible; à une assez grande distance pour que les grandes feuilles ne se touchent point, sur un terrain léger, bien meublé, pas trop engraissé;—le tenir net de toutes mauvaises herbes;—le rechausser souvent, lorsqu’il commence à monter à graine;—casser la partie qui doit fournir la graine;—marquer de l’œil les cinq ou six plus belles feuilles, et ôter toutes les autres;—enfin empêcher la pousse des rejettons, en les enlevant de la tige, une fois par semaine.
On doit le couper par un temps sec, lorsque les feuilles commencent à avoir des taches brunes, puis le laisser faner un peu au soleil, et le pendre ensuite à l’ombre pour sécher.
L’erreur en Canada est de planter le tabac dans des terrains qui ont trop longtems servi à cette même culture, qui ont trop d’engrais et sont trop forts; de le planter trop proche à proche, de laisser trop de feuilles, et de souffrir les rejettons ou drageons.
Mon tabac de cette année est planté dans un champ travaillé comme le sont les patates cultivées à la charrue, et que j’engraisse et nétoie par la culture de légumes, dans un système de rotation de cinq années: la feuille de ce tabac est de l’épaisseur d’une peau de mouton.
Je suis véritablement redevable de mes connaissances sur la culture du tabac à un pauvre nègre esclave, déserteur des Etats-Unis, et qui, depuis son enfance, avait cultivé cette plante, tant dans la Caroline septentrionale et la Georgie que dans la Louisiane. Je tiens de lui que dans la Virginie, le soleil a assez de force pour faire mûrir 7 à 8 feuilles par tige; en Georgie, 8 à 9; et à la Louisiane, 10 à 12; et que le tabac du Canada pourrait égaler en bonté celui de la Virginie, si l’on ne laissait que 5 à 6 feuilles par chaque pied. J’ai suivi son conseil et m’en suis bien trouvé, depuis quelques années, qu’à l’exemple de mes bons voisins canadiens, j’ai, aussi moi, ma tabatière.
Votre Serviteur et ami,
C. R.
A. Mr. O. P. à Sorel.
Lariole, le mendiant. Un nommé Lariole, propriétaire d’un petit emplacement dans le comté d’Effingham, mais dont néanmoins la pauvreté était telle qu’il était réduit à mendier, reçut, en 1809, la visite d’un messager d’un des candidats qui s’offraient pour représenter le comté. On lui promit dix à douze piastres pour sa voix, s’il voulait la donner à ce monsieur.—“Non, non,” répondit-il, “ma voix n’est pas à acheter; je la donnerai gratis à celui qui aura ma confiance; je ne vendrai jamais mon pays, ni ma liberté.”
Terme de comparaison sauvage. Un sauvage, à qui ses compatriotes demandaient ce que c’était que ces Français dont ils entendaient tant parler, répondit: “Ce sont des hommes comme moi.” Il croyait faire un éloge excessif de cette nation.
Mort subite. On disait dans une compagnie, que Mr. O* * * * était mort de finesse...... “Si cela est,” reprit une dame, “il faut donc que ce soit de mort subite.”
Le délibéré. “Chut! parlez bas,” disait avec son sérieux de commande, Mr. B* * * * *, à un avocat qui plaidait devant un juge qui sommeillait; “parlez plus bas, vous dis-je, ne troublez pas le juge,...... il délibère.”
Le problême résolu. Mr. S* * * * était un homme d’assez minces talens et d’une éducation peu soignée. Il était gourmand; notez cela. Quoique déjà sur le retour, les crocs ou favoris seuls avaient blanchi, mais les cheveux étaient encore noirs. Quelqu’un en faisait la remarque devant Mr. D......, et paraissait étonné de ce phénomène, comme il l’appellait. “Eh!” repartit vivement Mr. D......, “il n’y a pas là de merveille; tout le monde sait que Mr. S* * * * a toujours plus travaillé de la mâchoire que de la tête.”
La patrie. Le chef d’une tribu d’Iroquois répondit aux députés de la colonie française du Canada, qui les engageaient à se retirer de l’autre côté de la rivière qui a porté leur nom: “Nous sommes nés en cette terre; nos pères y ont été ensevelis; dirons-nous à leurs ossemens: Levez-vous, et suivez-nous sur une terre étrangère?”
Héroïsme. Un officier canadien, Mr. Dubuisson, blessé grièvement au siège de Québec, en 1760, se retirait du champ de bataille. Ses deux fils, l’un âgé de 14 ans et l’autre de 15, servaient avec lui. Ils apprennent l’accident arrivé à leur père: sans différer, ils quittent les rangs, et se rendent en larmes auprès de lui. Le père, attendri d’abord, les embrasse et les serre contre son cœur; mais reprenant bientôt plus de force et de courage: “Allez mes enfans,” leur dit-il avec autorité, “retournez à votre poste: vous avez satisfait à la nature; votre devoir et l’honneur vous appellent à la tranchée.”...... Et ils retournent au combat.
3º. L’ART INDEFINISSABLE.
Comment donc définir le grand art de la guerre?
Il est partout connu; partout il est mystère.
Dirai-je que cet art, honorable, odieux,
Sert, en les révoltant, et la terre et les cieux.
On le loue, on le blâme, on le cherche, on l’évite:
Enfin c’est un fléau qu’on craint et qu’on mérite.
Les guerriers sont, dit-on, aussi sages que foux,
Modestes comme fiers, et moins cruels que doux.
Ce sont des vérités qui passent pour des fables:
L’art et les artisans sont indéfinissables.
Tel qui brave la mort est un homme d’honneur;
Tel qui la donne montre et de l’âme et du cœur:
C’est la loi qui l’ordonne, et la loi la plus dure
Fait taire, en combattant, la loi de la nature.
On estime sa vie, on la livre au plus fort.
On admire un rival, on lui donne la mort.
On dit: “Vaincre ou mourir,” et voila ce qu’on nomme,
Dans les termes de l’art, le vrai devoir de l’homme.
