* A Distributed Proofreaders Canada eBook *
This eBook is made available at no cost and with very few restrictions. These restrictions apply only if (1) you make a change in the eBook (other than alteration for different display devices), or (2) you are making commercial use of the eBook. If either of these conditions applies, please contact a https://www.fadedpage.com administrator before proceeding. Thousands more FREE eBooks are available at https://www.fadedpage.com.
This work is in the Canadian public domain, but may be under copyright in some countries. If you live outside Canada, check your country's copyright laws. IF THE BOOK IS UNDER COPYRIGHT IN YOUR COUNTRY, DO NOT DOWNLOAD OR REDISTRIBUTE THIS FILE.
Title: La Bibliothèque Canadienne, Tome III, Numero 6, Novembre, 1826.
Date of first publication: 1826
Author: Michel Bibaud (editor)
Date first posted: Apr. 17, 2020
Date last updated: Apr. 17, 2020
Faded Page eBook #20200433
This eBook was produced by: Larry Harrison, David T. Jones, John Routh & the online Distributed Proofreaders Canada team at https://www.pgdpcanada.net
La Bibliothèque Canadienne
Tome III. | NOVEMBRE, 1826. | Numero 6. |
Nous venons de dire que M. de Pétrée était passé en France en 1662: voici quel fut le sujet de son voyage. Jusqu’alors les gouverneurs de la Nouvelle-France avaient généralement tenu la main à faire exécuter les ordres qu’ils avaient eux-mêmes donnés, d’après leurs instructions, de ne point vendre d’eau de vie aux sauvages; et le baron d’Avaugour, en particulier, avait décerné les peines les plus sévères contre ceux qui contreviendraient à ces ordres. Une femme de Québec, qui fut surprise à y contrevenir, ayant été conduite en prison, le P. Lallemant crut pouvoir, à la prière de ses parens, ou de ses amis, intercéder pour elle. Dans ce dessein, il alla trouver le gouverneur, qui le reçut très mal, et lui dit finalement que puisque la traite de l’eau de vie n’était pas une faute punissable pour cette femme, elle ne le serait désormais pour personne. La chose ne tarda pas à être connue du public, et le désordre, dit Charlevoix, devint extrême; tellement que l’évêque de Pétrée crut devoir recourir aux foudres de l’église: les prédicateurs tonnèrent dans la chaire; les confesseurs refusèrent l’absolution. Le zèle, peut-être un peu trop ardent, du prélat et des ecclésiastiques, excita contre eux des plaintes amères et des clameurs injurieuses. Des jeunes gens, qui arrivèrent de France, sur ces entrefaites, se joignirent aux mécontents: quelques particuliers firent contre le clergé des mémoires et des requêtes qu’ils envoyèrent au conseil du roi. Mais l’évêque de Pétrée et ce qu’il y avait d’ecclésiastiques et de religieux en Canada, étaient en trop bonne réputation, et avaient trop de crédit à la cour, pour que leurs adversaires y fussent écoutés favorablement. Néanmoins le désordre croissait à un tel point dans la colonie, et surtout parmi les sauvages chrétiens, que le prélat voyant son zèle inutile et son autorité méprisée, prit le parti d’aller porter ses plaintes aux pieds du trône. Il fut écouté comme il s’était attendu à l’être, et obtint du roi tous les ordres qu’il crut nécessaires pour faire cesser entièrement le commerce qui causait les maux dont il se plaignait. Il y a même lieu de croire que ce fut à sa demande que M. d’Avaugour fut rappellé en France.—Mais avant de passer plus loin, il faut raconter un évènement des plus extraordinaires dans l’histoire physique du globe terrestre.
L’année 1663, dit l’auteur des Beautés de l’Histoire du Canada, fut pour la Nouvelle-France une époque remarquable: les plus étranges phénomènes semblèrent renverser, dans ce pays, l’ordre entier de la nature. Soit que l’imagination d’un peuple ignorant et superstitieux, moitié sauvage, moitié transplanté dans un pays sauvage, ait grossi les objets, et changé le singulier en inconcevable, et l’extraordinaire en merveilleux, soit que des écrivains crédules aient copié sans examen, ou même exagéré les récits populaires, toujours fabuleux et fautifs, tous les auteurs s’accordent à dire que les plus étranges singularités semblèrent, cette année, bouleverser la nature, dans une grande partie de l’Amérique septentrionale.
Charlevoix est ici un de ces écrivains crédules, qui copient sans examen, s’ils ne les exagèrent pas, des récits populaires presque toujours invraisemblables, et souvent ridicules. En copiant mot pour mot sa narration, nous aurons soin d’en retrancher ce qui loin d’en appuyer la vraisemblance, la détruirait absolument.
Dès l’automne de 1662, dit cet historien, “on vit voler en l’air, quantité de feux, sous diverses formes toutes assez bisarres. Sur Québec et sur Montréal, parut une nuit, un globe de feu, qui jettait un grand éclat; avec cette différence, qu’à Montréal, il semblait s’être détaché de la lune; qu’il fut accompagné d’un bruit semblable à celui d’une volée de canons; et qu’après s’être promené dans l’air, l’espace d’environ trois lieues, il alla se perdre derrière la montagne d’où l’île a pris son nom; au lieu qu’à Québec, il ne fit que passer, et n’eut rien de particulier.
“Le septième jour de Janvier de l’année suivante (1663,) une vapeur presque imperceptible s’éleva du fleuve, et frappée des premiers rayons du soleil, devint transparente; de sorte néanmoins qu’elle avait assez de corps pour soutenir deux parhélies, qui parurent aux deux côtés de cet astre. Ainsi l’on vit en même tems comme trois soleils, rangés sur une ligne parallèle à l’horison, éloignés les uns des autres, en apparence, de quelques toises, et chacun avec son iris, dont les couleurs, variant à chaque instant, tantôt ressemblaient à l’arc-en-ciel, et tantôt étaient d’un blanc lumineux, comme s’il y avait eu derrière un grand feu. Ce spectacle dura deux heures entières: il recommença le quatorze; mais ce jour-là, il fut moins sensible.
“Le 3 Février, on fut surpris de voir que tous les édifices étaient secoués avec tant de violence, que les toits touchaient presque à terre, tantôt d’un côté et tantôt de l’autre; que les portes s’ouvraient d’elles-mêmes, et se refermaient avec un très grand fracas; que toutes les cloches sonnaient, quoiqu’on n’y touchât point; que les pieux des palissades ne faisaient que sautiller; que les murs se fendaient; que les animaux poussaient des cris et des hurlemens effroyables; que la surface de la terre avait un mouvement presque semblable à celui d’une mer agitée; que les arbres s’entrelaçaient les uns dans les autres, et que plusieurs se déracinaient et allaient tomber assez loin.
“On entendit ensuite des bruits de toutes les sortes: tantôt c’était celui d’une mer en fureur qui franchit ses bornes; tantôt celui que pourraient faire un grand nombre de carosses qui rouleraient sur le pavé; et tantôt le même éclat que feraient des montagnes et des rochers de marbre qui viendraient à s’ouvrir et à se briser. Une poussière épaisse, qui s’éleva dans le même tems, fut prise pour une fumée, et fit craindre un embrasement universel; enfin, quelques uns s’imaginèrent avoir entendu les cris des sauvages, et se persuadaient que les Iroquois venaient fondre de toutes parts sur la colonie.
“L’effroi était si grand et si général, que non seulement les hommes, mais les animaux mêmes paraissaient comme frappés de la foudre. On n’entendait partout que cris et lamentations; on courait de tous côtés, sans savoir où l’on voulait aller; et quelque part qu’on allât, on rencontrait ce que l’on fuyait. Les campagnes n’offraient que des précipices, et l’on s’attendait, à tous momens, à en voir ouvrir de nouveaux sous ses pieds. Des montagnes entières se déracinèrent et allèrent se placer ailleurs: quelques unes se trouvèrent au milieu des rivières, dont elles arrêtèrent le cours; d’autres s’abîmèrent si profondément, qu’on ne voyait pas même la cîme des arbres dont elles étaient couvertes.
“Il y eut des arbres qui s’élancèrent en l’air avec autant de roideur que si une mine eût joué sous leurs racines, et on en trouva qui s’étaient replantés par la tête. On ne se croyait pas plus en sureté sur l’eau que sur la terre; les glaces qui couvraient le fleuve St-Laurent et les rivières se fracassèrent et s’entrechoquèrent; de gros glaçons furent lancés en l’air, et de l’endroit qu’ils avaient quitté on vit jaillir quantité de sable et de limon. Plusieurs fontaines et de petites rivières furent desséchées; en d’autres, les eaux se trouvèrent ensouffrées; il y en eut dont on ne put même distinguer le lit où elles avaient coulé.
“Ici, les eaux devenaient rouges; là, elles paraissaient jaunes: celles du fleuve furent toutes blanches, depuis Québec jusqu’à Tadoussac, c’est-à-dire, l’espace de cinquante lieues. L’air eut aussi ses phénomènes; on y entendait un bourdonnement continuel; on y voyait, ou l’on s’y figurait des spectres et des fantômes de feu, portant en main des flambeaux. Il y paraissait des flammes qui prenaient toutes sortes de formes, les unes de piques, les autres de lances; et des brandons allumés tombaient sur les toîts sans y mettre le feu. De tems en tems, des voix plaintives augmentaient la terreur. Des marsouins ou vaches marines furent entendus mugir devant les Trois-Rivières, où jamais aucun de ces poissons n’avait paru: on entendit d’autres mugissement qui n’avaient rien de semblable à ceux d’aucun animal connu.
“En un mot, dans toute l’étendue de trois cents lieues, de l’Orient à l’occident, et de plus de cent cinquante, du midi au septentrion, la terre, les fleuves et les rivages de la mer, furent assez longtems, mais par intervalles, dans cette agitation que le prophète roi nous présente, lorsqu’il nous raconte les merveilles qui accompagnèrent la sortie d’Egypte du peuple de Dieu. Les effets de ce tremblement furent variés à l’infini; et jamais peut-être on n’eut plus sujet de croire que la nature se détruisait, et que le monde allait finir.
“La première secousse dura une demi-heure, sans presque discontinuer; mais au bout d’un quart d’heure, elle commença à se ralentir. Le même jour, sur les huit heures du soir, il y en eut une seconde aussi violente que la première, et dans l’espace d’une demi-heure, il y en eut deux autres. Quelques uns en comptèrent, la nuit suivante, jusqu’à trente deux, dont plusieurs furent très fortes. Peut-être que l’horreur de la nuit et le trouble où l’on était, les firent multiplier et paraître plus considérables qu’elles ne l’étaient. Dans les intervalles mêmes de ces secousses, on était sur terre comme dans un vaisseau qui est à l’ancre; ce qui pouvait encore être l’effet d’une imagination effrayée. Ce qui est certain, c’est que bien des personnes ressentirent ce soulèvement de cœur et d’estomac, et ce tournoiement de tête, qu’on éprouve sur mer, quand on n’est pas accoutumé à cet élément.
“Le lendemain, sixième, vers trois heures du matin, il y eut une rude secousse qui dura longtems. A Tadoussac, il plut de la cendre pendant six heures: dans un autre endroit, des sauvages, qui étaient sortis de leurs cabannes, au commencement de ces agitations, ayant voulu y rentrer, trouvèrent à leur place une grande mare d’eau. A moitié chemin de Tadoussac à Québec, deux montagnes s’applatirent; et des terres qui s’en étaient éboulées, il se forma une pointe qui avançait un demi quart de lieue dans le fleuve. Deux Français, qui venaient de Gaspé, dans une chaloupe, ne s’apperçurent de rien jusqu’à ce qu’ils fussent vis-à-vis du Saguenay; mais alors, quoiqu’il ne fît pas de vent, leur chaloupe commença d’être aussi agitée que si elle eût été sur la mer la plus orageuse.
“Ne pouvant comprendre d’où pouvait venir une chose si singulière, ils jettèrent les yeux du côté de terre, et ils apperçurent une montagne qui, selon l’expression du prophète, bondissait comme un bélier, puis tournoya quelque tems, agitée d’un mouvement de tourbillon, s’abaissa ensuite, et disparut entièrement.—Un navire, qui suivait cette chaloupe, ne fut pas moins tourmenté; les matelots les plus rassurés ne pouvaient y rester sans se tenir à quelque chose, comme il arrive dans les plus grands roulis; et le capitaine ayant fait jetter une ancre, le cable cassa.
“Assez près de Québec, un feu d’une bonne lieue d’étendue parut, en plein jour, venant du nord, traversa le fleuve, et alla disparaître sur l’île d’Orléans. Vis-à-vis du Cap Tourmente, il y eut de si grandes avalaisons d’eaux sauvages, qui coulaient du haut des montagnes, que tout ce qu’elles rencontrèrent fut emporté.—Là même, et au-dessus de Québec, le fleuve se détourna; une partie de son lit demeura à sec, et ses bords les plus élevés s’affaissèrent, en quelques endroits, jusqu’au niveau de l’eau, qui resta plus de trois mois fort boueuse, et de couleur de souffre.
“La Nouvelle-Angleterre et la Nouvelle-Belgique, (depuis la Nouvelle-York,) ne furent pas plus épargnées que le pays français; et dans toute cette vaste étendue de mer et de rivières, hors le tems des vastes secousses, on sentait comme un mouvement de poulx intermittent, avec des redoublemens inégaux, qui commençaient partout à la même heure. Les secousses étaient tantôt précipitées par élancement; tantôt ce n’était qu’une espèce de balancement plus ou moins fort. Quelquefois elles étaient fort brusques; d’autres fois, elles croissaient par degrés, et aucune ne finissait sans avoir produit quelque effet sensible. Où l’on avait vu un rapide, on voyait la rivière couler tranquillement et sans embarras. Ailleurs, c’était tout le contraire; des rochers étaient venus se placer au milieu d’une rivière, dont le cours paisible n’était auparavant retardé par aucun obstacle. Un homme marchant dans la campagne, appercevait tout à coup la terre qui s’entr’ouvrait auprès de lui; il fuyait, et ces crevasses semblaient le suivre. L’agitation était ordinairement moindre sur les montagnes; mais on y entendait sans cesse un grand tintamarre.”
