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Title: La bibliothèque canadienne, Tome 1, Numero 3, Aout, 1825.

Date of first publication: 1825

Author: Michel Bibaud (editor)

Date first posted: Mar. 22, 2020

Date last updated: Mar. 22, 2020

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La Bibliothèque Canadienne


Tome I. AOUT, 1825. Numero 3.

HISTOIRE DU CANADA.

Les Normans, les Basques et les Bretons continuèrent à faire la pêche de la morue, &c. sur le grand banc de Terre-Neuve, dans le golfe de St. Laurent, et dans le fleuve qui s’y décharge; tandis que d’autres continuaient à faire la traite des pelleteries avec les sauvages qui étaient établis, ou qui se rendaient, dans certaines saisons, sur les bords de ce fleuve. Mais il s’écoula près de 50 ans avant que l’on songeât de nouveau en France à établir une colonie dans le Canada. Enfin, le Marquis de La Roche, gentilhomme breton, obtint d’abord de Henri III, et ensuite de Henri IV, le titre de vice-roi, avec la même commission et les mêmes pouvoirs et privileges qu’avait eus M. de Roberval. Ses lettres-patentes, qui sont datées du 12 Janvier 1598, portent que, conformément à la volonté du feu roi Henri III, sa majesté l’a créé son lieutenant-général au pays de Canada, Hochelaga, Terre-Neuve, Labrador, Rivière de la grande Baie, Norimbègue, et terres adjacentes, aux conditions suivantes: qu’il aura particulièrement en vue d’établir la foi catholique; que son autorité s’étendra sur tous les gens de guerre, soit de mer, soit de terre; qu’il choisira les capitaines, maîtres de navires et pilotes; qu’il pourra les commander en tout ce qu’il jugera à propos, sans que sous aucun prétexte, ils puissent refuser de lui obéir; qu’il pourra disposer des navires et équipages qu’il trouvera dans les ports de France en état de mettre en mer, lever autant de troupes qu’il voudra, faire la guerre, bâtir des forts et des villes, leur donner des lois, en punir les violateurs, ou leur faire grâce; concéder aux gentilshommes des terres en fiefs, seigneuries, chatellenies, comtés, vicomtés, baronies, et autres dignités relevantes du roi, selon qu’il le croira convenable au bien du service, et aux autres de moindre condition, à telles charges et redevances annuelles qu’il lui plaira leur imposer, mais dont ils seront exempts les six premières années, et plus, s’il l’estime nécessaire; qu’au retour de son expédition, il pourra répartir entre ceux qui auront fait le voyage, un tiers de tous les gains et profits mobiliaires, en retenir un autre pour lui, et employer le troisième aux frais de la guerre, fortifications et autres dépenses communes; que tous les gentilshommes, marchands et autres, qui voudront l’accompagner à leurs frais, pourront le faire en toute liberté, mais qu’il ne leur sera pas permis de faire le commerce sans sa permission, et cela sous peine de confiscation de leurs vaisseaux, marchandises et autres effets; qu’en cas de maladie ou de mort, il pourra, par testament ou autrement, nommer un ou deux lieutenans pour tenir sa place; qu’il aura la liberté de faire dans tout le royaume la levée des ouvriers et autres gens nécessaires pour le succès de son entreprise; en un mot, qu’il jouira des mêmes pouvoirs, privileges, puissance et autorité dont le sieur de Roberval avait été gratifié par le roi François I.

Le marquis de la Roche, revêtu d’une commission qui le mettait en état de tout entreprendre, voulut aller lui-même reconnaître le pays dont il devait être, en quelque sorte, le souverain: il arma un vaisseau sur lequel il s’embarqua, la même année, avec un habile pilote nommé Chedotel. La première terre qu’il aborda fut l’Ile de Sable, éloignée d’environ 25 lieues de la pointe sud-est de l’Ile Royale, et où l’on assurait que le baron de Lery avait voulu établir une colonie dès l’année 1500. Il avait bien mal choisi, remarque Charlevoix; l’île de Sable produit à peine quelques herbes et quelques brossailles, et n’a point de port. Elle n’a que dix lieues de circuit, et l’on trouve dans son milieu un lac qui en a environ cinq: ses deux extrémités sont des bancs de sable, et il y a dans l’intérieur des montagnes de sable assez élevées pour être apperçues de six ou sept lieues en mer. M. de la Roche y débarqua 40 malheureux qu’il avait tirés des prisons de France, et qui s’y trouvèrent bientôt plus mal à leur aise que dans leurs cachots mêmes. Il alla ensuite reconnaître les côtes du continent le plus proche, qui sont celles de l’Acadie, et après y avoir pris toutes les connaissances dont il croyait avoir besoin, il appareilla pour retourner en France. Son dessein était de repasser par l’Ile de Sable, pour y reprendre les gens qu’il y avait laissés, mais les vents contraires ne lui permirent pas d’y aborder. Ces malheureux rencontrèrent sur les bords de la mer quelques débris de vaisseaux dont ils fabriquèrent des cabanes pour se mettre à l’abri des injures du tems. C’étaient des débris de navires espagnols partis pour faire un établissement à l’Ile Royale, ou du Cap-Breton. Il était sorti de ces vaisseaux des moutons et des vaches qui y avaient multiplié, et ce fut pendant quelque tems une resource pour les malheureux exilés. Le poisson fut ensuite leur unique nourriture; et quand leurs habits furent usés, ils s’en firent de peaux de loups-marins. Enfin, au bout de sept ans, le roi ayant oui parler de leur aventure, obligea le pilote Chedotel à les aller chercher; mais il n’en trouva plus que douze, les autres étant morts de misère. Sa majesté voulut voir ceux qui étaient revenus dans le même équipage où Chedotel les avait trouvés, couverts de peaux de loups-marins, défigurés, et les cheveux et la barbe d’une longueur et dans un désordre à faire horreur. Ce prince leur fit donner à chacun cent écus, et les renvoya chez eux, déchargés de toutes poursuites de justice.

M. de la Roche, de retour en France, y éprouva de grands contretems, et mourut de chagrin, dit-on, après avoir fait pour l’établissement de sa colonie, que pourtant il ne commença pas même, de grandes et inutiles dépenses. Ce qu’il y a de certain, c’est que s’il avait demandé lui-même tous les pouvoirs et privileges qui lui furent accordés, on pouvait s’écrier à bon droit, en voyant combien il avait peu su se prévaloir de tant d’avantages,

Quid dignum tanto tulit hic promissor hiatu?

Parturiunt montes, nascitur ridiculus mus.

A-t-il tenu, ce chantre à large bouche,

Ce qu’il promit avec tant d’apparat?

Oh! non vraiment: la montagne est en couche;

Grande rumeur. Eh! que nait-il? un rat.

Le mauvais succès de l’entreprise du marquis de la Roche, n’empêcha point pourtant qu’après sa mort on ne sollicitât vivement la commission qu’il avait eue du roi. Le sieur de Pontgravé, habile navigateur, et un des principaux négocians de St. Malo, avait déjà fait plusieurs voyages à Tadoussac, et avait compris que la traite des pelleteries, si elle était dans une seule main, pourrait être le fond d’un grand commerce, et procurer des profits très-considérables. Il proposa à M. Chauvin, capitaine de vaisseaux, d’en demander au roi le privilege exclusif avec toutes les prérogatives attachées à la commission de M. de la Roche. M. Chauvin gouta cet avis, fit agir les amis qu’il avait à la cour, et obtint ce qu’il demandait. Il équippa aussitôt quelques petits bâtimens, et les conduisit lui-même à Tadoussac, accompagné de M. de Pontgravé. Ce dernier voulait remonter jusqu’aux Trois-Rivières, parceque ce lieu, qu’il avait déja visité et examiné avec soin, lui paraissait plus propre qu’aucun autre à un établissement. Mais le dessein de M. Chauvin n’était pas d’en faire aucun, encore moins de remplir l’article de sa commission qui regardait la religion catholique, qui n’était pas la sienne. Il ne voulait que troquer des marchandises contre des pelleteries, dont en effet il eut bientôt rempli ses vaisseaux. Il laissa néanmoins à Tadoussac quelques uns de ses gens pour faire la traite durant l’hiver. L’année suivante, il arriva de bonne heure à son poste de commerce, et ce second voyage ne lui produisit pas moins que le premier. Il se préparait à un troisième, lorsque la mort mit fin à ses projets.

Le commandeur de Chatte, gouverneur de Dieppe, succéda à M. Chauvin. Il forma une compagnie où entrèrent plusieurs marchands de Rouen, et quelques personnes de condition, et fit un armement dont il confia la conduite à Pontgravé, à qui le roi avait donné des lettres-patentes pour continuer les découvertes en Canada, et pour y faire des établissemens. Dans le même tems, Samuel de Champlain, gentilhomme saintongeois, capitaine de vaisseaux, et en réputation d’être un officier brave, habile et expérimenté, arriva des Iles Antilles, où il avait passé deux ans et demi. Le commandeur de Chatte lui proposa de faire le voyage du Canada, et il y consentit, avec l’agrément du roi.

Champlain partit avec Pontgravé en 1603. Ils s’arrêtèrent peu à Tadoussac, où ils laissèrent leurs vaisseaux, et s’étant mis dans un bateau léger, avec cinq matelots, ils remontèrent le fleuve jusqu’au Saut St. Louis, c’est à dire jusqu’où Jacques Cartier avait été. Mais il parait que la bourgade d’Hochelaga n’existait plus alors, ou était réduite à très peu de choses, puisqu’il n’en est pas dit un mot dans les mémoires de M. de Champlain, qui, suivant Charlevoix, sont extrêmement détaillés.

Ce voyage de MM. Champlain et Pontgravé, utile à leur entreprise, fut nul pour la colonie. A leur retour en France, ils trouvèrent le commandeur de Chatte mort, et sa commission donnée à Pierre Dugast, sieur de Monts, saintongeois, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, et gouverneur de Pons, lequel avait encore obtenu le commerce exclusif des pelleteries, depuis le 40e jusqu’au 54e degré de latitude septentrionale, le droit de concéder des terres jusqu’au 46e, et des lettres-patentes de vice-amiral et de lieutenant-général dans toute cette étendue de pays.

M. de Monts était calviniste, et le roi lui avait permis l’exercice de sa religion pour lui et les siens dans la colonie future, ainsi qu’il se pratiquait alors dans le royaume; mais il s’était engagé à établir la religion catholique parmi les sauvages. C’était un fort honnête homme, dont les vues étaient droites, et qui avait du zèle pour le bien de l’état, et toute la capacité nécessaire pour réussir dans l’entreprise dont il s’était chargé; mais il fut constamment desservi, et conséquemment malheureux. Il avait conservé la compagnie formée par son prédécesseur, et il l’augmenta de plusieurs négocians des principaux ports de France, surtout de celui de La Rochelle. Il se trouva par là en état de faire un armement plus considérable que n’en avait fait aucun de ceux à qui il succédait. Cet armement se composait de quatre vaisseaux, l’un desquels fut destiné à faire la traite des pelleteries à Tadoussac. Pontgravé eut ordre de conduire le second à Camceaux, et de courir delà tout le canal que forment l’Ile Royale et l’Ile St. Jean, pour écarter ceux qui voudraient commercer avec les sauvages, au préjudice des droits de M. de Monts. Ce dernier conduisit les deux autres navires. Il était accompagné de M. de Champlain, d’un autre gentilhomme nommé Jean de Biencourt, sieur de Poutrincourt, et de plusieurs autres volontaires.

