* A Distributed Proofreaders Canada eBook *

This ebook is made available at no cost and with very few restrictions. These restrictions apply only if (1) you make a change in the ebook (other than alteration for different display devices), or (2) you are making commercial use of the ebook. If either of these conditions applies, please check with an FP administrator before proceeding.

This work is in the Canadian public domain, but may be under copyright in some countries. If you live outside Canada, check your country's copyright laws. If the book is under copyright in your country, do not download or redistribute this file.

Title: Néologie canadienne (1810), in Bulletin du parler français au Canada, volume VIII (1909-1910)

Date of first publication: 1810

Author: Jacques Viger (1787-1858)

Date first posted: May 2, 2013

Date last updated: May 2, 2013

Faded Page ebook #20130504

This ebook was produced by: Jean-Adrien Brothier, Hugo Voisard & the online Distributed Proofreaders Canada team at http://www.pgdpcanada.net

BULLETIN

DU

PARLER FRANÇAIS AU CANADA

VOL. VIII

Septembre 1909—Septembre 1910

PUBLIÉ PAR

LA SOCIÉTÉ DU PARLER FRANÇAIS AU CANADA

UNIVERSITÉ LAVAL

QUÉBEC

Imprimeur-Éditeur
L'ACTION SOCIALE, Ltée
Imprimeur et Relieur
103, Rue Sainte-Anne, 103
Québec
       Éditeur-Dépositaire
HONORÉ CHAMPION
Libraire et Éditeur
5, Quai Malaquain, 5
Paris[Pg 42]

JACQUES VIGER

Le Bulletin du Parler français offre, cette année, une primeur à ses lecteurs: c'est le lexique ou la Néologie canadienne de Jacques Viger. C'est une primeur presque centenaire, puisque l'un des cahiers manuscrits que nous allons publier porte la date de 1810. La publication de ces cahiers, que l'on se propose de faire, chaque mois de la présente année académique, à partir de novembre, ne sera terminée qu'en 1910: et c'est donc, croyons-nous, une assez bonne façon d'honorer la mémoire du grand travailleur que fut Jacques Viger, que de faire connaître au public, après cent années d'obscure détention dans les tiroirs poussiéreux, une œuvre, un manuscrit qu'il a évidemment préparé avec un soin diligent.

Au surplus, Jacques Viger n'est guère connu comme lexicographe. On sait mieux qu'il fut un collectionneur infatigable de documents canadiens, un chercheur curieux et persévérant, et qu'il eut le culte des choses de notre vie historique. Mais précisément parce qu'il fut cela, il n'est pas étonnant qu'il ait été quelque peu philologue, et qu'il ait songé à faire le relevé des mots nouveaux, des locutions pittoresques ou vicieuses qui émaillaient la conversation des Canadiens de son temps. Il fut lexicographe parce qu'il fut «historiomane», parce qu'il eut toutes les sollicitudes d'un historien, et parce que le vocabulaire d'un peuple constitue l'une des pages les plus vivantes et les plus significatives de son histoire.

Mais Jacques Viger est un de ces ouvriers de la première heure dont le nom s'efface graduellement dans la mémoire des générations distraites et oublieuses. Cette figure, qui fut si connue des Canadiens de la première moitié de l'autre siècle, et qui ne laissa pas de s'envelopper de quelque auréole, ne rayonne plus guère aujourd'hui, à travers la poussière des archives, que sous le regard fatigué des érudits, sous l'œil aigu des fouilleurs de bibliothèques, et l'on ignore trop quel fut cet homme et quelle [Pg 43]fut son œuvre. Jacques Viger n'a presque rien écrit pour le public; il n'a pas voulu faire de livres avec sa science de notre histoire, et la postérité s'en venge déjà en le laissant dans les cartons où il s'est enfoui.


C'est en 1787, le 7 mai, qu'il naquit à Montréal. Il étudia au Collège de Saint-Raphaël, qui est celui des Sulpiciens, et il y rencontra, parmi ses camarades, ce Michel Bibaud qui devait comme lui se tant préoccuper de notre littérature naissante.

