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Title: La bibliothèque canadienne, Tome 1, Numero 02, Juillet, 1825.
Date of first publication: 1825
Author: Michel Bibaud (editor)
Date first posted: Mar. 21, 2020
Date last updated: Mar. 21, 2020
Faded Page eBook #20200344
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La Bibliothèque Canadienne
Tome I. | JUILLET, 1825. | Numero 2. |
Ils mirent à la voile le 19, par un beau tems; mais dès le lendemain, le vent changea; il s’éleva de violentes tempêtes, et les vaisseaux, séparés les uns des autres, furent contraints de s’abandonner au gré des vents et de la mer. Cependant, la Grande Hermine arriva dans le golfe, le 25 Juillet, et les deux autres vaisseaux l’y rejoignirent, le lendemain. Le 1er Août, un gros tems les contraignit de se refugier dans le port St. Nicholas, situé à l’entrée du fleuve, du côté du nord, par les 49° 25´ de latitude.
Le 10, les trois vaisseaux rentrèrent dans le golfe, et en l’honneur du Saint dont on célèbre en ce jour la fête, Cartier donna le nom de St. Laurent à une baie qui est entre l’île d’Anticosti et la côte septentrionale; d’où ce nom s’est étendu à tout le golfe, et ensuite au fleuve qui s’y décharge, et qu’on appellait auparavant Rivière de Canada.
Le 15, Cartier s’approcha de l’île d’Anticosti, ou Natiscotec, pour la mieux reconnaître; et à cause de la solemnité du jour, il la nomma l’île de L’Assomption; mais le nom d’Anticosti a prévalu dans l’usage ordinaire. Enfin, les trois vaisseaux remontèrent le fleuve, et le 1er Septembre, ils entèrent dans le Saguenay. Cartier se contenta de reconnaître l’embouchure de cette rivière, et après avoir encore longé la côte, l’espace de quinze lieues, il mouilla auprès d’une île qu’il nomma Ile aux Coudres, à cause du grand nombre de coudriers qu’il y trouva. Se voyant engagé bien avant dans un pays inconnu, il se hâta de chercher un port où ses vaisseaux pussent être en sûreté pendant l’hiver. Huit lieues plus loin que l’île aux Coudres, il en trouva une beaucoup plus grande et plus belle, toute couverte de bois et de vignes sauvages: il l’appella l’Ile de Bacchus; mais ce nom a été changé en celui d’Ile d’Orléans.
De l’île d’Orléans, Cartier se rendit dans une petite rivière qui est éloignée de dix lieues, et qui vient du nord: il la nomma Rivière de Ste. Croix, parcequ’il y entra le 14 Septembre. C’est la même qu’on appelle aujourd’hui Jacques Cartier, bien que Champlain ait cru que c’était la rivière de St. Charles. Le lendemain de son arrivée en cet endroit, il y reçut la visite d’un chef sauvage nommé Donnacona: il traita avec ce chef, par le moyen de deux sauvages qu’il avait emmenés en France, l’année précédente, et qui entendaient un peu de français.
Jacques Cartier partit de Ste. Croix, le 19 Septembre, avec la Grande Hermine et deux chaloupes, laissant les deux autres bâtimens dans la rivière, où la Grande Hermine n’avait pu entrer. Le 29, il fut arrêté au Lac St. Pierre, que son navire ne put passer, parce qu’apparemment, il n’avait pas bien enfilé le canal. Il prit le parti d’armer ses deux chaloupes et de s’y embarquer. Enfin, il arriva, le 10 Octobre, à Hochelaga, bourgade située ou est présentement Montréal, accompagné de MM. de Pontbriant, de la Pommeraye et de Goyelle, trois de ses volontaires.
Hochelaga, suivant la description qu’en donne Charlevoix, d’après les mémoires de Cartier, était une bourgade de forme ronde: trois enceintes de palissades y renfermaient environ cinquante cabanes longues de plus de cinquante pas chacune, et larges de quatorze ou quinze, et faites en forme de tonnelles. On entrait dans la bourgade par une seule porte, audessus de laquelle, aussi bien que le long de la première enceinte, regnait une espèce de galerie où l’on montait avec des échelles, et qui était pourvue de pierres et de cailloux pour la défense de la place. Les Français furent bien accueillis par les sauvages, habitans de cette bourgade, qui parurent charmés de la visite de ces étrangers. Cartier entre à ce sujet, dans des détails qui paraitraient plutôt risibles que curieux. Durant son séjour à Hochelaga, il visita la montagne au pied de laquelle la bourgade était bâtie, et lui donna le nom de Mont-Royal, ou Mont-Réal, comme on prononçait de son tems, lequel s’est étendu a toute l’île. Il découvrit de là une grande étendue de pays dont la vue le charma, et avec raison, remarque Charlevoix, car il en est peu au monde de plus beau et de meilleur; bien que quand Cartier le vit, il fût encore dans son état de nature. Il comprit qu’il aurait pu difficilement trouver un lieu plus propre à faire un établissement solide; et l’esprit rempli de cette idée, il laissa Hochelaga pour retourner à Ste. Croix.
Ses gens s’étaient fait autour de leurs barraques, une espèce de retranchement capable de les garantir d’une surprise: précaution utile, puisqu’il s’agissait de passer l’hiver dans le voisinage d’une bourgade fort peuplée, où commandait un chef dont on avait plus d’une raison de se méfier.
C’était une tradition constante en Canada, du tems de Charlevoix, qu’un des trois vaisseaux de Cartier fut brisé dans le fleuve St. Laurent, vis-à-vis de la rivière Ste. Croix, contre un rocher qu’on appellait encore alors le Rocher de Jacques Cartier. A ce malheur en succèda un plus grand: ce fut une espèce de scorbut dont personne ne fut exempt, et dont tous les Français seraient morts, peut-être, s’ils n’y eussent trouvé, quoi qu’un peu tard, un remède qui opéra sur le champ. C’était une ptisanne faite avec la feuille et l’écorce de l’épinette blanche pilées ensemble. Cartier était lui-même attaqué de la maladie, quand les sauvages lui enseignèrent ce secret: il avait déjà perdu vingt hommes, et il lui en restait à peine deux ou trois en état d’agir. Huit jours après qu’on eut commencé à faire usage de ce remède, tout le monde était sur pied.
Cartier s’embarqua dès que la navigation fut libre. Malgré ses pertes, et la rigueur du froid dont il avait eu d’autant plus à souffrir, qu’il avait moins songé à se précautionner contre un inconvénient qu’il n’avait pu prévoir, il ne craignit pas d’assurer à François I, dans un mémoire qu’il lui présenta, après son retour en France, qu’on pouvait tirer de grands avantages des pays qu’il venait de découvrir. Il lui dit que les terres y étaient en général très fertiles, le climat sain, les habitans sociables et aisés à tenir en respect: il lui parla des pelleteries comme d’un objet de grande importance, et insista principalement sur le mérite qu’il y aurait à un prince qui portait le titre de Roi Très-Chrétien, de procurer la connaissance de l’évangile à tant de nations infidèles qu’il ne lui paraissait pas difficile de convertir au christianisme.
Charlevoix dit que quelques auteurs ont prétendu que Jacques Cartier, dégouté du Canada, avait dissuadé le roi son maître d’y penser davantage; mais il ajoute que cela ne s’accorde nullement avec la manière dont il s’explique lui-même dans ses mémoires, ni avec ce qu’on lit dans les autres relations de ses voyages. Il est en effet plus probable que les fictions et les contes souvent absurdes dont Cartier avait défiguré ses relations, ne contribuèrent pas peu à donner en France une idée peu avantageuse du Canada. Le peu qu’il en rapportait, et le triste état où ses gens y avaient été réduits par le froid et le scorbut, persuadèrent à la plupart que ce pays ne pourrait jamais être d’aucune utilité à la France. On insistait principalement sur ce qu’il n’y avait vu aucune apparence de mines d’or ou d’argent, et c’était alors le seul attrait qui pût entrainer les peuples d’Europe vers des régions sauvages et lointaines.
Cependant quelques personnes de la cour pensaient autrement que le commun, et furent d’avis qu’on ne se rebutât pas si tôt d’une entreprise qui ne devait pas dépendre d’une ou deux tentatives. Celui qui parut entrer davantage dans cette pensée, était un gentilhomme de Picardie nommé François de la Roque, sieur de Roberval, homme de tête, brave, fort accrédité dans sa province, et que François I appellait quelquefois, en plaisantant, le petit roi du Vimeu. Il demanda pour lui-même la commission de poursuivre les découvertes en Canada, et il l’obtint: mais une simple commission était trop peu de chose pour une personne de sa considération, et le roi, par des lettres patentes datées du 15 Janvier 1540, le déclare Seigneur de Norimbègue, et son Vice-roi et Lieutenant-général en Canada, Hochelaga, Saguenay, Terre-Neuve, Belle-isle, &c. &c. titres aussi vains que pompeux, puisque ces pays n’étaient habités que par des peuplades sauvages de loin en loin, et que tout y était encore à faire pour en assurer la possession à la France. M. de Roberval partit l’année suivante 1541, avec cinq vaisseaux, ayant sous lui Jacques Cartier en qualité de premier pilote. La navigation fut heureuse: M. de Roberval bâtit un fort, les uns disent sur le fleuve St. Laurent, les autres dans l’île du Cap-Breton, et y laissa Cartier en qualité de commandant, avec une garnison nombreuse, des provisions suffisantes, et un de ses vaisseaux; après quoi, il repartit pour aller chercher en France de plus grands secours.
Il y a bien de l’apparence que Roberval avait mal choisi son poste. Ce qui est certain, c’est que le froid, et les autres incommodités du pays, rebutèrent bientôt la garnison. Les sauvages, de leur côté, prirent ombrage de ces étrangers, et commencèrent à les molester. Cartier et ses gens se rembarquèrent pour retourner en France; mais ils rencontrèrent, près de Terre-Neuve, M. de Roberval qui amenait un grand convoi, et qui les obligea à rebrousser chemin. Dès qu’il eut rétabli toutes choses dans son fort, il y laissa encore Jacques Cartier avec la meilleure partie de ses gens, puis il remonta le fleuve St. Laurent, entra même dans le Saguenay, et renvoya de là un de ses pilotes nommé Alphonse de Saintonge, faire des découvertes, et chercher audessus de Terre-Neuve, un passage aux Indes orientales. Saintonge s’éleva jusqu’au, 52e. degré de latitude, et s’en revint; mais il y a apparence qu’il ne retrouva pas M. de Roberval en Canada; car ce fut à Cartier qu’il rendit compte de ses découvertes.
Les deux nations qui les premières avaient débarqué dans la nouveau monde, ôsèrent crier à l’injustice et à l’usurpation, quand elles virent que l’on y courait sur leurs traces. “Hé, quoi donc! dit François I, le roi d’Espagne et le roi de Portugal partagent tranquillement l’Amérique, et ne veulent pas que j’y prenne part comme leur frère! je voudrais bien voir le testament d’Adam qui leur lègue ce vaste héritage.”