Il était parti du Havre de Grâce, le 7 Mars 1604, et le 6 Mai, il entra dans un port de l’Acadie, où il rencontra un navire qui y faisait la traite avec les sauvages, malgré les défenses. Il le confisqua, en vertu de son privilege exclusif, et le port fut nommé Port Rossignol, du nom du capitaine à qui appartenait le navire, comme si, selon la remarque de l’historien, l’on eut voulu, en immortalisant son nom, dédommager cet homme de la perte qu’on lui faisait souffrir. Au sortir de ce port, M. de Monts entra dans un autre qui fut nommé le Port au Mouton, parcequ’un mouton s’y noya. Il y débarqua tout son monde, et y séjourna plus d’un mois, tandis que M. de Champlain explorait toute la côte dans une chaloupe, pour chercher un endroit propre à l’établissement qu’on voulait former.

On appellait autrefois, et l’on appelle encore quelquefois généralement Acadie, les deux provinces connues présentement sous les noms de Nouvelle-Ecosse et de Nouveau-Brunswick. Quelquefois on a restreint le nom d’Acadie à la première de ces deux provinces. Il n’y a peut-être pas de pays au monde où les ports soient plus beaux et en plus grand nombre, principalement autour de la presqu’île appellée Nouvelle-Ecosse. Le climat y est sain et le sol fécond. La pêche y était abondante sur les côtes encore plus que présentement, et le gibier était à foison dans les forêts. M. de Monts ne pouvait manquer de réussir à fonder solidement une colonie, s’il choisissait bien son poste, et il ne lui était pas nécessaire d’aller bien loin. Il était près de deux des meilleurs ports de l’Acadie, Camceaux et La Haive, et des mieux situés pour le commerce; mais il ne daigna pas même s’y arrêter. Il n’entra ni dans la Baie Française, ni dans le Port-Royal, ni dans la rivière St. Jean, autres postes avantageux; mais il suivit Champlain, dans une petite île où il résolut de s’établir. Il lui donna le nom de Ste. Croix. Cette île qui n’a guère qu’une demi-lieue de circuit, fut défrichée en peu de tems: on s’y logea passablement bien, et l’on y sema du bled qui rapporta extraordinairement.

(A continuer.)

ESQUISSES GÉOLOGIQUES ET MINÉRALOGIQUES.

Nous analysons ou extrayons ce qui suit d’un morceau qui a paru dans le second numéro du Canadian Review, sous ce titre: De l’utilité et de l’objet de la Géologie, et de la meilleure méthode à suivre pour en acquérir la connaissance, avec des esquisses géologiques du Canada.

La géologie, dit l’auteur de ce morceau, n’est pas simplement une récréation pour ceux qui aiment à s’instruire; c’est une science qui exerce une influence prodigieuse et immédiate sur la civilisation et la prospérité d’un peuple. Elle donne, par exemple, aux opérations des mines les mêmes règles sûres que la chymie a fournies aux arts économiques. La géologie bannit l’aveugle empirisme. Elle a recueilli, arrangé et examiné un assemblage de faits, ou plutôt de lois, qu’elle a appliquées ensuite aux besoins de la vie. Elle fait voir que certaines substances précieuses, telles que la mine de fer magnétique, l’anthracite, le charbon, le sel, le gypse, &c. ne se trouvent en quantité que dans des dépots particuliers; de sorte que ce serait en pure perte qu’on les chercherait ailleurs. Souvent aussi elle fait trouver près de soi ce qu’autrement on en croirait fort éloigné. Il n’y a pas longtems, lorsque les Américains bâtissaient à Saguina, sur le lac Huron, ils avaient coutume de faire venir leur pierre à chaux du Détroit, c’est à dire de 130 milles, tandis qu’elle se trouve en abondance dans la baie voisine. Les officiers de la Compagnie de la Baie d’Hudson, stationnés au Fort-William, sur le lac Supérieur, faisaient aussi venir la pierre à chaux du lac Huron, bien qu’ils eussent pu l’avoir à 17 milles de distance, au bord de l’eau, près de la base du Mont-tonnerre.

La géologie est le fondement de la géographie physique. De la nature des rochers d’une région dépendent les grands traits de ses montagnes, de ses vallées et de ses plaines, dont la direction, les dimensions et les formes, proviennent de la position des couches, et de la forme extérieure que s’approprie chaque masse minérale. On peut dire la même chose des rivières, qui sont aussi affectées par la puissance d’absorption que possèdent leurs lits. La pierre calcaire étant souvent caverneuse, engloutit quelquefois, en partie ou en totalité, les courans qui passent audessus. C’est ainsi qu’une partie de l’eau de la rivière des Outawas, aussitôt après avoir descendu le saut tout-à-fait pittoresque de la Chaudière, entre dans un vide souterrain, et reparaît en deux endroits, l’un au milieu de la rivière, à trois quarts de mille audessous, et l’autre à environ deux milles plus bas. Le Canada fournit plusieurs exemples des traits caractéristiques ci-dessus. Le Cap Tourmente, à 30 milles audessous de Québec, dont l’intérieur présente des flancs énormes entrecoupés ça et là de ravines d’une rudesse et d’une grandeur singulières, représente comme on ne peut mieux, la masse informe et grossièrement arrondie d’une montagne de granit. Le Mont-tonnerre, sur le lac Supérieur, offre un précipice basaltique de 1400 pieds de hauteur, d’une magnificence peu commune, et orné comme à l’ordinaire de colonades brutes. C’est à ces lois qui reviennent constamment que sont dûs les rochers de pierres sablonneuses pleines de gerçures et de dégrats qui se voient sur les bords du St. Laurent, à quelques milles audessus de Brockville, et ceux de pierres calcaires à la Chûte de Niagara, comme taillées en marches d’escaliers, où paraissent pendre des tables larges et pointues, et dont la base est jonchée de ruines granitiques. Le joli village des “Quarante,” sur le lac Ontario est tout près d’un rocher de cette espèce, et les îles Manitoulines, du lac Huron, en sont remplies.

La géologie d’un pays a aussi une influence essentielle sur sa botanique. Outre l’effet de la géologie sur le climat, le sol fourni par la décomposition de certains rochers est favorable à la crûe d’un ordre particulier de plantes, est très peu propre à un autre, ou même est absolument stérile et incapable de fournir aucun aliment à la végétation. L’extrême stérilité des contrées situées immédiatement au nord des lacs Huron et Supérieur est dûe à leurs rochers de granit ou siliceux. Mais le pays au sud du dernier de ces lacs est et sera à jamais un désert improductif, à cause de l’immense quantité de sable et de gravier qui y a été déposé par le même grand déluge qui a porté l’abondance sur les rives septentrionales des lacs Erié et Ontario, dans la belle terre argilleuse et calcaire qui y domine.

Les mêmes espèces de rocs et de pierres se trouvent dans toutes les parties de la terre déja visitées et explorées, mais non pas toujours dans une identité parfaite; on y trouve quelquefois des marques distinctives, quoique souvent elles soient à peine perceptibles. Cependant quelques unes des variétés des porphyres du lac Supérieur ressemblent beaucoup à ceux d’Arran en Ecosse. Le granit du Serpent dans le lac Huron est le même que celui de quelques parties des Alpes. Le gneis, la siénite et la pierre verte semblable au basalte du lac ci-dessus sont les mêmes qu’en Suède et en Norwège. La siénite de Kingston est la même que celle de Markfield en Angleterre. La pierre calcaire du lac Erié remplie de divers madrépores, pourrait à peine se distinguer de celle des bords de la Mer Rouge; et pour ne pas multiplier les exemples, la pierre noire augitique de la montagne de Montréal se rencontre dans la contrée Sabine, près de Rome, en Italie.

Parmi la confusion apparente qui frappe l’observateur superficiel, on trouve qu’il existe un ordre admirable dans la disposition des rochers. Cette partie du sujet est particulièrement embarrassante, mais elle offre un grand nombre de faits très intéressants. Ces embarras viennent principalement de ce qu’il n’y a qu’une petite partie des couches exposées à la vue, et des déplacemens, contorsions et abrasions, causés par des catastrophes qui ont eu leur origine dans l’intérieur de la terre, et par l’action continuelle des eaux courantes. Ces effets multipliés donnent des idées erronées de la situation, de la direction et des dimensions des couches de roc. Les associations géologiques de ces rochers sont à peu près les mêmes par tout le monde. On les trouve ordinairement dans les mêmes groupes, et ils sont caractérisés par les mêmes ingrédiens. Le porphyre, tant du lac Supérieur que d’Angleterre, se trouve en contact avec la pierre sablonneuse rougeâtre et l’amygdaloïde, celle-ci remplie de cornaline, de zéolite, d’améthyste, &c. ou y est renfermé. La pierre calcaire des montagnes du Canada et de l’Angleterre est dans les deux pays contigüe à des rochers plus anciens; mais celle du Canada diffère en ce qu’elle est placée en couches horizontales, et contient en outre de très belles reliques organiques.

Le contenu des diverses dénominations de rochers est partout à peu près le même. Ce fait jette souvent du jour sur la nature du rocher contenant, lorsqu’il arrive qu’elle est obscure. Les plus anciennes pierres calcaires sont le siège principal du beau minéral appellé trémolite; l’ardoise micacée, celui de la cyanite. Dans la Sybérie, le Connecticut et au lac des Bois, (au nord du lac Supérieur,) le béryl se rencontre dans le granit; la staurotide, dans l’ardoise à mica des deux derniers endroits. On ne trouve des diamans dans un aggrégat quartzeux, qu’au Brésil et aux Indes orientales. Il est un peu singulier qu’on n’ait trouvé qu’une seule substance nouvelle, l’oxide rouge de zinc, dans les États-Unis et le Canada, tandis qu’elles sont en grand nombre dans les régions méridionales de l’Amérique.

Richardson a tracé des esquisses géologiques de l’Amérique du Nord et du Sud. Mais ce n’est pas dans les livres qu’on apprend la géologie. Les traités sur la minéralogie ne peuvent être utiles qu’à ceux qui ont déja fait des progrès dans la science. Un minéral tenu dans la main offre aux sens un assemblage nombreux de caractères distinctifs que les livres ne peuvent indiquer. Il est probable qu’il existe dans chacune des principales villes du Haut et du Bas-Canada, un cabinet minéralogique assez étendu. Si un tel cabinet n’existait pas, ou si on ne pouvait y avoir un libre accès, on pourrait se procurer une petite collection géologique de Mr. Bakewell, de Londres, pour la somme de £3 3s. et une collection minéralogique de Mr. Mawe, aussi de Londres, pour la somme de cinq à cinquante guinées.