Quand dans des flots de sang on a trempé ses mains,
Environnés de morts, on dit: “soyons humains.”
Le vainqueur fait agir les vertus et les crimes;
Sauve ou livre à son gré mille et mille victimes.
Le plus beau des combats n’est qu’une belle horreur;
Et la plus belle mort n’est qu’un heureux malheur.
Le héros est couvert et de honte et de gloire;
Il se vante et rougit de la même victoire.
Qu’on soit, comme guerrier, triomphant ou battu,
La vertu devient crime, et le crime vertu.
Que dire et que penser? C’est un affreux problême,
Qui seul nous montre trop la vengeance suprême.
Taisons-nous. Dieu le veut; et ses plus grands fléaux
Engendrent à la fois et les biens et les maux.
P. H. C.
La capitulation du colonel Bœrstler, ou l’affaire de Beaver-Dam, qui eut lieu le 24 Juin 1818, est un des évènemens intéressants de la dernière guerre américaine. On sait que les sauvages, à qui la victoire fut principalement dûe, se montrèrent très mécontents de l’ordre général qui fut publié à cette occasion. Le capitaine Ducharme, leur principal commandant dans cette rencontre, instruit de ce mécontentement, fit ce qui dépendait de lui pour le faire cesser, ou du moins pour faire connaître la vérité, en communiquant à l’éditeur du Spectateur Canadien des détails qui furent publiés dans le numéro du 22 Juillet. Il fut aussi publié dans le Spectateur du 4 Avril 1818, une lettre du même capitaine Ducharme, contenant de nouveaux renseignemens sur cette affaire. Enfin, l’été dernier, un monsieur de cette ville, qui a à cœur de connaître dans le détail tout ce qui doit entrer dans l’histoire de notre pays, ayant lu dans un journal étranger,[1] un exposé de cette même affaire qui lui parut fautif fit prier le capitaine Ducharme de lui communiquer par écrit tout ce qu’il en savait comme témoin oculaire. Il reçut du brave et obligeant capitaine une nouvelle lettre, qu’il a eu la bonté de nous communiquer, et dont voici la substance.
Lac des deux Montagnes, 5 Juin 1826.
Monsieur—Ayant su du capitaine L* * * * *, que vous désiriez avoir de moi un détail de la prise du colonel Bœrstler et de son armée, je vais tâcher de satisfaire votre curiosité.
Le 26 Mai 1813, j’eus ordre de Sir John Johnson de partir de Lachine, à la tête d’un parti de 340 sauvages, savoir, 160 du Sault St-Louis, 120 du Lac des deux Montagnes et 60 de St-Régis. J’étais accompagné des lieutenants J. B. De Lorimier, Gédéon G. Gaucher, Louis Langlade, Evangéliste St-Germain et Isaac Leclair.
Nous continuâmes la route jusqu’à la tête du lac (Ontario), où nous fûmes mis sous le commandement du colonel Clauss. Arrivés près de 40 mile Creek, ce commandant nous fit accompagner du capitaine Carr, et du lieutenant Brandt, et de 100 Mohawks (ou Agniers). Le 20 Juin, nous fûmes camper à 20 mile creek, ou Beaver-Dam, avec tous nos sauvages.
Le 23, je fus à la découverte sur la rivière de Niagara, avec 25 de mes sauvages. Nous apperçumes une berge remplie de soldats américains: les sauvages firent feu dessus, et tuèrent quatre hommes et en firent sept prisonniers. Comme nous étions à la vue du fort George, j’ordonnai à mes sauvages de faire hâter le pas à leurs prisonniers. La cavalerie américaine ne manqua pas de nous poursuivre, et deux jeunes Iroquois étant restés derrière, pour prendre, disaient-ils, des chevaux, l’un d’eux fut fait prisonnier.
Le 24, vers les 8 heures du matin, les découvreurs revinrent en faisant le cri de mort, qui signifiait que nous étions frappés par l’ennemi. Aussitôt, nous nous préparâmes, et je fus faire mon rapport au colonel de Haren, qui avait sous son commandement 100 hommes de troupes régulières. Il nous fit mettre en file. Je lui représentai que la place que nous occupions n’était pas avantageuse pour attendre l’ennemi, et que je désirais l’attaquer dans le bois. Il trouva l’avis bon, et dit qu’il nous suporterait. Nous courûmes au-devant de l’ennemi environ un demi-mille, et prîmes notre position des deux côtés du grand chemin, le lieutenant De Lorimier à la droite avec le lieutenant Leclair et 25 hommes; le capitaine Carr, avec ses Mohawks, à la gauche, et moi au centre. Nous apperçumes aussitôt 20 dragons ennemis descendre une petite côte, en venant sur nous; j’ordonnai aussitôt de tirer, et ces 20 hommes furent tous tués roides, à l’exception d’un seul que les sauvages achevèrent; après quoi ils se jetèrent sur les morts pour les dépouiller, malgré que Je leur enjoignisse de n’en rien faire, mais de rester à leur place. Le gros de l’ennemi arrivé sur la côte, fit sur nous une décharge de trois pièces de canon chargées à mitraille: heureusement, le feu fut si mal dirigé, que nous n’en reçûmes presque aucun mal. J’ordonnai cependant aux sauvages de gagner le bois, et pendant le mouvement, le feu de la mousquèterie ennemie nous tua et blessa plusieurs hommes. Alors les Mohawks se retirèrent; le capitaine Carr et le lieutenant Brandt nous laissèrent aussi, pour tâcher de rallier leurs sauvages, et pour demander le secours des troupes; mais ils ne reparurent pas dans l’engagement.