M. de Roberval fut retenu quelque tems en Europe, par la guerre déclarée entre François I et l’empereur Charles-Quint. Il fit un nouvel armement en 1549, avec son frère, Achille de Roberval, qui passait pour un des plus braves hommes de France, et que François I appellait, pour cette raison, le gendarme d’Annibal. Ils périrent dans ce voyage avec tous ceux qui les accompagnaient, sans qu’on ait jamais su par quel accident ce malheur était arrivé. François I ne parut plus s’intéresser au Canada, après la mort de MM. de Roberval; et les Français portèrent leurs vues sur la Floride, contrée riante et fertile, qui fut trente ans le théâtre de leurs guerres avec les Espagnols et les Anglais. Les voyages de quelques Français au Brésil donnèrent aussi des richesses de ce pays une idée qui ne dut pas peu contribuer à faire oublier les régions du nord de l’Amérique septentrionale, qui n’offraient guères que des terres à défricher, au moyen d’un travail dur et continuel, et accompagné des plus grandes privations.
(A continuer.)
Nous extrayons le morceau suivant du Voyage dans les États-Unis d’Amérique, &c. de M. de la Rochefoucault-Liancourt, qui a fait une excursion dans le Haut-Canada en 1795. Cet illustre voyageur, à qui l’entrée dans le Bas-Canada fut interdite par le Gouverneur d’alors, Lord Dorchester, ne parle de la minéralogie de cette province que d’après le journal de son ami, M. Guillemard, qui dans le même tems, descendit le fleuve St. Laurent de Kingston à Québec. Il regrette, et nous regrettons avec lui, que ce monsieur ne soit pas entré dans un plus grand détail sur ce sujet intéressant. Ce que M. de la Rochefoucault en rapporte n’est, pour ainsi dire, qu’un simple apperçu; mais nous avons cru que cet apperçu pourrait servir de prélude à un article plus détaillé que nous insèrerons dans le prochain numéro.
Les bords qui entourrent du côté du nord le bassin qui contient les eaux du Niagara, précisément audessus de leur chûte, sont d’une terre rougeâtre, très grasse et visqueuse; au-dessous est la pierre à chaux. Les rochers au travers desquels se précipite cette admirable cataracte de Niagara, sont aussi de pierres calcaires, ainsi qu’une immense quantité de rocs qui se voient dans l’abîme du bassin, et qui ne sont que des débris des rochers d’en haut, que les eaux, dans leur violence, ont entrainés avec elles. Au fond du bassin se trouvent aussi de grandes masses d’une pierre blanche à grain fin, que les gens du pays assurent être l’écume pétrifiée de cette chûte; mais l’écume ne se pétrifie point, et cette pierre semble n’être qu’un sulfate de chaux; elle ne fermente pas avec les acides; je ne l’ai point soumise à d’autres expériences.
Le pays entre la chûte et Queenston est un plateau élevé de quelques cents pieds audessus de la plaine qui joint au lac Ontario, et où sont bâtis la ville de Newark et le fort de Niagara. Ce plateau semble partout composé de pierre à chaud, et de pierres sablonneuses contenant des dépouilles d’animaux de mer.
A Newark, on voit sur la plaine, de grandes masses éparses d’un granit rougeâtre, isolées sur la pierre à chaux, comme les blocs de granit qui se voient à la montagne de Salève, près Genève; de sorte qu’il est impossible de se former une idée de leur origine.
Le pays, dans les environs de Toronto, ou York, est, dans quelques endroits, sablonneux, et dans d’autres, c’est un argile léger; on n’y voit point de rochers.
A Kingston ou Cataraquoui, à l’extrémité nord-est du lac Ontario, on retrouve encore la pierre à chaux de l’espèce argilleuse, à grain fin, et d’un gris foncé. Là, ainsi que sur la plupart des côtes du lac, les cailloux sont des différentes espèces, des schistes durs, des couches de quartz et de granit. A Kingston, on voit près du rivage de grosses pierres noires, roulées, ressemblant à des basaltes, et beaucoup de pierres sablonneuses, contenant des impressions d’animaux de mer.
En descendant le fleuve St. Laurent, le pays est schisteux, et plus loin, dans le voisinages d’un district connu sous le nom de Mille-Iles, on trouve une chaîne de granits. Toutes ces îles semblent être composées d’un granit rougeâtre, bien crystallisé, dont le feldspath est l’ingrédient le plus considérable. On voit à Kadanoqui, entre Kingston et les Mille-Iles, quelques espèces de stéatite, dont on assure qu’il y a de larges veines dans le voisinage. Dans le granit rougeâtre des Mille-Iles, on trouve des veines d’un granit plus parfait, à plus gros grains, ce qui est très commun dans des pays formés de cette espèce de rocs, comme les Alpes, les montagnes d’Ecosse, et autres moins considérables, mais de la même nature.
La rapidité avec laquelle M. Guillemard a descendu le fleuve St. Laurent, l’a empêché d’observer la nature des pierres qui le bordent. A Montréal cependant, il a pu mieux examiner la minéralogie du pays. Ce pays au nord du St. Laurent, est principalement de pierre à chaux. Au sud, où est situé le village de La Prairie, il n’y a guères que des poudings qui ressemblent beaucoup à cette espèce de roc quartzeux connu en Angleterre sous le nom de chert.
L’île de Ste. Hélène, un peu au-dessous de Montréal, est de cette espèce de roc. Sur les rivages, il y a d’immenses masses de granit, de rocs quartzeux et de poudings, qui semblent avoir été détachés des lits auxquels ils appartenaient, et qu’il est à présent impossible de découvrir. Le sol de la montagne est riche et fertile, rempli de carrières de pierre à chaux. On dit qu’on y a trouvé du charbon de terre. Les maisons, à Montréal, sont la plupart bâties d’une pierre à chaux d’une couleur foncée, très compacte; elle devient blanche au feu, et grise lorsqu’elle est exposée, au soleil et à l’air.
La rivière Sorel, après avoir quitté le bassin de Chambly, mouille le pied d’une large et haute montagne appellée Belœil. Entre cette rivière et le fleuve St. Laurent est une plaine immense: sur cette plaine entièrement unie, il ne se trouve point de rocs, et presqu’aucune pierre. En creusant, on trouve jusqu’à une profondeur considérable, des sols de différentes espèces; du sable, de l’argile, de la terre végétale, et dans beaucoup d’endroits, une autre matière végétale noire, ressemblant beaucoup à une espèce de tourbe appellée péat.
Le sommet de la montagne de Belœil est d’un granit gris foncé, et à gros grains. Il contient peu de mica, mais une assez grande quantité de schorl noir. Les côtés du sommet sont composés principalement d’un schiste gris noir, et très compact, dont quelques parties ressemblent par leur forme et leur grain à du basalte.
En descendant le Sorel, il n’est presque pas possible de voir de rocs; à Sorel même, les bords sont en argile fin, plein de mica.
En passant à travers le lac St. Pierre, pour aller aux Trois-Rivières, les terres s’élèvent en terrasses d’une manière frappante, mais on voit peu de rocs. Les bords sablonneux des Trois-Rivières montrent un pays épuisé par la culture, et privé de la mince couche de terre qui fournissait à la végétation. Heureusement, on a découvert sous le sable une marne bleue qui a rendu la fertilité au pays. Cette marne est d’un grain fin, très compacte et légère, et elle se trouve à la surface de la terre au-dessous de la ville des Trois-Rivières.
On rencontre la pierre calcaire jusqu’au promontoire de Québec. On ne sait à quelle distance elle s’étend audelà. Elle est de qualités et de formes différentes, quelquefois très dure et compacte, d’autres fois presque dans l’état de spath calcaire. Sa couleur est variée par dégrés d’un clair brun rougeâtre, jusqu’à un bleu foncé et même noir.
Au sud du fleuve St. Laurent, à la chûte de la Chaudière, on trouve encore de la pierre à chaux; mais les couches les plus communes sont un schiste noir, argilleux, à grains fins, dans lesquelles sont entremêlés des lits de pierre calcaire. Il y a dans ces lits beaucoup d’une matière rouge, tendre, argilleuse. Les pierres roulées sur les bords sont de la même nature que les couches adjacentes, mêlées avec plusieurs espèces de schorls et de granits, qui doivent venir des pays plus hauts.
Le rocher sur lequel est la citadelle de Québec est appellé le rocher de diamans, parceque dans beaucoup de ses cavités et crevasses, il y a des crystaux de quartz que l’ignorance a pris pour des pierres précieuses. Ce rocher est composé en plus grande partie de couches calcaires. La pierre est en général très compacte, et de couleur d’un gris foncé.
Sur la plaine audessus, appellée la plaine d’Abraham, on voit encore des pierres à chaux et de grandes masses de granit éparses, et remarquables parcequ’elles contiennent beaucoup de schorl. Les pierres sur la rivière sont de différentes espèces de grès, pierres sablonneuses, granits, quartz, et quelquefois de schistes et pierres calcaires.
A l’ance de Wolfe, les couches sont d’un schiste noir, formant un angle très ouvert avec l’horison. Les couches, autour de Québec, sont en général plus perpendiculaires à la surface de la terre, que dans les pays plus à l’ouest. On dit que les hautes montagnes au nord-ouest de Québec sont de granits. M. Guillemard ne les a pas vues. A la chûte de Montmorency, et un peu plus haut sur cette rivière, les couches sont de pierres calcaires, et leur direction est presque parallèle à l’horison.
Aconit à fleurs de soleil. Aconitum helianthemum canadense.—Cet aconit a les racines grosses et charnues. Ces racines poussent des feuilles fort larges à trois pointes, et d’un vert noirâtre. Celles qui naissent sur les tiges, au nombre de sept ou de neuf, sont plus profondément découpées à mesure qu’elles approchent des extrémités. Ces tiges s’élèvent plus qu’à hauteur d’homme, se séparent en plusieurs petits rameaux (péduncules) et sont terminées par de larges fleurs jaunes. Ces fleurs ont ordinairement dix ou douze feuilles (pétales) oblongues, un peu séparées les unes des autres. Au milieu est une espèce de cône applati, couvert de graines, et dont la base est couronnée de petites feuilles vertes.
Eupatoire du Canada, ou Aigremoine à feuilles d’aunée.—Les tiges de cette plante sont d’un rouge mêlé de cendre, rondes, creuses et noueuses. Les feuilles sont de la longueur d’une palme, et larges de trois pouces: elles sont rudes comme celles de la sauge, d’un vert foncé, soutenues quatre à quatre sur des pédicules qui sortent des nœuds de la tige, deux de chaque côté, et tournées les unes vers les autres. Du sein de chaque feuille, il sort un petit rameau environné de feuilles plus petites. Au milieu de l’été, elle est de cinq coudées, et son sommet est couronné d’une infinité de fleurs qui ont des petits poils au lieu de pétales.
Bellis du Canada. Bellis ramosa umbilifera canadensis.—Cette espèce de marguerite est une plante de six pieds de hauteur, dont la racine est extrêmement fibreuse et les feuilles allongées, grasses, rudes, d’un vert obscur, et assez profondément cannelés. De la tige, qui est rude, il sort de toutes parts une quantité de petits rameaux terminés par un grand nombre de fleurs, dont le milieu, qui est d’un vert jaunâtre, est environné de petites barbes, qui ne rougissent jamais, mais sont toujours d’un beau blanc. Chaque fleur a son pédicule, et quoique tous sortent du même point de la tige, ils ne sont jamais de la même longueur. Cette plante murit aux mois de juin et de juillet.