La géologie peut s’étudier, ou comme amusement, ou comme occupation plus sérieuse. Pour parvenir au premier de ces deux objets, il n’est pas besoin de beaucoup de travail; et vraiment heureux est celui qui peut de tems à autre se soustraire aux collisions du commerce, et à l’agitation des passions, pour parcourir les scènes romanesques qui entourrent nos villes canadiennes, et reconnaître à chaque coin de la forêt, dans l’association curieuse des couches, leurs brillants crystaux et leurs reliques organiques, la bonté et la sagesse du Grand Architecte, et sa puissance dans les convulsions et la dévastation subséquente causées de tems à autre par les élémens. Pour être en état de profiter de ces excursions, il faut connaître une centaine de masses rocheuses et de minéraux, tels que le granit, le shiste, le basalte, le quartz, la serpentine, le calcspar, &c. Le Canadien a l’avantage de pouvoir explorer un sol intact, qui n’a pas été foulé par le pied de l’homme, un territoire vierge, aussi grand que l’Europe. Les seules choses nécessaires dans le champ sont un marteau d’environ 2½ livres, ayant un manche de 14 pouces de long, s’il s’agit d’entammer un rocher de granit; mais d’une livre et demie seulement, s’il est question de roches calcaires ou sablonneuses; d’une boussole; et d’une petite fiole d’acide sulphurique bien délayé, pour éprouver la présence de la chaux. Les autres instrumens, tels que le soufflet, les balances, le goniomètre, &c. s’emploient à la maison. Il serait bon d’avoir aussi dans sa poche, un livre élémentaire, concis et méthodique. L’auteur recommande le petit volume d’Aikin, sur les minéraux.

Le nombre des minéraux contenus dans les rochers, ou les composant, se monte à dix-sept cents. Ces minéraux ne se rencontrent pas dans les bois, intacts, frais et brillants comme des fleurs; mais dégradés par le tems, couverts de terre et de mousse, roulés; et souvent dans une masse rocheuse il n’y a qu’un petit fragment de visible. Il faut savoir les reconnaître sous leurs différents déguisemens; mais on ne peut acquérir une connaissance complette de la minéralogie qu’en Europe ou dans les principales villes des États-Unis, telles que New-Haven, Boston, New-York, et Philadelphie, où l’on a accès à des cabinets complets et très bien arrangés.

La minéralogie du Canada a été jusqu’à présent presque entièrement négligée; mais les recherches imparfaites qui ont été faites prouvent que ce pays est riche en minéraux des espèces les plus rares, et ne manque pas de ceux qui sont applicables à des fins économiques. La pétalite, une des substances les plus rares qu’il y ait dans la nature, et d’autant plus remarquable qu’elle contient le quatrième alkali, la lithie, découvert dernièrement, a été envoyé d’York en 1820, par le Dr. Lyon, chirurgien des forces. Au béryl, (du lac des Bois,) au feldspath de Labrador, (du lac Huron,) à l’axinite, (de Hawkesbury, sur la rivière des Outawas,) l’aventurine, (du lac Huron,) l’amétyste, (des lacs Supérieur et Huron,) l’apatite, phosphate de chaux, (du Fort-William,) on peut ajouter l’arragonite, (de la Chine,) la strontiane, en formes magnifiques, (des lacs Erié et Ontario, &c.) le schorl, (sur les bords du St. Laurent,) le grenat précieux et de manganèse, (sur les bords de la rivière Moira et du lac Ontario,) la cornaline, l’agathe, la zéolite, la préhnite, la baryte et le fluor spar, (au lac Supérieur,) la coccolite brune et verte, (à Montréal et Hull, sur la rivière des Outawas,) l’olivine, l’augite, (à Montréal,) la staurotide, (au lac La Pluie,) et une authophyllite très-rare, (au Fort Wellington.) Les marbres et la serpentine se rencontrent très-fréquemment. La plombagine, la mine d’antimoine, de plomb, de fer et de cuivre sont très-communes. La rive septentrionale du lac Erié offre d’immenses lits de gypse, dont on fait un grand usage en agriculture.

La géologie du Canada devient d’autant plus intéressante que ce pays renferme la chaine des mers d’eau douce du St. Laurent, monumens, entre mille autres, du dernier déluge, qui répandent de la lumière sur l’histoire des pays dont la civilisation plus hâtive a détruit ces vestiges remarquables. Le lac Supérieur lui-même, ainsi que les autres lacs inférieurs, a été beaucoup plus étendu qu’il ne l’est présentement, comme l’indiquent d’anciennes rives qui s’élèvent les unes audessus des autres, successivement sur des plateaux élevés, qui, à plus ou moins de distance, entourrent la masse de l’eau. Ces rives sont formées de sable, d’argile et de matériaux roulés; et au lac Huron, elles contiennent des bancs, de ces coquillages d’eau douce qui habitent présentement ses baies marécageuses. La vallée de St. Etienne de six milles de longueur, à la Malbaie, fournit, sur une plus petite échelle, un exemple remarquable de ces apparences. Elle a été le lit d’un lac étroit, d’abord de 4 à 500 pieds de profondeur, mais dont le niveau a baissé autant de fois que ses barrières ont été détruites.

Nous ne nous arrêterons pas pour décrire des scènes que nous avons continuellement sous les yeux. Nous observerons seulement que le beau groupe d’éminences arrondies et boisées qui se trouve derrière la ville de Montréal, où l’on voit des pentes escarpées et ça et là des rochers brisés, se compose principalement d’hornblende crystalline, massive, informe, et sans autres marques de stratification que quelques fissures perpendiculaires. Ce rocher est d’une des espèces volcaniques, (trap family,) que l’on suppose, et probablement avec raison, être une lave d’une date ancienne, supposition corroborée par les présentes apparences. Il couvre sous la terre, la plus grande partie, sinon la totalité de cet espace triangulaire compris entre Montréal, St. Jean et Chambly, recouvert ça et là d’un aggrégat, et d’une couche des plus anciennes pierres calcaires. Il parait audessus du sol, dans la commune de Laprairie, à Longueil et en plusieurs endroits, le long de la rivière Richelieu. Les fragmens en sont fréquents par tout le district ci-dessus, et s’étendent d’un côté jusqu’au comté de Genessée, à vingt milles au sud du lac Champlain, et de l’autre, jusqu’à Prescot sur le St. Laurent. La pierre calcaire des plaines revêt le roc volcanique (trap-rock) de la montagne de Montréal, à la distance variable de 100 ou 200 pieds du sommet. Elle est en couches horisontales, et dans un ordre aussi parfait que si elle fût demeurée tranquille depuis l’instant de sa déposition. Mais c’est un fait assez singulier que de la montagne, comme d’un centre, on voit courir dans la pierre à chaux en tous sens, et en assez droites lignes, des murs, des digues et des veines de cette espèce de roc volcanique jusqu’à une demi-lieue à l’est, et de l’autre côté jusqu’à Lachine. Souvent ils se divisent, puis après se réunissent, renfermant la pierre calcaire. Quelquefois, comme s’ils avaient rencontré des obstacles dans leur progrès, ils se sont assemblés en larges nœuds, d’où partent de nouveau un nombre de ramifications tortueuses. Ils ont d’un à trois pieds de largeur, et ne s’appointissent pas subitement: cependant ils s’aggrandissent ou s’appetissent ça et là pendant de courts espaces. On en a compté quatorze en dedans du chemin destiné à la course des chevaux. Quelquefois la masse fluide s’échappant des digues perpendiculaires, s’est insinuée dans leurs feuilles, entre les couches de pierre à chaux, qui, chose assez remarquable, conserve une horisontalité à peu près parfaite; ce qu’on ne peut expliquer qu’en supposant qu’au tems de l’éruption, la pierre à chaux ne s’était pas encore consolidée, et n’avait pas reçu conséquemment la structure lamellaire. Ces digues sont de roc volcanique compact, ou à grains fins, d’une couleur brune foncée ou noire, et contenant plus ou moins de crystaux d’hornblende et d’augite, les uns et les autres bien caractérisés. La pierre à chaux adhère fermement aux digues et leur communique près de la ligne de jonction une petite partie de sa matière calcaire. Elle est remplie de coquillages pétrifiés, dans la partie qui touche la digue; et on a trouvé un peloton de terebratulæ dans une digue même.

Le roc de la montagne varie considérablement dans ses qualités minéralogiques. Il est crystallin à un haut degré, et se compose presque entièrement d’hornblende; mais l’augite s’y présente aussi en grande quantité, et se fait remarquer par les terminaisons dihédrales de ses crystaux. En quelques endroits, il prend la consistence de l’ardoise, et il est alors considérablement entremêlé de quartz blanc granuleux. Une grande partie ressemble aux digues de la plaine. Des minéraux qui indiquent une origine volcanique y sont contenus en abondance. Ce sont l’olivine, l’augite, la zéolite, la chabasite, l’hornblende basaltique, et des tables rhombiques de feldspath. La pierre calcaire de la montagne est d’un bleu foncé tirant sur le noir, d’un lustre pâle, compacte, et de fracture conchoïdale. Celle qui se trouve au bas du côté du nord (les anciennes carrières) est semblable; mais une grande quantité de restes organiques la rendent crystalline et lui donne une couleur grise claire. Elle y est couverte de quatre ou cinq pieds de coquilles calcaires. Toutes ces pierres à chaux, ainsi que celles qui se trouvent à Lachine sont de la même antiquité, étant en juxta-position, et contenant les mêmes substances fossiles et minérales. Les fossiles sont très-intéressants. On a trouvé un superbe échantillon de l’encrinis moniliformis dans les carrières, près de la course. Elle est de la même grandeur que celle qu’on a représentée, à cause de sa beauté, au frontispice du grand ouvrage d’Atkinson. On y en rencontre deux autres espèces, la poire et la corne de cerf. On y trouve le remarquable coquillage à plusieurs cellules, nommé orthocera, aussi grand que ceux du lac Huron. On trouve aussi en grande quantité des trilobites des formes les plus rares, et les conulariæ quadrisulcatæ, plus rares encore. Les trochi, les colonnes énirimtales, les turbos, les turbinoliæ, les corallines, les térébratulas, les productæ, les madrépores, les rétépores, &c. y sont innombrables.

Les principales substances minérales sont la blende, une mine d’antimoine, les pyrites de fer et de cuivre, le fluor spar de couleur pourpre, et quelques beaux crystaux de carbonate de chaux. Même dans une aussi mince ébauche que la présente, on ne doit pas oublier de dire qu’à une époque éloignée, la montagne de Montréal a été une île au milieu d’un vaste amas d’eau douce dont on ne peut présentement assigner les limites. C’est ce qui est indiqué par les grands bancs qui entourrent sa base, et qui sont beaucoup mieux préservés du côté du sud et de l’ouest. Ils sont composés d’argile fin, de sable siliceux et calcaire, de petits cailloux primitifs, ou galet, et de masses arrondies de la pierre calcaire noire du district, qui, chose assez remarquable, s’écaille en lits ou couches concentriques, comme les tuniques d’un oignon. Ces divisions naturelles ne sont point apparentes dans le roc sain. Parmi ces matériaux d’une rive abandonnée, on a trouvé des coquillages d’eau douce du genre saxicave. Le canal aussi, dans le basfond audessous, (souvent couvert de pierres roulées à une grande profondeur,) a pénétré dans une marne blanche et friable, remplie de coquillages d’eau douce semblables à ceux des lacs du Canada, de la présente date. Ce sont des anondata, des uniones, des physæ heterastrophæ, planorbes, helices, cyclades, malaniæ, virginica, &c. On y a trouvé des cornes et des os d’animaux sauvages. On trouve des dépots semblables du côté du nord de la montagne.