Le combat devint des plus vifs; les sauvages irrités de la perte de leurs frères se battaient en furieux; à la fin, leurs cris affreux épouvantèrent les ennemis, qui se retirèrent précipitamment, infanterie et cavalerie, dans une coulée. Notre feu devenant inutile, j’ordonnai aux lieutenants Gamelin Gaucher et Langlade de cerner la coulée; ce qui fut exécuté avec ponctualité et diligence.—On recommença alors à tirer avec effet; les chevaux d’un canon furent tués; le colonel Bœrstler reçut deux blessures grièves et eut son cheval tué sous lui. Enfin l’ennemi retraita encore.—Mais arrêté d’un côté par un marais, et de l’autre par nos sauvages, il se vit hors d’état de continuer ou le combat, ou la retraite, et hissa le pavillon de trève. J’ordonnai aux sauvages de cesser de tirer; mais je fus mal écouté: le feu continua encore de leur part.
Sur ces entrefaites, le capitaine Hall, de notre cavalerie, étant venu nous trouver, et voyant l’ennemi rendu, alla faire son rapport. Il rencontra le lieutenant Fitzgibbon, du 49e régiment, qui venait à notre aide avec 40 hommes. Celui-ci s’offrit à faire la capitulation; et comme je ne parlais pas bien l’anglais, nous l’acceptâmes, aux conditions que les sauvages auraient toutes les dépouilles. Le lieutenant Fitzgibbon, non plus que le colonel de Haren ne prirent aucune part au combat. La victoire fut entièrement dûe aux sauvages, qui pourtant se virent frustrés alors non seulement des dépouilles qui leur avaient été promises, mais de l’honneur et de la gloire qui devaient leur revenir.
Notre perte fut d’une quinzaine d’hommes tués et d’environ 25 blessés. Celle de l’ennemi en tués et blessés fut très considérable, et presque tous ceux qui ne furent pas tués dans le combat, au nombre de plus de 500, y compris le commandant et une vingtaine d’officiers, furent faits prisonniers.
Votre, &c.
D. Ducharme.
The Soldier’s Companion, article, Spirited Exploit. |
Il y a trois ou quatre ans, deux jeunes messieurs des Trois-Rivères publièrent par morceaux détachés dans le Constitutionnel, journal qui s’imprimait alors dans cette ville, un Essai de critique du Paradis Perdu de Milton. Cet essai nous étant tombé sous la main, dernièrement, nous croyons faire plaisir à nos abonnés, en le leur mettant sous les yeux, persuadés qu’un bien petit nombre d’entr’eux l’ont vu dans le journal où il a été publié d’abord, et qu’un bien plus petit nombre encore ont conservé les numéros de ce journal où il se trouvait. Laissant au lecteur à juger du fond et de la forme de ce petit ouvrage, nous nous contenterons de dire que, quand même on pourrait ne le pas trouver tout à fait exempt de défauts sous ces rapports, il ne doit pas laisser de nous paraître intéressant, par cela seul que c’est un échantillon de littérature canadienne.
Dî quibus imperium est animarum, umbræque silentes,
Et Chaos et Phlegeton, loea nocte silentia latè,
Sit mihi fas audita loqui..............................
C’est avec raison que l’on considère Milton comme un des plus grands génies qui aient jamais existé. Il est sans contredit le prince des poëtes anglais; et sa supériorité s’étend même sur la plupart de ceux qui ont excellé dans la poésie. Quoiqu’inférieur à Homere et à Virgile, dans la totalité du poëme, néanmoins il les surpasse dans quelques parties. Le sujet qu’a choisi Milton prête à un merveilleux plus sublime que celui de la Fable; cependant cette sublimité même le mettait dans l’impossibilité d’inventer les évènemens d’une manière qui répondît exactement aux opinions reçues sur ce sujet. S’il eût gardé toute l’exactitude de la révélation, il aurait été indubitablement exposé à ne présenter au lecteur que des nœuds sans intérêt. En assimilant trop les idées divines aux idées humaines, il tombe nécessairement en contradiction avec nos propres idées. En effet, ne semblerait-il pas ridicule, au premier coup d’œil, de faire manger, boire et digérer des êtres célestes, esprits par essence; de faire camper l’armée de Dieu en face de celle des démons; de supposer des fortifications aux cieux, &c. &c........... Tout ceci a je ne sais quoi d’extravagant, qui répugne, et qui serait insupportable, si tout autre que le divin Milton eût tenté d’en faire usage.
Il paraîtra peut-être singulier qu’un essai sur un tel sujet soit présenté aux yeux du public par des personnes qui pourraient dire avec raison, ce que disait à Laharpe le jeune Luce de Lancival: “Maître, pardonnez à la témérité d’un jeune athlète, qui, pour s’exercer au combat, se sert des armes d’Hercule, dont le poids seul lui permet à peine de s’avancer dans l’arène.” Si nous n’avons pas fait de remarques sur la totalité de chaque livre, ce n’a été que par la défiance de nos propres forces, et la considération de l’espace immense qu’il y a de Milton à nous. Nous ne nous sommes attachés qu’aux traits les plus saillants, et sur lesquels nous avons pu prononcer un jugement en toute sureté.
Milton commence par l’invocation. Son début est plein de feu et de majesté; ses allusions sont pleines de justesse, et conviennent parfaitement au génie de l’auteur.
Il s’enquiert ensuite des causes qui ont fait le malheur de l’homme, et décrit Satan d’une manière admirable: mais ce vers,
................................hope never comes
That comes to all...................................
est contredit par le poëme même, puisque Satan se nourrit continuellement du fol espoir de renverser Dieu. Il règne une énergie marquée dans la description de l’état où se trouve le prince des démons, dans son lit de flammes, et son discours à Belzébuth est assurément de la plus grande beauté; mais en même tems il est directement contraire, en plusieurs endroits, aux maximes de la théologie et de la métaphysique. L’on trouve même de tems à autre, des traits d’impiété que nous sommes portés à attribuer plutôt à un défaut de jugement qu’à une dépravation de principes. Tels sont les vers suivants:
Indubious battle, on the plains of heaven
And shook his throne. What though the field be lost
All is not lost....................................... et
Who from the terror of this arm so late
Doubted his empire.................................