Matagon du Canada. Cornus herbacea canadensis.—La tige est longue d’environ un pied: aux deux tiers, elle produit seulement deux très petites feuilles, ovales et posées vis-à-vis l’une de l’autre. Elle produit six autres feuilles ovales et longues d’un pouce, du milieu desquelles s’élance un pédicule qui soutient un bouquet de fleurs renfermé dans une enveloppe composée de quatre feuilles blanches, ovales, longues de cinq pouces, et disposées en croix. Chaque fleur du bouquet est à quatre pétales, portées sur un calice qui est un petit godet légèrement découpé en quatre pointes. Ce calice devient un fruit en forme de baie ronde, charnue, grosse comme un pois, d’un très bon goût, et qui contient un noyau à deux loges.
Bignonia du Canada. Bignonia fraxini foliis, coccineo flore minore.—Cette plante monte jusqu’à la cîme des plus grands arbres, et en couvre souvent tout le tronc. Ses feuilles sont ailées et formées de plusieurs lobes dentelés. En juin, juillet et août, elle pousse des bouquets de fleurs rouges assez semblables à celle de la digitale commune. Chaque fleur sort d’un long calice rougeâtre, et est monopétale.
Les plantes sont l’ornement de la terre; elles croissent dans tous les climats, et à toutes les expositions. La nature, qui a pris plaisir à varier leurs formes et leur aspect, leur a aussi donné des mœurs, si l’on peut user de ce terme, et des besoins différents. Il en est qui ne végètent que sur le sol brulé de la zone torride; d’autres qui habitent les climats doux et tempérés, où elles sont également à l’abri des chaleurs et des froids excessifs; d’autres, qui ne se développent qu’entourrées de neiges et de frimats. Telle espèce pare de sa verdure le sommet des plus hautes montagnes; telle autre croît dans les mers les plus profondes. La plupart sont attachées à la terre; un petit nombre, véritables parasites, naissent sur l’écorce d’autres végétaux, et se nourrissent de la sève qu’elles détournent à leur profit.
Toutes les plantes ont une racine; c’est un organe qui croît en sens inverse des autres parties, et qui, pour l’ordinaire, se dirige vers le centre de la terre dans laquelle elle s’enfonce: c’est surtout par la racine que les végétaux prennent leur nourriture.
La tige, moins nécessaire, n’existe pas dans toutes les plantes; elle tend presque toujours à s’élever vers le ciel; mais quelquefois trop faible, et privée de soutien, elle se replie et rampe à la surface de la terre. Dans les arbrisseaux et les arbres, elle est dure et ligneuse; dans les plantes annuelles, elle est molle et herbacée; dans les graminées, elle est composée de tubes soudés les uns à la suite des autres par des nœuds solides; dans le pissenlit, le colchique et quelques autres herbes, elle est dépourvue de feuilles, et porte la fleur à son sommet; dans la plupart des végétaux, elle se couvre de feuilles et se divise en branches, lesquelles se subdivisent en rameaux.
Quelques mois suffisent pour le développement total d’une herbe; mais les plantes ligneuses croissent et se développent durant plusieurs années, et quelquefois pendant des siècles. De petits corps arrondis ou coniques, formés de lames minces, appliqués les uns sur les autres, se montrent chaque année, dans l’aiselle des feuilles. Ce sont les boutons qui recellent les germes des productions de l’année suivante, et les garantissent de la rigueur de l’hiver. Quelquefois ces boutons naissent sur des racines vigoureuses qui survivent à la chûte annuelle des tiges, et alors ils prennent le nom de turion. Le bulbe, ou l’oignon des lis, des aulx, des scilles, n’est autre chose qu’une espèce de bouton, et c’est improprement qu’on lui a donné le nom de racine.
Les boutons produisent des bourgeons qui deviennent des branches ou des rameaux, divisions et subdivisions de la tige principale.
Il suffit de nommer les feuilles pour en rappeller l’idée, et cependant il semble qu’il soit impossible d’en donner une bonne définition. Une multitude de caractères les font reconnaître, mais pas un d’eux n’est applicable à toutes. Les feuilles sont en général des lames vertes qui n’ont, pour ainsi dire, point d’épaisseur, et qui, selon les espèces, prennent des formes différentes: elles naissent des racines, des tiges, des rameaux; tantôt minces et dilatées, au point même d’où elles partent; tantôt resserrées à leur naissance en un support nommé pétiole. Les unes ne touchent à la plante que par le point d’insertion; les autres l’embrassent à leur base, et forment autour des rameaux ou des tiges une espèce de gaîne.
A la base des pétioles sont quelquefois des stipules, appendices semblables à de petites feuilles.
Les racines enfoncées dans la terre ont plus d’utilité que d’éclat. Les feuilles, exposées à l’air et à la lumière, sont, sinon toujours la plus éclatante, du moins la plus durable parure du végétal; et, comme des racines aériennes, elles puisent dans l’atmosphère les fluides qui conviennent au développement de l’individu. Les feuilles sont comparables, sous quelques rapports, aux branchies, des poissons et des animaux sans vertèbres.
Telles sont les organes destinés à la conservation des individus: nous allons maintenant indiquer ceux qui servent à la reproduction de l’espèce.
(A continuer.)
J’ai remarqué plusieurs endroits de cette province où la rareté des fourrages se fait particulièrement sentir, et où, conséquemment, les habitans ont de la difficulté à trouver les moyens de nourrir leurs animaux, l’hiver. La chicorée sauvage croît ici, en plusieurs endroits, très abondamment. Je lisais, ces jours derniers, dans un excellent ouvrage, dans lequel on trouve, entr’autres choses, une foule de préceptes utiles sur l’économie rurale, que, “des agronomes ont reconnu que la chicorée sauvage cultivée en grand devient un excellent fourrage, employé soit vert, soit desséché; qu’il est salutaire aux bestiaux, et donne un lait de bonne qualité.” Pourquoi n’en ferait-on pas aussi l’essai dans ce pays, dans les paroisses où le foin ne croît pas naturellement, et où la culture du mil et du trèfle ne prospère qu’avec difficulté, ou au moyen de grandes dépenses? D.
Le morceau suivant, que nous trouvons dans un journal publié ici, il y a six ou sept ans, nous a paru mériter, par son importance dans le moment actuel, d’être mis sous les yeux de nos lecteurs.
“On m’a dernièrement fait part d’un trait de la conduite d’un marchand de la Rivière Chambly, qui est trop digne d’imitation pour ne pas mériter d’être rendu public par la voie de l’impression. Il fait ordinairement de grands achats de grains: mais il a mis cette année plus d’exactitude que de coutume à proportionner le prix du bled qu’il achetait à la qualité du grain, en augmentant ou diminuant d’après des règles aussi justes qu’il lui a été possible, le prix du bled, à proportion qu’il était beau, médiocre ou de qualité inférieure, et surtout qu’il était net et sans mélange, ou qu’il s’y trouvait une plus grande ou moindre quantité de grains étrangers. Le résultat a été que les habitants qui lui en ont vendu, ont pris eux-mêmes beaucoup plus de soin cet hiver que dans les années précédentes, pour vanner de manière à vendre du froment plus net, pour profiter de l’excédant du prix. Il en est en outre un grand nombre qui ont ce printems donné au choix de leur bled de semence beaucoup plus d’attention que par le passé, et qui ont fait des efforts et de la dépense pour s’en procurer à cet effet de la meilleure qualité, et le plus dégagé qu’il leur a été possible d’autres grains. Ce systême, s’il était adopté et suivi avec constance, serait également avantageux aux marchands et aux agriculteurs. Il exciterait chez ces derniers un sentiment d’une émulation louable par celui de l’intérêt. Il le serait aussi beaucoup à la Province en général, par la facilité et la sûreté qui en résulteraient pour le commerce des grains, qui est pour nous la vraie source des richesses et la base la plus assurée de notre prospérité. AGRICOLA.”
Si jamais l’exécution d’un projet a exigé de grandes connaissances topographiques, c’est sans doute celle du suivant. L’article est extrait d’un journal du Nouveau-Hampshire du 7 de Mai dernier.
“L’ouverture d’une communication par eau de Boston à Montréal et à Québec, par le canal de Middleden, la rivière Merrimack, le Pémiguewasset, ou les Winnipiseagués et lacs Squam, jusqu’à Plymouth, de là au Connecticut par la rivière Barker, et du Connecticut au St. Laurent par le Passuansic, la rivière Barton, le lac Memphrémagog et la rivière St. François, ne parait plus, à ceux qui ont examiné le sujet avec attention, présenter aucune difficulté insurmontable. Les renseignemens fournis par Mr. Macduffie, arpenteur et ingénieur expérimenté, sont très satisfaisants. Il démontre, par une exacte observation de toute la route, de la plus grande partie de laquelle il a levé le plan, que la chose est très faisable, et beaucoup plus facile qu’on ne le croit généralement. L’importance de l’entreprise doit frapper tout le monde, lorsqu’on réfléchit que cette route passe au cœur même du Nouveau-Hampshire, traverse la partie septentrionale, mais la plus importante et la plus productive, de l’état de Vermont, et la partie centrale, et décidément la meilleure, du Bas-Canada, se terminant au lac St. Pierre, qui communique au fleuve St. Laurent entre Montréal et Québec. La distance de Boston à ce point est d’environ 300 milles, et en allant jusqu’à Montréal, de 350 milles. Toute cette distance est déjà navigable pour des bateaux, excepté environ 100 milles, et sur le reste il se trouve des courants et des masses d’eau en abondance, et bien situés pour alimenter des canaux et des écluses.”
L’exécution de ce projet n’exige pas seulement de grandes connaissances topographiques, mais encore d’immenses frais pécuniaires. Nous n’en voulons pour preuve que ce que dit Mr. l’Arpenteur-Général Bouchette des chûtes, des rapides et des portages de la rivière St. François. Nous espérons que nos lecteurs, surtout ceux qui n’ont pas l’ouvrage de Mr. Bouchette, ne seront point fâchés de trouver ici la description qu’il fait de cette rivière.