Les courans d’eau qui entrent dans le St. Laurent du côté du nord, près de Québec, sont très instructifs, et offrent une riche moisson à celui qui veut recueillir des dépouilles organiques. Nous voulons parler des rivières Montmorency, Beauport, St. Charles et Jacques Cartier. Le Montmorency, par exemple, tombe dans le St. Laurent sur un lit de gneis rouge sablonneux, (espèce de granit tenant de l’ardoise, abondante dans les environs de Québec.) Sur ce rocher repose, mêlé à sa substance, un aggrégat de très petits grains blancs de quartz cimenté par une matière calcaire, poudreuse, et en parties blanche, rouge, ou verte; et à son tour, cet aggrégat à grains fins soutient une pierre calcaire grise, souvent cristalline et fétide, couronnée de restes organiques, surtout de corallines, de rétépores et d’encrinites. Audessus de cette dernière s’élève en couches horisontales, une pierre à chaux noire, compacte de six à dix-huit pieds d’épaisseur, dont une partie est occasionnellement grise et crystalline. Les plus remarquables dépouilles organiques qu’on y trouve sont de belles empreintes de conulariæ, les meilleures du Canada. Il n’en a pas encore été trouvé dans les États-Unis, mais plusieurs à Montréal, à la baie de Quinté, et au lac Simcoe. On y trouve aussi une espèce particulière de trilobite dont Brongniard n’a vu que deux fragmens venus de la principauté de Galles. On en trouve à Lorette, à Beauport, à Montréal, au lac Champlain, et à la baie de Quinté; mais c’est à Montmorency qu’elles sont les plus belles. On y voit tous les coquillages qui se trouvent à Montréal, et en outre des ammonites et des scaphites en abondance.

On remarquera avec surprise que sur les côtés de l’ouverture semi-ovale, en front de la chûte de Montmorency, la pierre calcaire s’éloigne graduellement de la position horisontale, et se plonge finalement dans la terre à un angle élevé. C’est ce qui se voit mieux sur la rive droite, et on doit l’attribuer en grande partie à un déplacement provenant de causes naturelles. L’inclinaison continue audessus du lit du St. Laurent, et affecte des districts très étendus au sud-est. La composition chymique du roc s’altère à la longue par l’admission de l’argile et du quartz, et par la disparution des reliques organiques. L’île d’Orléans est en partie basée sur un roc nouveau qui parfois devient une ardoise argilleuse brune, verte, ou rougeâtre, et qui couvre la rive méridionale du St. Laurent, quelquefois alternativement avec des couches paralleles de roc quartzeux, wacke blanchâtre, et de pierre à chaux grise et crystalline, et d’un aggrégat calcaire de couleur sombre, entièrement composé de fragmens récimentés de pierre à chaux, tant arrondis qu’anguleux, dont quelques uns contiennent les restes organiques qui, autant que nous avons pu nous en assurer, appartiennent exclusivement à Beauport, à la chûte de la rivière St. Charles et à la Jeune Lorette.

TOPOGRAPHIE.

En feuilletant notre volume, nous voulons dire le Septième Rapport du Comité des Terres incultes du Bas-Canada, nous nous sommes apperçus que non-seulement Mr. McDouall, dont nous avons donné, non-seulement Mr. McKenzie, dont nous avons promis les réponses, mais encore MM. Paschal Tasché, Alexander Fraser, Edouard Thereau, François Verrault, Louis Sivrac, et autres, ont été interrogés par ce comité sur le même sujet. Nous tâcherons de faire pour notre prochain numéro, un résumé aussi succinct que possible de ce qu’il y a de plus important dans les réponses de ces messieurs; et nous nous contenterons de donner présentement sous le titre ci-dessus, la description des Chûtes de Montmorency, telle que nous la trouvons dans l’ouvrage du Colonel Bouchette.

“Les Chûtes de Montmorency présentent le spectacle le plus majestueux de tout le voisinage, et même un des plus grands de la province: on en a souvent fait la description, et d’une manière si correcte, qu’il suffira d’en donner ici une légère idée. La rivière, dans son cours à travers un pays qui n’offre presqu’une forêt continuelle, roule un courant d’eau très peu considérable, à moins qu’il ne soit grossi par la fonte des neiges, dans le printems, ou par les pluies d’automne jusqu’à ce qu’elle arrive au précipice, où sa largeur est de huit à dix toises. Son lit étant un peu incliné avant d’arriver à ce point, donne une grande vélocité au courant, qui, poussé sur la bord d’un rocher perpendiculaire, forme une large nappe d’eau d’une blancheur et d’une apparence laineuse qui ressemble presque à la neige, en tombant dans un creux parmi les rochers à 240 pieds audessous. Il s’élève du fond une écume immense en masses ondoyantes, qui, lorsque le soleil déploie leurs couleurs brillantes et prismatiques, produisent un effet d’une beauté inconcevable. Au bas de la chûte, l’eau est retenue dans le bassin formé par les rochers, d’où, après que son impétuosité s’est appaisée, elle coule doucement dans le St. Laurent, à la distance de 140 ou 150 toises.”

BOTANIQUE.

Capillaire du Canada. Adiantum americanum.—Cette plante a la racine fort petite, et enveloppée de fibres noires fort déliées. Sa tige est d’un poupre foncé, et s’élève en quelques endroits à trois ou quatre pieds de haut; il en sort des branches qui se courbent en tout sens. Ses feuilles sont plus larges que celles du capillaire de France, d’un beau vert d’un côté et de l’autre, semées de petits points obscurs; nulle part ailleurs cette plante n’est si haute, ni si vive qu’en Canada. Elle n’a aucune odeur, tandis qu’elle est sur pied, mais quand elle a été renfermée, elle répand une odeur de violette qui embaume. Sa qualité est aussi beaucoup audessus de tous les autres capillaires.

Gin-seng. Aureliana canadensis.—C’est le nom que lui a donné le P. Lafitau, qui le premier a porté du Canada en France cette plante précieuse. Les Iroquois, qui la lui firent connaître, la nomment Garent-oguen, mot composé d’orenta, qui signifie les cuisses et les jambes, et d’oguen, qui veut dire deux choses séparées. Cela se rapporte assez au mot chinois que le traducteur du P. Kirker explique les cuisses de l’homme. Quoiqu’il en soit, le gin-seng se trouve en plusieurs endroits du Canada, qui sont à peu près sous les mêmes paralèlles que la Corée, d’où vient le gin-seng le plus estimé à la Chine; aussi les Chinois mêmes y reconnaissent les mêmes vertus, et on les éprouve toujours en Canada, comme à la Chine. Ces vertus sont expliquées fort au long dans une lettre du P. Jartoux, jésuite, insérée dans le dixième volume des Lettres édifiantes et curieuses, ainsi que dans le petit imprimé du P. Lafitau.

Grande Pimprenelle du Canada. Pimpinella, Bipinella, vel Pipendula maxima canadensis.—Cette pimprenelle a une ample racine, et fort chargée de fibres charnues, de laquelle sort, à la fin du printems, une longue tige ronde et pleine de nœuds, d’où naissent plusieurs autres tiges de même couleur et de même figure que celles de la pimprenelle d’Europe. Ces tiges ont des feuilles posées deux à deux sur un même pédicule fort court, et sont terminées par une autre feuille. Les fleurs qui croissent au haut des tiges, et composent un épi fort long, s’épanouissent les unes après les autres, en commençant par les inférieures. Chaque fleur est formée de quatre feuilles (pétales) qui font comme une croix, et portent sur un petit vase un peu arrondi, lequel a quatre cavités, d’où il sort trois ou quatre filamens. La fleur est d’un vert qui peu à peu devient blanchâtre. Cette plante ne diffère point de celle d’Europe, en ce qui regarde le goût, l’odeur et la couleur.

Solanum à trois feuilles du Canada. Solanum triphyllum canadense.—De la racine de cette plante, qui est tubéreuse, et qui tient à la terre par un grand nombre de petits filamens, sort une tige ronde et verte, qui, dans son milieu produit trois feuilles posées en face les unes des autres. Ces feuilles sont fort larges, et se terminent en pointe. Leur couleur est d’un vert obscur. De l’extrémité de la tige il sort une fleur composée de six feuilles un peu penchées, dont les trois inférieures sont vertes et plus petites, et les trois autres plus larges, plus longues, et d’un pourpre obscur. Il croît au milieu de cette fleur une petite pomme, qui noircit en murissant, et qui est remplie de semences semblables à celles du solanum des jardins. On trouve quelquefois de ces plantes dont la fleur est blanche. Elles fleurissent au mois de Mai; la graine est mûre au mois de Juin, et dès le mois de Juillet tout disparaît: il ne reste plus alors que la racine.


Tous les êtres organisés ont la faculté de reproduire des êtres semblables à eux.

Eloignons de notre esprit toutes les idées superficielles que le seul nom de fleur fait naître, et considérons cet organe sous son point de vue important. Les enveloppes brillantes des organes de la fécondation ne constituent pas la fleur; ce sont des parties accessoires où la nature semble avoir d’autant plus accordé au luxe qu’elle a moins donné à l’utilité. La fleur existe par la seule présence de l’organe mâle ou femelle des végétaux; mais elle n’est complette qu’autant qu’elle est composée des deux organes, entourrés par un périanthe double qui comprend le calice et la corolle, enveloppes florales. Cet appareil est de courte durée; une fois la fécondation opérée, la fleur et son périanthe se flétrissent.

La fleur est quelquefois sessile, c’est à dire, portée immédiatement sur la tige; elle est quelquefois pédonculée, c’est à dire portée sur un support non ramifié; elle est quelquefois pédicellée, c’est à dire portée sur une division d’un support ramifié.

L’organe mâle des végétaux est connu sous le nom d’étamine; c’est ordinairement un filet chargé, à son extrémité supérieure, d’une anthère, petit sac rempli d’une poussière fécondante appellée pollen. L’anthère a presque toujours deux loges séparées par une cloison qui est le prolongement du filet. L’anthère peut constituer à elle seule l’organe mâle; le filet n’est qu’accessoire; il manque dans beaucoup d’espèces. La plupart des végétaux ont plusieurs étamines.