L’on pourrait prétendre que ce langage est bien adapté à la situation et aux sentimens naturels à un démon: mais l’on peut répondre qu’un démon doit dire la vérité, parce qu’il ne peut avoir aucun intérêt à la déguiser. Or le diable connaissait toute la puissance de Dieu et son immutabilité. Ces impiétés ne convenaient donc pas à un démon qui parlait à un autre démon aussi savant que lui sur la nature de l’Être suprême. La réponse de Belzébuth donne sans doute beaucoup de mérite à l’auteur, ainsi que la réplique de Satan; mais nous allons en citer quelques vers, en remarquant ce qu’il y a de contradictoire.
......endangered heaven’s perpetual king
And put to proof his high supremacy.
Ces vers contredisent plusieurs des pensées ci-dessus, sans compter l’impiété qu’ils respirent. Même remarque au sujet des vers suivants:
....................................and distrest
His inmost counsel from their destined aim.
L’on nous donne à entendre plus haut que les anges révoltés étaient retenus par des chaînes de diamant: ce qui peut faire croire que Satan n’a pu projetter des promenades avec Belzébuth et plusieurs autres, sans s’être dégagé de ses liens, après des efforts considérables.
Ce qui vient ensuite, jusqu’à un autre discours de Satan, frappe l’imagination par les sublimes pensées qui y abondent. Mais il est fâcheux que l’on ait à remarquer que les comparaisons des démons avec les Titans et les baleines rabaissent, plutôt que d’élever tout ce que nous dit Milton de la force, de la puissance et de la grandeur des anges révoltés. Car enfin la grandeur des Titans et de la baleine est à la portée de l’esprit humain, et le poëte nous donne à entendre, en plusieurs endroits de son ouvrage, qu’elle surpasse l’idée que l’on en peut concevoir. Le poëte se trompe dans les vers suivants, en prêtant à un démon une pensée qui ne peut convenir à sa nature.
Both glorying to have escaped the stygean flood,
As gods and by their own recover’d strength,
Not by the sufferance of supernal power.
Le discours de Satan ne renferme guère que des pensées vagues et nullement appuyées par sa situation présente. Il y a pourtant dans le commencement de ce discours plusieurs élans d’imagination sublimes, et les vers qui les contiennent sont pleins d’harmonie imitative.
La réponse que lui fait Belzébuth renferme l’expression la plus énergique de sentimens diaboliques. Le poëte reprend son récit avec ce ton élevé qui lui est particulier. Mais qu’il est affligeant pour ses admirateurs de voir la comparaison des Egyptiens qui se noient avec les rois des enfers étendus dans leurs lits brulants! Satan parle ensuite avec beaucoup de force, surtout dans le dernier vers: Awake, arise, or be for ever fallen. Aussi ces paroles produisent-elles l’effet qu’on en doit attendre.—Au commencement de la reprise du récit, l’on voit une comparaison dont l’idée prête d’autant plus à rire, que les vers en sont exacts et harmonieux. Ce sont les démons qu’on assimile aux hommes du guet, qui se réveillent en sursaut, au cri d’alarme.
They heard, and were abashed and up they sprung
Upon the wing, as when men wont to watch,
On duty sleeping, found by whom they dread,
Rouse and bestir themselves, are well awake.
Suit une autre comparaison de même nature:
.........................as when the potent rod
Of Amram’s son in Egypt’s evil day,
Wav’d round the coast, up call’d a pitchy cloud
Of locusts..............................................
Vient ensuite je ne sais quoi de Moloch, d’Ammonites, de Basan, de Moab, de Gomorre, d’Hébreux, de Josué, d’un sens très obscur. Milton suppose des diablesses avec les diables, quoique la révélation et la théologie ne nous enseignent pas qu’il y ait eu des anges féminins dans le ciel. Dans cette incertitude, il faut supposer, à tout hazard, que les démones étaient déjà dans l’enfer avant l’arrivée de leurs compagnons. C’eût été sans doute une chose digne de curiosité que de voir leur première entrevue.
Milton, après le nom de chaque démon, nous donne l’histoire des superstitions du pays où ce démon a régné. Ce sont autant d’épisodes qui nous font perdre le fil du récit poétique, au lieu de l’animer, en le variant.
Le poëte fait une longue énumération de cors, de timbales, d’enseignes impériales, de drapeaux, d’armoiries, de casques, de dards, de boucliers et de flûtes. Ensuite l’armée démoniaque se range, et elle est disposée à faire toutes les évolutions militaires. Satan leur fait une harangue magnifique, mais où l’on trouve encore quelques impiétés. Elle finit par ce beau vers:
....................................War then war,
Open or understood, must be resolved.
Ce discours enflamme les anges rebelles d’un esprit séditieux: et sans dire pourquoi, un détachement part: Mammon, qu’on prétend avoir été avare jusque dans les cieux, le commande. Ils vont excaver de l’or d’une montagne; et chymistes éminents, ils préparent dans des creusets l’or qu’ils fondent, pour le faire couler dans des moules qui se trouvent là tout exprès. Un orchestre de diables exécute une symphonie d’une douceur toute diabolique, dont la belle ordonnance fait que les matériaux s’édifient d’eux-mêmes. Mais rien de plus surprenant que l’architecture moderne usitée en enfer, longtems avant son invention dans le monde! Certes, un tel édifice pourrait bien inspirer de la jalousie à la tour de Babel et aux pyramides d’Egypte, si elles en étaient susceptibles. Suit la description de l’intérieur du palais auquel on donne le nom de Pandémonium. Les pairs de Satan s’assemblent en conseil solennel dans le vestibule de ce palais. (Pourquoi n’y a-t-il pas une chambre des communes, puisqu’il y a une chambre des lords?) Par l’ordre de Satan, la populace des démons devient pygmée, et les pairs assis sur des sièges d’or, vont commencer les débats.
(La suite au numéro prochain.)