Les secousses de ce tremblement de terre se succédèrent, par intervalles, depuis le commencement de Janvier 1663, jusqu’au mois d’Août de la même année. Mais ce qui fait bien voir que l’imagination ajouta beaucoup à la réalité, c’est que durant tout ce tems, il n’y eut personne de tué, ni même de blessé. Ce que dit Charlevoix de la contrition des cœurs et de l’amélioration des mœurs, par suite de ce tremblement de terre, a beaucoup plus de vraisemblance que les révélations, les prédictions et les apparitions de démons dont il entremêle son récit:[1] car si la raison et le savoir d’un historien qui se montre ailleurs judicieux et instruit, sont en défaut devant les relations qu’il a lues de ces phénomènes, on conçoit quelles idées ces phénomènes mêmes durent faire naître dans des esprits grossièrement ignorants, et conséquemment en butte à toutes sortes de terreurs superstitieuses: et que loin d’avoir la pensée de leur chercher des causes naturelles, ils ne purent que les attribuer au courroux de la divinité: et l’on peut dire sans contre-sens, que cette fois, un mauvais arbre produisit de bons fruits.
Quoiqu’il en soit, tant que durèrent les secousses de tremblement de terre, les Iroquois songèrent peu à inquiéter la colonie: il en parut néanmoins du côté de Montréal, mais ils n’y firent rien de remarquable: ils furent même battus en quelques petites rencontres. D’ailleurs, les Agniers et les Onneyouths avaient reçu un assez grand échec de la part des Saulteurs, et les trois autres cantons étaient de nouveau attaqués par les Andastes. Enfin la petite vérole se mit dans la plupart de leurs bourgades, et y fit de grands ravages. Aussi se trouvèrent-ils plus que jamais disposés à vivre en paix avec les Français. Les Onnontagués demandèrent même qu’ils vinssent reprendre leur ancien établissement dans leur canton, et offrirent d’envoyer à Québec autant de leurs filles que l’on voudrait, pour y être élevées chez les ursulines, et servir d’otages. Mais comme ils se disposaient à faire partir des députés pour conclure cet arrangement, un Huron naturalisé iroquois répandit dans toutes les bourgades des bruits qui firent rompre la négociation. Il arrivait des Trois-Rivières, ou il avait appris, disait-il, que des milliers d’hommes venaient de débarquer à Québec, et que les Français étaient à la veille de venir fondre, avec toutes leurs forces, sur le pays iroquois, résolus de n’y pas laisser une cabanne sur pied, et d’exterminer toute la nation.
Ce qu’il y avait de vrai dans ce rapport, c’est que l’évêque de Pétrée et M. de Mésy, que le roi envoyait pour relever le baron d’Avaugour, étaient nouvellement arrivés à Québec, avec des troupes. Ces messieurs étaient accompagnés du sieur Gaudais, que le roi avait nommé commissaire pour prendre possession, au nom de sa majesté, de toute la Nouvelle-France, dont la compagnie du Canada lui avait remis le domaine, le 14 Février de cette même année; d’une centaine de familles, qui venaient peupler le pays, et de plusieurs officiers de guerre et de justice.
Le commissaire commença par faire prêter le serment de fidélité à tous les habitans; puis il régla la police, et fit diverses ordonnances concernant la manière de rendre la justice. Jusque-là, il n’y avait point eu, à proprement parler, de cours de justice en Canada. Les gouverneurs-généraux jugeaient les affaires d’une manière sommaire et souveraine; mais ils ne rendaient ordinairement leurs arrêts, qu’après avoir tenté inutilement la voie de l’arbitrage, et il parait que leurs décisions étaient toujours dictées par le bon-sens et selon les règles du droit naturel. Le baron d’Avaugour en particulier, s’était fait une grande réputation par la manière dont il vidait tous les différens. D’ailleurs, observe Charlevoix, les Canadiens, quoique de race normande pour la plupart, n’avaient nullement l’esprit processif, et aimaient mieux, pour l’ordinaire, céder quelque chose de leur bon droit, que de perdre le tems à plaider. Il semblait même, continue-t-il, que tous les biens fussent communs dans cette colonie: du moins on fut assez longtems sans rien fermer sous la clef, et il était inoui qu’on en abusât.
Il est pourtant vrai de dire que dès l’année 1640, il y avait un grand sénéchal de la Nouvelle-France, et aux Trois-Rivières une juridiction qui ressortissait au tribunal de ce magistrat d’épée; mais il paraît que celui-ci était subordonné dans ses fonctions aux gouverneurs-généraux, qui s’étaient toujours maintenus dans la possession de rendre la justice par eux-mêmes, quand on avait recours à eux; comme on le faisait ordinairement. Dans les affaires importantes, ils assemblaient une espèce de conseil, composé du grand sénéchal, du supérieur des jésuites qui, avant l’arrivée d’un évêque, était le seul supérieur ecclésiastique du pays, et de quelques uns des principaux habitans, auxquels on donnait le nom de conseillers. Mais ce conseil n’était point permanent; le gouverneur l’établissait en vertu du pouvoir que le roi lui en donnait, et le changeait suivant qu’il le jugeait à propos. Ce ne fut qu’en 1663 que le Canada eut un conseil fixe établi par le prince. L édit de création est du mois de Mars de cette année: il portait que le conseil serait composé de M. de Mésy, gouverneur-général, de M. de Laval, évêque de Pétrée, vicaire apostolique dans la Nouvelle-France, de M. Robert, intendant; de quatre conseillers, qui seraient nommés par ces trois messieurs, et qui pourraient être changés ou continués, selon leur bon plaisir; d’un procureur-général et d’un greffier en chef.
(A Continuer.)
Pour faire voir jusqu’où Charlevoix porte ici sa puérile crédulité, il suffira peut-être de citer les passages suivants: “La M. Marie de I’Incarnation, après avoir reçu du ciel plusieurs avis de ce qui devait arriver, et dont elle avait fait part au P. Lallement, son directeur, étant, sur les cinq heures et demie du soir en oraison, crut voir le Seigneur irrité contre le Canada, et se sentit en même tems portée par une force supérieure, à lui demander justice des crimes qui s’y commettaient. “Un moment après, elle se sentit comme assurée que la vengeance divine allait commencer à éclater, et que le mépris que l’on faisait des ordonnances de l’église, était surtout ce qui allumait la colère divine. Elle apperçut, presque aussitôt, quatre démons aux quatre extrémités de la ville de Québec, qui agitaient la terre avec une extrême violence, et une personne d’un port majestueux, qui de tems en tems, lâchait la bride à leur fureur, puis la retirait. Dans le même instant, le ciel étant fort serein, on entendit dans toute la ville un bruit semblable à celui que fait un très grand feu.” |
Kamouraska est sans contredit une des seigneuries et paroisses du Bas-Canada qui méritent le plus, sous les rapports physique et moral, une description topographique. L’aspect du pays est propre à fixer l’attention du voyageur curieux et instruit, et l’industrie des habitans peut et doit être citée comme exemple digne d’imitation. Nous empruntons en substance à l’ouvrage de M. Bouchette les observations suivantes sur cette seigneurie.
La seigneurie de Kamouraska, située sur la rive méridionale du St-Laurent, dans le comté de Cornwallis, est bornée par St-Denis, au sud-ouest; Granville, au nord-est, et le township de Woodbridge, au fond: elle a trois lieues de largeur sur deux de profondeur.—Elle fut accordée, le 15 Juillet 1674, au sieur de la Durantaie, et elle appartient présentement à Paschal Tasché, Écuyer. C’est une des meilleures et des plus productives du district de Québec. Dans le voisinage du fleuve, le terrain est bas et forme une vaste plaine, où se trouvent ça et là, quelques collines singulières, ou plutôt des rochers couverts, à leur sommet, de pins nains et de bois taillis. Le sol dans cette plaine est excellent, et consiste en terre grasse et noire, en marne jaune, ou en un mélange d’argile et de sable: vers le fond, il perd de sa bonté et de sa fertilité, et devient montagneux. Cette partie de la seigneurie fournit du pin, de l’érable, du bouleau, et autres bois en abondance. Elle est arrosée par la rivière du Domaine qui fait marcher plusieurs moulins, et par différents cours d’eau qui tombent dans le St-Laurent.
Les îles de Kamouraska, au front de la seigneurie, n’étant guère que des rochers nus, ne sont presque d’aucune valeur; mais elles ont cela d’utile, qu’elles offrent un abri sûr aux petits bâtimens, dont un grand nombre passent continuellement pour entrer dans les criques nombreuses des environs, ou pour en sortir.—Sur l’une d’elles, appellée l’Île-Brulée, il y a, ou il y avait dernièrement, un télégraphe.
Plus de la moitié de cette seigneurie est cultivée, et l’agriculture y a fait de grands progrès, au moyen d’un systême avantageux. Le froment et toutes les espèces de grains manquent rarement de donner des récoltes abondantes; mais ce n’est pas là la seule ressource du fermier, car cette seigneurie offre les meilleures laiteries de la province, d’où on envoie continuellement une quantité d’excellent beurre à Québec, où il est plus estimé qu’aucun autre.
L’église et le presbytère sont agréablement situés sur la principale route, près du St-Laurent. Tout près de l’église, et en allant au sud-ouest, de chaque côté de la route, est le village de Kamouraska, composé de 50 ou de 60 maisons: elles sont la plupart bâties en bois; mais il y en a quelques unes en pierre d’un style bien supérieur aux autres. Quelques familles très respectables y ont fixé leur résidence; et l’on y trouve de bonnes boutiques et de bons atteliers. Il y a pareillement quelques auberges, où les voyageurs sont logés commodément et bien nourris. La maison seigneuriale, qui est la résidence de M. Tasché, est avantageusement située près du fleuve, à peu de distance du village.
Durant l’été, le village de Kamouraska devient vivant, par le grand nombre de personnes qui s’y rendent pour le rétablissement de leur santé; car l’endroit a la réputation d’être un des plus sains de tout le Bas-Canada. On y prend aussi les eaux, et il s’y rend beaucoup de personnes pour l’avantage des bains de mer. Depuis quelques années, le voyage de Québec à Kamouraska, en bateau à vapeur, est regardé comme une promenade très agréable.
Les goëlettes de Kamouraska sont renommées à Québec, par la grande quantité de provisions qu’elles y apportent, telles que grains, animaux vivants, volaille, beurre, sucre d’érable, &c. outre des chargemens considérables de madriers, planches, et autres bois de construction.
L’aspect général du pays, dans cette partie du district de Québec, attirera toujours l’attention d’un observateur curieux. Depuis les bords du fleuve, qui ne sont pas très élevés, une plaine, qui généralement parlant, est très unie, s’étend presque jusqu’au pied de la chaîne de montagnes du nord-est: la surface unie de ce terrain est, en quelques endroits, singulièrement relevée en bosse par des masses escarpées de rochers solides de granit, entièrement découverts: de leurs crevasses sortent quelques pins nains, qui s’élèvent un peu au-dessus du feuillage épais d’arbustes rampants, qui sortent des mêmes endroits, et qui s’étendent sur presque tout le sommet. Quelques uns de ces rochers couvrent en circonférence de trois à six acres, et ils ont de dix à quinze toises de hauteur perpendiculaire.
D’après la position, l’apparence et l’exacte ressemblance des ces espèces d’îles en terre ferme, avec celles de Kamouraska, entre lesquelles et le rivage, le lit du fleuve est presque à sec, à la marée basse, le naturaliste sera fortement porté à croire que ce qui forme à présent le continent était, à une époque quelconque, submergé par les vagues immenses du St-Laurent, et que les élévations en question formaient des îles, ou des rochers exposés à l’action de l’eau. La diminution progressive du fleuve, qui est resserré dans le canal comparativement étroit qu’il occupe en cet endroit, pourrait être un sujet intéressant pour les recherches du géologue du géographe.
Amarante—Immortalité. L’Amarante est le dernier présent de l’automne. Les anciens avaient associé cette fleur aux honneurs suprêmes, en parant le front des dieux. Quelquefois les poëtes ont mêlé son éclat au triste et noir cyprès; voulant exprimer ainsi que leurs regrets étaient attachés à d’immortels souvenirs. Homere dit qu’aux funérailles d’Achille, les Thessaliens se présentèrent, la tête couronnée d’amarantes. Malherbe, comme si sa propre gloire appartenait au héros qu’il célèbre, dit à Henri IV:
Ta louange dans mes vers,
D’amarante couronnée,
N’aura sa fin terminée
Qu’en celle de l’univers.
L’amour et l’amitié se sont aussi parés d’amarantes. Dans la guirlande de Julie, on trouve ce quatrain:
Je suis la fleur d’amour qu’amarante on appelle,
Et qui vient de Julie adorer les beaux yeux.
Roses, retirez-vous, j’ai le nom d’immortelle;
Il n’appartient qu’à moi de couroner les dieux.
Dans une idylle charmante, M. Constant Dubos a chanté cette fleur, dont l’aspect nous console des rigueurs de l’hiver. Après avoir regretté la fuite des fleurs et du printems, il dit:
Je t’apperçois, belle et noble amarante:
Tu viens m’offrir, pour charmer mes douleurs,
De ton velours la richesse éclatante:
Ainsi la main de l’amitié constante,
Quand tout nous fuit, vient essuyer nos pleurs.
Ton doux aspect de ma lyre plaintive
A ranimé les accords languissants;
Dernier tribut de Flore fugitive,
Elle nous lègue, avec la fleur tardive,
Le souvenir de ses premiers présents.
La reine Christine de Suède, qui voulut s’immortaliser, en renonçant au trône, pour cultiver les lettres et la philosophie, institua l’ordre des chevaliers de l’amarante. La décoration de cet ordre est une médaille d’or enrichie d’une fleur d’amarante, en émail, avec ces mots: Dolce nella memoria: En sa douce mémoire.