“La source du St. François est un lac du même nom situé dans les townships de Garthby et Colerain, d’où il coule au sud pendant environ 30 milles; une partie de cette distance est assez peu connue, n’ayant jamais été exactement examinée; ensuite il prend son cours a peu près au nord-ouest, parcourt environ 80 milles, et se décharge dans le lac St. Pierre. Dans le township d’Ascott, une de ses branches va joindre le lac Memphrémagog, de l’extrémité duquel plusieurs rivières descendent dans l’Etat de Vermont; par ce moyen, le transport des marchandises continue dans cette direction. Comme la navigation depuis le lac Memphrémagog jusqu’au St. Laurent est gênée par plusieurs puissants obstacles naturels, un détail particularisé de cette navigation servira à faire connaître quelle patience et quelle persévérance il faut pour les surmonter. De la sortie du lac au lieu où le courant se joint au St. François, il y a environ 19 milles; dans cette distance, ou trouve une vicissitude singulière de rapides violents, et d’eau paisible où le courant est d’une lenteur ennuyeuse. A environ trois quarts de mille avant qu’il entre dans la rivière, il y a ce qu’on appelle une chûte, non à la vérité d’une hauteur perpendiculaire, mais le lit de la rivière étant resserré, et le courant rompu par de hautes chaînes de rochers, il est impossible que les bateaux y passent; on fait même rarement descendre des pièces isolées de bois de construction, l’expérience ayant prouvé qu’elles ne manquaient jamais d’être très-froissées, si elles n’étaient pas absolument mises en pièces. Dans cette distance de trois quarts de mille, la totalité de la descente est de 170 à 180 pieds. On décharge à cet endroit les bacs et les bateaux, on en porte la charge jusqu’au bout de la chûte, et on la rembarque sur d’autres bâtimens prêts à la recevoir: de là ils descendent un courant paisible l’espace d’environ six milles, jusqu’aux grandes Chûtes de Brompton, qui ont environ deux milles de longueur; comme les bateaux vides peuvent les descendre du côté de l’ouest seulement, on retire la cargaison et on la transporte jusqu’au pied des chûtes, où l’on recharge les bateaux, et l’on va à environ sept milles plus loin jusqu’aux petites Chûtes de Brompton; là on répète les mêmes opérations, parcequ’il n’y peut passer que des bâtimens légers. En cet endroit, le portage n’a pas plus de 125 toises. Un mille ou deux plus loin, se trouve le Dutchman Shoot, où la rivière est rétrécie par une chaîne de rochers et par deux petites îles qui forment un rapide que les bateaux chargés peuvent traverser, en prenant beaucoup de soin et avec quelques difficultés. Après cela, un courant alternativement rapide et lent, n’offre plus d’obstacles pendant quinze milles jusqu’au portage de Kingsey; c’est un endroit resserré de la rivière, au milieu de laquelle est un gros rocher, qui est couvert quand l’eau est très haute; et c’est alors seulement que les bateaux chargés peuvent y passer: le courant se précipite à travers ce canal avec beaucoup d’impétuosité, et conserve sa violence pendant plus d’un mille au-dessous. De là il ne se trouve aucun obstacle important jusqu’à ce qu’on arrive aux Chûtes de Menou, à une distance d’environ 20 milles; ces chûtes ont trois quarts de mille de longueur, et ne sont praticables que pour les bateaux vides; les Chûtes de Lord, deux milles plus bas, et d’environ la même longueur que celles de Menou, sont sujettes aux mêmes inconvéniens, et même à de plus grands; car à moins que l’eau ne soit très haute, les bateaux légers n’y peuvent passer. A six milles au-dessous de cette chûte, commence un courant très rapide qui dure quinze milles, et quand on l’a passé, toutes les difficultés sont surmontées, et la rivière est libre jusqu’au lac St. Pierre. Depuis la partie supérieure de la rivière, jusqu’à la partie basse, sa largeur varie depuis 50 toises jusqu’à près d’un mille. Malgré cette alternative incommode de voiture par terre et par eau, le commerce qui se fait par cette voie est actuellement considérable, et dernièrement, dans un seul été, on a fait descendre par là plus de 1,500 barils de potasse et de vaidasse.”
Nous avons vu un tems, qui n’est pas encore bien éloigné, où il ne se construisait point de vaisseaux pour l’étranger, dans ce pays, du moins dans le district de Montréal. Dans ce même tems, on ne voyait aucun pont sur nos rivières: l’architecture navale était à peu près nulle en Canada. Depuis un certain nombre d’années, il s’est opéré sous ce rapport, comme sous beaucoup d’autres, un changement étonnant: on passe maintenant sur des ponts élégants et solides plusieurs de nos rivières, et il se construit tous les ans à Montréal, à Québec, et ailleurs, un grand nombre de vaisseaux marchands de toute grandeur et de tout gabari, navires, brigantins, barques, bateaux-à-vapeur, &c. Ces vaisseaux, qui ne le cèdent points, à ce que nous croyons, du côté des matériaux et de la main-d’œuvre, à ceux qui se bâtissent en Europe, ou dans les autres parties de l’Amérique, sont achetés à l’avance, ou se vendent promptement et avec avantage, et forment une branche de commerce profitable à cette province. Pourtant, il faut convenir que le Bas-Canada n’est pas celle des provinces britanniques qui fournit le plus de vaisseaux à la marine marchande de l’Angleterre: on a annoncé qu’il devait s’en construire trois cents, cette année, dans le Nouveau-Brunswick. Mais si une province voisine l’emporte par le nombre, nous l’emportons surement par la grandeur, témoin le Columbus, le plus grand vaisseau qui ait jamais été bâti. Peut-être ne trouvera-t-on pas mauvais de voir ici une partie de ce qu’ont dit les journaux, l’année dernière, à l’occasion de l’envoi à l’eau de ce bâtiment colossal.
“Québec, 29 Juillet, 1824. Le Columbus, qui mesure 3,700 tonneaux de régître, et que nous croyons être le plus grand vaisseau qui ait jamais été bâti, a été lancé hier matin, vers huit heures, sans accident.
“La foule qui s’était portée sur les lieux de bon matin et dès la veille, était aussi grande que nous en avons jamais vu en Canada: il ne pouvait pas y avoir moins de 5000 personnes, sans compter un grand nombre, qui s’étaient rendues à la Pointe Lévi, de l’autre côté du fleuve, qui est large d’environ deux milles en cet endroit. Il y avait beaucoup de personnes accourues d’autres parties de la province; sept bateaux-à-vapeur, qui se trouvaient dans le port, avaient été mis en requisition pour transporter des passagers, et avaient pris poste auprès du chantier, et une centaine de chaloupes et petits bâtimens, qui s’étaient rendus de bonne heure, étaient dispersés au devant; ce qui, avec l’activité des charpentiers, la beauté des paysages environnants, et la sérénité du jour, présentait une scène tout-à-fait nouvelle dans ce pays, et sur laquelle le pinceau d’un artiste aurait pu s’employer avec avantage. Nous sommes informés qu’il en a été fait plusieurs esquisses par des messieurs qui s’étaient placés à la Pointe Lévi.
“Le Columbus appartient à une compagnie de marchands en Ecosse, et a été bâti sous la direction d’un M. Wood, jeune homme de Glasgow, qui a montré beaucoup de talent et qui joint à la pratique une connaissance intime de la théorie de l’art.
“Le vaisseau se rendit par un mouvement égal et majestueux dans son élément, et n’avança pas à plus de cent toises dans le fleuve. Pendant ce mouvement, la musique du 68e régiment, qui était à terre, et celle du 7le, qui était à bord du Swiftsure, jouèrent God save the King, ce qui fut suivi d’acclamations générales, et d’une décharge de canon à terre et à bord des bateaux-à-vapeur.
“Le feu prit aux cadres, et se communiqua aux copeaux à l’entour, mais il fut éteint facilement.
“Le vaisseau monta avec la marée la distance d’un mille et demi, où les bateaux-à-vapeur le Malsham, le Swiftsure et le Sherbrooke y furent attachés et le conduisirent à l’ancrage près du saut de Montmorenci, à environ six milles au-dessous et à la vue de cette ville. Quoiqu’il ait une apparence un peu lourde, il est bâti très-solidement, et ne tire à présent que treize pieds d’eau: on croit que lorsqu’il sera prêt pour la mer, il n’en tirera guère plus de vingt pieds. Il a quatre mâts, avec un beaupré comme les autres vaisseaux, et traversera l’Atlantique à la voile. Il est commandé par le capitaine M’Kalla, marin expérimenté; et son équipage, d’environ 90 hommes, est composé de matelots envoyés d’Ecosse, l’automne et le printems dernier.
“Voici ses dimensions exactes: longueur, 303 pieds 6 pouces; largeur, 50 pieds 7 pouces; profondeur, 29 pieds 4 pouces; port, 3690 tonneaux 32-44èmes.
“Les plus grands vaisseaux de la marine royale ont environ 210 pieds de quille. Leur largeur et leur profondeur passent celles du Columbus, mais leur tonnage est beaucoup moindre: car des juges compétens nous disent qu’il portera 9000 tonneaux.
“Les capitaux déboursés dans ce pays, pour sa construction, doivent être immenses: des personnes expérimentées comptent qu’il aura coûté au moins £5 par tonneau, exclusivement des mâts et agrès. Il a procuré de l’emploi à un grand nombre de charpentiers et autres depuis neuf mois; et la demande qu’il y en avait pour la construction d’autres vaisseaux, a fait qu’ils ont eu de bons gages, et pendant quelque tems, jusqu’à deux piastres par jour.”
On sait que le Columbus est parti de Québec pour l’Angleterre, quelque tems après son envoi à l’eau, et qu’à son arrivée dans la Tamise, il a attiré une foule de visiteurs, qui, s’ils n’ont pu admirer son élégance, ont du moins été étonnés de sa grandeur extraordinaire. Placé près d’un vaisseau de ligne, ce dernier ne paraissait, a-t-on dit, dans l’exagération de l’étonnement, que comme un pigmée à côté d’un géant. Le Columbus est reparti d’Angleterre, ce printems, pour venir prendre une cargaison de bois de construction dans un des ports du Nouveau-Brunswick.
Si le Columbus est le plus grand des vaisseaux qui aient jamais été construits, celui dont on va lire la description, a peut-être été le plus curieux.
“Navire extraordinaire. Thomas Heywood publia en 1637, la description d’un bâtiment marchand appellé Souverain de la Mer, qui avait été construit quelque tems auparavant, et passait pour le plus grand qui fût jusqu’alors sorti des chantiers d’Angleterre. Ce fameux navire avait été construit à Woolwich, dans la même année 1637; sa longueur prise sur quille était de 128 pieds, à quelques pouces près; sa principale largeur était de 48 pieds; sa longueur, prise de l’étambot à l’étrave (à prorâ ad puppim,) était de 232 pieds, et sa hauteur, mesurée du bois de sa quille jusqu’au haut de sa lanterne, était de 76 pieds. Il avait cinq lanternes, dont la plus grande pouvait contenir dix personnes debout; trois ponts entiers, un gaillard d’avant, un demi tillac, un quart de tillac et une chambre de conseil. Sa première batterie était percée à trente sabords propres à placer du canon ou du demi-canon; sa deuxième batterie était également percée à trente sabords, où l’on pouvait mettre des couleuvrines ou des demi-couleuvrines; enfin, les vingt-six sabords de la troisième étaient propres à recevoir des pièces d’autres calibres; son gaillard d’avant avait douze de ces pièces, et ses deux demi-tillacs en avaient 13 à 14, qui se trouvaient rentrées en dedans du bord du bâtiment. Outre cela, il y avait encore à l’extérieur dix pièces d’artillerie, et dix autres pièces placées à diverses distances, dont les intervalles étaient garnis de canardières pour la mousquetterie. Ce bâtiment avait onze ancres dont l’une pesait 4,400 livres. Il avait en outre deux galeries dont tous les ornemens étaient d’un travail fini. Sur les cotés du bâtiment étaient gravés des trophées d’artillerie et des signes symboliques analogues à des actions de terre et de mer. Il était en outre décoré des attributs de la navigation; les chiffres et les armes de leurs majestés Charles II et son épouse, étaient gravés sur les divers angles du bâtiment. Tout était doré et colorié en noir et en or. Les quatre principales pièces de bois avaient été tirées du même pied de chêne. A la tête de la poupe était un Cupidon, et sur le devant du corps du bâtiment un enfant bridant un lion. On voyait sur la façade, six statues représentant Concilium, Cura, Conamen, Vis, Virtus, Victoria. Sur les côtés étaient quatre figures de Jupiter, de Mars, de Neptune et d’Eole. Sur la poupe, on voyait la Victoire au milieu d’un frontispice, et sur le devant le roi Edgard à cheval et foulant aux pieds sept rois.”