Traduction libre d’un morceau de poésie anglaise intitulé “Silence,” extrait du Litterary Lounger. (V. Gazette de Montréal du 23 Novembre.)
Muet langage, et silence parlant;
Pensers divers, que pas un mot n’exprime;
Mots qu’on ne lit que sur un tein riant,
Ou dans des yeux que feu d’amour anime.
C’est un regard si tendre, si timide,
Si pénétrant, si profond, si flatteur;
Muet encor, son langage rapide
Saisit soudain et l’esprit et le cœur.
Ce silence est le vrai discours de l’âme;
Le suspend-on; ah! c’est toujours en vain;
Le contraint-on; on le voit qui s’enflamme:
La vérité ne peut souffrir de frein.
Oh! le plaisir qui brille dans ces yeux!
Le doux transport de ce sein qu’il agite!
Quand ce langage entendu par les deux,
De chaque amant peint l’ardeur et l’excite.
D. D.
———————
A* * * * * * * * *.
Or worse, that trusted heart may rove,
And leave thee for another.
Ah! pour qui ce regard si tendre,
Qui jadis n’était que pour moi?
Cruelle, est-ce bien là me rendre
Tout l’amour que je sens pour toi?
Serais-tu légère et volage?
Ou ne veux-tu que m’éprouver?
Pour être inconstante à ton âge,
Faut autre sujet de changer.
Quarante ans ont-ils donc des charmes?
J’en dis assez...... tu me comprends.
Hâte-toi, calme mes alarmes;
Ne prolonge pas mes tourments.
Que le sort qui lia ma chaîne
N’ait pas arrêté mon malheur:
C’en est trop d’une double haine;
Que tes yeux prouvent mon erreur.
D. D.
Un illustre voyageur (le marquis de Beaupoil) a dit que les Canadiens ne connaissaient point les richesses qu’ils possédaient, tant dans le règne minéral que végétal. J’aime assez mon pays pour désirer qu’il profite des avantages que la nature lui a départis. Je vais donc tâcher de tirer de l’oubli la racine du ginseng, et faire connaître une plante peut-être jusqu’à présent inconnue des botanistes, le crevard de mouton.
J’ai toujours lu avec peine que le commerce de ginseng avait été abandonné en Canada, par la faute de ceux qui le ramassaient, et Charlevoix le regrette lui-même dans son histoire. Une note sur cette plante ne serait peut-être pas inutile; et pour y donner tout le poids possible, nous la tirerons d’un ouvrage célèbre, le Dictionnaire de l’Industrie, article, Ginseng. “Cette plante que les Chinois achètent un prix excessif, et qu’ils emploient dans toutes leurs maladies, comme la panacée la plus sûre, n’est pas particulière à la Chine: elle se trouve en abondance dans les grandes forêts du Canada...... Les Chinois auxquels on a présenté le ginseng du Canada ont reconnu qu’il était parfaitement semblable à celui de leur pays; mais ils ont soutenu qu’il ne pouvait avoir les mêmes propriétés, qu’en le préparant suivant leur procédé. Cette préparation, qu’il était important de connaître, a été communiquée, il y quelques années, à Mr. Barrow, par un mandarin qui commandait dans la partie de la Tartarie où l’on recueille le ginseng, et a été publiée par le docteur Heberden, dans la forme suivante:
“Il faut cueillir les racines au commencement du printems, ou à la fin de l’automne, lorsque la plante n’est point en fleur, et en ôter avec soin la terre qui y est attachée, en les ratissant, avec un couteau de bambou (ou de bois), assez légèrement pour ne pas en entammer la peau: on fait bouillir de l’eau dans une casserole de fer, qu’on place sur un feu de charbon; on y jette des racines choisies, qu’on y laisse trois ou quatre minutes, jusqu’à ce qu’en coupant une de leurs extrémités, on voie une couleur de jaune paille dans l’intérieur; on les essuie avec un linge propre, et remettant la casserole sur un feu très doux, on y place un rang de racines, qu’on retourne de tems à autre, et qu’on fait sécher lentement, mais seulement jusqu’à ce qu’elles donnent des signes d’élasticité. On les roule ensuite parallèlement dans une toile humide; on les y enveloppe, en les serrant fortement, et on les assujétit en les liant avec du fil. Après les avoir séchées, deux ou trois jours à un feu très doux, on les déroule, et on enveloppe de nouveau celles qui étaient au centre du paquet. On connaît que ces racines sont parfaitement sèches, lorsqu’elles rendent un son semblable à celui d’un morceau de bois qui tombe sur une table. Les plus estimées sont celles qui sont les plus pesantes, et dont la couleur est d’un jaune pâle, ou d’un brun léger.
“Pour les conserver, on les serre dans une boîte doublée de plomb, qui se met dans une deuxième boîte où l’on jette de la chaux vive, pour écarter les vers, et on les tient dans un lieu sec. Lorsque les Chinois veulent s’en servir en infusion, ils les coupent par tranches, et les jettent dans un vaisseau plein d’eau froide, qu’ils couvrent et qu’ils tiennent pendant quelques minutes dans l’eau bouillante.”
Ne dirait-on pas que les auteurs du Dictionnaire de l’Industrie n’ont écrit cet article qu’en faveur du Canada, où cette précieuse plante croît naturellement?
Une autre plante, bien considérée dans le Golfe, et dont les Acadiens et les sauvages font un usage merveilleux, c’est le crevard de mouton. Ils la regardent comme un spécifique certain contre les fausses pleurésies. J’ai connu un Acadien qui fit revenir un malade presque à l’extrémité, assurant que s’il pouvait seulement avaler, il répondait de sa guérison. Il fit infuser, à la manière du thé, plein le creux de sa main des feuilles et fleurs de cette plante, et en fit avaler un petit verre au malade, qui vomit, peu après, des matières épaisses, jaunes, verdâtres et mêlées de caillots d’un sang noir; un second verre lui fit vomir des matières plus nettes, et le troisième ne fit presque plus d’effet; et en peu de jours, cet homme qui, au jugement de tous ceux qui l’avaient vu, avait été désigné à la mort, fut en état de vaquer à ses occupations ordinaires.