Dans les jeux floraux, à Toulouse, le prix des plus beaux chants lyriques est une amarante d’or. Clémence Isaure en avait fait l’emblême de l’immortalité.
Cornouiller sauvage—Durée. Le cornouiller ne s’élève guère qu’à la hauteur de dix-huit ou vingt pieds: il vit des siècles; mais il est très lent à croître: on le voit fleurir au printems; cependant il ne cède qu’à l’hiver ses fruits d’un rouge éclatant. Les Grecs avaient consacré cet arbre à Apollon, sans doute parce que ce dieu présidait aux ouvrages d’esprit qui demandent beaucoup de tems et de réflexion. Charmant emblême, qui apprenait à tous ceux qui voulaient cultiver les lettres, l’éloquence et la poésie, que pour mériter la couronne de laurier, il fallait porter longtems celle de la patience de la méditation. Après que Romulus eut tracé l’enceinte de sa ville naissante, il lança son javelot sur le mont palatin. Le bois de ce javelot était de cornouiller: il prit racine, s’éleva, produisit des branches, des feuilles; il devint arbre. Ce prodige fut regardé comme l’heureux présage de la force et de la durée de ce naissant empire.
Une paille brisée—Rupture. Les vieux chroniqueurs racontent qu’en 922, Charles le Simple se voyant abandonné des principaux seigneurs de sa cour, eut l’imprudence de convoquer l’assemblée du Champ de Mai, à Soissons. Il y cherchait des amis; il n’y trouva que des factieux dont sa faiblesse accroissait l’audace. Les uns lui reprochent son indolence, ses prodigalités et sa confiance aveugle dans son ministre Haganon; les autres s’élèvent contre le déshonneur des ses concessions à Raoul, chef des Normands. Environné de leur foule séditieuse, il prie, il promet, il croit leur échapper par de nouvelles faiblesses, mais en vain. Dès qu’ils le voient sans courage, leur audace n’a plus de bornes: ils osent déclarer qu’il a cessé d’être leur roi. A ces mots, qu’ils prononcent avec toutes les marques de la violence, et qu’ils accompagnent de menaces, ils s’avancent au pied du trône, brisent des pailles, qu’ils tiennent dans leurs mains, les jettent brusquement à terre, se retirent après avoir exprimé par cette action, qu’ils rompaient avec lui.
Cet exemple est le plus ancien de ce genre qui nous soit parvenu, mais il prouve que, depuis longtems, cette manière de rompre un serment devait être en usage, puisque les grands vassaux ne crurent pas nécessaire d’ajouter à leur action une seule parole qui pût servir à l’expliquer: ils étaient donc sûrs d’être entendus, et ils le furent.
Il y a loin de cette scène terrible à la scène si comique du Dépit amoureux de Moliere. Cependant l’une est l’origine de l’autre: elles prennent au moins leur source dans le même usage populaire; il n’y a que la différence du tems. Ce qui servait jadis à détrôner un roi, à bouleverser une nation, ne peut plus servir aujourd’hui qu’à désoler un cœur. Heureux les amans dont les ruptures se terminent comme les révolutions du bon vieux temps.
Le rocher du Cap-Diamant, vulgairement nommé le “Rocher Noir,”[1] a été quelquefois qualifié de pierre calcaire. Dans la vue de faire voir si ce rocher a droit à cette qualification, nous allons faire connaître, du mieux qu’il nous sera possible, ses propriétés géologiques et minéralogiques. Les couches, telles qu’elles sont naturellement et artificiellement exposées, sur la rive septentrionale du St. Laurent, entre le Cap-Rouge et l’ance de Sylleri, sont une variété de schiste argilleux appellé grau-wacke, mêlée, régulièrement, avec une variété plus fine appellée ardoise argilleuse, ou argillite. L’inclinaison des couches est au S. E. à un angle d’environ 35°. et leur direction au N. E. et au S. O. avec une légère déclinaison de son bord supérieur au-dessous de l’horison vers le N. E. C’est probablement en conséquence de cette déclinaison, que le grau-wacke se perd avant d’arriver à Québec, en descendant au-dessous du niveau du St. Laurent: le dernier qu’on voit est à l’ance de Sylleri, à-peu-près à ce niveau; et à cinq milles de Québec. Ici l’argillite, ou schiste noir à grains fins, qu’on a vue courir en couches parallèles, derrière le grau-wacke, est seule visible. Elle y forme une chaîne basse qui continue à s’élever, en allant vers Québec, sans autre interruption que celle d’une ou deux vallées, jusqu’au Cap-Diamant, où elle offre un précipice d’environ 320 pieds au-dessus du niveau du fleuve. Dans toute cette distance, elle conserve la même inclinaison, et la même direction que le grau-wacke, avec lequel on la voit, en quelques endroits, alternativement, sur la rive opposée. Quoiqu’il ne paraisse point y avoir, jusque-là, de différence géologique entre l’ardoise argilleuse de l’ance de Sylleri, et la pierre noire du Cap-Diamant, il y a évidemment entr’elles une différence chymique. En quelques endroits, au Cap-Diamant, le rocher est de couleur de suie; il exhale une odeur de bitume, lorsqu’on le frappe ou qu’on en enlève de petites parcelles, ou souille les doigts. La cause de ceci est la présence du carbone, qu’on a trouvé dans le rocher, dans la proportion de 20 par cent. Il paraît y avoir aussi une différence dans l’effet du tems, ou autres agens destructeurs. Ils exercent leur influence sur l’ardoise argilleuse, entre l’ance de Sylleri et le Cap-Diamant, en couvrant la base du rocher d’un dépôt mouvant de petits fragmens anguleux, ou en forme de coins, quelquefois très ferrugineux. Au Cap-Diamant, leur action se reconnaît à une structure schisteuse, continue et peu ténace, parallèle au plan de stratification.
La direction générale du “Rocher Noir,” est au N. E. Cependant, en quelques endroits, on voit les couches courant au nord, l’inclinaison étant alors au N. O. On trouve aussi des couches verticales, ou à-peu-près.
L’épaisseur des couches varie de trois pieds à trois pouces.—Souvent, les premières sont, suivant toutes les apparences, d’une structure très compacte, et se brisent en morceaux à surfaces couchoïdes qui se terminent en coins aigus. Dans ces couches, pourtant, le temps effectue ce que le marteau ne fait point, et y montre une structure véritablement schisteuse. De là vient, ainsi que de sa qualité absorbante, que le “Rocher Noir” n’est point une bonne pierre à bâtir. Les couches minces paraissent à l’œil et sont réellement très schisteuses. Elles sont quelquefois compactes et se cassent en longs morceaux prismatiques, qui rendent un son métallique, lorsqu’on les frappe: elles séparent les couches plus épaisses, à certains intervalles, et déterminent souvent les plans de stratification, lorsqu’autrement ils pourraient être douteux, à cause de la ressemblance qu’ils ont quelquefois avec les surfaces unies et blanchies des jointures naturelles. Ces dernières ne sont jamais continues; autre pierre de touche utile.
Parmi les apparences particulières au “Rocher Noir,” déployées par la fracture, sont des faces en forme de côtes ou de sillons, une convexité luisante, une surface ressemblant à du cuir à souliers poli. L’effet du temps est souvent aussi très remarquable: quelquefois il découvre la nature schisteuse du rocher; d’autres fois, il offre une surface arrondie et blanchie, formant un contraste frappant avec l’intérieur de couleur de suie. D’autres fois encore, par l’arrondissement des lames ou feuilles successives, il se forme une série concentrique d’ovales irrégulières, ressemblant beaucoup aux graines de sapin; et lorsque la surface est brunie ou rougie, on la prendrait pour celle de quelque bois.
En creusant, on rencontre des couches dont la couleur est un vert brillant: ces couches ont acquis ordinairement un degré considérable de dureté et de transparence, et ressemblent à la pierre à fusil cassée; d’où l’on serait porté à croire que c’est un schiste siliceux. On trouve communément des concrétions sphéroïdes de la même pierre, ainsi que d’une autre variété d’un gris foncé.
Quelques unes des couches sont décidément plus calcaires que d’autres; et nous avons incontestablement observé nous-même deux espèces de pierre à chaux. La première est fétide et un peu chrystalline: l’autre est compacte. Elles sont l’une et l’autre situées sur le même plateau, près des bords du précipice, au N. et au N. O. de la ville. La dernière est d’une excellente qualité, se dissout presque entièrement dans l’acide, et produit au feu une chaux blanche et caustique. Malheureusement pour les habitans de Québec, qui font venir leur pierre à chaux de Beauport, distant de cinq milles, de l’autre côté de la rivière St. Charles, la pierre dont nous parlons ne conserve pas ces qualités à une distance considérable; car devenant tout à coup impure, elle se perd soudainement, en se plongeant sous le “Rocher Noir,” suivant l’inclinaison et dans la direction de ses couches. On y a trouvé le fragment d’une coquille bivalve.
Les minéraux qui se trouvent dans le “Rocher Noir” sont:
1º. Le fer, oxydé ou sulphuré: le premier, en état de solution, offre souvent une teinte rouge ou jaune sur la surface du rocher. Le dernier, bien moins commun, se trouve ordinairement avec une variété verdâtre et polie du rocher.
2º. Le quartz, quelquefois en beaux chrystaux angulaires, d’une transparence considérable; d’autres fois, en forme de pyramides appliquées base sur base, ou d’une pyramide double; et plus fréquemment, en prismes mal formés, à demi transparents. Ces chrystaux varient en grosseurs, depuis celle d’un simple grain, jusqu’à celle du pouce. Les derniers ne sont jamais entièrement diaphanes; et paraissent quelquefois n’être pas encore entièrement formés.
3º. Le spath calcaire, tantôt en chrystaux angulaires plus beaux que le verre fondu, à base blanche, calcaire et radieuse, et renfermant souvent des chrystaux de quartz mal formés; tantôt en rhombes parfaits. Mais il se montre le plus souvent en veines de structure laminaire, qui traversent le rocher en tous sens.—Ces veines sont en quelques endroits si nombreuses, qu’elles donnent au rocher l’apparence d’un aggrégat: elles se traversent souvent l’une l’autre; et dans ce cas, l’une d’elles semble avoir délogé la partie de l’autre qu’elle a rencontrée dans son progrès.
4º. Le pétrole, en morceaux polis et transparents, de couleur verte ou jaune, tantôt entourrant la suie; tantôt, mais plus rarement, s’insinuant dans l’intérieur d’un chrystal de quartz.
5º. La suie, ou poussière de charbon, couvrant ordinairement la surface des chrystaux de quartz, dans de petites cavités.
6º. Le spath fluaté. Autant que nous pouvons l’apprendre, ce minéral n’est rien moins que commun. Nous en avons vu un échantillon dans un chrystal imparfait. Il est d’une couleur pourpre foncé d’une intensité à rendre le chrystal presque opaque.—Sa forme est celle d’une demi-ovale divisée diagonalement. Il a été trouvé mêlé avec le calx-spar, dans une des crevasses du “Rocher Noir.”
Les minéraux terreux ci-dessus se rencontrent ordinairement dans les crevasses et les petites fentes du rocher.
Telle est l’ébauche imparfaite des associations géologiques et des caractères minéralogiques du “Rocher Noir” du Cap-Diamant; par où il paraît que c’est une argillite, et non une pierre calcaire. Les seules ressemblances qu’il ait avec les variétés de cette dernière, sont une légère effervescence dans l’acide, et une odeur bitumineuse. Mais comme les ardoises argilleuses, les grès, ou pierres sablonneuses, et les coquillages, ont, dans ce voisinage, comme souvent ailleurs, soit l’une, soit l’une et l’autre de ces propriétés, elles peuvent aisément se prendre pour des pierres calcaires, si le “Rocher Noir” est regardé comme étant de cette espèce.
A. B.
Nous ne croyons pas qu’on dise en français le “Rocher Noir,” en parlant du Cap-Diamant; mais nous ne pouvons pas traduire commodément notre auteur, sans nous servir de cette expression. |
Déjà depuis trois jours, le plus beau vent du monde
Invitait un chacun à voyager sur l’onde.
Je pars, j’embarque: hélas! peste de l’inconstant;
Il cesse de souffler, et se taît à l’instant.
La voile s’amollit, et devient aussi flasque
Que l’on voit quelquefois un vieux tambour de basque.
Mon pauvre bâtiment, tout ainsi qu’un benet,
Gît sur l’eau, sans bouger. Tel on voit un chenet
Tout fier de son fardeau, parer la cheminée.
Mon vaisseau sans chagrin passe ainsi la journée.
J’enrage de bon cœur, et demande, au plutôt,
Que sur la belle grève on me porte en canot.[2]
Oui mon sang bouillonnait jusqu’au fond de mes veines,
Me voyant ainsi perdre et mon tems et mes peines.
Voici d’autres malheurs: jusqu’alors le soleil
Avait, le long du jour, montré son front vermeil.
Il fait comme le vent; le perfide nous quitte;
Sous un épais nuage, il se cache au plus vite.
Je ne m’en plaindrais point; je n’en marchais que mieux;
Mais ce nuage offrait un aspect bien affreux:
J’en fus au désespoir; car madame la pluie
Vint, pour me recréer, me tenir compagnie.
Je marche, et butte et tombe, et mes pas chancelants
Echappent mille fois, sous les cailloux glissants.[3]
De pointe en pointe enfin, je crois voir la dernière:
Sus, une autre paraît, tout comme à la première.[4]
Je grimpe comme un chat, j’escalade les monts,
Je passe par-dessus rochers, branches et troncs.
Jamais aucuns mortels, pas même les sauvages
N’ont fixé dans ces lieux leurs chétifs hermitages.
On n’y rencontre point, qui le croirait? hiboux,
Carcajoux, orignaux, poules-d’eau, cariboux.