L’organe femelle, ou pistil, placé ordinairement au centre de la fleur, est composé de l’ovaire, du style et du stigmate. L’ovaire est la partie inférieure; il est gonflé, et contient les fœtus ou ovules dans une ou plusieurs loges. Le style est un prolongement de l’ovaire plus délié que lui, partant quelquefois de sa partie latérale ou de sa base, mais plus ordinairement de son sommet. Le style est chargé, à son extrémité supérieure, d’un corps glanduleux, qui est le stigmate; c’est cette dernière partie qui reçoit le pollen, et c’est par elle que s’opère la fécondation.

Le style manque dans beaucoup d’espèces: l’ovaire et le stigmate sont des parties essentielles qui ne manquent jamais.

Le périanthe est une enveloppe placée immédiatement à la base des parties de la fécondation, et qui est continu avec le support de la fleur. Dans beaucoup de végétaux il est simple, et il convient de le nommer alors périanthe simple; dans un plus grand nombre, il est double; l’une des parties est externe, et prend le nom de calice; l’autre est interne, et prend le nom de corolle.

Le calice est presque toujours vert, herbacé, et plus susceptible de se dessécher que de se flétrir.

La corolle, à l’exception de la couleur verte, se teint de toutes les nuances; elle est molle, aqueuse et fugace. Le moindre attouchement suffit pour ternir son éclat.

Quant au périanthe simple, tantôt sa substance ressemble à celle du calice, tantôt à celle de la corolle, et tantôt elle est mixte, c’est à dire que sa consistance et sa couleur participent de l’un et de l’autre.

Le périanthe simple est monophylle lorsqu’il est formé d’une seule pièce, et polyphylle lorsqu’il est formé de plusieurs; chaque partie prend le nom de foliole; le calice modifié de la même manière prend les mêmes dénominations; la corolle est monopétale ou polypétale, selon qu’elle est formée d’une ou plusieurs pièces, qui prennent chacune le nom de pétale.

Le périanthe simple, et le calice et la corolle, qui forment le périanthe double, offrent, quand ils sont d’une seule pièce, le tube, qui est la partie inférieure, la gorge, qui est l’orifice du tube, et le limbe, qui est le bord supérieur mince et dilaté.

Voila les organes que la nature combine de diverses manières pour composer la fleur, cette précieuse production, où souvent elle étale le coloris le plus brillant et les formes les plus gracieuses; mais que, souvent aussi, elle prive de tout éclat, comme pour nous montrer que ces magnifiques périanthes ne sont que des ornemens accessoires, qu’elle peut accorder ou refuser, sans rien changer au but qu’elle se propose.

(A continuer.)

Variétés Litteraires et Scientifiques.

Institut de France. A une séance de l’Académie des Sciences, le 31 Mai, il fut élu un nouveau membre à la place de M. le Baron de Percy. Le choix tomba sur M. Dupuytren, habile et célèbre Chirurgien de Paris. On pensait que M. de Serres aurait été élu, si les Académiciens avaient été laissés entièrement libres dans leur choix. Mais le Président se hâta d’annoncer à l’assemblée que le Roi désirait que le choix tombât sur M. Dupuytren, son chirurgien. Aussitôt quatre autres candidats remirent au président une lettre où ils disaient, que n’ayant d’autres recommandations que leur savoir, ils jugeaient à propos de se retirer. Cette élection, où il ne se trouva que deux candidats, tandis que les règlemens exigent qu’il y en ait trois au moins, donna lieu à beaucoup de rumeur et de mécontentement. M.-C. Dupin proposa un ajournement, en ajoutant que quand le Roi saurait combien étaient recommandables les candidats qui s’étaient retirés, il ne manquerait pas de laisser à l’Académie toute la liberté qui doit présider à ses élections. Charles X avait donné, depuis peu, à M. Dupin le titre de Baron; et ceux de ses amis qui pensaient que ce titre avait un peu obscurci sa renommée, se félicitent maintenant l’un l’autre, et disent: il s’est bien débaronisé.


Théâtre Français. Les ministres, disent des lettres de Paris, font examiner toutes les anciennes pièces de théâtre, pour voir s’il n’y aurait pas des vers ou des phrases qui pussent s’appliquer au gouvernement, et les supprimer. Thalma, ayant annoncé la tragédie d’Othello, pour son bénéfice, il lui fut ordonné d’omettre les vers suivants, qui ont rapport au gouvernement de Venise:

Ils n’ont pas, tous ces grands, manqué d’intelligence,

En consacrant entr’eux les droits de la naissance:

Comme ils sont tout par elle, elle est tout à leurs yeux:

Que leur resterait-il, s’ils n’avaient pas d’ayeux?

D’un mot ou d’un regard l’état ici s’offense,

Et toujours la justice a l’air de la vengeance.

Le Major Denham et le Lieutenant Clapperton, du service anglais, survivants de l’expédition partie en 1821, pour l’intérieur de l’Afrique, par la voie de Tripoli et de Fezzan, sont arrivés à Paris, le 21 de Mai, en route pour l’Angleterre. On dit que les résultats de cette tentative périlleuse sont de la plus haute importance, en ce qu’ils déterminent plusieurs points intéressants de la géographie de ce continent si imparfaitement connu jusqu’ici, et font connaître l’état de civilisation de plusieurs royaumes populeux, et remplis de villages et de villes murées, situés là où les cartes d’Afrique ne présentent que d’immenses déserts. Tous leurs papiers, et toutes leurs collections, sont arrivés en bon état

Parmi les découvertes précieuses qu’ils ont faites dans les déserts où Mungo Park a perdu la vie, en cherchant la source du Niger, est le journal, ou une partie du journal, de ce célèbre voyageur.


M. Gambard, astronome de Marseilles, a découvert une nouvelle comète, le 19 Mai. Ce ne fut que dans la nuit du 27 que l’état de l’atmosphère permit aux astronomes de Paris de la voir. Elle est près du gamma de la Cassiopée; invisible à l’œil nu, sans queue ni chevelure apparente, ayant la forme d’une nébule, que pourtant on distinguait aisément à l’aide du télescope, nonobstant la clarté de la lune.


Antidotes. Mr. J. Murray, dans un morceau inséré dans le Journal Scientifique de Brewster, publié à Edimbourg, dit, après avoir rapporté un nombre d’expériences sur des grenouilles, des écureuils, &c. “Je n’hésite pas à assurer que l’on trouvera dans l’amonia un antidote efficace contre l’hydrocianique, (ou acide prussique,) et dans l’acide acétique, un antidote efficace contre l’opium.”

Un correspondant de la Gazette Littéraire de Londres, parlant de divers empoisonnemens accidentels, et particulièrement du triste sort de feu Mr. Owen, membre de la Société Royale, ajoute: “J’òse affirmer qu’il y a à peine dans ce pays une chaumière qui ne contienne un remède infaillible et immédiat à de tels accidens; lequel n’est autre chose qu’une cueillérée à thé de moutarde délayée dans un verre à bière (tumbler) d’eau chaude, et avalée sur le champ. Ce remède opère instantanément comme vomitif; on l’a toujours sous la main, et on peut l’employer sans danger dans tous les cas où il en est besoin.”


L’Extrait suivant d’une lettre du Général James Murray, ci-devant Gouverneur de cette Province, est tiré d’un ouvrage très intéressant, publié dernièrement en Angleterre, intitulé, “Mémoires de la vie publique et du caractère du très honorable James Oswald, de Dunniker;” contenue dans une correspondance entretenue avec quelques uns des hommes les plus distingués du siècle dernier.

Québec, Nov. 1763. Je vous envoie pareillement des échantillons de quelques uns de nos pins; si vous ne voulez pas les planter sur vos propres terres, ils pourront peut-être faire plaisir à quelques uns de vos amis. Je vous envoie encore une planche de bois de bouleau noir pour meuble; c’est du crû du Canada, et suivant moi il est plus beau que le bois d’acajou. Le baume du Canada, dont il y a quatre bouteilles, est bon pour toutes les maladies des poumons et des reins; et comme il se fait de grandes demandes de graines d’arbres et d’arbustes de ce pays, je vous envoye copie des directions pour les cueillir, dont je garde un double, afin que si, par la suite, vous vous trouviez en avoir besoin pour vous-même, ou pour vos amis, vous puissiez me référer à mon double, et comptez sur ma ponctualité à exécuter vos ordres, pour quoi que ce soit, aussi loin que la Caroline.”


Phénomène Végétal. On a remarqué dans les jardins impériaux de Mouza, en Lombardie, une plante qui végète dans un petit panier, sans communication avec la terre, non plus qu’avec aucune autre plante quelconque. On n’a pu encore connaître avec certitude quelle est cette plante, mais on pense que c’est la Villandsia. L’archiduc se promet la satisfaction de la faire connaître aux naturalistes.

Le fait suivant n’est point aussi extraordinaire; mais il ne laisse que de nous paraître curieux. Nous avons vu un prunier, ou un de ces arbres qu’on appelle ici cerisiers à grappes, en fleurs, sur le terrain de Madame McDonell, au fauxbourg St. Antoine de cette ville, le 27 Août de l’année dernière. Cet arbre avait été transplanté le printems de très bonne heure, et c’est probablement ce qui avait retardé en lui la floraison, qui a lieu pour ces arbres, au commencement de Mai, ou même à la fin d’Avril.


“On a découvert dernièrement, dit un des journaux de Montréal, sur la terre de Mr. Logan, près du chemin Papineau, une carière de marbre d’une excellente qualité. On l’a travaillé, et on l’a trouvé susceptible de recevoir un beau poli. Cette découverte pourra être une grande acquisition pour la ville de Montréal, et la source d’un grand profit pour le propriétaire de la terre où se trouve une matière si précieuse en architecture, tant pour l’ornement que pour la durée.”

Nous avons vu un échantillon brut et un échantillon poli de ce marbre, chez Mr. J. Viger. Sa couleur nous a semblé être à peu près celle que pourraient produire le blanc, le jaune et le vert mêlés ensemble, ou celle qu’on appelle gorge de pigeon. Ces morceaux avaient été détachés du rocher même, de sorte qu’il n’y a pas à douter que ce ne soit une véritable carrière de marbre. Le même monsieur nous a aussi fait voir des échantillons polis du beau marbre noir de la Baie de Mississcoui, du marbre blanc et du marbre vert plus ou moins foncé de la rivière Cananoqui, qui se jette dans le St. Laurent au front du comté de Leeds, dans le Haut-Canada. C’est Mr. V. lui-même qui a pris sur les lieux ces derniers morceaux, et les a fait polir ici. Les carrières de ce marbre, nous a-t-il dit, sont à sept lieues de l’embouchure de la rivière, de chaque côté, celle du marbre blanc à l’est, et celle du vert à l’ouest. Le marbre blanc est d’une dureté qui ne le cède qu’à peine à la meilleure lime; le vert, au contraire, qui est une espèce de stéatite, ou la pierre à calumet de nos sauvages, se travaille facilement, même au couteau, surtout avant que l’air ou le feu l’ait durcie. Mr. V. n’avait pas chez lui d’échantillon du marbre de la rivière des Outawas; mais il croit qu’il est blanc et marqueté de veines ou de points verdâtres.

CHIRURGIE.