La vertu qu’a cette plante de guérir les fausses pleurésies est-elle un spécifique qui lui soit propre, ou ne la doit-elle qu’à la faculté qu’elle a de faire vomir? C’est aux messieurs de l’art à en décider: toujours je pense qu’on pourrait essayer ce remède, lorsqu’il n’y a pas lieu à la saignée, comme dans le cas précédent, où on l’avait tenté plusieurs fois inutilement.
Le crevard de mouton, qui est assez commun dans nos savannes, est de la hauteur des arbres à bluets, et leur ressemble assez par la feuille, qui cependant n’est pas si lustrée, et est un peu grisâtre: ses tiges sont garnies tout à l’entour de paquets de petites fleurs en calices, dont la couleur est d’un rose tendre, ayant des barres d’un rouge plus foncé, qui partent du fond du calice. Les Acadiens prétendaient autrefois qu’elle est un vrai poison pour les moutons; mais ils sont un peu revenus de cette imputation, et ils la regardent assez généralement à cette heure, comme une calomnie suscitée mal-à-propos contre une plante qui pourrait devenir peut-être encore plus utile à la société, si elle tombait entre les mains de quelques médecins expérimentés.
J. M. B.
Est-ce dans le Monastère, dans Guy Mannering, dans l’Abbé, ou dans les Puritains, que M. Scribe a puisé le sujet de cette Dame Blanche? En homme habile, il a emprunté à Walter Scott tout ce qui lui a convenu dans la vaste collection de ses romans publiée par Gosselin, et il a dit comme Moliere, à propos de Cyrano-Bergerac: Je prends mon bien où je le trouve. Qu’est-ce donc que la Dame Blanche de l’Opéra comique? C’est un être mystérieux, c’est une femme ou une statue. Jadis elle fut en grande vénération parmi les habitans d’une contrée d’Ecosse; et son image en marbre a été conservée dans le vieux castel de ses ayeux, dans le gothique manoir de l’illustre famille d’Avenel. La Dame Blanche repose depuis deux siècles, dans la nuit des tombeaux, et cependant elle apparait encore aux regards effrayés des montagnards. Elle a naguères donné de l’argent à un fermier de ses anciens domaines, qui, sans elle, était réduit à la misère; et dans une circonstance décisive, c’est à ce fermier qu’elle s’adresse, pour sauver l’honneur et les biens de sa maison.
Les d’Avenel ayant pris parti pour les Stuarts, ont été proscrits; le dernier chef de la famille est mort dans l’exil, et n’a laissé pour héritier qu’un jeune enfant, Julien, enlevé presque au berceau, et qui, depuis vingt ans environ, n’a donné aucun signe d’existence. La famille est donc éteinte; on le croit du moins, et le château d’Avenel va être vendu à l’enchère pour payer les créanciers.—L’ancien intendant de la maison, Gaveston, qui a fait fortune comme la plupart des intendans, veut s’en rendre adjudicataire, et devenir ainsi, au grand regret de tous les habitans, l’héritier du rang, des biens, des titres et des prérogatives de la famille d’Avenel, qui a laissé les plus honorables et les plus tendres souvenirs.
Cependant la Dame Blanche est là; elle écrit au fermier qu’elle a obligé, pour lui donner un rendez-vous, au milieu de la nuit, dans les dépendances du vieux castel où habite l’intendant. Un pareil rendez-vous n’est pas trop du goût du fermier ni de celui de sa femme, et il accepte avec empressement l’offre qui lui est faite de le remplacer par un jeune sous-lieutenant, auquel il a donné l’hospitalité. Celui-ci est jeune, brave, curieux d’aventures, et court au lieu indiqué. La Dame Blanche ne se fait point attendre: à minuit, elle arrive. L’officier la voit à peine dans la profonde obscurité qui règne; mais il l’entend fort bien, et tel est le charme qu’elle opère sur lui, qu’il respecte ses ordres, et qu’il n’ose l’approcher, ou chercher à pénétrer les secrets de l’être mystérieux qui lui parle, et qui lui enjoint de se rendre, à tout prix, adjudicataire du château; il n’a pas une guinée, mais il promet d’obéir.
Le jour suivant, l’enchère s’ouvre, et le jeune officier l’emporte sur tous ses rivaux, même sur l’intendant: il se fait adjuger le château d’Avenel. Soudain, les scellés sont levés, et il prend possession de l’antique habitation des seigneurs du pays; il reçoit aussi l’hommage des habitans qui se félicitent de l’avoir pour maître.
En parcourant les vastes galeries gothiques du monument, des souvenirs confus frappent ses esprits; il croit reconnaître les lieux où il se trouve; il croit même avoir déjà entendu les chants mélodieux qui saluent son avènement. Il rêve sans doute; avant de s’éveiller, il veut faire des heureux et se hâte de marier et de doter les jeunes filles. Mais il faut bientôt payer les cinq cent mille livres, prix d’achat du château; où les trouver? Et la Dame Blanche le laissera-t-elle dans cette cruelle perpléxité? Non sans doute: elle arrive à propos, et lui remet une cassette contenant des trésors, avec lesquels il devient possesseur réel du château d’Avenel.
C’est donc une enchanteresse, une divinité que cette Dame Blanche! Eh! mon dieu, non; c’est tout simplement une jeune et jolie fille, Anna, élevée par la famille d’Avenel, et qui lui est attachée par la plus vive reconnaissance. Cette intéressante orpheline, après la mort ou la disparition de ses bienfaiteurs, est passée sous la tutelle de l’intendant; dépositaire d’un précieux secret, elle a su que la statue de la Dame Blanche, qui décore l’intérieur du château, contenait plusieurs millions cachés là par les d’Avenel, et destinés à secourir les défenseurs du prétendant; pour s’emparer de ce trésor, il fallait que les scellés fussent levés; elle a couru s’en saisir; à qui les confie-t-elle? au jeune sous-lieutenant, qu’elle a soigné autrefois, lorsqu’il fut blessé dans le Hannovre, et qui n’est autre que cet enfant, dernier rejetton de la famille d’Avenel, qui finit, comme on s’y attend, par épouser sa bienfaitrice.