Je suis d’opinion que nulle part au monde,
N’est un pareil endroit, sur la terre ou sous l’onde.
A force de marcher, j’arrive aux lieux ouverts.
Oh! le plaisant pays! Non, non, jamais les vers
N’ont encore dépeint cinq méchantes cabannes,
De vieux morceaux de bois soutenus par des cannes,[5]
Que couvrent mincement cinq à six brins de foin;
Et qui pourraient à peine, en un pressant besoin,
Loger ou bête à corne, ou même bête à plume.
Je n’ai pas mis pour rien ma verve sur l’enclume:
Sans prétendre jamais blesser la vanité,
Sans détour et nûment, je dis la vérité.
Je passe encore un bois: passons-le sans rien dire;
Autrement, il faudrait ou médire, ou maudire.
J’approche enfin des lieux habités des vivants.
Tout va changer de face; et sans perdre de temps,
Je raconte, au plus court, tout ce qui se présente.
Nouveau Sancho, je trouve et monte Rossinante:
La bête, en un clin d’œil, me transporte au galop,
Chez cet ami chéri, qu’on ne peut chérir trop.
Là, bientôt j’oubliai ma peine et ma misère;
J’étais joyeux, ravi de voir ce bon confrère:
L’abondance, la joie et mille autres plaisirs,
Son bon cœur, tout allait au gré de mes désirs.
Le proverbe dit vrai: “Le beau tems suit la pluie.”
Pourtant ne laissons point cette histoire infinie.[6]
Liclas, sur son départ, avait, du meilleur cœur,[7]
Reçu chez lui Domas, son premier successeur:
Eux et moi, nous formions un trio fort aimable;
Je n’étais pas ici, moi, le moins agréable:
Sans moi, la compagnie un peu, je crois, languit;
Car comme on dit souvent, avec les foux on rit.
Ce n’est point faute à moi, de me rendre justice:
On pourrait m’oublier; car c’est toujours le vice
De penser à soi-même, et point à ses amis.
Vous êtes bien, messieurs, je crois, du même avis.
Cependant ce trio vota, par promenade,
D’aller à Caraquet, manger de la salade;
Le vent pousse déjà la voile avec effort:
Il se taît de nouveau; le voila déjà mort;
Nous changeons de vaisseau; nous forçons sur les rames;[8]
Et droit vers Caraquet ensemble nous voguâmes.
Nous approchons les caps... mais par malheur, hélas!
Des battures sans fin nous mirent au trépas.[9]
Cent fois la frêle berge allait sonder le sable,
Et nous faisait poursuivre une route effroyable.
A jurer, maugréer, on ne peut gagner rien:
Laissons aux charretiers ces sortes d’entretien;
Nous autres, nous prenons nos maux en patience,
Et nous ramons toujours avec cœur et constance:
Non pas nous, s’il vous plaît, mais nos marins pour nous.
Enfin, nous arrivons à notre rendez-vous.
Il est dans ces quartiers, un noble personnage,
Dont le maintien, le port et l’auguste visage,
La qualité, le rang attirent des mortels
L’amour et le respect qu’on doit aux immortels.
Son air grave et serein ignore un ris frivole;
Son cœur compatissant réjouit et console
Le pauvre, l’affligé, la veuve, l’orphelin,
Qu’il aime à secourir de sa bénigne main.
Il est vraiment pour eux une autre providence;
Autour d’eux il répand la joie et l’abondance.
Sa demeure se voit près d’un antique bois,
Où maint et maint hiboux font entendre leurs voix.
Sur le point d’arriver auprès du Vénérable,[10]
Nous composons nos pas, et d’un air respectable,
Nous avançons craignant d’avoir trop avancé:
Nous joignons tous les mains; le visage baissé,
Nous entrons en silence, et restons à la porte,
Sans oser remuer plus qu’une bête morte.
Cependant le druïde était alors absent;
Il donnait à son peuple un entretien touchant.
Il paraît, le voila; lors tous trois en cadence,
Vers lui nous avançons, faisant la révérence,
Et cela par trois fois. Le saint homme chez lui,
En silence, étonné, tous trois nous introduit.
Là, jamais on n’entend un seul mot inutile:
Quel martyre pour moi d’être là si tranquille!
Le druide voyant en nous l’air de la faim,
(Car nous n’avions mangé rien depuis le matin,)
Nous fit incontinent préparer bonne chère.
Pour lui, dit-on, il vit de jeûne et de prière:
Mais pour nous recevoir il fit un grand repas;
Sur la table on comptait jusqu’à trois demi-plats.
De peur qu’on ne passât outre la bienséance,
Sans y penser, par fois, il prêchait pénitence.
Aussi l’on avait mis, entre deux pots pleins d’eau,
Un énorme bassin où gisait un pourceau,
Qui fut occis, dit-on, dans sa troisième lune:
C’était pour nous le plat de la bonne fortune.
Nous le mangeâmes tout, sans penser aux voisins,
Qui, pour se substanter, se léchaient les deux mains,
Comme le bon peuple ours, dans la froide Norvège,
Suce, pour se nourrir, ses pattes, sous la neige.
Au sortir du festin, le druide content,
Nous mène promener dans un pré verdoyant.
Nous voyons dans ce pré ce qu’on ne pourra croire,
Un miracle inoui; car jamais dans l’histoire
De semblable merveille il n’est fait mention;
Nous voyons de nos yeux la moitié d’un mouton,[11]
Qui, dans ces lieux charmants, vivait de feuilles sèches,
Ou d’herbe, et s’abreuvait sur le bord des eaux fraiches;
Oui vraiment, la moitié d’un mouton tout vivant.
On ne m’en croirait pas, peut-être, à mon serment;
Je dis vrai, néanmoins, car je suis honnête homme,
Et ne voudrais mentir, fût-ce pour une pomme.
Notre druïde après, montant sur un radeau,
Nous mena promener, à la rame, sur l’eau.
Là, depuis six mille ans, vivent dans des coquilles,
Certains petits poissons réunis en familles:[12]
Nous en prenons à l’aise avec de longs rateaux,
Que les gens de l’endroit emmanchent en ciseaux,
Et crus, comme ils étaient, nous les mangeons par mille.
Peut-être péchions-nous; mais un peu plus tranquille,
Notre saint homme enfin oubliait ses sermons,
Et nous laissait agir comme nous l’entendions.
Nous restâmes encor deux jours chez ce bon père,
Riant et badinant, malgré son air sévère.
J’y pense en larmoyant, et sens un grand regret
D’avoir ri, badiné ce charmant Caraquet,
Et son druïde aussi, qui nous rendit malades,
Ne nous faisant manger que cochons et salades,[13]
Pour épargner, dit-on, sa moitié de mouton,
Qu’il ne voulait tuer que dans l’autre saison.
Excusez, s’il vous plaît, ma plaintive satire;
Car sans mentir, je crois, on peut fort bien médire.
Laissons notre druïde, avec sa gravité,
Et conservons toujours notre aimable gaité.
Voila, mes bons amis, quel fut notre voyage;
Si j’en fais un second, je me pendrai de rage.
Carleton ou Tracadièche est au nord, dans le haut de la Baie des Chaleurs; Bonaventure est à environ douze lieues plus bas, du même côté; et Caraquet est au sud de la même baie, mais plus bas que Bonaventure. |
Entre Cascapébiac et le petit Bonaventure, d’une place à l’autre, il y a sept mortelles lieues, toutes en bois, sans habitation, si on en excepte celle dont on va parler. |
On trouve souvent, sur les bords de la mer, des bancs de pierres qui ont quelquefois plus d’une lieue de longueur: ces pierres, rondes, quarrées, de toutes dimensions, et d’une grosseur énorme, sont toutes couvertes d’une mousse imprégnée d’une espèce de glue formée par les herbes marines, et rien de plus difficile que d’y marcher. |
Ceux qui ont voyagé sur les bords de la mer comprendront aisément la justesse de ce vers: on s’imagine, ou plutôt, l’on se plaît à croire que l’habitation vers laquelle on tend, est toujours derrière la pointe que l’on voit devant soi; mais qu’on se trompe de fois! |
En 1815, il y avait quelques habitans qui s’étaient fait de petites cabannes, pour passer l’été, en attendant que leurs maisons fussent achevées, pour l’automne suivant. Ainsi, le mot cannes, quoique peu riche, peut cependant passer, surtout dans cette espèce de poésie, qui n’est point d’un style soutenu. |
Ou non finie. J’ai cru qu’on pouvait prendre infinie dans le même sens qu’inconnue, inouie, inapperçue; j’espère du moins qu’on me passera de l’avoir fait en cet endroit. |
M. L*** quittait Bonaventure, sa première desserte, et Mr. D*** venait le remplacer. |
Nous quittâmes notre goëlette pour une berge. |
Ceux qui ont été à Caraquet, savent que lorsqu’on a le malheur d’y arriver seulement à demi marée, il faut descendre près d’une lieue, pour éviter les battures. |
L’éloge bien mérité contenu dans ces dix vers: “Il est dans ces quartiers, &c.” fait voir, sans qu’il soit nécessaire de le dire, que le reste de la pièce est un pur badinage. On ne pouvait être plus gai, ni plus agréable que l’estimable Monsieur dont il est ici parlé: il nous reçut avec un cœur ouvert, ravi et joyeux de voir des amis, des compatriotes, des compagnons d’études, enfin. Nous restâmes trois jours chez lui, et pendant tout ce tems, rien ne fut épargné pour nous recevoir, non seulement avec abondance, mais encore avec l’ordre et la décence qui peut règner dans les maisons les plus respectables et les mieux assorties. |
Mr. *** avait plusieurs moutons, en nombre impair, à ferme à moitié; ce qui occasionna plusieurs bons-mots sur le mouton dont il ne devait lui revenir que la moitié. |
Les huitres de Caraquet sont dans le confluent d’une petite rivière, à environ une lieue de la mer: il y en a plusieurs battures éloignées les unes des autres de quelques arpens. On les pêche à quatre ou cinq pieds d’eau, avec deux rateaux attachés en ciseaux; en sorte qu’en ramenant les deux extrémités d’en haut, on ramasse les huitres entre les dents des rateaux, qui se joignent. On les sonde, pour recueillir les bonnes, et l’on rejette les écailles et celles qui sont creuses, sur la batture. Les pêcheurs prétendent connaître par expérience que c’est sur ces écailles que se forment les nouvelles huitres, et que c’est par ce moyen qu’on entretient les battures. Ceux qui mangent des huitres fraiches ont le soin de les égouter; car l’eau qu’elles renferment ayant l’acreté, et même un peu de l’amertume de l’eau de la mer, leur donne un mauvais goût: ce n’est que deux ou trois jours après qu’elles sont prises, que cette eau prend un goût plus agréable. En parlant des huitres, cela me donne occasion de parler d’un autre coquillage, qu’on nomme moucle. On en trouve partout sur les bords de la mer. Ce coquillage est d’un bleu tirant sur le noir, en dehors, et garni de petites côtes, qui partent de la charnière, et vont se terminer à l’extrémité opposée: le dedans est d’un beau bleu, qui devient plus foncé, à mesure qu’il s’éloigne de la charnière. Il y a de ces moucles qui produisent jusqu’à douze et quinze perles, et même davantage. Ces perles sont sans doute formées par la surabondance du vernis qui couvre la partie intérieure du coquillage, où on les y trouve fortement attachées et comme encavées. On peut croire qu’après un certain temps, elles s’en détachent, et s’unissent ensuite au corps de l’animal, sur lequel on les trouve indifféremment, comme sur l’intérieur de la coquille. Ces perles, d’un lilas blanchi, et quelquefois foncé, sont d’une couleur assez vive, surtout les petites, qui sont les plus rondes. Les plus petites sont de la grosseur d’une tête d’épingle; les plus grosses, de la grosseur d’un moyen pois. J’ai connu un vieil Allemand qui en avait envoyé une quantité dans son pays. Nos orfèvres pourraient peut-être en tirer un bon parti. De tous les coquillages de la Baie des Chaleurs, je ne connais que ces moucles qui produisent des perles. |
Je le répète, en finissant, ceci n’a pas été écrit pour faire une satire: c’est un badinage qui peut-être permis entre des amis qui sont sur le ton de ne point s’offenser des charades qu’ils peuvent faire entr’eux. |
[Le Légataire de la Saberdache prie Mr. Bibaud de faire remarquer à ses lecteurs, que les noms propres Lignery, Chaussegros, s’écrivent ainsi; et non pas comme ils sont imprimés à la page 193, du No. III de la Saberdache, savoir, Ligneries, Chossegros.]
Lettre d’un Lieutenant du régiment de Watteville à un Capitaine des Voltigeurs Canadiens, en réponse à la sienne du 16 Mai 1814.
Kingston, 23 Mai 1814.
(*) J’ai reçu hier, mon excellent ami, vos deux épîtres du 16, votre billet doux du 19, les gazettes, &c. &c. &c. Qu’il est doux d’être reconnaissant!
Prise d’Oswego.—Le 2, (Mai,) entre 6 et 7 heures du soir, le colonel entre chez moi, demande à me parler seul, me serre la main, et me dit, en tressaillant de joie: “Nous sommes enfin nommés pour une expédition.”—“Tant mieux; il en est tems.”—“Ecrivez donc.”
J’écris alors, mon cher V——: mon cœur palpitait et conduisait, pour ainsi dire, ma plume en cadence. Je n’écrivis jamais ni plus vite, ni plus correctement. L’ordre se donne:——“Le colonel Fischer, l’adjudant Mermet, le chirurgien Millet, et six compagnies (chaque compagnie forte de soixante-et-quinze bayonnettes,) s’embarqueront demain, en ordre de marche léger: il est inutile de recommander le bon ordre à des hommes qui ont juré d’être fidèles au gouvernement qu’ils servent, et d’observer ses lois: l’honneur et l’obéissance sont les guides du soldat.”
On s’embarque le 3, sous les ordres du colonel Fischer, 450 hommes de Watteville; 500, compris officiels et sous-officiers.