Nul doute que l'étudiant ne manifestât, dès ses années de collège, un goût très prononcé pour les lettres, et pour la politique. Car dès l'âge de vingt et un ans, nous voyons le jeune Viger chargé de la rédaction du Canadien. Le Canadien du 26 novembre 1808 annonce lui-même cette bonne nouvelle à ses lecteurs. Quelques jours auparavant, le 17 novembre, avant de quitter Montréal pour venir habiter Québec, Viger avait épousé la veuve du major Lennox, Marie-Marguerite de Chapt La Corne de Saint-Luc, fille du chevalier de Saint-Luc.

Jacques Viger fut donc d'abord journaliste; il consacra à la politique ses premières ardeurs littéraires. L'on sait, l'on se rappelle quelle était la politique de ces temps héroïques, et quel louable désintéressement elle exigeait de ceux-là, parmi nos anciens, qui eurent le courage de s'y livrer. Les Canadiens français n'avaient alors aucun pouvoir officiel, ni aucun patronage à exercer; les chefs de la ligne patriotique n'avaient pas de faveurs à distribuer, ils n'avaient aucune basse ambition à satisfaire. C'est dans l'atmosphère pure des intérêts supérieurs de la race et de la religion que s'engageait la bataille quotidienne, et les journalistes qui répandaient des idées, ceux-là surtout qui écrivaient au Canadien, et qui portaient chaque semaine jusque dans les rangs du peuple la pensée de nos parlementaires, et qui la commentaient, et qui la fortifiaient, exerçaient un véritable et noble ministère. Jacques Viger se sentit tout de suite attiré vers ce sacerdoce; il apporta à la cause commune le concours d'un esprit tout jeune, capable de généreux enthousiasmes.

Son séjour au Canadien ne devait pourtant pas être long. Le 13 mai 1809, on annonce, en effet, que Jacques Viger n'est plus le rédacteur du journal.[Pg 44]

Viger retourna à Montréal, qu'il ne devait plus guère quitter. Nous avons peu de renseignements sur les premières années qui suivirent ce retour. Maximilien Bibaud affirme, dans le Panthéon canadien, qu'en 1812 Jacques Viger publiait en français et en anglais la Mort de Louis XVI, racontée par l'abbé Edgeworth de Firmont, son dernier confesseur; il ajoute que ce récit «ne contribua pas peu à faire détester ici les sans-culottes».

Mais voici qu'éclate la guerre de 1812. De Salaberry crée le corps des Voltigeurs canadiens. Et Jacques Viger, déjà lieutenant au 3eme bataillon des milices de la Ville[1], s'enrôle, comme capitaine, sous le drapeau du vaillant colonel. Avec les Voltigeurs il défend contre les Américains la frontière méridionale du Saint-Laurent, et, en 1813, il s'en va, à la tête de sa compagnie, dans le Haut-Canada, si dangereusement attaqué par l'ennemi.

[1] Cf. Saberdache bleue, IV, 150.

Jacques Viger fit lui-même le «journal» de ce voyage, auquel il donna pour titre Mes Tablettes de 1813. Ces Tablettes sont des notes prises au jour le jour, hâtivement, un peu décousues, que l'auteur a voulu revoir, et dont il a fait un opuscule Topographie du Haut-Canada, qu'il n'a jamais publié.[2] Les changements si rapides, les progrès incessants qui, chaque année, modifiaient la carte du Haut-Canada, ont vite persuadé Jacques Viger que sa Topographie avait déjà besoin d'être corrigée pour être mise au point; mais il renvoya toujours à plus tard ce travail de revision, et finalement il renonça au projet de faire paraître l'ouvrage. Heureusement que Jacques Viger permit un jour, en 1825, à Michel Bibaud de choisir et de prendre sur ses Tablettes ce qu'il croirait pouvoir intéresser les lecteurs de la Bibliothèque Canadienne. Ce sont les Tablettes de 1813 plutôt que la Topographie que Bibaud mit à contribution, et nous en trouvons de larges extraits dans les tomes II et III de son recueil.

[2] Cf. Bibliothèque Canadienne, II, 24. On y verra ce que J. Viger écrivit lui-même de cette Topographie.