A John G. Thompson, Ecuyer, Coronaire.

Monsieur,—Nous nous conformons au désir que vous avez témoigné, que nous fissions rapport par écrit sur le cas de Nicholas Huot, de la paroisse de l’Ange Gardien, dans le comté de Northumberland, récemment décédé.

Il paraîtrait par tous les renseignemens obtenus de ses parens, que dans le mois d’avril dernier, pendant qu’il travaillait à faire du sucre dans les bois, il employait un chien avec un petit traîneau, à porter le jus des érables. Un jour il arriva que ce chien, tournant dans les limons du traîneau, mordit l’homme à la main gauche, et y fit trois trous, mais qui guérirent dans la suite. Deux jours après l’avoir mordu, le chien le quitta et alla droit à la maison, et après y avoir fait deux ou trois tours, il disparut, et on ne l’a pas vu depuis.

Il paraît que le défunt avait de sérieuses appréhensions sur le danger où il était, en conséquence de la morsure. S’étant couché (selon sa coutume) dans l’après-midi du 18 de ce mois, il se trouva, à son réveil, dans une grande transpiration, qui fut suivie d’un frisonnement et d’une chaleur. Dès ce moment il commença à sentir une horreur pour l’eau. Quelques jours après, ses parens envoyèrent querir un M. McCallum, soi-disant médecin, de Beauport, qui voulut lui donner de l’huile de castor avec de l’eau; le défunt tâcha de la prendre, mais il ne le pût, et il jeta le verre qui la contenait. C’était le 22. Le lendemain, ses parens envoyèrent chercher une autre personne, des Trois-Rivières, qui prétendait savoir guérir la rage canine ou l’hydrophobie, et qui, à son arrivée, assura qu’elle avait opéré des guérisons dans plusieurs cas de cette espèce. En conséquence, elle appliqua sur la plaie un emplâtre de sa composition, qui ne devait être oté qu’au bout de 40 jours. Il entrait de la religion dans cette ordonnance. L’homme, cependant, mourut ce jour-là même.

Il paraît que le courant d’air lorsqu’on ouvrait une porte en sa présence, et même la vue des vîtres dans la fenêtre, avaient sur le défunt le même effet qu’aurait eu la vue ou le son de l’eau: cependant, sur la fin de sa maladie, ses parens trouvèrent le moyen de lui faire sucer de l’eau à travers un linge qui couvrait une terrine à lait. A l’ouverture du corps, le poumon présentait une apparence de noirceur extraordinaire, comme s’il eût manqué du degré d’oxygénation convenable. L’estomac était presque vide, et montrait des signes d’une légère inflammation, particulièrement autour du cardia. Les intestins et le foie paraissaient être parfaitement sains. L’œsophage ne présentait aucune apparence morbide, et les vesiculæ Marchetti n’étaient pas visibles.

Les circonstances considérées, nous avons conclu qu’il fallait que cet homme fût mort par l’effet de ce poison subtil qui produit la rage canine ou l’hydrophobie; car les organes vitaux ne présentaient aucune apparence morbide suffisante pour causer la mort. La cicatrice de la plaie était facile à distinguer, mais elle n’avait pas la moindre apparence d’inflammation.

Nous prenons la liberté d’ajouter, que dans l’état actuel de la science médicale, il n’y a aucun antidote connu contre le poison subtil de la rage canine, et que la seule méthode qui ait été pratiquée avec succès contre cette terrible maladie est le retranchement totale de la partie mordue. Mais d’après l’apparence des poumons du défunt, et la manière dont il a pu avaler de l’eau, il pourrait être bien digne le l’attention des médecins d’essayer l’effet de cette machine toute puissante, l’appareil électro-galvanique, qui donnerait sans doute du pouvoir au cœur, et en introduisant quelque fluide nutritif dans l’estomac, au moyen d’un syphon, la vie animale pourrait être soutenue plus longtems, et l’effet du poison détruit.

SignéF. Blanchet,
Jos. Morrin,
Jos. Parant, M. C. R. C.

Québec, 30 juin, 1825.

Il paraîtrait par un paragraphe du Mercury de Québec, qu’un autre cas d’hydrophobie aurait été traité avec succès, ou plutôt que l’hydrophobie aurait été détournée, par la méthode du médecin russe, Marochetti.

“Un enfant d’environ 12 ans, dit en substance le Mercury, fils de Joseph Planté, du fauxbourg St. Roch, fut mordu le 16 Mai, par un chien en qui l’on remarquait des symptômes de rage, et qu’on savait avoir été mordu par un chien enragé. Le Dr. Painchaud fut appellé, quelques minutes après l’accident. L’enfant avait été beaucoup lacéré par la morsure, qui affectait particulièrement l’articulation du coude, où l’animal avait enfoncé quatre de ses dents. Le médecin saisit cette occasion pour mettre à l’épreuve la méthode du Dr. Marochetti, et recommanda aux parens de suivre exactement ses ordonnances. Il leur dit d’examiner la langue de l’enfant, plusieurs fois par jour, et de le lui envoyer aussitôt qu’ils y remarqueraient quelque changement. Il devait aussi le voir chaque matin, pour panser la blessure, et l’examiner d’une manière plus particulière. Neuf jours se passèrent ainsi: le dixième, au soir, la mère apperçut deux gros boutons sous la langue de son enfant. Elle le dit à Madame Bornais, chez qui elle logeait, et celle-ci conduisit l’enfant au Docteur, qui trouva les glandes sublinguales, beaucoup plus grosses que d’ordinaire, les ouvrit, et en fit sortir un fluide ressemblant au virus vaccin, après le progrès de l’aréola. Il y appliqua le caustique lunaire. Trois jours après, les boutons reparurent: la lancette et le caustique furent employés. La blessure était alors parfaitement guérie. Au bout de quatre jours, l’enfant rencontra le Dr. Painchaud chez Mr. Letartre, carossier, et lui dit que sa langue était beaucoup enflée depuis le matin; et en effet, en l’examinant, le Docteur trouva les glandes dans le même état que le soir du dixième jour; et y ayant appliqué la lancette, il en fit sortir un fluide semblable à celui qu’il en avait tiré la première fois. Depuis lors l’enfant a continué à se bien porter. Il y a eu deux mois le 16, que l’accident est arrivé.”

Nous avions cru jusqu’ici que sans être médecin ni chirurgien, il nous était permis de regarder la méthode du Dr. Marochetti comme sentant un peu le charlatanisme. Nous pensions que le médecin russe tirait plutôt de son imagination que de la réalité, ces boutons qui doivent paraître sous la langue, un certain nombre de jours après la morsure. Il nous paraissait un peu singulier qu’il fallût que tout le venin allât se refugier si haut, eût-on été mordu aussi bas que les orteils ou le talon. Le Dr. Painchaud en pensait autrement, il parait, et la guérison du jeune Planté n’a pas peu contribué sans doute à le raffermir davantage dans son opinion. Cependant nous croyons qu’il peut venir des boutons sous la langue d’une autre cause que la morsure d’un chien enragé; et puis, il n’est nullement prouvé que le chien qui a mordu le jeune Planté fût enragé: cet animal pouvait avoir été mordu par un autre chien réellement enragé, sans l’être lui-même lorsqu’il a mordu l’enfant en question. Au reste, nous ne doutons point des talens et des connaissances de Mr. le Dr. Painchaud, en médicine et en chirurgie, mais la guérison du jeune Planté ne nous donne pas beaucoup plus de confiance en la méthode du médecin russe que nous n’en avions auparavant. Il y déja longtems que les journaux d’Allemagne, de France, d’Angleterre, &c. ont fait mention de cette méthode, et cependant on ne voit pas que les médecins de ces pays en fassent usage, ou qu’ils l’emploient avec succès. Un grand nombre de personnes sont mortes d’hydrophobie encore dérnièrement, en Angleterre.

Il est à Brighton en Angleterre, disent les dernières gazettes, un Médecin, ou plutôt un Chirurgien, nommé Mr. White, qui se moque de l’hydrophobie. Il a été grièvement mordu au bras dernièrement, par un chien enragé, à ce qu’on dit; mais il n’a pris aucune précaution, ni employé aucun remède quelconque, persuadé que l’hydrophobie n’a pas de prise sur l’homme. Il y a des gens à paradoxes, il parait, dans toutes les professions. Nous parierions que le pauvre Mr. White mourra bientôt, s’il n’est pas déja mort, victime de son opinion; ou le chien qui l’a mordu n’était pas enragé.

GÉOGRAPHIE.

(Extrait des Journaux de la Nouvelle-Orléans.)

Découverte des Sources du Mississippi et de la Rivière Sanglante,
par J. C. Beltrami.

L’auteur, quoiqu’Italien de naissance, a cru devoir aux habitans de ce pays de publier son ouvrage dans la langue française, qui est parlée dans la Louisiane, et lue sur tout le continent de l’Europe. Sous quelque point de vue qu’on envisage cet ouvrage, il ne peut manquer de paraître intéressant. L’auteur, après avoir suivi tout le cours de l’Ohio et du Mississippi jusqu’au fort de St. Antoine, continua son voyage, en se dirigeant au nord-ouest jusqu’à la source de la rivière St. Pierre. Il dirigea ensuite ses pas vers le nord, et pénétrant dans d’immenses déserts, au milieu d’une vaste solitude, où l’on trouve à peine des traces de l’existence de l’homme, et où la nature accoutumée au plus profond silence, était probablement interrogée pour la première fois, il parvint à l’établissement du feu Comte de Selkirk. Son livre contient une esquisse rapide de l’origine, du progrès, et de l’état présent de cet établissement, ainsi que des Compagnies du Nord-Ouest et de la Baie d’Hudson. Après le délai nécessaire pour se procurer les informations relatives à cet établissement, il remonta la Rivière Sanglante jusqu’à sa source. Poursuivant ses recherches, il trouva sur la plus haute terre de l’Amérique Septentrionale, un petit ruisseau d’eau limpide qui coulait lentement parmi les roseaux et le riz sauvage (ou folle aveine) qui croissent dans son lit: il s’embarqua dessus dans un petit canot d’écorce (qui l’avait porté sur la Rivière Sanglante,) descendit le Mississippi dans toute son étendue, et après un voyage de mille lieues, arriva à la Nouvelle-Orléans.

C’est un fait remarquable que toutes les découvertes importantes dans le Nouveau Monde ont été faites par des Italiens: Colomb, Americ-Vespuce, Cabot, Verazani. En même tems que M. Beltrami, mû par le noble enthousiasme qui inspira ces hommes illustres, pénétrait à la Baie d’Hudson, découvrait les sources du Mississippi, et une communication entre la mer Glaciale et le golfe du Mexique, un autre Italien, célèbre en Europe, M. Belzoni, explorait l’Afrique, et remontait le Niger. Dans les tems anciens, les Romains parcouraient le monde comme vainqueurs, et dictaient des lois aux nations: à présent leurs descendants, qui gémissent sous le joug des barbares si bien dépeints par Tacite, traversent les mers, et pénètrent dans les régions les plus reculées, pour enrichir le monde et faire du bien aux hommes, par leurs découvertes et leurs observations.