Journal Français.
Le vendredi soir, 3 Novembre dernier, M. Plamondon, avocat à Québec, a donné, dans la salle où se tiennent les séances de la cour d’appel, la leçon préliminaire d’un cours gratuit de pratique, destiné pour les jeunes étudians en droit.
Dans cette leçon, après avoir donné les définitions du droit, et de la procédure, de laquelle seule il devait s’occuper, et l’avoir divisée en 1o. la demande; 2o. l’instruction; 3o. le jugement; 4o. les voies à prendre contre les jugement; 5o. l’exécution du jugement, M. Plamondon a repoussé les reproches fondés sur la lenteur des formes, et a montré qu’elles sont les meilleures garanties de nos droits.
Ensuite il a donné une histoire lumineuse de la procédure en Canada, depuis le grand édit de Louis XIV de 1667, enregistré à Québec en 1679, qui est la base de notre code civil, jusqu’au temps actuel, citant, à mesure qu’il avançait, les différents arrêts, ordonnances et statuts.
L’histoire de la période depuis 1679 jusqu’à la conquête est enveloppée dans une grande obscurité; les tribunaux n’admettaient point de plaidoyers par avocats; leurs séances étaient généralement hebdomadaires, et leurs règles étaient arbitraires et variables.
Du 8 Septembre 1760, date de la capitulation de Montréal, au 10 Août 1764, la province eut des tribunaux militaires régis par la loi martiale.
Le 17 Septembre 1764, des cours civiles furent établies, en conformité à la proclamation de sa feue majesté, du 7 Octobre 1763. C’est a cette époque, (17 Sept. 1764) que les procès par jurés furent introduits pour la première fois en Canada.
L’acte du parlement impérial de l’année 1774 déclara que les anciennes lois du Canada seraient prises pour règles de décision dans les questions relatives à la propriété et aux droits civils, et introduisit la loi criminelle d’Angleterre. L’ordonnance de 1785 introduisit dans nos lois le procès par jury, en limitant son application aux affaires de commerce et aux injures personnelles qui doivent être compensées en dommages. L’an 1791 nous apporta notre charte constitutionnelle. Ces différentes lois, avec le statut provincial 41 Geo. III c. 7, et un grand nombre de lois intermédiaires, qui furent citées, ont toutes affecté notre procédure. L’établissement en 1809 des règles de pratique maintenant en vigueur à Québec, a fait un des derniers et des plus importants changemens à la procédure, qui avait été jusqu’alors confuse et très variable.
M. Plamondon, en résumant, a parlé d’une tache à nos lois, qu’il espérait voir promptement effacée; c’est la 38e clause de l’ordonnance de 1785, qui autorise le créancier à refuser à son débiteur en prison les alimens nécessaires, dans le cas où il aurait diverti de ces effets; par où le débiteur est actuellement condamné à mourir de faim, s’il n’est soutenu par charité.
Ce discours, qui a duré plus d’une heure, a marqué beaucoup de jugement et de recherches, et a été prononcé avec cette grâce et cette facilité d’énonciation que M. Plamondon possède à un si haut degré. L’auditoire était nombreux, et M. Plamondon a annoncé qu’il continuerait tous les vendredis. Dans ces leçons, la pratique actuelle de nos cours sera examinée séparément et en détail. Elles seront d’un avantage inappréciable aux étudians en droit.
(Gazette de Québec.)
M. le Docteur Douglass a ouvert, mardi soir (17 Novembre), son cours d’anatomie et de physiologie, rue des Casernes. Dans le cours de cette leçon préliminaire, M. Douglass a donné une démonstration très-intéressante de la supériorité de l’homme sur le singe et tous les autres animaux, non seulement par l’intelligence, mais par la différence de son organisation physique, qui ne permet point de le ranger dans la même classe comme animal. Un auditoire assez nombreux s’est retiré très satisfait, et convaincu de l’avantage qui doit résulter de ces leçons, particulièrement pour les étudians en médecine.
(Ibid.)
Mr. le Dr. Blanchet a annoncé qu’il se proposait de donner gratis des leçons de chimie et d’anatomie, à l’hopital des émigrés; qu’il ferait l’application des principes de la chimie à la géologie, à l’agriculture, aux arts et à la médecine; et qu’il serait aidé dans les leçons d’anatomie par le Dr. Blanchet, jeune, qui a fait une étude particulière de cette science, en Angleterre.
Mr. le Dr. J. Whitelaw a aussi annoncé qu’il se proposait d’ouvrir un cours élémentaire de chimie, vers le milieu du présent mois, à la chapelle faisant le coin des rues Ste.-Anne et Desjardins, dans la haute-ville de Québec.
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D’un confesseur dont la science
Ne brillait pas en quantité,
Un écolier pour pénitence
Reçut le pseaume Attendîte,
Que par erreur sa révérence
Prononça comme Exaudîte.
Il est bref suivant Despautère,
Dit l’écolier, haussant la voix:
Il est bref, répondit le père;
Eh bien! vous le direz deux fois.
Ut rhetor confessus erat, psalmum Attendîte
Dicere jussit eum præsbyter, idque semel.
At, pater, haud longum est, ait ille, attendite verbum.
Haud longum? ergo bis dicito, frater, ait.
Une nuit, l’avare Frontin
Rêvant qu’il donnait un festin,
De douleur eut l’âme saisie.
Il en souffrit un tel tourment,
Qu’à son réveil, il fit serment
Qu’il ne dormirait de sa vie.