Ces extraits révèlent bien l'âme active, curieuse, ardente, du jeune militaire. On y trouve un peu de tout: des descriptions topographiques, des narrations, des incidents de voyage, des alertes soudaines, des portraits, de l'histoire, et toutes les impressions variées d'un soldat eu campagne. Et cela est simplement écrit,[Pg 45] au fil de la plume, sans recherche, avec une pointe d'esprit, ou agrémenté parfois des grâces d'une discrète et riante poésie.[3]

[3] Voir, par exemple, Bibl. Canad. II, 28, la description du Saint-Laurent, tel qu'on l'aperçoit entre Montréal et Kingston.

Pendant cette campagne de 1813, le capitaine Viger prit part au combat de Sockett's Harbour, où nos troupes commandées par le gouverneur Sir Georges Prévost furent repoussées par les Américains. Il fit de cet engagement un long récit sur ses Tablettes. Malheureusement Jacques Viger ne permit pas à Bibaud de le transcrire dans la Bibliothèque Canadienne. Bibaud en confia son chagrin aux lecteurs, assurant que ce «morceau long, à la vérité», était «intéressant par des faits propres à venger la mémoire du général Prévost, et par un nombre d'anecdotes et de réflexions, écrites d'un style à la fois châtié et plaisant».[4]

[4] Cf. Bibl. Canad., III. 20.

Dès la fin d'août 1813, Jacques Viger, rappelé à Montréal par des affaires de famille, obtint un «congé d'absence». La mort de sa mère l'obligea à demander une extension de congé. Et ce fut pendant qu'il était encore «sous le bénéfice de ce second congé», que Sir Georges Prévost, par l'effet d'un malentendu resté inexplicable, destitua au mois de novembre le capitaine Jacques Viger, coupable d'«avoir quitté son poste sans permission». Mais bientôt le gouverneur voulut réparer cette sorte d'injustice. Dès le mois suivant, on invitait officieusement l'ex-capitaine Viger à demander la place d'«inspecteur des chemins, rues, ruelles et ponts de la Cité et paroisse de Montréal», qui lui fut accordée. Et, enfin, au mois de mars 1811, Sir Georges Prévost assignait à Jacques Viger le poste de capitaine surnuméraire dans le bataillon de la milice sédentaire de Montréal. «Et me voilà,» écrivait Viger à son ami Mermet, «avec réparation, avec place lucrative et permanente, et avec réintégration de rang.»[5]

[5] Nous empruntons ces détails à une longue lettre inédite de Jacques Viger, écrite le 4 mai 1814, au lieutenant et adjudant J.-D. Mermet. Cette lettre se trouve manuscrite dans la Saberdache bleue, IV, 145-151.

En 1829, le capitaine Viger sera promu au grade de lieutenant-colonel, commandant le 6e bataillon de la milice du Comté de Montréal.

Mais c'est dans les emplois de la vie civile que Viger, à partir de 1813, va dépenser la plus grande somme de travail. Un contemporain de Viger, qui le vit à l'œuvre, et qui put apprécier[Pg 46] la sagesse et l'efficacité de son administration, résume comme il suit la carrière de ce fonctionnaire:

«Le suffrage public, qui fut toujours sa principale récompense, vint souvent lui imposer des devoirs qu'il sut remplir avec dévouement et bonheur. Sept fois il fut nommé Commissaire pour l'amélioration des chemins publics; huit fois il fut Officier-Rapporteur d'élections dans la cité et le comté. En 1825, il fut chargé de faire, avec l'hon. L. Guy, le recensement de l'Ile de Montréal; des notes prises par ces deux Commissaires en dehors de celles voulues par la loi, surgirent les Tablettes statistiques du Comté de Montréal, formées par M. J. Viger et si bien connues.

«Inspecteur des ponts et chaussées de la cité et de la paroisse, aucun magistrat municipal ne s'est plus activement occupé de ces améliorations et de ces dégagements qui, en assainissant une grande ville, y rendent la circulation plus libre et plus sûre; il avait été initié de bonne heure à cette partie si utile de l'administration urbaine par son prédécesseur, M. L. Charland, auteur de la première carte topographique du Canada; et il ne laissa échapper aucune occasion de montrer que l'élève était digne du maître.»[6]

[6] Extrait de la notice sur Jacques Viger que l'on trouve dans le Répertoire National de J. Huston, vol. II, p. 373 de la 1re édition, 1848.—Maximilien Bibaud déclare dans le Panthéon canadien que c'est J. Viger «qui a pour ainsi dire rendu habitable le quartier St-Laurent, qui était autrefois on ne peut plus insalubre».