On peut dire avec vérité que l’ouvrage de M. Beltrami est le seul qui donne une description complète du Mississippi et des tribus qui vivent sur ses bords. Avant qu’il eût découvert les véritables sources de ce fleuve magnifique, on en nommait plusieurs qui n’étaient que des eaux tributaires. Le lac de l’Ours Blanc, le lac aux Sangsues, le lac du Cèdre Rouge, se disputaient l’honneur d’être la source du plus beau fleuve du monde, et MM. Pike et Schoolcraft, celui de l’avoir découverte. Quand nous réfléchissons qu’un étranger, aidé seulement de quelques interprêtes, a plus fait lui seul que toutes les expéditions entreprises à grands frais par le gouvernement; quand nous pensons aux dangers auxquels il a été exposé, aux fatigues et aux privations qu’il a endurées, aux obstacles de toutes sortes qu’il a eus à surmonter, nous ne pouvons nous empêcher d’admirer la persévérance et le courage de cet homme distingué, tout en regrettant que la gloire de l’entreprise n’appartienne pas à un de nos citoyens.

Il y a tout lieu de croire qu’un ouvrage aussi intéressant que celui de M. Beltrami, sera accueilli comme il mérite de l’être; et que l’auteur trouvera dans l’encouragement qu’il recevra de la part d’un public éclairé, une compensation des dangers et des fatigues de son entreprise.

LE RECUEIL DE CHANSONS CHOISIES, ET LE CHANSONNIER CANADIEN.

Il y a assez de gravité dans les premières pages de ce numéro pour qu’il soit permis de s’égayer un peu dans les dernières.—De quel sujet gai va-t-on donc nous entretenir, diront les lecteurs?—De Chansons—Ah! c’est à-propos du Chansonnier Canadien.—Oui, Messieurs, et du Recueil de Chanson choisies. Mais avant de dire un mot de ces deux ouvrages, il est peut-être à-propos de chercher à faire revenir un peu de leur prévention contre ces sortes de productions les lecteurs trop amis du sérieux, de l’unique, de l’éternel sérieux. Plusieurs sont accoutumés à regarder les Chansons comme des choses absolument frivoles, comme des babioles, des fadaises, ou du moins des badinages indignes de l’attention d’un homme grave et sensé. Ces messieurs n’ont jamais vu apparemment les Chansons du côté qu’ils auraient dû les voir, car elles ont aussi un côté sérieux, surtout celles où il entre du patriotisme et de la politique. Les Chansons, loin d’être des choses frivoles, sont quelquefois des choses très-importantes, des moyens puissants pour ceux qui savent en faire usage. On sait avec quel effet les républicains de France ont employé les Chansons, pendant le cours de la révolution; on sait encore que sous l’ancien régime, avant cette révolution, le peuple français se consolait, et croyait se venger, par des Chansons, des maux qu’il souffrait.—Un politique anglais disait dernièrement: “Donnez-moi à faire toutes les Chansons d’une nation, et je réponds de la gouverner.” Mais qu’est-il besoin d’exemples étrangers pour prouver, non seulement le pouvoir, mais même la conviction que l’on a du pouvoir des Chansons? Toutes les fois qu’il y a eu dans cette province, une élection un peu longtems et un peu vivement contestée, n’a-t-on pas vu les Chansons pleuvoir, pour ainsi dire, de part et d’autre?

Mais laissant là le pouvoir qu’ont les Chansons d’émouvoir les passions, et qui ne doit être loué que quand il les tourne au bien, on peut dire, en considérant le sujet sous le point de vue moral, que le chant est la marque de la gaîté, et la gaîté celle de l’innocence, dans le sens du mot latin innocuus, qui ne fait point de mal, ou qui n’est pas porté à faire du mal; ce qu’exprime ainsi joliment une des Chansons du Nouveau Recueil:

Toujours le rire, d’un bon cœur

  Est la marque évidente;

Le rire, ami de la candeur,

  Prouve une âme innocente.

En effet, qu’on ouvre les pages historiques et anecdotiques, on trouvera que ceux qui ont aimé à chanter et à rire, quand l’occasion s’en est présentée; qui sans chercher à dessein cette occasion, ne l’ont pas non plus à dessein évitée, ont pu être, à la vérité, des hommes légers, souvent dissipés, quelquefois peut-être vicieux, mais jamais, ou presque jamais scélérats. Je sens qu’on m’arrête ici, en me disant: “Hola! vous oubliez que Néron aimait à chanter, qu’il chantait même sur le théâtre.”—Non, messieurs, je ne l’oublie pas: je sais que Néron chantait; mais je sais aussi, ou du moins, je crois qu’il ne chantait que par vanité, par une vanité bien déplacée dans un souverain, celle de montrer à ses sujets qu’il avait la voix belle; et non par gaîté de caractère, par un mouvement spontané du cœur. Et quand même un tyran comme Néron aurait aimé naturellement à chanter et à rire, qu’en faudrait-il conclure? J’en conclurais, moi, qu’il y a des exceptions à la règle que je pose, mais non que la règle est fausse. Il y a aussi des exceptions à cette autre règle exprimée par ces deux vers de la chanson déja citée:

  Ceux qui n’ont pas ri

On fait pleurer les autres.

Mais il ne m’en paraît pas moins vrai que les gens, toujours graves, toujours sérieux, pour qui il n’est point d’occasion de s’égayer, de rire et de chanter, sont généralement, sinon toujours capables de forfaits, du moins, toujours durs, rigides, infléxibles, implacables, témoins, Lycurgue et Dion chez les Grecs, les deux Caton chez les Romains, Louvois chez les Français, Pitt chez les Anglais, &c. Ces hommes ont plus communément que les autres du génie, des talens, et de l’énergie: mais tâchez de n’avoir pas l’un deux pour ennemi, car, hic niger est, hunc tu, Romane caveto.

Poutant quand je préfère la gaîté à la gravité, ou comme s’exprime Boileau, “le plaisant au sévère,” c’est en faisant des exceptions, par rapport à l’état des personnes: il ne convient jamais à un Prêtre, par example, encore moins à un Evêque, de montrer une gaité folâtre; la sérénité, l’affabilité et une gaité posée, sont tout ce qu’on doit exiger de ces personnes, même dans les occasions où les gens du monde peuvent se livrer à une joie plus bruyante. Et même pour ces derniers, comme je l’ai déja donné à entendre, il faut que l’occasion se présente, il faut que ce soit le tems; car comme dit le sage Solomon, il y a un tems de se taire, et un tems de parler; un tems de s’attrister, et un tems de se réjouir; un tems de pleurer, et un tems de rire; j’ajoute, et de chanter. Et puis, quand c’est le tems de rire et de chanter, ce n’est pas pour cela le tems de ricaner et de brailler: le rieur et le chanteur ont un tems; le ricaneur et le braillard n’en ont point: ces derniers me paraissent aussi maussades, sinon plus, dans une compagnie, que ceux qui gardent un morne et triste silence, ou se lamentent, quand tout autour d’eux respire la gaité et l’enjouement.

Pour revenir plus directement aux Chansons, quand je veux qu’on en chante, je ne veux pas pour cela qu’on en chante de toutes les sortes: il est des chansons qui ne sont bonnes à chanter nulle part: ce serait, à mon avis, insulter une réunion de personnes honnêtes, surtout s’il y a des dames, que de lui fredonner une chanson où l’irréligion et l’immoralité se montrent à découvert. Parmi les chansons où l’on ne rencontre pas ces défauts, j’aimerais qu’on préférât, comme je préfère moi-même, celles qui renferment des vérités ou morales, ou historiques, ou mythologiques, ou physiques; en un mot, celles qui sont instructives; car on peut tirer de l’instruction même des chansons.

Mais il est tems d’en venir aux deux ouvrages dont j’ai parlé plus haut. Le premier est intitulé, Recueil de Chansons choisies. C’est un volume de 216 pages, in-18, imprimé à Montréal en 1821. Le papier en est bon sans être fin, et le livre a une jolie apparence. C’est, à ce que je crois, le premier recueil de chansons qui ait été imprimé en Canada, malgré le goût qu’on a toujours eu pour le chant dans ce pays. Dans ce recueil, les chansons érotiques, militaires, bachiques, et autres, se trouvent mêlées sans ordre de matières, et c’est un mérite de plus peut-être pour ceux qui aiment la variété. Entre un nombre de chansons médiocres, on en trouve un plus grand nombre de très jolies. Ce qu’il y a à regretter, c’est que quelques unes soient défigurées par des fautes de versification assez graves. La plus défectueuse de ce côté-là est celle qui commence par ce vers:

De tous les biens qu’on peut avoir au monde.

Ce Recueil a été compilé, imprimé et publié, par Mr. J. Quilliam, Imprimeur, qui a eu ainsi le mérite de donner un exemple qui n’a pas tardé à être imité.

Le Chansonnier Canadien, ou Nouveau Recueil de Romances, Idyles, Vaudevilles, &c. est un volume in-12 de 132 pages. Si le format eût été plus petit, le livre eût été plus épais, et eût eu une meilleure apparence; tel qu’il est, il parait beaucoup trop mince. Ce nouveau recueil est divisé en quatre parties; la première partie comprend les chansons érotiques; la seconde, les chansons bachiques; la troisième, les chansons patriotiques et militaires; et la quatrième, des chansons sur différents sujets. Cette division en parties donne au livre un air plus méthodique; mais un autre défaut, quoique peu essentiel, c’est que la longueur des deux dernières parties n’est point du tout proportionnée à celle des deux premières. Dans ce nouveau recueil, toutes les chansons m’ont paru ou bonnes, ou passables, à l’exception d’une seule, (Ma’mselle, j’ai des lettres pour vous,) que j’aurais mieux aimé n’y pas voir; et ce qui en rehausse le prix, à mon gré, ce sont une vingtaine de chansons canadiennes, qu’on ne distinguerait pas des autres, comme on l’a remarqué ailleurs, si elles n’étaient indiquées dans la Table. Le Chansonnier Canadien a été recueilli par MM. J. Decary et J. Jones, deux jeunes imprimeurs de cette ville, qui seront sans doute récompensés de leur travail par le prompt débit de leur livre, et qu’on doit louer de s’être occupés ainsi utilement, tandis que d’autres de leur profession, ou ne font rien, ou......mais je m’arrête, de peur de sortir de mon sujet, hors de propos, et je termine par les extraits suivants des deux Recueils dont je viens de parler. M.

Chansons extraites du Recueil.

 

LES AVANTAGES DE L’HYMEN.

 

Air de la Romance du Barbier de Séville.

 

Pendant vingt ans, je m’ignorais moi-même,

Et mes désirs n’imaginaient plus rien:

Mais, je le sens, jamais l’on n’aime bien,

Que lorsque c’est sa femme que l’on aime.

 

J’ai tout perdu, faveur, amis, richesse;

Mais pour jamais je possède son cœur:

Et je lui dois ce précieux bonheur

Qu’on cherche en vain auprès d’une maîtresse.