50 | do. | de Glengary; | 58, | compris | do. | do. |
28 | do. | d’Artillerie; | 33, | compris | do. | do. |
400 Royal marines, étaient déjà à bord de l’escadre.—Grand total, 991.
Le soir, à 9 heures, je m’embarque, avec le colonel Fischer, à bord du Prince Regent. De Bersy, De Bersy, fils, D. Lapierre et V. May, nos grenadiers et 30 chasseurs étaient sur le même vaisseau. De Courten, le reste des chasseurs et la compagnie Harting, sur la Princess Charlotte. F. Zehender et sa compagnie, sur le Wolfe. C. Zehender et sa compagnie, sur le Royal George. Steiger et sa compagnie, à bord du Moira et du Melville, &c. &c.
Le 4, à 4 heures du matin, le Prince Regent tonne; on fait voile. Le soir, entre 8 et 9 heures, on jette l’ancre à l’Est des Iles aux Canards.
Le 5, à 2 heures après minuit, on fait voile de nouveau. A 8 heures, on découvre Oswego. Calme à 9 heures: à 10, un petit vent; à 11, calme; à 11½, léger vent du nord: l’ennemi tire ses canons d’alarme. A midi et demi, nous jettons l’ancre à un mille et demi du fort, que le Prince Regent salue aussitôt de six boulets perdus. On examine le fort et la position de l’ennemi. On donne l’ordre de débarquer. Les brigs et schooners s’avancent sous le fort; de part et d’autre, l’artillerie joue sans succès. Le fort ne paraît avoir que trois canons en batterie: les Américains s’avancent sur leurs glacis et sur le rivage:—contre-marche, filant sur un seul rang. Tout est prêt; on est dans les chaloupes. Il est 3 heures;—vent léger du sud: on suspend le débarquement. Les brigs et les schooners s’éloignent du rivage. A 5 heures, calme et chaleur, ciel nébuleux. Les troupes quittent les chaloupes, et remontent à bord des vaisseaux.
A 6 heures, nous dinons: bruit confus; des cris, des coups de sifflet, mille god-dam: All hands; all royal marines upon deck: g....m! all foreigners below: g....m! out and run: be quick, be quick! A 8 heures, l’ouragan s’appaise: “Very well now.” Le vent est nord-ouest: on s’éloigne des côtes ennemies. On croise jusqu’à 4 heures du matin du 6. Le vent est sud-est jusqu’à 9: il est Est à 10: on rejette l’ancre devant Oswego, à 11.
La Princess Charlotte, le Wolfe et le Royal George canonnent le fort. On donne l’ordre de débarquer. L’ennemi met deux canons de plus en batterie. Le feu est des plus vifs. On nous entasse dans les chaloupes. Les 50 hommes des Glengary et la moitié de nos chasseurs sont sur un bateau-plat à 24 rames.—Le colonel Fischer, Mermet, De Bersy et ses grenadiers, et les chasseurs sous V. May, sont sur la chaloupe canonnière, la Cléopâtre: (quel présage! je pensais à la bataille d’Actium.) Le détachement de l’artillerie et nos compagnies de fusiliers, sous les ordres du major De Courten, sont en réserve, derrière les gros vaisseaux. On rame: 300 marines, sous les ordres du lieutenant-colonel Malcolm, s’avancent avec nous. Les brigs et les schooners couvrent notre débarquement. Nous touchons au rivage. L’ennemi nous couronne de sa mitraille et d’un plomp meurtrier: nous y répondons par le triple cri de la victoire:—“Messieurs, donnons l’exemple:” on débarque. Notre Hercule est dans l’eau jusqu’au cou. Les oreilles de Mermet lui servent de nageoires. On arrive sur la plage: on se secoue: on se forme: “les gibernes sont pleines d’eau: qu’importe? nous avons des bayonnettes.”
Les Royal marines se forment à 20 pas sur notre droite. Les Glengary s’étendent dans les bois, sur notre gauche. Le colonel Fischer commande: Forward. Le tambour bat: les deux colonnes avancent au pas de charge. L’ennemi formé sur les glacis du fort continue son feu: nous sommes au pied des glacis: l’ennemi se jette dans le fort: son feu redouble alors: nos tués et nos blessés tombent: nous continuons la charge: nous sommes sur le haut des glacis. L’ennemi fuit en désordre: nous le poursuivons à 30 ou 40 pas de distance: il fuit trop vite:[1] une décharge de mousqueterie aurait pu le décimer: nos fusils ne partent pas.—Les Royal marines sont dans le fort: le pavillon anglais remplace l’américain: la trompette sonne: on s’arrête....... Il est une heure et six minutes: il était midi et 50 minutes, quand le colonel Fischer commandait, Forward. 200 matelots armés de piques,[2] entrent dans la Ville-haute: nos quatre compagnies de réserve débarquent, et vont occuper le fort. Les Royal marines nous joignent au sud du fort, où nous établissons notre bivouac. Tout est tranquille. Nos matelots traversent la rivière, passent à la Ville-basse: on enterre les morts, parmi lesquels j’ai compté, sur la gauche seule du glacis, un officier et 23 soldats américains. On transporte les blessés et les prisonniers à bord des vaisseaux: on distribue aux troupes d’excellent biscuit, de la bonne eau-de-vie et de la bonne viande. Les munitions prises à l’ennemi se conduisent sur notre flotte: tout est en mouvement dans le fort, dans les deux villes, sur la rivière et dans la rade.
Le général Drummond,[3] le commodore Sir J. L. Yeo,[4] le député-adjudant-général Harvey, ont suivi tous les mouvemens, ont montré du sang-froid, de la valeur, de l’habileté; ils visitent notre bivouac; ils sourient et nous félicitent.
Il est 5 heures; nous dinons sur la mousse du mois de Mai.—De Bersy écartèle deux cochons de lait: nos chasseurs et les Glengary nous apportent du fromage et des cigares. Nos grenadiers nous ont trouvé du malaga et du madère: on boit dans un coco, ou dans le creux de sa main: quel plaisir! Où étais-tu, Crillon? on a vaincu, et on a bu sans toi.
A 9 heures, on met le feu aux chaloupes, aux magazins, aux munitions qu’on ne peut transporter. On respecte les propriétés des particuliers. A 2 heures après minuit, on commence à se rembarquer: on démantèle le fort: on brûle les cazernes. A 4 heures, tout est à bord; point d’égarés. L’escadre fait voile pour Kingston, où nous arrivons à 8 heures du soir, le même jour, (le 7.)
Le 8, à 6 heures du matin, nous débarquons. J’ai vu, j’ai ri: que diable est cela? Tournez et retournez: où diable est l’échelle? où sont les distances? comment s’y connaître?[5] Allons, travaillez: mettez ce plan au net; embellissez ce vilain morceau, et je rajeunirai vos vieux couplets.[6]
Voila notre expédition: l’objet en a été rempli. La destruction du fort et des magazins; les munitions, les agrès surtout, qu’on a pris ou détruits, sont des pertes pour l’ennemi, et nous assurent la supériorité pour cette campagne.
Perte de l’ennemi: de 70 à 80 tués ou blessés; de 60 à 70 prisonniers,
Notre perte: 20 tués et 60 blessés.
L’ami V. May a été blessé à mort, en débarquant. Le brave capitaine Ledergerw, a été blessé sur le glacis; et malgré la perte d’un doigt, et la douleur aigüe que cause une blessure griève, il a continué la charge avec la compagnie. Au mot “Messieurs, donnons l’exemple,” le jeune De Bersy s’est précipité le premier dans le lac, pour gagner le rivage. Chacun a rempli son devoir avec honneur. La conduite des officiers et des soldats du 2d battalion Royal marines est au-dessus de tout éloge. Le mérite du général Drummond, du commodore Yeo, et du colonel Harvey ne peut pas se peindre. Quel accord! quel sang-froid! quelle assurance! Aussi quel ordre parmi les troupes! quel succès!
Le fort d’Oswego est élevé; rien ne le domine: son élévation au nord et à l’ouest, est de 50 à 60 pieds au-dessus du lac et de la rivière,[7] et au sud et à l’est, de 20 à 25 pieds au-dessus des glacis. Il était défendu par 400 hommes des meilleures troupes de l’ennemi, et 200 à 300 miliciens; 5 pièces montées; des munitions en abondance, &c. &c. &c.
Ce n’était qu’un coup de main, mon cher V——, mais il a bien réussi. Quel beau vaisseau que le Prince Regent! Laissons-là les canons et leur tintamarre: 42 officiers dans une cabine,—assis à leur aise, unis entr’eux; gazouillant un patois franc-anglo-italique, (car tous ces officiers de marine ont fait le tour du monde:) et comme on ment; et comme on écoute; et comme on chante; et comme on boit! “Gentlemen, a toast: colonel Fischer and the Watteville regiment.—Colonel Malcolm, and the 2d Royal marines.—Our success.—General Drummond.—Sir J. L. Yeo.”—&c. &c. &c.
Les lieutenants Lawrie et Hewett, des Royal marines, sont aussi aimables qu’intrépides.
Lisez l’Art Indéfinissable.[8]
Nos blessés sont à merveille: l’excellent Millet triomphe.
Anecdotes.—Le caporal Mainrad Mayer, de la compagnie des grenadiers, blessé à la tête et au travers du ventre, rit déjà, et ne parle que de se venger. C’est un homme de 6 pieds 2 pouces. Il était dans la charge, à la droite de la première subdivision. Il reçoit une forte contusion à la tête: son feutre tombe: “Je ne me baisserai pas pour le ramasser; les misérables croiraient que je les salue: ce sont eux qui doivent s’incliner.” Un second coup l’atteint au ventre: “Ils me forcent de m’asseoir,” dit-il: il tombe et s’écrie: “La victoire est à nous; je meurs content.” Notre brave homme vit heureusement encore: notre Esculape le croit sauvé.
Joseph Imhoff, chasseur, a une jambe fracturée. Son ami, qui le voit tomber, s’écrie: “Ah! mon cher ami;” et s’arrête:—“Montre que tu es le mien,” lui dit Imhoff; “ne t’arrête pas, et ne viens me donner tes secours qu’après l’assaut.”
Trois sergens, (Wurdig, Hircher et Schwal,) ont eu leur tems de service expiré, le 1er. Mai. Ils pouvaient ne plus servir: je leur demandai leur avis: “Il suffit que le régiment aille au feu, pour que nous le suivions,” me répond chacun d’eux. Ils sont venus et se sont distingués.
Au rembarquement des troupes, à Oswego, quelqu’un dit: “Où, diable, allons-nous à présent?”—“A Sackett,” répondent plusieurs voix.
“Le tems est bien couvert,” disait un soldat, au bivouac, devant Oswego. “C’est cependant le seul beau jour que nous ayons eu en Amérique,” répond Moran, (un Français de nation, excellent soldat;) “espérons que ce ne sera pas le dernier.”
Je suis bien minutieux, bien confus, bien prolixe; mais c’est vous qui l’ordonnez, mon cher V——. Que pensez-vous, à présent de l’ordre-général?[9] Je crois le lieutenant-général Drummond incapable de masquer la vérité; et s’il a été laconique, c’est qu’un chef doit l’être.
Un héros qui peint les combats
Ne dit que la vérité pure.
Des grands mots la vaine parure
Peut-elle plaire à des soldats?
Le fard est pour eux sans appas:
Ils aiment la simple nature.
L’honneur......ce mot est de leur goût:
Ce mot seul abat les murailles,
Ce mot seul gagne les batailles;
Ce mot seul dit tout et fait tout.
Ah! coquin! voila mon idée, direz-vous. J’aime à vous voler; c’est un malheur d’être riche.
Et ce docteur T——! écrivez-lui donc, qu’il m’écrive. Ce Gascon du Nouveau Monde, ce medécin-chirurgien-apothicaire se sert sans doute de mes lettres pour faire ses petits paquets, sans se donner la peine de les lire. A-t-il la fièvre?—Non.—Qu’a-t-il donc?—Mens sana in corpore sano.—Pourquoi donc ne répond-il pas à ma lettre du 3 Avril?
Ma famille maigrit à Kingston, mais ne veut pas me laisser.
Vos sentimens pour V. May ont fait couler sur mes minces paupières deux larmes bien chaudes. Adieu! Embrassez pour moi vos amis, et croyez-moi, le Vôtre.
UN WATTEVILLE.
P. S.—Le brave capitaine Mulcaster est hors de danger.
La Métempsycose.—Mr. J ...b, de son vivant, marchand à St. Denis, était aussi spirituel qu’il était mal soigné dans ses habits. Il dinait, un jour, chez le seigneur de St. Charles, Mr. J......n. La conversation tomba sur la métempsycose. Mr. J......n crut l’occasion bonne pour donner une petite leçon à son hôte; voici comme il s’y prit: (notez d’avance que Mr. J ...b était juif.) “Je veux,” lui dit-il, “quand je mourrai, que mon âme passe dans le corps d’un cochon, et que cet animal appartienne à un Juif.” La raillerie passait les bornes, il faut en convenir; aussi, M. J ...b, preste à répondre, lui répartit: “Oh! cela ne se peut, Mr. J......n; car suivant la doctrine de la métempsycose, il faut toujours, à la mort, que l’âme passe dans un corps différent de celui que l’on avait auparavant.”