C'est pour rendre hommage à ce dévouement éclairé, comme aussi pour faire plus largement bénéficier Montréal d'une expérience si longue, que les concitoyens de Jacques Viger le choisirent comme premier maire de la ville en 1833. Le même honneur et la même charge lui furent imposés aux deux élections suivantes, en 1834 et en 1835.

Jacques Viger, fonctionnaire, ne s'est pourtant jamais laissé tout à fait absorber par les soucis de sa charge. C'est aux fonctionnaires surtout que le dieu d'Horace ménage des loisirs. Et Jacques Viger sut utiliser les heures qu'il n'avait pas à consacrer à la chose publique. Curieux des lettres, très capable de donner lui-même à sa pensée un tour facile et spirituel, il cultiva son esprit et l'affina par la lecture et le travail personnel.[Pg 47]

Nous retrouvons de nombreuses traces de ces préoccupations littéraires dans la correspondance qu'échangea Jacques Viger avec le lieutenant Mermet. Mermet était un soldat français venu au Canada, en 1813, avec le régiment de Watteville, pour batailler contre les Américains; et ce soldat était poète à ses heures, qui furent nombreuses dans sa vie d'aventures[7]. Il suivit son régiment dans le Haut-Canada; il y rencontra, à Kingston, Jacques Viger; et c'est de là qu'il entretint ensuite avec ce dernier une correspondance, restée inédite, mais dont on retrouve de copieux extraits, des lettres entières, dans la Saberdache.

[7] Pour plus amples renseignements sur J.-D. Mermet, nous nous permettons de renvoyer le lecteur au livre que nous avons publié sur Nos Origines littéraires. pp. 159-203.

Mermet écrivait des vers dont on raffolait à Montréal, et qui souvent ne manquaient pas de finesse. Il les envoyait à Viger, qui les passait à ses amis; et tous s'exclamaient, et l'on s'empressait de faire imprimer dans le Spectateur les couplets du chantre de Kingston. Jacques Viger provoquait lui-même le poète; il louait ses strophes, il les gonflait de son admiration, et les faisait monter jusqu'aux nues. Et il ne pouvait se retenir d'accabler de son enthousiasme trop juvénile le pauvre rimeur; il lui disait sans discrétion l'éloge de ses amis; sa critique ne connaissait que l'intempérance et l'hyperbole; parfois elle s'affinait jusqu'à la préciosité.[8]

[8] Nous avons cité dans Nos Origines littéraires quelques extraits de ces lettres de J. Viger à J.-D. Mermet.

Quand Jacques Viger ne causait pas littérature dans ses lettres, il les remplissait des nouvelles, des cancans de la rue; il les chargeait de renseignements de toutes sortes dont pourraient profiter nos historiens: et ce n'est pas ce qui donne à cette correspondance, consignée dans la Saberdache, sa moins considérable valeur. Au surplus, l'inspecteur des chemins, rues, ruelles et ponts avait laissé une bonne partie de lui-même au camp des Voltigeurs, sous la tente des soldats de l'armée du Haut-Canada, et il suppliait Mermet de lui raconter par le menu les principaux accidents de la campagne.

«Mais une chose que je vous demande à genoux; une chose à laquelle j'attacherais le plus grand prix, que j'appellerais une faveur, (et j'espère que vous ne me la refuserez pas;) c'est et ce serait de me faire un récit exact, très circonstancié, minutieux[Pg 48] même, de votre expédition contre Oswego: mais cela, à temps perdu, à tête reposée, et quand vous aurez pu arracher la vérité seule, entière et pure. Je ne veux point que vous passiez la plus petite circonstance; les plus minces détails doivent trouver place dans votre journal, qui commencera sans doute du 3 de mai et ne finira que le 8, le 9, ou le 10. Vous rappelez-vous de ma narration de l'affaire de Sockett's Harbour? Eh bien, imitez-en non la diction mais le babil: j'écrivais à une dame; figurez-vous que je suis aussi curieux qu'elle.»