Le grand vaisseau qui a été construit, cette année, au même chantier, surpasse le Columbus de 5½ pieds en longueur; 10 en largeur, et 5 en profondeur. En voici les dimensions, &c.—Longueur, 309 pieds; largeur, 60; profondeur, intérieurement, 38; extérieurement, 57; tonnage, 5888 tonneaux; ancres, 4½ tonneaux; grand mât, audessus du pont, 75 pieds; grande vergue, 72; beaupré, 60; longueur du cable de chanvre, 100 brasses; circonférence, 27 pouces; pesanteur, 126 quintaux: longueur du cable de chaîne, 120 brasses; cargaison, avant d’être lancé à l’eau, 4000 tonneaux de bois de construction; cargaison totale, de 8500 à 9000 tonneaux; matériaux pour sa construction, 3000 tonneaux de bois, 125 tonneaux de fer, 12 tonneaux d’étoupes, &c.
Ce grand vaisseau, qu’on a appellé d’un nom qui rappelle ces vers de Boileau,
Et qui peut sans frémir aborder Woërden?
Quel vers ne tomberait au seul nom de Heusden?
Quelle muse à rimer en tous lieux disposée,
Oserait approcher des bords du Zuiderzée?
Comment en vers heureux assiéger Doësbourg,
Zutphen, Wageninghen, Harderwick, Knotzembourg?
Ce grand vaisseau, disons-nous, qu’on a appellé, nous ne savons pourquoi, The Baron of Renfrew, a été, après une première tentative infructueuse, heureusement lancé à l’eau, le 25 de Juin dernier, et il est probable qu’il sera prêt à partir pour l’Angleterre, chargé de bois de construction, comme son prédécesseur, à la fin de présent mois, ou au commencement du prochain.
Il ne s’agit quelquefois que de chercher pour trouver, et souvent, après la recherche, on est surpris de se voir plus riche qu’on ne le croyait. Ceux qui n’ont pas lu les annonces ou les affiches de Mr. T. Delvecchio, ignorent qu’il y ait à Montréal un Cabinet de Curiosités Naturelles et Artificielles ouvert au public; et ceux qui, ayant lu les annonces ou les affiches, n’ont pas eu la curiosité de voir le Cabinet, ne l’estiment pas apparemment ce qu’il vaut Ce Cabinet est le seul, à ce que nous croyons, qu’il y ait en Canada, et c’est, selon nous, à juste titre que Mr. Delvecchio “ôse se flatter que les amateurs de l’Histoire Naturelle, de l’Art et de l’Harmonie y trouveront de quoi satisfaire amplement leur curiosité.” Mr. D. lui-même, qui a été dernièrement dans les principales villes des Etats-Unis, et y a vu ce qu’on y peut voir de plus intéressant en ce genre, regarde son Cabinet comme un des plus curieux, du côté de la variété, qu’il y ait en Amérique. Tout ce qu’il regrette, c’est que l’appartement ne soit pas plus spacieux; mais on peut dire qu’il a su si bien tirer parti de l’espace à sa disposition, et arranger le tout avec tant d’ordre, de goût, et de netteté, si l’on peut user du terme, qu’il n’y aurait qu’une foule trop nombreuse de spectateurs qui pût faire appercevoir du défaut dont il se plaint. La propreté qui règne dans cet appartement, dont le plancher est couvert d’un tapis de toile careautée d’un très bon goût, et le plafond décoré d’une tapisserie où l’on voit des insulaires des Iles Sandwich, de la Société; des Amis, &c. dans leur grand et brillant costume, exécutant des danses, des évolutions militaires, &c. ne contribue pas peu à augmenter le plaisir du spectateur. Il est partagé par des rideaux d’étoffe en trois divisions: la première comprend les animaux et autres productions naturelles, et un nombre de figures en cire; la seconde et la troisième, les ouvrages de l’art. Les instrumens de musique se trouvent dans une chambre séparée, et peut-être en résulte-t-il un meilleur effet.
Nous avons vu plusieurs fois, et toujours avec un nouveau plaisir, le Cabinet de Curiosités de Mr. D. et, si on nous le permettait, nous conseillerions de le voir, non seulement aux personnes qui veulent se récréer agréablement, mais encore à celles qui ont quelque désir de s’instruire, persuadés que des visites à ce Cabinet leur vaudraient autant, et même mieux, que des leçons d’un professeur d’Histoire Naturelle, qui n’aurait pas les mêmes objets à mettre sous les yeux de ses élèves.
Mais pour donner une idée plus complète de ce Cabinet, il est nécessaire d’entrer un peu dans le détail de ce qu’il contient, surtout pour ce qui regarde l’Histoire Naturelle. Cette partie comprend une collection choisie de Quadrupèdes, d’Amphibies, de Reptiles, d’Oiseaux et de Poissons, si bien empaillés, préservés et disposés, qu’on les croirait vivants, si on ne les voyait de près et au grand jour; des Conques et Coquillages de mer en grande quantité, et dont nous pourrions dire ce que Virgile disait, dans ses Géorgiques, des différentes sortes de vins,
Sed neque quàm multæ species, nec nomina quæ sint
Est numerus; neque enim numero comprendere refert;
(il nous est impossible et inutile de dire combien il y en a d’espèces, et de quels noms on les appelle;) une quantité de Plantes et de Pétrifications marines, &c.
Parmi les quadrupèdes, les plus remarquables sont un Ours blanc qui a six pieds de longueur, presqu’autant de circonférence au haut du corps, et deux et demi au haut des jambes; un Léopard, de six pieds de longueur; une Panthère, un Lionceau, un jeune Tigre, un jeune Sanglier, deux Porcs-épics, un Lézard, de près de quatre pieds de longueur, un Lézard écailleux, &c.
On remarque, surtout parmi les reptiles, deux énormes serpens, de 16 à 18 pieds de longueur, et de plus de deux pieds de circonférence; à côté desquels est un Crocodile du Nil.
Dans la collection d’oiseaux, on distingue principalement l’Autruche, l’Albatros, la grande Poule de Russie, le Toucan, le Pélican, l’Ibis écarlate, l’Oiseau du Paradis, &c. sans parler de plusieurs espèces de Faisans, de Perroquets et d’oiseaux du tropique, remarquables par la beauté et la variété de leur plumage, &c.
Les poissons les plus curieux sont un jeune Goulu de mer, celui qu’on appelle vulgairement Poisson-diable, deux espèces de poissons armés, un Soleil et deux Etoiles de mer.
A tout cela il faut ajouter des serpens, &c. préservés dans des liqueurs, un Agneau à huit jambes, un jeune Pourceau à deux corps, une tête de Bélier à quatre cornes, &c.
Parmi les Figures en cire, les plus remarquables, selon nous, sont celles qui représentent une famille Péruvienne, et les Beautés de Philadelphie, de Boston et de Montréal.
Dans les seconde et troisième divisions sont les curiosités exclusivement artificielles: on y voit encore des Figures en cire de jeunes garçons et de jeunes filles qui paraissent animées et jouent des airs sur des timbres; une très-bonne Optique pourvue de très belles Vues; (nous y avons vu la ville de Londres comme on voit celle de Montréal de dessus la Montagne qui l’avoisine;) un grand Concert mécanique d’Automates, et une Maison d’Industrie, l’un et l’autre supérieurs, à ce que nous croyons, à ce qui a jamais été vu en ce genre, du moins dans ce pays.
Le prix que Mr. D. exige pour laisser voir son Cabinet est très-modique, et ne vaut pas, selon nous, à beaucoup près, le plaisir ou l’instruction qu’on en peut retirer; à la vérité, ce Cabinet ne s’ouvre pas pour moins de cinq schelins; mais s’il y a seulement quatre spectateurs à la fois, ils n’ont que trente sols à payer chacun.
Si ce qui se fait de grand et de beau chez nos voisins ne nous appartient pas directement, ce grand et ce beau doivent être au moins pour nous un objet d’émulation, un aiguillon pour nous porter à rivaliser avec eux, si nous le pouvons. Nous ne sommes pas absolument dénués de tout dans le genre énoncé ci-dessus: on verra, en tems et lieu, que nous avons eu des peintres qui n’ont pas été sans mérite. En attendant que nous soyons arrivés au moment de parler de ces peintres et de leurs ouvrages, nous mettons l’article suivant sous les yeux de nos lecteurs.
Extrait d’une lettre d’un Monsieur Américain à son ami, à Philadelphie, à la date de Paris, le 28 Avril, 1825.
“Mr. William West, (du Kentucky,) vient d’achever de très beaux portraits de Mme. G * * *, et de Melle. C * * *. Je n’ai jamais rien vu de plus beau ni de plus correct. Mr. West a refusé £500 du portrait de Lord Byron: il s’attend à en avoir 1000 guinées à son arrivée en Angleterre. Il laissera Paris dans quelques jours, pour s’établir à Londres, comme peintre de portraits. Je lui ai été de quelque service, en faisant connaître son mérite à plusieurs Anglais de distinction, qui m’ont promis de lui donner de l’emploi. Ils sont persuadés qu’il acquerra bientôt par sa profession une fortune considérable. Il a fait beaucoup de progrès, non seulement du côté du goût, mais encore des connaissances générales et des manières, sans rien perdre de sa modestie ni de ses bonnes mœurs.”
Huffland, dans son Art de Prolonger la Vie, assure que les exemples les plus extraordinaires de longévité se trouvent parmi les classes d’hommes qui mènent une vie simple et conforme aux vœux de la nature, en travaillant de leurs mains et en plein air, tels que les fermiers, les jardiniers, les chasseurs, les soldats et les matelots. Dans ces conditions, dit-il, l’homme atteint encore, quelquefois, l’âge de 140 et même 150 ans. Il cite à l’appui de ce qu’il avance, diverses personnes qui ont atteint un grand âge, et parmi lesquelles on remarque Henry Jenkins et Thomas Parr, l’un mort âgé de 169 ans, et l’autre de 152 passés; Draakembourg, le Danois, décédé en 1722, dans la 146ème année de son âge; J. Effingham, qui mourut en Cornwall, dans sa 144ème année, et le vétéran Prussien Mittelsted, qui termina sa carrière en 1742, à l’âge de 172 ans.