 

Chez vingt beautés j’ai cru le bien suprême;

Je l’ai cherché quarante ans vainement:

Bientôt l’amour n’est plus un sentiment,

Quand on ne peut respecter ce qu’on aime.

 

Jamais heureux, courant de flamme en flamme,

Je me livrais à de trompeurs désirs;

Mais au milieu de tous ces faux plaisirs,

Je retrouvais le guide de mon âme.

 

Honteux, enfin, je quittai tout pour elle,

Et je sentis, dans mon cœur abattu,

Que sans l’hymen, et que sans la vertu,

L’amour n’est rien qu’une erreur criminelle.

 

Ce pauvre Hymen, je ne pouvais comprendre

Que dans un cœur il pût plaire à son tour;

Mais, je le sens, il règne sur l’Amour,

Ainsi qu’Amour règne sur un cœur tendre.

 

Ce feu divin, ce charme de la vie,

Change de nom quelquefois en un jour;

C’est à l’autel qu’il prend le nom d’amour;

Avant l’hymen, il s’appelle folie.

LES ADIEUX DU GUERRIER.

 

Air: Depuis Longtems j’ai trois mots à vous dire.

 

Au champ d’honneur qu’illustra sa vaillance,

Un beau guerrier expirait sans secours;

Ses yeux mourans se tournent vers la France,

En regrettant son pays, ses amours.

 

Il se ranime, et de sa main glacée,

Prend un portrait attaché sur son cœur:

Il voit sa mie, et son âme oppressée

Jouit encor de son dernier bonheur.

 

“Adieu,” dit-il, “ô toi dont la tendresse,

D’un si doux charme embellissait mes jours!

Adieu sermens, plaisirs, transports, ivresse!

La mort approche—adieu donc pour toujours,

 

“Que sur mon cœur ton image pressée

Prolonge au moins ces heureux souvenirs!

Et que ton nom, si cher à ma pensée,

Se mêle encore à mes derniers soupirs!”

Chansons extraites du Chansonnier.

 

Air: Depuis longtems j’ai trois mots à vous dire.

 

La belle Hortense, au fond d’un vert bocage,

Rêvait un jour seule sur le gazon.

La belle Hortense, au printems de son âge,

Ne connaissait de l’amour que le nom.

 

Je vois là-bas errer dans la prairie,

De fleur en fleur le papillon léger,

Abandonner celle qu’il a chérie;

Ainsi que lui tout amant peut changer.

 

J’ai vu souvent pour un berger volage,

J’ai vu gémir d’innocentes beautés:

Elles fuyaient tous les jeux du village,

Pour des ingrats toujours trop regrettés.

 

Ainsi parlait cette jeune bergère;

Amour l’entend, Amour s’en vengera:

Il tient déja dans sa main meurtrière,

Le trait fatal dont il la percera.

GLOIRE A NELSON. (Chanson Canadienne.)

 

Air: Vous me quittez pour aller à la gloire.

 

Nelson est mort au sein de la victoire,

Il est tombé sur un tas de lauriers:

De son pays il augmenta la gloire,

Dompta les mers par ses exploits guerriers.

 

Le Nil tremblant le voit sur son rivage;

Il y poursuit un Corse menaçant,

Le joint, le bat, d’un jour ce fut l’ouvrage,

Prend ses vaisseaux, et revient triomphant.

 

A Copenhague il jette l’épouvante,

Va relancer leurs vaisseaux dans leur port;

Il les défait, et contre toute attente,

Dicte des lois aux potentats du Nord.

 

Trafalgar voit le plus ardent courage;

Ses ennemis mêmes en sont surpris:

Dix-neuf vaisseaux sont pris dans ce carnage;

S’il ne fut mort, il les aurait tous pris.

 

Enfant de Mars, favori de Neptune,

A l’Angleterre il servit de ramparts;

Il sut fixer l’inconstante fortune,

Qui constamment suivit ses étendards.

 

Un œil, un bras, perdu dans les batailles,

N’ébranlait pas ce héros, ce vainqueur;

Le plomb mortel qui perça ses entrailles,

Ne lui trouva rien d’entier que le cœur.

ANECDOTE.

Un Anglais, riche en biens, en jeunesse, en naissance,

Avait gaîment en l’air jetté son existence;

Et noyé dans ses sens, à force de plaisirs,

Santé, grâce, raison, et tout jusqu’aux désirs.

Comment sur ses débris recomposer son être?

Il appelle ses gens, (c’était un fort bon maître;)

“Dans mes coffres, dit-il, rassemblez, mes enfans,

Ces papiers, ces effets, cet or, ces diamans,

Ces portraits.” Dans un d’eux, qui pourtant l’intéresse,

Il trouve, il reconnaît sa première maîtresse.

Un soupir a surpris son cœur indifférent:

“Quoi! dit-il, étonné, je suis encor vivant!”

Au fond d’une cassette et bien sûre et bien close,

Avec respect, plus calme, à part, il le dépose.

Son œil redevient mort, mais son cœur a gémi.

Le maître de l’hôtel était-là. “Mon ami,

J’abandonne Madrid, et pour de longs voyages,

A ta foi, lui dit-il, j’abandonne ces gages,

Ces coffres, ces effets; tes mains, à mon retour,

Veillant sur ce dépôt, me le rendront un jour.

Et vous, honnêtes gens, qu’ont lassés mes caprices,

Recevez dans mes dons ce prix de vos services.

Avec notre bon hôte, heureux et sans souci,

A votre aise, à mes frais, vous m’attendrez ici.

Allons, ne pleurez pas, nous nous verrons encore.”

Il quitte alors Madrid. Où va-t-il? Je l’ignore.

Muse, dis-moi les lieux où je suivrai ses pas.

Le voila dans des rocs, au milieu des frimats,

Conducteur de mulets, au sein des Pyrénées.

Son teint s’est rembruni, ses mains sont basanées,

Déballant, rechargeant, cher à ses compagnons,

Sur des pics élevés, dans le creux des vallons,

Il descend, grimpe, souffle, et couche sur la dure.

Il l’avait oublié, il rapprend la nature;

Redevient homme enfin. Il pleure: “O! Dieu,” dit-il,

“Quand l’ennui de mes jours allait trancher le fil,

Tu m’as ressuscité. Par quels tristes supplices,

J’ai payé ma mollesse et mes fausses délices!

Puis-je acquitter jamais ce que nous te devons,

Le travail et l’amour, les plus chers de tes dons!

Ah, Dieu!... si libre encor...” Son âme est attendrie.

Il croit la voir, la nomme; il songe à sa patrie.

Il retourne à Madrid, de son hôte il reprend

Son or, plus que son or, ce portrait tout-puissant,

Qui sous la cendre éteinte a ranimé sa vie.

Il part avec ses gens, il arrive, il s’écrie:

“O! mon pays natal! où règnent par la loi,

Ensemble unis, les grands, et le peuple, et le roi,

Salut! c’est dans ton sein que l’amour me rappelle;

J’en partis inconstant, mais j’y reviens fidèle.”

Il cherche, il voit de loin un très-simple séjour,

Mais où naquit, aux champs, l’objet de son amour;

Doux champs, chéris des cieux, voisins de la Tamise,

“Est-ce vous,” lui dit-il, “est-ce vous chère Elise?”

—C’est moi.—Ciel! je me meurs... Auriez-vous un époux?

—Non!—Quoi! se pourrait-il?—Il me revient, c’est vous.

Sa mère entre à ces mots. Leurs mains, leurs cœurs, leurs larmes,

Se pressent sur son sein. O momens pleins de charmes!

Muse sacrée, accours, prête-moi tes pinceaux,

Tu m’as fait pour chanter l’hymen et ses berceaux,

Et l’enfant qui doit naître, et les amours fidèles.

C’est vous, amans ingrats, qui leur donnez des aîles.

REGITRE PROVINCIAL

Mariés. A Kamouraska, le 11 Juillet dernier, Mr. T. Ansbrow, Instituteur du lieu, à Dlle. Claire Tasché, fille de Charles Tasché, Ecuyer.

En cette ville, le 24, Mr. Julien Perrault, Etudiant en Droit, à Dlle. S. Gauvin, fille ainée de Mr. Jos. Gauvin, du département des Ingénieurs Royaux.


Décédés. A Varennes, le 28 Juin, à l’âge de 85 ans, Jos. Beauchamp, Ecr. ancien Capitaine de Milice, et ci-devant membre de la Chambre d’Assemblée.

Au Côteau du Lac, le 29 du même mois, Richard Roebuck, Ecr. âgé de 27 ans.

Le 2 Juillet dernier, Messire Charles Bedard, pretre du Séminaire de Montréal, âgé de 58 ans. Les gazettes ont fait mention des éminentes vertus morales et religieuses de M. Bedard, et du respect et de la vénération que ces vertus inspiraient généralement pour sa personne. On doit ajouter qu’il possédait des talens et des connaissances rares, surtout dans les mathématiques, l’astronomie, la physique, et l’art de l’horlogerie.

Le 4, Mr. John Pickel, fils, ci-devant Marchand de cette ville.

A Québec, le 6, Mr. Etienne Boudrault, Notaire Public.

Le 9, Mr. George Vanfelson, fils ainé de G. V. Ecr. de Québec, âgé de 15 ans. Cet enfant regretté et regrettable par ses excellentes qualités, était en promenade aux Trois-Rivières, où il s’est noyé en se baignant dans le fleuve.

Le 12, Wm. Porteous, Ecr. ci-devant Capitaine dans la Milice Incorporée.

Au Village des Tanneries, le 17, Mr. G. L. Letourneux, âgé de 21 ans. Ce jeune homme, doué de qualités estimables et aimables, était à la veille d’achever ses études au Petit Séminaire de cette ville, lorsqu’une cruelle maladie l’a enlevé à l’amitié de ses parens et de ses connaissances, auxquels il avait donné des espérances flatteuses pour l’avenir.

A Québec, le 20, Mr. Pierre Voyer, Marchand.

Le même jour, à St. Charles, la Dame de l’hon. Louis Turgeon, Seigneur du lieu, et membre du Conseil Législatif.

A Chambly, le 26, la Dame de Samuel Hatt, Ecuyer, Seigneur du lieu.

Bureau du Secrétaire Provincial, 19 Juillet. Il a plu à Son Excellence le Lieut.-Gouverneur, nommer,

Robert Allsopp, Ecuyer, Avocat et Procureur; et

MM. P. E. Leclerc dit Lafrenaie, et Joseph Gosselin, Notaires Publics.

TRANSCRIBER NOTES

Mis-spelled words and printer errors have been corrected. Where multiple spellings occur, majority use has been employed.

Inconsistency in hyphenation has been retained.

Inconsistency in accents has been corrected or standardised.

Space between paragraphs varied greatly. The thought-breaks which have been inserted attempt to agree with the larger paragraph spacing, but it is quite possible that this was simply the methodology used by the typesetter, and that there should be no thought-breaks.

[The end of La bibliothèque canadienne, Tome 1, Numero 3, Aout, 1825. edited by Michel Bibaud]