Chêne d’une dimension extraordinaire.—Il existe dans le département des Vosges, arrondissement de Neufchateau, au lieu dit le Quart de réserve de St. Ouen, un chêne énorme, appellé le Chêne des Partisans. Il a 17 pieds de diamètre à 5 pieds de terre. De la base à la première branche, il y a 18 pieds: cette branche a 4 pieds de tour sur 30 pieds de largeur. Au-dessus, sortent du corps de l’arbre deux fortes branches latérales; l’une, divergeant vers le nord, a au moins 7½ pieds de tour, à sa naissance; tandis que l’autre, portée vers le sud, présente un diamètre de 5 pieds 8 pouces. Plus haut, s’élèvent ensuite, presque droites, deux autres branches à-peu-près d’égale grosseur. L’arbre n’a pas moins de 66 pieds de hauteur.—Bibl. Phys. Econom. Oct. 1823.[10]
Sycomore extraordinaire.—Un journal américain fait mention d’un sycomore qui surpasse, peut-être, en grandeur et en grosseur, tous les arbres des Etats-Unis. Il a 72 pieds de circonférence; mais il est creux, et l’intérieur, qui a 18 pieds de diamètre, a contenu, dans cet espace, sept hommes à cheval. Cet énorme végétal se trouve près du lac Howell, dans la Caroline du sud. On assure que cet arbre a offert un asyle à plusieurs individus, pendant la révolution américaine.
L’ennemi, commandé par le colonel Mitchell, se retira aux Chûtes, distantes de douze milles de l’embouchure de la rivière Oswego. |
Ils étaient sous les ordres du capitaine Mulcaster, de la marine. |
Commandant en chef de l’expédition. |
Il commandait la flotte. |
Toutes ces exclamations, toutes ces questions, l’écrivain les fait au sujet d’un plan du fort et des environs, qu’il a tracé à la plume, et qu’il a été impossible de faire graver pour la Bibliothèque Canadienne, comme on l’aurait désiré. |
Va-t-en voir s’il viennent, Jean: ces couplets sont encore à rajeunir. |
Oswego, ou Chouaguen. Cette rivière n’est connue à présent que sous le nom d’Oswego. |
Cette pièce sera publiée dans un des numéros suivants. |
On trouvera à l’appendice du 2d vol. de James’ Military Occurrences, les rapports anglais et américains, concernant la prise d’Oswego: ils sont numérotés, 20, 21, 22, 23 et 24. |
Cet extrait nous rappelle une anecdote qui nous a paru avoir au moins de la vraisemblance. Le fils du marquis de Miville, avons-nous entendu dire, qui commandait un corps d’armée sous Louis XIII, roi de France, fut fait Chevalier de Chêne, pour avoir gagné une bataille d’après un plan qu’il avait fait dans un chêne creux. Avant l’exécution, le monarque ayant vu le plan, dit à son auteur, que s’il remportait la victoire d’après son plan, il serait fait Chevalier de Chêne, et serait le premier qui porterait le nom de ce bois: ce qui eut lieu.—Edit. |
La Sirène est-elle un être réel, ou un être fabuleux et imaginaire? Il nous semble que pour répondre à cette question avec justesse et exactitude, il faut distinguer, à la manière des logiciens. Si par Sirène on entend, avec le vulgaire ignorant, un animal à tête et poitrine de femme, et à queue de poisson, possédant, outre la beauté et les grâces virginales, sinon la raison humaine et le don parfait de la parole, du moins une voix capable d’un chant mélodieux et enchanteur, un tel être n’existe point, et n’a jamais existé: si par Sirène on entend simplement un poisson à forme humaine, ou à-peu-près, dans sa partie supérieure, sans que rien autre chose le rapproche de l’espèce humaine, ou le distingue des autres habitans de l’abîme; en un mot, ce que les naturalistes peuvent appeller, et appellent, par analogie, quoiqu’assez improprement, homme ou femme de mer, le nombre et le poids des témoignages, tant anciens que modernes, ne permettent pas de douter qu’un tel animal n’ait existé et n’existe encore dans l’océan, et même dans les mers méditerranées. Ce qu’il y a donc de plus curieux et de plus intéressant, dans l’exposé qui suit, ce n’est pas la preuve qu’il existe des animaux marins de l’espèce dont nous parlons, mais bien qu’il s’en trouve dans le Lac Supérieur, c’est-à-dire, dans un amas d’eau douce, très considérable, à la vérité, mais séparé et éloigné de plusieurs centaines de lieues, de la mer, qu’on avait regardée jusqu’à ces derniers temps, à ce que nous croyons, comme leur seul élément. Le fait qu’on va lire n’a pas été raconté simplement, comme un bruit, ou une croyance populaire, passée de bouche en bouche, sans qu’on puisse remonter à sa source première; il a été attesté par un témoin oculaire et digne de foi, sous serment prêté devant deux des juges de la cour du banc du roi pour le district de Montréal, les feux honorables P. L. Panet et J. Ogden, le 13 Novembre 1812. En rapportant ce témoignage, ou cette déposition, nous nous permettrons quelque changement quant à la forme, mais le fond restera absolument le même.
Le 3 Mai 1782, Mr. Venant St. Germain, (le témoin dont nous venons de parler,) marchand et voyageur, de Repentigny, revenant du Grand-Portage à Michilimakinac, arriva à l’extrémité méridionale de l’Ile Pâté, où il s’arrêta, pour passer la nuit.—Un peu avant le coucher du soleil, le tems étant clair et serein, Mr. St. Germain alla tendre ses filets, et il revint à son camp (comme s’expriment les voyageurs,) un peu après que le soleil se fût couché. En débarquant, s’étant tourné vers le lac, il apperçut dans l’eau, à un arpent, ou trois quarts d’arpent, du rivage où il était, un animal qui lui parut avoir la partie supérieure du corps, au-dessus de la ceinture, formée exactement comme dans l’espèce humaine. Il avait la moitié du corps hors de l’eau, et la nouveauté d’un spectacle si extraordinaire excita l’attention de Mr. St. Germain, et le porta à l’examiner avec soin. Le corps de l’animal lui parut de la grandeur de celui d’un enfant de sept à huit anse il avait un bras élevé en l’air, et sa main lui parut composée de doigts absolument semblables à ceux de l’homme. Tandis que le bras droit était tenu dans une position élevée, le gauche était caché sous l’eau, en apparence appuyé sur la hanche. Mr. St. Germain put voir distinctement les face et les traits de l’animal, lesquels ressemblaient exactement à ceux du visage humain; les yeux étaient extrêmement brillants; le nez petit, mais bien formé; la bouche et les oreilles également bien formées, et proportionnées au reste de la figure; le tein noirâtre, assez semblable à celui d’un jeune nègre. Il ne put voir que l’animal eût des cheveux, mais à la place, il observa sur le haut de sa tête, une substance laineuse, d’un pouce de long, ressemblant un peu à celle qui croît sur la tête des nègres. L’animal regarda Mr. St. Germain en face, d’un air qui indiquait la crainte accompagnée de la curiosité. Mr. St. Germain, ainsi que trois autres hommes, qui étaient avec lui alors, et une vieille sauvagesse, à qui il avait donné passage dans son canot, eurent le loisir d’examiner attentivement cet animal, pendant l’espace de trois ou quatre minutes.
Mr. St. Germain, qui aurait voulu le prendre, s’il avait été possible, alla chercher son fusil, qui était chargé alors, pour tirer dessus; mais la sauvagesse, qui s’en apperçut, courut à lui, le prit par ses habits, et empêcha, par ses efforts violents, qu’il ne pût tirer. Pendant qu’il était ainsi occupé, l’animal passa sous l’eau, sans changer d’attitude, et disparut, pour ne plus se montrer.
La femme se montra tout-à-fait indignée de l’audace qu’avait eue Mr. St. Germain de vouloir tirer sur ce qu’elle appellait le “Dieu des Eaux et des Lacs,” et se répandit en invectives et en reproches amers, disant, entr’autres choses, qu’ils allaient tous périr, parce que le Dieu des Eaux allait élever une telle tempête, qu’ils seraient tous mis en pièces sur les rochers; et ajoutant que, pour elle, elle allait se soustraire au danger. En effet, elle monta aussitôt sur la côte, qui est très élevée en cet endroit. Mr. St. Germain, méprisant ses menaces, demeura tranquillement avec ses gens, là où ils avaient campé pour la nuit. Mais, entre 10 et 11 heures du soir, ils furent réveillés par le roulis des vagues accompagné d’un coup de vent si violent, qu’ils furent obligés de tirer leur canot plus haut sur la grève, et d’aller se mettre ailleurs à l’abri de la tempête, qui dura trois jours de suite, sans diminuer de violence.
Il n’est pas nécessaire de dire que Mr. St. Germain ne parle de cette tempête, qui suivit les menaces de la sauvagesse, que comme d’un événement singulier, sans lui attribuer d’autre cause que celle qui produit naturellement un tel effet; et qu’il ne prend pas pour cause ce qui n’est qu’un effet, ou un indice; ces sortes de poissons ayant coutume de s’approcher de la surface de l’eau, et de se montrer au-dessus, comme paraissent le prouver les menaces de la femme sauvage, à l’approche des tempêtes.
D’après ce qu’avait pu apprendre Mr. St. Germain, c’est la croyance générale des sauvages qui habitent ou qui fréquentent les environs de l’île Pâté, que c’est la demeure du Dieu des Eaux et des Lacs, qu’ils appellent, dans leur langue, Manitou Niba Nabais, et il avait souvent entendu dire que cette croyance était particulière aux sauvages appellés Saulteurs. Il avait appris de plus d’un autre voyageur, qu’un animal exactement semblable à celui dont il a donné la description, avait été vu par lui, en une autre occasion, comme il passait de l’île Pâté à l’Ance du Tonnerre; et il pense que c’est l’apparition fréquente de cet animal extraordinaire, en cet endroit, qui a donné lieu à la croyance superstitieuse qu’ont les sauvages, que le Dieu des Eaux y a fixé sa résidence.
Remède pour la gravelle. Autrefois, dit un correspondant du Political Examiner, la gravelle m’a fait souffrir beaucoup, et m’a mis deux fois en danger de mort. Je rencontrai un monsieur qui avait été affligé de la même maladie, et qui s’en était délivré, en mettant dans son thé moitié sucre et moitié miel. J’essayai le remède, et je le trouvai efficace. Ayant passé dix ans sans me ressentir aucunement de la maladie, je crus pouvoir discontinuer de mettre du miel dans mon thé; mais au bout de trois mois, j’eus une violente rechûte. Je repris aussitôt l’usage de sucrer mon thé avec du miel. Il y a de cela vingt-sept ans, et pendant tout ce tems, je n’ai pas eu le moindre symptôme de la gravelle. J’ai recommandé ma recette à plusieurs de mes connaissances, qui, comme moi, s’en sont parfaitement bien trouvées.
Moyen de corriger le bégaiement. Le bégaiement, dit un correspondant du Vermont Chronicle, provient presque entièrement de ce qu’on s’efforce de parler lorsque les poumons sont en partie épuisés: et cela explique pourquoi les personnes qui bégaient le plus en parlant, ne bégaient point en chantant. Lorsqu’on chante, on lève la tête: les poumons ont un libre jeu, et se tiennent suffisamment remplis d’air. La difficulté gît dans les poumons, et non dans la langue, qui ne peut rien articuler sans qu’un courant d’air suffisant ne passe par la bouche. L’art peut aider, sans doute, dans les cas difficiles; mais généralement on se corrigera radicalement du défaut de bégayer, en observant exactement les règles suivantes:
1º. Tenez vos poumons pleins par de fréquentes inhalations d’air. La difficulté consiste presque entièrement dans la tentative de parler, lorsque les poumons sont en partie épuisés.
2º. Si la langue adhère trop fortement au palais, mettez dessus une pièce de quinze sols, un schelin, ou un trente sols, selon qu’il sera nécessaire, pour que l’articulation soit plus distincte.
3º. Étant ainsi préparé, lisez une page de poésie consistant en petits vers, ayant soin de respirer à la fin de chaque vers.
En suivant ce plan, vous effectuerez en peu de tems une cure radicale et permanente. Je ne sache pas que cette méthode ait jamais manqué de réussir. Si j’en avais le tems, j’exposerais plus au long le principe sur lequel sont fondées les règles ci-dessus; mais ce que j’ai communiqué est le résultat de mes propres observations, et j’ai appris que d’autres employaient ce moyen de guérison. Je suis persuadé que ceux qui ont le défaut de bégayer mettront promptement fin à l’embarras et à la fatigue qu’il occasionne quelquefois.
Manière de conserver les peaux et diverses parties des animaux, des oiseaux et des insectes. Le procédé consiste à imbiber complètement les objets d’histoire naturelle, ou seulement leurs parties internes, après les avoir nétoyées et épongées, avec une solution formée d’une cuillerée à bouche de sublimé corrosif, dans une pinte de rhum, ou autre liqueur alcoholique à 22 degrés, bien agités ensemble et décantés à l’air, au bout de dix heures.—Il est important de bien éponger toutes les parties susceptibles de laisser écouler quelque liquide, qui pourrait gâter les pièces à conserver. Les plumes des oiseaux, salies par du sang et de la terre, doivent être lavées avec soin, et essuyées fréquemment, pendant qu’elles sèchent, afin d’éviter qu’elles se collent les unes aux autres. Enfin, dans toutes les parties charnues, il faut faire le plus possible d’injections avec la liqueur préparée; et dans les parties creuses, introduire du coton imprégné de la même solution mercurielle.
(Technical Repository, Avril 1824.)
Moyen de détruire les punaises. On fait bouillir de l’eau dans un vase dont le bec en cou de cygne, prend naissance au-dessus de la surface de l’eau, comme certaines de nos bouilloires. Lorsque l’eau est en ébullition, on dirige le jet de vapeur qui s’échappe par le tuyau, sur les insectes, ou leurs œufs, qui sont détruits à l’instant.
(London Journal of Arts, Juillet 1824.)
Recette pour mettre les toîts des maisons, &c. à l’épreuve de l’eau et du feu. Prenez une mesure de sable fin, deux mesures de cendre de bois passée au crible, et trois mesures de chaux éteinte; délayez le tout avec de l’huile; et enduisez votre couverture, avec un pinceau ordinaire, de deux couches de ce mélange, la première mince, la seconde épaisse. J’ai peinturé sur des planches, dit l’auteur de cette recette, avec ce mélange, et il y adhère si fortement, qu’il résiste à un outil de fer. Si on l’applique sur le bardeau, à une certaine épaisseur, il le mettra à l’épreuve du feu. Je ne me suis servi, ajoute-t-il, que d’une partie de mon mélange; il y a eu de l’eau sur le reste, pendant quelque tems, sans qu’il en ait pénétré une goutte dans la substance, qui est devenue aussi dure que la pierre.