Tels sont quelques uns des exemples les plus remarquables cités par le Docteur Huffland; mais en feuilletant le Dictionnaire Hollandais de Luscius, dit l’auteur du livre intitulé Choix de Curiosités, &c. nous avons trouvé l’exemple encore plus extraordinaire d’un homme qui atteignit sa 180ème année, “Pétrarque Crartar,” dit le Dictionnaire précité, “de la religion grecque, était né dans l’année 1539, et il mourut le 5 Janvier 1724, à Kosfrosch, village situé à quatre milles de Temeswar, sur la route qui conduit à Karansebes. Il avait, par conséquent, vécu 180 ans. Quelques jours avant sa mort, il s’était rendu, appuyé sur un bâton, à la maison de poste de Kosfrosch, pour y demander la charité aux voyageurs. Ses yeux étaient très-enflammés, mais sa vue n’était pas éteinte. Ses cheveux et sa barbe étaient d’une couleur blanche tirant sur le vert, comme celle du pain moisi. Il lui restait encore quelques dents. Son fils, âgé de 83 ans, déclara que son père était rapetissé de toute la tête, qu’il s’était pour la troisième fois remarié, dans un âge avancé, et que lui était né de ce dernier mariage. Ce vieillard était accoutumé à observer très-rigoureusement les jours de jeûne, et il ne prenait alors aucune autre nourriture que du lait et de certains gateaux que les Hongrois appellent Kolatschen; à quoi il ajoutait un bon verre d’eau de vie du pays. Il avait des enfans de la 5ème génération, avec lesquels il jouait quelquefois, et qu’il prenait dans ses bras. Son fils, quoiqu’âgé de 97 ans, était encore frais et vigoureux. Lorsque le feld-maréchal, comte Wallis, commandant à Temeswar, apprit que ce vieillard était tombé malade, il fit faire son portrait, lequel était presque achevé, quand il expira.”
Les pays où l’on parvient présentement à une plus grande vieillesse, sont la Russie, la Suède, la Norwège et l’Angleterre: c’est dans ces pays du nord de l’Europe que l’homme des champs atteint encore quelquefois 140, 150, et même 160 ans. Cependant il est des exceptions à cette règle, et l’on trouve des exemples de longévité remarquable, dans d’autres pays, même dans ceux où généralement l’homme vieillit de bonne heure, et meurt dans un âge peu avancé: une négresse est morte l’automne dernier, à la Jamaïque, âgée d’environ 140 ans. Le Signor Gulmini, qui avait été la meilleure voix de taille d’Italie, et le chef de la troupe de musiciens de Benoit XIV, est mort, près de Parme, au commencement du printems dernier, à l’âge de 138 ans.
Un correspondant nous prie “de ne pas oublier d’insérer dans notre présent numéro, la nouvelle suivante qui est officielle et a été reçue par un gentilhomme de la Louisiane.”
“Mort, à la Louisiane, en Mai dernier, l’Honorable Louis Geraud Rodolphe Miville de Chêne, âgé de 139 ans. Natif de la Suisse, il était fils du Général Miville, Chevalier de Chêne, venu en Canada dans le régiment de Carignan-Salières. Ce Général mourut, quelque tems après son arrivée à la Rivière Ouelle, sans avoir pu jouir de la récompense que le Roi lui avait promise, et qu’il aurait transmise à ses trois fils, qui sont demeurés malheureux dans ce pays.”
Le Journal National, de Washington, fait mention d’un homme appellé Alexander Berkeley, et de sa femme, qui demeurent dans le comté de Charlotte, dans la Virginie, et sont âgés, le premier de 118 ans, et la dernière de 107. Berkeley est natif d’Ecosse; il servit comme soldat, sous le Duc de Marlborough, et émigra en Amérique après la mort de la reine Anne.
Le même journal parle d’un autre ex-soldat, Allemand de naissance, qui demeure dans les environs du lac Champlain, et est âgé, d’après un calcul, de 133 ans, et d’après un autre, de 141.
Quoique le climat du Canada ait toujours passé pour salubre, on n’y a jamais vu, à ce que nous croyons, d’exemples de longévité aussi extraordinaires que ceux que nous venons de citer. L’homme mort ici dans l’âge le plus avancé, à notre connaissance, était un ex-soldat français connu sous le nom de guerre de Vivarais. Nous nous rappelions de l’avoir vu dans notre enfance, il y a environ 30 ans. Il marchait tout courbé, et était obligé de se porter la tête tout-à-fait en arrière pour voir devant lui. Il se disait alors âgé de 118 ans, et nous croyons qu’il mourut un ou deux ans après, dans sa 120e. année.
On nous dit qu’il existe dans l’un des fauxbourgs de Montréal, un autre ex-soldat français qui se dit âgé de 113 ou 114 ans, et le prouve par un extrait baptistaire qu’il a eu le soin d’apporter avec lui, en venant dans ce pays, comme s’il eût prévu que son âge dût être, un jour, un objet de curiosité.
Le Canadien proprement dit qui soit parvenu, à notre connaissance, à l’âge le plus avancé, est un cultivateur de la Côte des Neiges, près cette ville, nommé ou surnommé Lamouche, qui est mort il y a 25 ou 30 ans, dans sa 108e. année, subitement, après un tour de promenade dans son champ. Il était parvenu à ce grand âge, exempt d’infirmités, et sans avoir jamais eu recours à la médicine.
Le Docteur Rieutord, qui est mort aux Trois-Rivières, il y a cinq ou six ans, dans sa 105e. année, était natif de France, à ce que nous croyons, et Mr. C. Lusignan, qui est décédé ici dernièrement, dans sa 107e. était natif d’Italie.
Les personnes, dit Plutarque, dont le cœur est dominé par l’amour, sortent de la dépendance de tout autre maître, comme ceux qui sont voués à quelque divinité. Une femme vertueuse, qu’un véritable amour unit à son mari, souffrirait plutôt l’approche des ours et des dragons que celle d’un autre homme. Quoiqu’il y ait une foule d’exemples, je ne puis cependant passer sous silence celui d’une Gauloise parfaitement belle, nommée Camma, et femme du tétrarque Sinatus. Synorix, un des plus puissants d’entre les Gaulois, en devint amoureux, et désespérant ou de la séduire, ou de lui faire violence, tant que son mari vivrait, il le fit périr. Le sacerdoce de Diane, héréditaire dans la maison de Camma, fut pour elle un asyle contre les poursuites de Synorix, et un adoucissement à son malheur. Elle passait presque tous les jours dans le temple de cette déesse, et refusa constamment les grands partis qui se présentaient. Synorix ayant enfin ôsé lui faire la proposition de l’épouser, elle ne parut pas la rejetter; et, sans lui faire aucun reproche sur la mort de son mari, elle feignit de croire que c’était l’amour seul, et non la méchanceté, qui l’avait porté à le faire mourir. Synorix, ajoutant foi à ce qu’elle lui disait, se rendit au temple pour la célébration du mariage, Camma alla audevant de lui, le prit par la main, et le conduisit au pied de l’autel de la déesse: là, après avoir fait une libation de vin et de miel empoissonnés, elle en but la moitié, et donna le reste à Synorix. Lorsqu’il eut achevé de boire, elle jetta un grand cri, et appellant à haute voix son époux: “Mon cher Sinatus, dit-elle, c’est dans l’attente seule de ce jour que j’ai trainé, séparée de toi, une vie malheureuse. Maintenant, reçois avec plaisir ton épouse qui t’a vengé du plus scélérat des hommes, et qui est aussi satisfaite de mourir avec lui, qu’elle l’était de vivre avec toi.” Synorix s’étant fait transporter dans sa litière, expira bientôt après. Camma lui survécut le reste du jour et de la nuit, et mourut, dit-on, comblée de joie.
Pouvoir de la Musique. Au siècle dernier, la princesse Belmonté, à Naples, venait de perdre son mari. Un mois s’était écoulé sans qu’elle proférât une seule plainte et versât une seule larme: seulement, vers la chûte du jour, on portait la malade dans ses jardins. Mais ni l’aspect du plus beau ciel, ni la réunion de tout ce que l’art ajoutait sous ses yeux au charme de la nature, ni même la fraicheur et la douce obscurité du soir, rien ne pouvait amener en elle ces émotions attendrissantes qui donnent une issue à la douleur, et lui ôtent ce qu’elle a de déchirant et de trop amer.
Raff, célèbre chanteur, passant alors à Naples pour la première fois, voulut voir ces jardins fameux par leur beauté. On le lui permit, mais en lui recommandant de ne pas approcher de tel bosquet, où était alors la princesse. Une des femmes de sa suite, sachant que Raff était dans le jardin, proposa à Mme. de Belmonté, non pas de l’entendre, mais de le voir, et de lui permettre de venir la saluer. Raff s’approcha: en allant le chercher, on lui avait fait sa leçon. Après quelques momens de silence, la même femme pria la princesse de permettre qu’un chanteur si fameux, pût au moins lui faire entendre le son de sa voix, et chanter seulement quelques strophes d’une chanson de Rolli ou de Métastase. Le refus n’ayant pas été positif, Raff interpréta ce silence; et s’étant placé un peu à l’écart, il chanta le premier couplet d’une chanson très touchante de Rolli, qui commence par ce vers: Solitario bosco ombroso. Sa voix, qui était alors dans toute sa fraicheur, et l’une des plus belles et des plus touchantes qu’on ait entendues, la mélodie simple, mais expressive, de ce petit air, les paroles parfaitement adaptées au lieu, aux personnes, aux circonstances, tout cela ensemble eut un tel pouvoir sur des organes qui semblaient depuis longtems fermés et endurcis par le désespoir, que les larmes coulèrent en abondance; elles ne s’arrêtèrent point pendant plusieurs jours. Ce fut ce qui sauva la malade, qui, sans cette effusion salutaire, eut immanquablement perdu la vie.
L’Anecdote suivante, dit l’auteur des Beautés de l’Histoire d’Amérique, montre que chez les sauvages, les femmes, souvent victimes aussi des fureurs de la guerre, chérissent la vengeance, comme les hommes, et ne manquent, dans l’occasion, ni de constance, ni de force, ni de résolution, pour la satisfaire.
Oroboa, jeune Muscogule, avait été enlevée par les Illinois, dans une expédition que ceux-ci avaient faite contre sa tribu. Elle fut déposée dans une de leurs huttes, ayant les pieds et les mains liés. Pendant dix jours qu’elle passa dans cette position, elle ne reçut de nourriture que ce qu’il fallait pour l’empêcher de périr. A la onzième nuit, pendant que ses ennemis dormaient près d’elle, elle parvint à dégager une de ses mains, et bientôt après à se délier tout à fait. Son premier mouvement fut d’assurer sa liberté par la fuite; mais elle ne put se résoudre à laisser échapper l’occasion de la vengeance; elle rentre dans la hutte qu’elle a quittée, saisit une hache, assomme celui de ses ennemis qui est le plus à sa portée, s’élance au dehors, et va se cacher dans un arbre creux qu’elle avait remarqué.