In somno sese multis Frontinus amicis
Crediderat varios apposuisse dapes;
Juravit, tantos sumptus ut mente doleret,
Se somno numquam postea velle frui.
Un paysan qui n’était pas malin,
Causant un jour avec son ami Pierre,
Voisin, dit-il, toi qui sais le latin,
Explique-moi d’où vient que sur la terre,
J’entends dire à chacun, ainsi qu’au bon curé,
Tel jour, à tel instant, vient la lune nouvelle.
Mais l’ancienne, que devient-elle?
Pierre, dont l’esprit éclairé
Au pays étoilé voguait à pleines voiles,
Reprit alors d’un ton fort assuré,
Pargué, mon ami Claude, on en fait des étoiles.
Vicino quidam dicebat rusticus; heus, tu!
Quid fit luna vetus, cùm nova luna subit?
Ille ait: ut nosti, labuntur ab æthere stellæ:
Supplet eas rupta in fragmina luna vetus.
Le maréchal de Villars dictait à un secrétaire la relation d’un combat qui venait de se donner, entre un gros détachement de son armée et un corps qui faisait partie de celle des ennemis, et dans lequel les Français avaient eu l’avantage. Après avoir dit, au commencement de cette relation, que le détachement des ennemis était de 3,000 hommes, il disait, à la fin, qu’on en avait tué 4,000. Le secrétaire lui ayant fait remarquer cette erreur de culcul: “Tu as raison,” lui dit-il, “il n’y qu’à mettre qu’on en a tué 2,500.”
Le maréchal d’Estrée, mort le 28 Décembre 1734, ayant été obligé de se faire tailler de la pierre, fut pendant quelque tems dans le plus grand danger. Un courtisan, dont la vie était très peu édifiante, mais qui joignait à des mœurs scandaleuses une dévotion pusillanime, envoya savoir de ses nouvelles, en ajoutant qu’il allait prier Dieu pour sa guérison. “Qu’il s’en garde bien,” répondit le maréchal; “il gâterait tout.”
Un médecin de province fut appellé, un jour, auprès d’un malade. La femme de celui-ci l’interrogea sur l’état de son mari. “Il est très mal.—Qu’a-t-il donc?—Le pourpre.—Le pourpre! à quoi le connaissez-vous?—Voyez ses mains, comme elles sont violettes.—Hé! monsieur, mon mari est teinturier.—Ah! je n’en savais rien; j’aurais juré qu’il avait le pourpre, et vous êtes bien heureuse qu’il soit teinturier.”
Pendant un jour d’été, on jouait sur le principal théâtre d’une ville d’Italie, Les Chasseurs et la Laitière, opéra comique d’Anseaume et Duni: il survint un orage épouvantable, et au moment que l’ours entrait sur la scène, on entendit un coup de tonnerre si violent, que toute la salle en parut effrayée. On doit croire que l’ours ne l’était pas moins, car il se leva sur ses pieds, et fit le signe de la croix.
Un lieutenant civil de l’ex-châtelet de Paris parcourant une de ces fameuses grosses de procureur, qui étaient si lucratives pour le faiseur, et si ruineuses pour le client, vit une ligne remplie par ces seuls mots: Il y a; alors il ajouta, pour remplir réellement l’espace, dix écus d’amende, que le procureur fut obligé de payer.
Un plaisant ayant vu exécuter en ballet, le fameux Qu’il mourût, de Corneille, pria Noverre de faire danser les Maximes, de la Rochefoucault.
Nous extrayons ce qui suit du Prospectus d’une Gazette Religieuse, qui doit se publier au commencement du mois prochain, s’il y a assez de souscripteurs.
“Les Canadiens voient, sans doute avec plaisir, le nombre de leurs Papiers publics s’augmenter de jour en jour. Plus d’une douzaine de Gazettes aujourd’hui dans cette Province, où l’on n’en voyait qu’une, il n’y a pas cinquante ans, est une preuve certaine du goût et du progrès des connaissances en Canada.
“Dans tous les siècles, et chez toutes les nations, la Religion a été reconnue pour la base la plus solide et la plus respectable de la société: sans elle le plus puissant empire n’assurerait pas le bonheur de ses sujets; il est donc bien important d’en favoriser particulièrement la connaissance. Appuyés sur ce principe, nous croyons que nos concitoyens verront ajouter avec satisfaction au nombre de nos Journaux une Gazette Religieuse, qui nous donnera une connaissance plus étendue et plus suivie de l’histoire de l’Eglise du Canada, (dans le détail de laquelle presque toutes les familles trouveront quelque personnage qui les intéresse,) et nous procurera aussi les nouvelles les plus intéressantes des Eglises les plus célèbres des autres parties du monde.
“Le propriétaire, ne considérant dans cet établissement que le mérite d’être utile à sa patrie, déclare que loin de chercher à en retirer le moindre profit, il s’engage à le soutenir de tous les moyens que ses revenus annuels pourront lui permettre; ce qui doit faire espérer que l’établissement se soutiendra, pour peu qu’il soit encouragé. C’est donc avec confiance que, méditant ce projet, depuis plusieurs années, nous offrons aujourd’hui l’Ecclésiastique, qui, en réunissant les avantages ci-dessus, a encore le mérite d’être le premier établissement en ce genre qui ait été fait jusqu’ici en Canada.
“Canadiens et membres du clergé, nous osons, avec l’aide de la Providence et le secours de nos compatriotes, nous flatter de remplir de mieux en mieux le but que nous nous proposons; et sujets britanniques, nous saurons apprécier l’heureuse constitution sur laquelle repose le bonheur de nos concitoyens.”
On s’abonne à Montréal, chez Messrs. E. R. Fabre & Cgnie, libraires.
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Inconsistency in hyphenation has been retained.
Inconsistency in accents has been corrected or standardised.
When nested quoting was encountered, nested double quotes were changed to single quotes.
[The end of La Bibliothèque Canadienne, Tome IV, Numero 1, Decembre, 1826. edited by Michel Bibaud]