Comment on favorise la croissance des fruits. On peut regarder comme certain que, pour que les arbres à fruit croissent avec rapidité, il faut que leurs tiges soient lavées; car plusieurs expériences récentes ont prouvé qu’en réunissant tous les ingrédiens qui concourent à la végétation d’un arbre couvert de mousse et de boue, les racines, la tige, les branches et les feuilles, il ne croîtra pas moitié aussi vite en bois et en fruit, qu’un autre dont la tige sera propre. Il est évident que le premier ne recevra pas de la pluie un aliment convenable; car ses racines boueuses retiendront plus longtemps l’humidité que s’il était net. La mousse et la boue absorberont les parties les plus délicates de la rosée, et produiront l’effet d’un écran, en privant l’arbre de la portion d’air ou de soleil dont il a besoin.
Une brosse forte ordinaire, et de l’eau claire suffisent pour nétoyer les tiges. Il faut observer seulement de ne point endommager l’écorce.
(Manuel d’Economie)
LE CONFESSEUR ET LE PÉNITENT:
Quelle propension domine en vous, mon frère?
Etes-vous irascible, oisif, concupissant?
Ou seriez-vous glouton, détracteur, arrogant?
Dites la vérité....... Je suis maçon, mon père.
LE QUIPROQUO.
Un médecin soignant certain paralytique,
Double remède il lui laissa....
Quel quiproquo tragi-comique!...
Le malade en emplâtre appliqua l’émétique.
Et des mouches la poudre en prise il avala.
L’ENFANT INTÉRESSÉ.
Enfant, j’eus de l’attrait pour les biens de la terre;
Je m’en souviens encore, et ne l’oublîrai pas:
Dans mes rêves souvent, fortune imaginaire!
Je trouvais des trésors...... de marbres quel beau tas!
LES DIFFÉRENTS DONS.
Quand des dons différents en la création
A chacun se fit le partage,
L’homme pour lot eut la raison....
L’homme?... ici va me dire un sage;
Qu’eut donc la femme, s’il vous plaît?...
La femme eut pour lot la caquet.
LE VOYAGEUR RASSURÉ.
Quand le vent irrité souffle avec tant de force,
Sur ce canot léger, frêle tissu d’écorce,
Vous nous risquez.... Non dit Salkon, point de danger;
Comme un poisson je sais nager.
TRADUCTION.
Certiceo Crassus vehitur dùm lentre per amnem,
Et ventis validis exagitantur aquæ:
Exclamans pavidus, mergemur, ô portitor, inquit...
Non metuo, ille ait, ut salmo natare quco.
LA MACHOIRE D’ANE.
Pierrot grignottant son fromage,
Dit que comme Samson il en tue un millier:
D’accord; aussi fait-il usage
Des armes de ce fier guerrier.
T.
TRADUCTION.
Ut Samson jactas te occidere millia, Marce,
Vermibus ut plenus caseus esca tibi est:
Millia, Marce, necas equidem Samsonis et armis
Ipsismet, prædam dùm tua mala terit.
B.
METEMPSYCOSIS.
Ex auro vitulum jactas te, Colla, fuisse:
Rectè; aurum tantùm nunc tibi, Cotta, deest,
EFFECTUS TONITRU.
Cùm tonitru resonat, cellam subit illicò Paulus:
Non fugit à tonitru, sed petit ille cadum.
Momies, &c.—M. Passalacqua est un des premiers qui, avec l’autorisation du pacha d’Egypte, aient entrepris, il y a six ans, de faire des découvertes dans les ruines de Thèbes. Plusieurs mois d’un travail infructueux et de dépenses énormes ne l’ont point rebuté, et sa patience a été à la fin récompensée. Dans plusieurs années de recherches, il est parvenu à découvrir plusieurs sépultures échappées, il y a trois mille ans, à la fureur des barbares. Parmi les nombreuses curiosités qui ornent sa précieuse collection, on distingue principalement tous les objets d’une chambre funéraire, destinée à un hiérophante. Le tout y a été trouvé intact, et les ornemens qui décoraient la momie ne peuvent laisser de doute sur le caractère sacré du défunt. Deux modèles de barques, construites précisément comme Hérodote les a décrites, étaient aux deux côtés du cercueil, et les personnages en bois, qui montent les embarcations, sont occupés à accomplir les sacrifices funéraires que prescrivait le rite égyptien. Rien de plus curieux que ces deux morceaux d’antiquités, les seuls qui aient paru jusqu’à ce jour, et qui, par leur construction, confirment pleinement ce que les anciens historiens racontent de la navigation du Nil, sous les Pharaons.
Sur une autre momie bien plus précieuse, dont il reste un bras qui, malgré l’époque reculée où il a été privé de la vie, conserve encore un reste de grâce et de beauté, M. Passalacqua a trouvé, et offre à l’admiration du public, un superbe collier, composé d’or et de pierres précieuses gravées, représentant une grande partie des divinités adorées par les anciens Egyptiens; le fini du travail est admirable, et digne de nos meilleurs artistes. Une multitude d’autres parures des beautés des siècles les plus reculés, des bijoux précieux en or et en pierres fines, tels que divinités, scarabées, amulettes, bagues, anneaux, boucles d’oreilles, pierres gravées, miroirs, etc., ont été recueillis par M. Passalacqua, et frappent les yeux d’étonnement: mais ce qu’il a de plus extraordinaire dans sa précieuse et rare collection, c’est un rassemblement, inconnu jusqu’à ce jour, d’instrumens chirurgicaux, de préparations médicales et chimiques, de palettes de peintres, d’instrumens aratoires, d’armes, de linge tissu en lin aussi fin que nos plus fines toiles, d’habillemens, de chaussures, enfin de tous les objets nécessaires à la vie, établis et confectionnés dans un rare degré de perfection, et conservés depuis si longtemps, sans une trop sensible altération; monument qui prouve à quel haut degré de civilisation les anciens Egyptiens étaient parvenus.
Anciennes Statues, &c.—Le 21 Juillet a été un jour de joie pour les antiquaires et les savans de Brescia, et d’intérêt pour les autres habitans de cette ville. On voyait, de tems immémorial, sur une colline voisine, une grande colonne de marbre, qui, suivant la tradition, appartenait à un temple d’Hercule, qu’il y avait eu, anciennement dans l’endroit. Depuis deux ans, les magistrats avaient fait faire dans l’endroit de grandes excavations, dont le résultat a prouvé que la tradition était bien fondée. De tems en tems, on découvrait d’anciens monumens d’architecture et des inscriptions qui démontraient qu’il y avait eu dans ce lieu un édifice considérable. Enfin l’on a découvert les fondations d’un temple immense, avec des entrées dans divers passages couverts. On les a examinées, et le jour mentionné ci-dessus, les ouvriers ont trouvé, dans l’un de ces passages, un nombre de niches murées. On les a ouvertes, et l’on a trouvé, dans l’une d’elles, une statue colossale de la Victoire, de bronze, et d’un travail admirable; dans une autre, six grands bustes, dont l’un représente Faustine, épouse de Marc-Aurelle, et un pectoral richement orné; dans une troisième et une quatrième, la statue richement dorée, de quatre pieds et demi de hauteur, d’un roi captif, et un bras colossal. Toutes ces antiques sont de bronze, et d’un travail exquis. Les yeux du Roi et de la Victoire sont d’onyz. Ces statues sont parfaitement conservées, et d’après la situation où elles ont été trouvées, il paraît qu’elles avaient été cachées et murées pour sureté; car les bras et les aîles de la Victoire avaient été ôtés, et placés à ses pieds. On a aussi trouvé dans l’édifice plusieurs inscriptions, dont l’une mentionne la Brixia Romana.
Le Cœur.—Le célèbre chirurgien français, M. Larrey, a présenté, dernièrement, à l’Académie de Médecine de Paris, le cœur d’un homme qui, dans un moment d’aliénation causée par le chagrin, s’est poignardé avec une lime d’horloger. Après avoir pénétré à plusieurs pouces de profondeur, l’instrument se rompit au niveau de la peau. Le malheureux fut porté à un hôpital, où il fut décidé qu’on ne pouvait point tenter d’opération. Il vécut vingt et un jours, sans souffrir de grandes douleurs, et sans éprouver de difficulté à changer de position. A l’ouverture du corps, on fut surpris de voir que la lime n’avait pas percé seulement le péricarde, et une des enveloppes du cœur, mais qu’elle était encore entrée dans l’organe jusqu’à trois pouces de la pointe, et qu’elle avait passé obliquement de la gauche à la droite, et de la partie inférieure à la supérieure, traversant la cavité gauche, la membrane mitoyenne et la cavité droite.
Travail ingénieux.—Mr. James Miller, de la presse lithographique de Glasgow, a écrit l’Oraison dominicale, le Symbole des Apôtres, les Pseaumes 133e. et 134e., les 6e. 7e. et 8e. Commandemens, et les noms des douze Apôtres, à la plume, et sans abbréviation, dans un espace de la grandeur d’une pièce de douze sous.
Traduction projettée du Talmud.—Un journal mensuel, qui se publie à Varsovie, sous le titre de Dziennik Warszowski, donne une nouvelle très-importante; c’est l’annonce d’une traduction française du Talmud de Babylone, que va entreprendre une société de savans israélites et chrétiens de la Pologne. Les traducteurs auront soin de collationner le Talmud de Babylone avec celui de Jérusalem, et avec les autres livres religieux des Juifs de la dispersion. Ils rétabliront tous les passages qu’une censure méticuleuse avait supprimés, et ajouteront à leur travail, des notes et des commentaires. Ce sera la première traduction que l’on ait faite du Talmud, l’un des monumens le plus curieux de l’esprit humain: le Talmud n’avait encore été traduit en aucune langue, pas même en latin.
Phares.—Nous apprenons, disent les rédacteurs de la Gazette de Québec, que la Maison de la Trinité s’est occupée dernièrement du soin d’obtenir des renseignemens sur les moyens d’améliorer la navigation du fleuve, au-dessous de Québec, et qu’elle s’est décidée a ériger un phare, sur les principes d’Argand, de 80 pieds de hauteur, sur la partie la plus méridionale du Cap des Monts-pelés, ou Pointe des Monts, vis-à-vis du Cap Chat. Cette pointe s’étend l’espace d’environ cinq milles, depuis son extrémité occidentale jusqu’au côté occidental de la Baie de la Trinité. La lenterne doit être placée à environ le tiers de la distance de la pointe, à l’est, sur une éminence qui s’apperçoit distinctement à plus de douze lieues. L’exécution de ce projet sera du plus grand avantage pour la navigation de cette partie du fleuve.
Nous sommes encore informés que d’après les renseignemens les plus exacts sur le même objet, la même Maison de la Trinité s’est décidée à ériger un autre phare, non sur l’eau, comme il paraît qu’elle se l’était proposé d’abord, mais sur la terre ferme.—Au moyen de ce phare, les vaisseaux qui remontent et qui gagnent la bouée noire de St. Roch, avant la nuit, pourront en sureté s’engager dans la Traverse; et après qu’ils auront passé la lenterne, elle sera pour eux un guide sûr, aussi haut que l’extrémité occidentale de l’Ile aux Grues. Les avantages seraient les mêmes pour les vaisseaux qui descendent: mais ils ne se borneraient pas à la navigation de nuit; ce phare servirait encore de point de vue ou de reconnaissance pendant le jour, étant un objet fixe qui, avec un autre placé sur la rive méridionale, serait de la plus grande utilité pour faciliter la navigation de la Traverse; avantage qu’on ne peut guère obtenir autrement, attendu que le pillier du sud n’est pas dans une situation assez élevée.
Il y a longtems que le besoin de phares à l’entrée du fleuve St. Laurent est reconnu; et l’amiral Lake, ainsi que d’autres officiers, de la marine royale, ont donné là-dessus leur opinion au Bureau de la Trinité, et ont fortement recommandé d’en ériger aux deux points sus-mentionnés.
Kingston érigé en évéché.—Nous lisons ce qui suit dans un journal de Paris du 27 Août:—“Dès 1805, il avait été envoyé un mémoire à Rome pour solliciter l’érection d’un siége épiscopal dans le Haut-Canada. Cette demande était motivée par l’immense étendue du diocèse de Québec, et par l’augmentation de la population dans le Haut-Canada, qui forme aujourd’hui une province séparée, et qui compte neuf districts, où il se forme tous les jours de nouveaux établissemens par les émigrations d’Europe. Il y est arrivé, entr’autres, un assez grand nombre de catholiques, la plupart Irlandais. M. l’évêque de Québec y envoyait des missionnaires, et, en 1819, le pape, par un bref du 22 Janvier, donna un titre d’évêque à M. Alexandre Macdonell, prêtre écossais et grand-vicaire de M. l’évêque de Québec pour le Haut-Canada. M. Macdonell fut sacré le 31 Décembre 1820, sous le titre d’évêque de Rhésine, et gouvernait les catholiques de ce pays comme suffragant et auxiliaire de l’évêque de Québec.
“Mais l’éloignement des lieux et l’augmentation du nombre des catholiques ont décidé l’érection d’un nouveau siége en titre: une bulle a été donnée à ce sujet par le pape régnant, et M. Macdonell est entré en possession de son siége. Le gouvernement anglais a favorisé cette mesure; il témoigne au prélat beaucoup de bienveillance et d’estime, et lui a assuré un traitement convenable. M. Macdonell est en effet très-propre, par sa piété et ses talens, à consolider cette église naissante. Il résidera à Kingston, et c’est là le titre de son évéché, (Regiopolis.) Il y a déjà quelques autres villes qui paraissent devoir s’accroître rapidement.—On s’occupe de bâtir des églises, et on attend l’arrivée de nouveaux missionnaires pour défricher ce vaste champ.