Cependant ses ennemis réveillés par les gémissemens du mourant, frémissent de terreur et d’indignation, et se hâtent de la poursuivre. Elle attend qu’ils soient éloignés, et dirigeant sa course d’un autre côté, elle s’enfonce dans les bois. Elle y errait depuis deux jours, lorsque tout-à-coup, elle découvre les Illinois qui suivaient la trace de ses pas. Elle se plonge aussitôt dans un étang couvert de roseaux, qui se trouvait à sa portée, et y reste, dans une attitude qui lui permettait de respirer sans être apperçue, jusqu’à ce que ses ennemis, lassés d’une recherche inutile, se soient éloignés.
Pendant trente-cinq jours, elle parcourut les forêts et les déserts, vivant de racines et de fruits sauvages. Parvenue au bord d’un fleuve large et rapide, elle fit, avec des osiers, une espèce de radeau qui lui servit à le traverser. Enfin, elle fut rencontrée par des guerriers de sa nation, qui lui donnèrent des vêtemens pour se couvrir, et la reconduisirent dans son village.
Il fut un tems où l’usage du thé était à peu près inconnu en Canada. Un monsieur qui se rendait de Québec à Montréal, étant arrivé à une auberge, pria l’hotesse de lui faire du thé pour son déjeuné, en lui en donnant une livre qu’il avait eu la précaution d’apporter avec lui. La femme, au lieu de prendre ce qu’il fallait de feuilles pour faire une tasse de thé, les fit bouillir toutes dans un chaudron, et les apporta au voyageur, sur une assiète, avec un morceau de beurre au milieu. Cette anecdote est rapportée par Mr. J. Lambert.
VERS D’UN HOMME QUI SE RETIRE A LA CAMPAGNE.
Enfin, j’arrive au port: voici les lieux charmans
Où mon cœur éprouva ses premiers sentimens;
Où comme un songe heureux s’envola mon enfance;
Age d’or, jours sereins, coulés dans l’innocence.
Vallons, forêts, ruisseaux, que vous me semblez doux!
Pour ne plus vous quitter, je retourne vers vous.
L’or n’éclatera point dans mon humble retraite,
L’amour de vos déserts, une âme satisfaite,
Des livres, des amis, le bonheur d’être à soi:
Voila tous les trésors que j’apporte avec moi.
Qu’ai-je besoin de plus dans une vie obscure?
Il faut beaucoup au luxe, et peu pour la nature.
O médiocrité, sûr abri des mortels,
De fleurs, tous les printems, j’ornerai tes autels.
C’est pour l’ombre des champs que le ciel m’a fait naître,
Protège la cabane, et l’enclos, et le maître;
Daigne écarter les soins, les vices, les revers,
De ce foyer rustique où j’ai gravé ces vers.
LE BEAU SEXE.
Quel doux attrait vers la beauté m’appelle?
Dans tous les lieux où je porte mes pas,
Quand par malheur je ne lui parle pas,
Je suis encore heureux de parler d’elle.
Oui; le prestige à la femme attaché
Sur notre cœur assure son empire,
Rend précieux le nœud qu’elle a touché,
Et se répand sur l’air qu’elle respire.
Dans un village, un rustique séjour
Est habité par quelques rêveurs sombres;
De leur tristesse, au défaut de l’amour,
L’amitié seule adoucira les ombres.
Là, tout-à-coup arrivent la gaîté,
Le doux plaisir, les jeux, le badinage;
L’humble maison est un temple enchanté,
Le verger triste est un riant bocage.
Ce changement, qui jamais l’eût prévu?
Qui dans ces lieux amène l’allégresse?
Un mot l’explique; une femme a paru,
Elle a tout fait, et c’est l’enchanteresse.
Sexe adoré! c’est pour plus d’un bienfait
Que l’homme ému vous offre ses hommages:
Cet univers semble un heureux banquet
Où vous devez inviter tous les âges.
O mes amis! que ce sexe enchanteur
A droit de plaire à notre âme amoureuse!
Que dans ses dons j’aime le Créateur,
Et que la femme est une idée heureuse!
La femme! aimable et céleste présent
Qu’il daigna faire à la terre embellie;
Charmante fleur dont ce Dieu bienfaisant
Sema pour nous le jardin de la vie!
M. CREUZÉ.
Laharpe, dans une brochure sur la langue révolutionnaire, avait proscrit le verbe fanatiser, et posait en principe, que dans notre langue aucun adjectif en IQUE ne peut produire un verbe en ISER. Chenier lui prouva par les vers suivants, que le maître se trompait: l’argument est ad hominem.
Si par une muse électrique
L’auditeur est électrisé,
Votre muse paralytique
L’a bien souvent paralysé.
Mais quand il est tyrannisé,
Par fois il devient tyrannique.
Il siffle un auteur symétrique;
Il rit d’un vers symétrisé,
D’un éloge pindarisé,
Et d’une ode anti-pindarique.
Vous avez trop dogmatisé:
Renoncez au ton dogmatique;
Mais restez toujours canonique,
Et vous serez canonisé.
LA VICTOIRE DE CHATEAUGUAY.
La trompette a sonné: l’éclair luit, l’airain gronde:
Salaberry parait; la valeur le seconde;
Et trois cents Canadiens, qui marchent sur ses pas,
Comme lui, d’un air gai, vont braver le trépas.
Huit mille Américains s’avancent d’un air sombre;
Hampton, leur chef, en vain veut compter sur leur nombre.
C’est un nuage affreux qui parait s’épaissir,
Mais que le fer de Mars doit bientôt éclaircir.
Le Héros Canadien, calme quand l’airain tonne,
Vaillant quand il combat, prudent quand il ordonne,
A placé ses guerriers, observé son rival:
Il a saisi l’instant, et donné le signal.
Sur le nuage épais qui contre lui s’avance,
Aussi prompt que l’éclair, le Canadien s’élance . . . .
Le grand nombre l’arrête . . . . . il ne recule pas:
Il offre sa prière à l’Ange des combats,
Implore du Très-Haut le secours invisible,
Remplit tous ses devoirs, et se croit invincible.
Ses ennemis confus, poussent des hurlemens,
Le chef et les soldats font de faux mouvemens.
Salaberry qui voit que son rival hésite,
Dans la horde nombreuse a lancé son élite:
Le nuage s’entr’ouvre, il en sort mille éclairs,
La foudre et ses éclats se perdent dans les airs;
Du pâle Américain la honte se déploie,
Les Canadiens vainqueurs jettent des cris de joie;
Leur intrépide chef enchaine le succès,
Et tout l’espoir d’Hampton s’enfuit dans les forêts.
Oui! généreux soldats, votre valeur enchante,
La patrie envers vous sera reconnaissante;
Où une main libérale, unie au sentiment,
En gravant ce qui suit, vous offre un monument!
“Ici les Canadiens se couvrirent de gloire;
Oui! trois cent sur huit mille obtinrent la victoire:
Leur constante union fut un rempart d’airain
Qui repoussa les traits du fier Américain.
Passant, admire les! . . . . Ces rivages tranquilles
Ont été défendus comme les Thermopiles:
Ici Léonidas et ses trois cent guerriers
Revinrent parmi nous cueillir d’autres lauriers.”
L’auteur de la tragédie d’Appius, qui a été jouée avec beaucoup de succès à Lyon, a lu, au Théâtre-Français, une comédie en trois actes et en vers, intitulée: L’amitié des deux âges; elle a été reçue par acclamation.
Les poésies de Goëthe, traduites pour la première fois de l’Allemand par Mme. E. Panchouke, forment la huitième livraison des traductions de tous les chefs-d’œuvre classiques. Goëthe, le poète le plus original et le plus gracieux de nos voisins d’outre-Rhin, ne nous est guère connu que par son Werther. Les poésies détachées, dont nous annonçons la traduction, ne sont pas ses moindres titres de gloire.
Le même succès a couronné l’Histoire des ducs de Bourgogne et les Mémoires inédits de Mme. de Genlis, publiés par le libraire Ladvocat. Il serait difficile de trouver deux ouvrages d’un intérêt plus opposé par le sujet et par les mœurs des époques qu’ils peignent: mais telle est la puissance d’un style franc, naïf et animé, que M. de Barante et Mme. de Genlis nous amusent également, l’un en nous transportant parmi les révolutions féodales de notre vieille monarchie, l’autre en nous introduisant dans les sociétés si aimables, mais souvent si frivoles, de la fin du 18e siècle.
Les Mémoires d’Henriette Wilson, qui contiennent une foule de détails scandaleux sur la plupart des personnages les plus marquans de l’Angleterre, viennent d’être traduits de l’anglais sous les yeux de l’auteur et corrigés par elle-même. Ces mémoires ont eu un succès prodigieux à Londres.
Précis de la vie de Mina, écrit par lui-même. Ce précis, écrit avec modestie, contient les campagnes de l’auteur lors de la première invasion; les propositions que Bonaparte lui fit à son retour de l’île d’Elbe; les opérations militaires de Mina pendant la dernière guerre; et est terminé par la capitulation qu’il a obtenue le 1er Novembre 1823.
Le septième volume du Dictionnaire classique d’Histoire naturelle vient de paraître à la librairie des frères Baudouin. Cet important ouvrage obtient beaucoup de succès; il forme le résumé complet de tous les dictionnaires, de tous les ouvrages qui ont spécialement traité de cette science utile. Le nom des savans distingués qui le rédigent est une garantie de son exactitude. L’ouvrage sera composé de 15 volumes in-8vo, et d’un atlas de cent planches, qui paraissent par livraisons de dix.
Le 17e volume de la Biographie nouvelle des contemporains, par MM. Arnault, Jay, Jouy et de Norvins, contenant la fin de la lettre P, la lettre Q, et le commencement de la lettre R, vient de paraître.
M. Pirolle, ancien rédacteur du Bon Jardinier, vient de publier un nouvel ouvrage intitulé: Horticulteur Français; ou Jardinier-amateur. M. Pirolle se propose de faire paraître, chaque année, des supplémens détachés contenant les découvertes et les nouveaux procédés qui peuvent être mis en usage.
M. C.-L.-F. Panckoucke, après voir publié, sous le titre de Barreau Français, une collection des meilleurs plaidoyers de nos orateurs judiciaires, a mis en vente, sous celui de Barreau Anglais, un choix de plaidoyers des avocats anglais, traduit par MM. Clair et Clapier, avocats à la cour royale de Paris.
Le libraire Arthus-Bertrand vient de mettre en vente le Voyage du capitaine Hall au Méxique, au Chili et au Pérou, pendant les années 1820, 1821 et 1822, entrepris par ordre du gouvernement anglais.
Deux nouveaux volumes de la belle édition des Œuvres complètes de M. Jouy, de l’Académie Française viennent d’être mis en vente: ils se composent d’Essais sur les mœurs du tems.
“Bibliothèque portative, ou Galerie historique de tous les peuples anciens et modernes, contenant leurs révolutions politiques, leurs découvertes dans les sciences, leurs progrès dans les arts et la littérature; avec des cartes et gravures; dédiée à la jeunesse et aux gens du monde; par une société d’hommes de lettres:” tel est le titre d’un ouvrage qui doit paraître en 50 volumes in-36, par livraisons de 2 volumes, à partir du 15 juillet prochain.