“L’almanach de Québec pour 1825, ne comptait que sept missionnaires dans le Haut-Canada; ces missionnaires sont MM. Fraser, Jean Macdonell, Haran, O’Meara, A. Macdonell, Marchand et Crevier, qui résident à Kingston, à Perth, à Richmond, à St.-André, à St.-Raphaël, à Sandwich et à Malden.—Dernièrement un coadjuteur a été nommé pour le nouveau siége de Kingston; c’est M. Thomas Weld, riche et pieux ecclésiastique anglais, qui était à Paris il y a quelques années, et dont nous avons eu quelquefois occasion de parler. Il était retourné en Angleterre, après avoir reçu les ordres, et s’y rendait utile dans l’exercice du ministère. Il a été nommé évêque d’Amyclée, et sacré le 6 Août dernier, par M. le vicaire apostolique de Londres.
“Son zèle et sa piété le mettront d’autant plus en état d’être utile au diocèse de Kingston, qu’il y joint les plus heureuses qualités et l’avantage d’une grande fortune. Il est probable que le district du nord-ouest dépendra désormais de Kingston; on avait aussi établi un évêque auxiliaire pour cette partie; c’est M. Joseph Norbert Provencher, sacré évêque de Juliopolis, le 12 Mai 1822. En 1825, il n’avait avec lui que deux missionnaires.”
M. Weld, à ce que nous croyons, est allié à plusieurs familles des plus illustres d’Angleterre, ainsi qu’à celle de Glengary en Ecosse. Veuf depuis 1815, il a une fille unique, qui est mariée à un fils de lord Clifford. Il est probable qu’il n’arrivera pas dans ce pays avant l’été prochain.—Gazette de Québec.
Manufacture, (de Chapeaux de paille.)—Une nommée Bélancer, demeurant dans le fauxbourg St. Roch, fait maintenant des Chapeaux de paille pour les dames, qui approchent beaucoup, (s’ils n’égalent pas,) en bonté et en beauté, ceux qui nous sont importés d’Europe. Elle les vend une piastre et demie, deux piastres et deux piastres et demie. Ceux d’Europe coutent cinq, six et sept piastres, et quelquefois plus. Elle peut encore améliorer sa manufacture. Cela peut paraître, à la première vue, indifférent à savoir, mais nous montre avec quelle facilité les manufactures pourraient s’établir dans le pays, et combien on y pourrait faire de choses, qui occuperaient les personnes, surtout les femmes, pendant l’hiver, et feraient gagner la vie à de pauvres gens.—[Le Canadien, 16 Mai 1807.]
A l’Exhibition d’Agriculture qui a eu lieu à Québec, le 5 du mois dernier, les prix suivants ont été adjugés, pour les meilleurs chapeaux de paille, savoir; à mademoiselle Anathalie Marcotte, du Cap-Santé, 6 piastres; à madame Jean Pepin, de Charlesbourg, 4; et à madame Etienne Audy, du même lieu, 3.
Les gratifications suivantes ont aussi été accordées, savoir; à mademoiselle Françoise Blanchet, de St-Pierre de la Rivière du Sud, pour un superbe chapeau de paille, à la façon de ceux de Livourne, 10 piastres; à madame Joseph Sansfaçon, de St.-Ambroise, pour un chapeau de paille, 2 piastres.
La Gazette de Québec contient à ce sujet le paragraphe suivant:
“L’exhibition de chapeaux de paille faits dans le pays n’a pas été considérable. Le premier chapeau de femme, à l’imitation de ceux de Livourne, a été produit par mademoiselle Blanchet, de St.-Pierre, Rivière du Sud. Il était fait de paille de mil, et était parfait en tout, excepté le lisse et la couleur, qui seront acquis avec un peu d’expérience. Il y avait un ou deux chapeaux de femme faits à la manière ordinaire, d’une qualité peu inférieure à celle des meilleurs chapeaux importés.”
Ecole de Droit.—Nous extrayons ce qui suit d’un écrit inséré dans la Gazette de Québec du 10 Octobre dernier.
Mr. l’Editeur—Si jamais les étudians en loi ont dû se féliciter, c’est assurément dans une occasion où l’un des membres les plus distingués du barreau s’offre à les guider dans le dédale de la procédure. Vous voyez par les résolutions ci-jointes, que M. Plamondon, poussé par le désir de travailler à l’avancement d’une profession dont il est un des plus beaux ornemens, veut bien faire le sacrifice noble et gratuit de ses veilles, à une entreprise aussi louable et aussi avantageuse.
Le Jeudi, 12 Octobre, les étudians en loi étant assemblés, et ayant été informés que L. Plamondon, écuyer, était disposé à leur donner des lectures sur la pratique de la loi, il a été résolu:
Que L. Plamondon, écuyer, ayant manifesté la disposition généreuse de donner des lectures sur la pratique de la loi, mérite en cela les remercimens les plus vifs de la part de cette assemblée.
Que vu l’éminence reconnue de ce savant jurisconsulte, les étudians en droit ont lieu d’attendre les résultats les plus flatteurs, tant pour leur avantage particulier que pour celui de la profession en général.
Que les étudians en loi accepteront avec exultation une offre qui les liera à une reconnaissance éternelle envers le savant avocat, qui aura bien voulu leur applanir les difficultés d’une carrière toujours épineuse dans ses commencemens.
Un cardinal se plaignait au pape Léon X, que Michel-Ange l’avait peint en enfer, dans son tableau du jugement dernier: “Si Michel-Ange,” lui dit le pape, “vous avait mis en purgatoire, je pourrais vous en tirer; mais s’il vous a mis en enfer, mon pouvoir ne s’étend pas là.”
Philippe II, roi d’Espagne, avait envoyé à Elisabeth, reine d’Angleterre, un message ainsi conçu:
Te veto ne pergas bello defendere Belgas;
Quæ Dracus eripuit nunc restituantur oportet;
Quæ pater evertit jubeo te condere cellas;
Relligio Papœ fac restituatur ad unguem.
Elisabeth indignée, répondit sur le champ:
Ad græcas, bone rex, fient mandata kalendas.
Quel gouvernement! D. Francisco de Vélasco ayant présenté un placet au roi d’Espagne, Philippe V, ne reçut de lui aucune réponse: il en présenta un autre au cardinal Portocarrero, et ne fut point écouté: il s’adressa au président du conseil de Castille, et ce ministre lui dit qu’il ne pouvait rien; enfin au duc d’Harcourt, ambassadeur de Louis XIV, qui refusa de se mêler de son affaire. Quel gouvernement! s’écria Vélasco. Un roi qui ne parle pas! un cardinal qui n’écoute pas! un président de Castille qui ne peut pas! et un ambassadeur de France qui ne veut pas!
Un seigneur très emprunteur et très connu pour ne jamais rendre, alla trouver, un jour, le fameux Samuel Bernard, qu’il ne connaissait que de vue. Après les premières civilités, il lui dit: “Je vais vous étonner, je m’appelle le marquis de***, je ne vous connais point, et je viens vous emprunter cinq cents louis.—Je vais vous étonner bien davantage, monsieur, répondit le banquier, je vous connais, et je vais vous les prêter.”
Laconisme. Un capucin tourmantait son général pour en obtenir la permission d’aller à Rome. Excédé de ses sollicitations, le général expédia enfin cette autorisation si désirée, dans une missive qui ne contenait que cette seule lettre i, laquelle en latin veut dire va.
Cette réponse est concise: celle qui suit l’est encore plus.
Un capucin reçut une lettre adressée au père N......, capucin indigne. Les religieux de cet ordre prenaient ce titre; mais ils n’aimaient point, à ce qu’il paraît, qu’on le leur donnât. Quoique fort modeste, le père N...... ne fut pas content de la lettre, et la renvoya, en ajoutant un accent sur l’e du mot indigne; au moyen de quoi, celui qui l’avait écrite fut instruit que le bon père était indigné.
Le père Faure, qui avait été cordelier, avant d’être nommé évêque d’Amiens, en 1653, prêchait la passion dans l’église de St-Germain l’Auxerrois. La reine, qui voulait l’entendre, arriva lorsque le sermon était commencé. En la voyant entrer et prendre place, il lui adressa ce vers de l’Enéïde:
puis l’ayant saluée, il recommença son discours. Cette saillie fut alors fort goutée.
La poule grasse. Louis XIV donna une pension à l’abbé Poule, qui s’était fait la réputation de grand prédicateur. Quand l’abbé eut sa pension, il ne s’occupa plus que de la manger. Le roi, surpris de ne plus entendre parler de l’orateur, demanda de ses nouvelles. “Sire,” lui répondit-on, “quand la poule est grasse, elle ne chante plus.”
Un conteur impitoyable tenait en tête-à-tête un homme qu’il connaissait fort peu. Celui-ci, fatigué d’une conversation dans laquelle il n’avait pu placer un mot du sien, le quitta brusquement. Le narrateur, un peu confus, mais encore plus indigné, se retourne vers un jeune avocat qui se trouvait assis près de lui, et qui avait paru l’écouter. “Je croyais,” lui dit-il; “que M. N..... était un homme d’esprit, mais je me suis bien trompé; il ne sait pas seulement ouvrir la bouche.”—“Pardonnez-moi,” répondit le jeune homme; “je l’ai vu bailler plus de six fois en vous écoutant.”
...................Video meliora proboque, Déteriora sequor.— Un médecin de la faculté de Paris présidait à une thèse contre le tabac. Un des argumentans s’apperçut qu’il en prenait beaucoup lui-même, tandis qu’il appuyait les raisons du soutenant contre cet usage. “Monsieur,” lui dit-il, “voudriez-vous bien mettre votre nez d’accord avec votre bouche.”
Un père écrivait à son fils, écolier à Padoue; et comme il se défiait de son assiduité aux exercices de l’université, il mit sur l’adresse, Filio meo studenti Patavii, aut studendi causâ misso. “A mon fils, étudiant à Padoue, ou du moins envoyé à Padoue pour y étudier.”
Le célèbre Duval, bibliothécaire de l’empereur François, répondait souvent aux questions qu’on lui faisait: “Je n’en sais rien.” Un ignorant lui dit un jour. “L’empereur vous paie pour le savoir.”—L’empereur repliqua Duval, “me paie pour ce que je sais; s’il me payait pour ce que j’ignore, tous les trésors de l’empire ne suffiraient pas.”
Un marchand fort à son aise ayant acquis un beau jardin, fit graver ces mots sur la porte: “Ce jardin sera pour celui qui pourra prouver qu’il est véritablement content.” S’y promenant un jour, il vit entrer un inconnu qui l’ayant salué, lui demanda où était le maître. “C’est moi,” dit le marchand, “que désirez-vous de moi? Prendre possession de ce jardin,” répondit l’inconnu; “car personne n’est plus content et plus heureux que moi.” “Monsieur,” répliqua le propriétaire, “vous êtes dans l’erreur; si vous étiez pleinement satisfait, vous ne désireriez pas encore la possession de mon jardin.”
Un perruquier de Marseille se met en tête de jouer la comédie: il débute; on le siffle impitoyablement. “Messieurs” dit-il, avec le plus grand sang-froid, “hier, je vous accommodais; aujourd’hui, je vous incommode; demain, je vous raccommoderai.” Il tint parole.
Vers le commencement du mois dernier, a paru le Prospectus d’un journal, qui doit avoir le titre ci-dessus. Ce prospectus est écrit d’un style qui fait honneur à son auteur; aussi l’attribue-t-on à un jeune monsieur qui a déjà fait preuve de talens peu communs. Nous en extrayons ce qui suit:
“Un des plus célèbres écrivains du dernier siècle a prétendu que les sciences et les arts n’étaient pas favorables à la cause des mœurs, et que l’éducation était inutile et même dangereuse aux peuples. Si ce paradoxe était vrai, si une société humaine privée du flambeau des sciences pouvait être plus parfaite que celles qui marcheraient à leur lumière, ce ne serait que chez un peuple encore à demi barbare, qu’un sage législateur aurait prémuni contre une vaine curiosité, en lui créant des habitudes simples, en lui inspirant de l’aversion pour le luxe, et du goût pour les paisibles travaux de l’agriculture. Mais lorsque le luxe et la corruption se sont perpétués à travers les siècles; lorsque la plupart des gouvernements, accoutumés à se faire obéir sans contrôle, mettent à profit les vices et les préjugés, pour conserver une prépondérance que le génie des temps veut leur arracher, ce n’est qu’au moyen des sciences et des arts que l’individu peut reconquérir ses droits sur les masses qu’arme encore contre lui la force des habitudes.”
“Les Canadiens imitant l’antique loyauté de leurs pères, et vivant dans une paisible enfance, n’ont eu guères besoin d’éducation, ou plutôt n’en ont pu faire usage, tant que des obstacles physiques isolant toutes les parties de la province, en faisaient autant de petites sociétés étrangères les unes aux autres.—Dès que leurs relations intérieures se sont aggrandies, ils ont acquis des traits plus uniformes, un caractère plus frappant, et leurs facultés générales se sont développées davantage. C’est alors seulement qu’ils ont compris ce que c’était que la chose publique, et senti qu’il appartenait à l’éducation de lier toutes ces parties, et de les intéresser à la cause commune. Aussi a-t-on vu, depuis quelques années, s’élever un grand nombre d’établissemens destinés à l’instruction de la jeunesse; mais comme on ne connait bien la nécessité des connaissances qu’à mesure qu’elles se répandent, il resté à ce sujet beaucoup à désirer. Puisse notre journal contribuer à remplir les vœux de nos compatriotes!”
Mis-spelled words and printer errors have been corrected. Where multiple spellings occur, majority use has been employed.
Inconsistency in hyphenation has been retained.
Inconsistency in accents has been corrected or standardised.
When nested quoting was encountered, nested double quotes were changed to single quotes.
[The end of La Bibliothèque Canadienne, Tome III, Numero 6, Novembre, 1826. edited by Michel Bibaud]