La 19e. livraison de la Collection des mémoires relatifs à la révolution française, publiée par les frères Baudouin, se compose de deux volumes: le premier contient l’histoire de l’assemblée constituante, par Durand de Maillane, et un fragment historique de M. le comte Lanjuinais sur le 31 mai, 1793. Ces deux mémoires, précieux pour l’histoire, étaient restés jusqu’à ce jour entièrement inédits, et jettent une grande lumière sur des faits importans et peu connus. Le second volume renferme les Mémoires relatifs à la captivité du Temple; le Journal de Clery; les dernières heures de Louis XVI, par l’abbé Edgeworth; le Récit des évènemens arrivés au Temple, par Madame Royale, duchesse d’Angoulême; et des éclaircissemens historiques tirés des divers mémoires du tems.
Nous avons présagé dans le tems le succès de l’Essai sur l’éducation des Femmes, par Mme. la comtesse de Remusat; le suffrage du public a pleinement confirmé notre jugement, et ce livre a obtenu l’estime des meilleurs critiques, des plus justes appréciateurs du talent et de la vérité.
M. W. de Schlegel, (de Bonn,) prépare une édition du Ramayana, ou Poëme épique sur les grandes actions de Ramas. C’est l’ouvrage de Valmike, l’un des plus anciens auteurs de l’Inde. Le texte sera accompagné d’une version latine et de notes critiques. M. de Schlegel promet de plus un Dictionnaire mythologique et géographique. Le Ramayana est composé d’environ 24,000 distiques, distribués en sept livres; il occupe avec le Maha-Bharata, le premier rang parmi les poëmes mythologiques que les Indiens nomment l’ouranas, c’est-à-dire, anciennes traditions. Les fictions qu’il contient, dit M. de Schlegel, sont répandues non seulement dans toute l’étendue de l’Inde proprement dite, mais elles ont pénétré dans la presqu’île audelà du Gange, dans les îles de l’Archipel Indien, et dans plusieurs contrées de l’Asie centrale; et jamais, peut-être, héros déifié n’a rempli de sa gloire un aussi vaste théâtre que Ramas. En 1806, Carey et Marshman avaient commencé, à Sérampore, une édition du Ramayana; elle fut abandonnée. Celle de M. de Schlegel aura huit volumes in-8vo. qui paraîtront par livraison de deux volumes, et seront du prix de 100 francs chacune. Les notes seront imprimées à part à raison de 50 francs par volume.
La lettre suivante a paru en anglais dans la Gazette de Québec du 30 Mai dernier.
“Il parait y avoir eu une chûte de neige dans les montagnes, à quelques milles au nord de cette ville, Samedi dernier au matin, et le même jour de bonne heure, les petites mares d’eau étaient couvertes de glace de l’épaisseur d’une piastre, et les jeunes plantes et les feuilles portaient les marques de la gelée. Le 22, la chaleur était à 80 degrés du thermomètre de Farenheit, et hier elle était presque aussi haute.
“On doit avoir remarqué que les changemens dans la température de notre atmosphère sont fréquemment extrêmement grands et subits, et plus encore ici que dans aucune autre partie de la province. Une chaîne de montagnes dont plusieurs ont environ 1000 pieds de hauteur, passe à neuf milles au nord de Québec, et touche le St. Laurent à St. Joachim, à environ huit lieues au-dessous. La même chaîne forme ensuite les rives stériles du fleuve jusqu’à quelque distance plus bas que l’embouchure du Saguenay. En courant à l’ouest, depuis Québec, elle prend la direction du nord-ouest, et ne s’apperçoit des bords du fleuve que quelques lieues au-dessus de la ville. La chaîne de montagnes en question est principalement couverte d’arbres toujours verts, et les rayons du soleil ne pouvant pénétrer jusqu’à la terre, la neige y demeure beaucoup plus tard qu’ailleurs. Très souvent les sauvages de Lorette, qui ne chassent pas à plus de 100 milles au nord ou à l’ouest de Québec, se servent de raquettes jusque vers le 20 Juin, et traversent même les lacs et les étangs sur la glace jusque vers le 10. Il parait suivre de là qu’au printemps, les vents de nord-ouest passant au-dessus de ces régions froides, étant même formés de leur atmosphère, doivent être très froids; et il est aisé de concevoir que quand ces vents règnent le froid doit être beaucoup plus intense. C’est ce qui semble avoir eu lieu dans l’été de 1816, que les moissons furent presque partout détruites. Ce froid peut se faire sentir subitement, attendu qu’il ne dépend que d’un simple changement de vent.”
Dernièrement, en creusant un puits, près du fort de Léon, en Lombardie, on a trouvé dans un grand coffre d’airain cerclé en fer, les articles suivants: plusieurs baguettes et plusieurs vases d’or; une couronne enrichie de diamans; une grande quantité de bijoux, des étoffes d’amianthe avec des franges brodées en or, des chandeliers avec d’anciennes inscriptions, &c. On conjecture que ces effets ont appartenu à Beranger, Roi d’Italie, et à son épouse Gilda, qui dans leur guerre avec l’Empereur Othon I, s’étaient renfermés et fortifiés dans le fort de Léon.
Naissance. A Québec, le 21 Juin dernier, la Dame de J. D’Estimauville, Ecuyer, a mis au monde une fille.
Mariés. A Varennes, le 20 de Juin dernier, par Messire Deguise, Curé de la paroisse et Vicaire-Général, Mr. Hypolite Mallepart, de New-York, à Dlle. Desanges Mallepart, de Varennes.
A Champlain, le 26, par D. J. Taylor, Ecuyer, Mr. Edouard E. Rodier, à Dlle. Julie V. Dumont, tous deux de Montréal.
En cette ville, le 27 du courant, par Messire Boussin, Mr. Thomas Neagle, Maître d’Ecole, à Dlle. Ann O’Donovan, fille de Mr. Peter O’Donovan, de Limerick, en Irlande.
Décédés. Au Saut St. Louis, le 5 de Juin dernier, C. N. G. Chevalier de Lorimier, Ecuyer, Major au Département des Sauvages, âgé de 81 ans. Le Major De Lorimier avait bien mérité de son Roi et de son pays, en servant dans plusieurs guerres, au détriment de ses intérêts particuliers, et il s’était acquis par sa conduite probe, loyale et religieuse, l’estime et le respect de tous ceux avec qui il eut des affaires à transiger, ou qui le connurent particulièrement, comme l’a témoigné le concours nombreux qui a assisté à ses funérailles.
En cette ville, le 11, à l’âge de 60 ans, Hypolite St. George Dupré, Ecuyer, Commissaire des Transports pour le Haut-Canada, et Lieutenant-Colonel, commandant le troisième bataillon de la Milice de Montréal. Religieux observateur de ses devoirs de sujet, de citoyen et de chrétien, et doué de qualités estimables, Mr. St. George Dupré a emporté les regrets de ses parens, de ses amis et de tous ceux qui l’ont connu particulièrement. Ses funérailles se sont faites le 14, en présence d’un grand concours, et avec les honneurs militaires dûs à son rang.
Le 12, Dlle. Maria McDonell, de Keppoch, fille de feu Alexander McDonell, Major au régiment des Fencibles de Glengary, en Ecosse, justement regrettée de ses nombreux parens et amis.
Soudainement, à la Malbaie, le 8, Mr. Pierre Verrault, ci-devant Enseigne dans le 1er bataillon de la Milice d’élite et incorporée.
A Marchmont, près Québec, le 16, le révérendissime Jacob Mountain, Docteur en Théologie, Lord-Evêque Anglican de Québec, âgé de 73 ans. Ses restes ont été inhumés, le 20, dans la cathédrale protestante, avec les cérémonies d’usage.
A Ste. Anne, (île de Montréal,) le 21 du courant, la Dame de P. Desrivieres Beaubien, Ecuyer, âgée de 36 ans.
A Québec, le 23, Louis Moquin, Ecuyer, Avocat, âgé de 33 ans. Ce monsieur, par son éducation, son application, ses talens et son caractère, s’était élevé à un haut degré d’éminence comme membre du barreau. Il est du petit nombre de ceux dont la perte est vivement ressentie au delà du cercle de leur famille et de leurs amis. Les Juges, les Avocats en corps, et un grand concours ont assisté à ses funérailles, qui se sont faites le 25. Après le service, qui a été chanté par Mr. Demers, Grand-Vicaire, Mr. le Juge en Chef, Sewell, a fait un discours concis et pathétique, où il a rappellée les qualités éminentes du défunt comme avocat.
Les Gazettes du mois passé ont annoncé le décès de
Louis Amiot, Ecuyer, Notaire Public, à la Rivière du Loup, (District de Québec,) à la fin d’Avril dernier;
Mr. Francis Pierpont Burton, dans la 19ème année de son âge, Officier dans la Marine Royale, et fils ainé de Son Excellence Sir F. N. Burton, Lieutenant-Gouverneur de cette province, à Hastings, dans le comté de Sussex, le 30 Avril dernier;
Walter Davidson, Ecuyer, âgé de 35 ans, fils unique de feu l’hon. Juge Davidson, et Seigneur de Beaurivage, dans le District de Québec, à Glasgow, le 17 Mai dernier.
Bureau du Secrétaire Provincial, Québec, 9 Juin. Il a plû à son Excellence le Lieutenant-Gouverneur, nommer,
Frederick Andrews, et Charles Aubry, Ecuyers, Avocats, Procureurs, Solliciteurs et Consultants, pour cette province.
Claude Weilbrenner, et James M’Caulay, Gentilshommes, Médecins, Chirurgiens et Accoucheurs, pour do.
Jean Bte. Dupuis, Gentilhomme, Notaire Public.
Pierre P. Trudel, Gentilhomme, Inspecteur de Potasse et Perlasse, pour le District des Trois-Rivières.
Bureau de l’Adjudant-Général des Milices, Québec, 23 Juin. Il a plû à Son Excellence le Lieutenant-Gouverneur, commissioner, dans la Division de Milice de Beauport,
Narcisse Duchesnay, Lieut. Colonel commandant; George Vanfelson, 1er Major, T. Ainslie Young, 2d. Maj., John M’Callum, Capitaine et Adjudant; W. Hadley Anderson, Capitaine et Aide-Major; François Romain, Lieutenant et Quartier-Maître; Augustin Deguise, John Smith, Wm. Smith, Lieutenants; J. Ryan Woolsey, Joseph Jones, Enseignes et Aide-Majors.
Dans la Division de Montmorency,
J. Wm. Woolsey, Lieut. Colonel commandant; Louis Cazeau, Major; Wm. Henry Lemoine, Louis Racine, Capitaines; Louis Lemoine, Lieutenant et Aide-Major; Paul Filion, Charles Guimond, Lieutenants; Nicholas Lefrançois, Enseigne et Quartier-Maître; Augustin Carron, Louis Ranvoizé, Edouard Carron, Julien Saillant, Louis Cloutier, J. F. Gagnon, Michel Belanger, J. S. Gravelle, Ignace Gravelle, Guil. S. Hilaire, Joseph Giguiere, Louis Poulin, Enseignes; Etienne Lamoureux, Chirurgien.
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[The end of La bibliothèque canadienne, Tome 1, Numero 02, Juillet, 1825. by Michel Bibaud]