Et Jacques Viger précise quelques-uns des sujets sur lesquels il faudra insister: les raisons secrètes et politiques de cet armement, le nombre et la qualité des troupes, et des vaisseaux de la flotte; le débarquement, les obstacles opposés et surmontés: le site de Chouaguen, les fortifications... Et il ajoute ceci qui est significatif:

«Remarquez que je vous demande des Mémoires sur une action qui appartient à l'histoire de mon pays: que par conséquent, ils prendront place dans mes archives, s'il contiennent des vérités qu'il serait de la prudence de ne point dévoiler.»[9]

[9] Cette lettre du 16 mai 1814 a été publiée dans la Bibliothèque Canadienne, III, 190-195.

Et voilà donc que se trahit ici déjà le compilateur de documents, l'archiviste que sera a peu près toute sa vie Jacques Viger.

Et c'est, en effet, le meilleur titre de Viger à la reconnaissance de ses concitoyens: il a recueilli pour l'histoire de son pays des matériaux précieux, que sa curiosité et sa diligence allaient partout chercher et découvrir. Pendant cinquante ans il a copié des notes, des manuscrits, des actes officiels, des statistiques, des récits inédits, des listes, des cartes, des plans, des mémoires, des lettres, des circulaires, tout ce qui lui tombait sous la main et qui pouvait être utile à l'histoire du Canada. Il a transcrit ces documents, il les a mis en ordre, il les a annotés, il les a réunis dans des cahiers solides, dont la collection forme ce qu'il appelait Ma Saberdache. Cette Saberdache comprend quarante quatre volumes soigneusement rédigés, où court à pleines pages l'écriture fine et soignée de Jacques Viger. Trente de ces volumes à couverture rouge, forment la «Saberdache rouge»; les quatorze autres, dont le dos est en cuir bleu, composent la «Saberdache bleue.» À part ces cahiers, il y en a un grand nombre d'autres dont cinq portent le litre d'Opuscules: tous sont pleins de documents transcrits par Jacques Viger.[Pg 49]

Il fallut à ce chercheur la patience d'un bénédictin pour copier avec tant de soins tant de documents. Les notes dont il les accompagne souvent doublent parfois leur valeur. Viger était devenu, et on le devine aisément, l'un des plus érudits de son temps, disons le plus érudit, sur les choses de l'histoire du Canada. Sa réputation d'archiviste et d'archéologue se répandit par tout le pays, et jusqu'à l'étranger. De toutes parts l'on vint le consulter; et on lui écrivit pour solliciter des renseignements: il fut, pendant près de quarante ans, l'oracle dont on acceptait avec dévotion la suprême autorité. Et rien ne peut mieux faire connaitre cette sorte de culte dont on entourait le savant archiviste que cette appréciation d'un contemporain:

«M. Jacques Viger est le Bénédictin du Canada, un nouveau Saumaise, un Président Hénault; il n'a pas fait imprimer un seul livre d'archéologie ou de critique historique, et il est connu au-delà de nos frontières: des savants d'Amérique et d'Europe le consultent sur les faits les plus anciens et les plus obscurs de notre histoire, comme on consultait autrefois les oracles de Trévoux et de St-Maur; comme on consulte aujourd'hui «l'Art de vérifier les dates». Il semble être à lui seul une académie des inscriptions et belles-lettres, une société royale, ou plutôt nationale—très nationale—des antiquaires... Archiviste volontaire, il n'a demandé ni au gouvernement, ni à la législature, de rassembler nos titres de gloire et de lui en confier la garde; il a exercé les fonctions gratuitement pour le trésor, onéreusement pour sa bourse, en attendant, ou plutôt sans attendre le titre qui lui serait si légitimement dû. La bibliothèque créée par sa plume infatigable se compose de 28 volumes in-quarto et d'une collection in-octavo,[10] qu'il a ironiquement nommée sa Saberdache, parce qu'elle serait de poids à charger plus facilement un wagon que le léger porte-feuille d'un hussard. Ajoutez à cela une correspondance de quarante ans, pétillante d'esprit et de gaité, dans laquelle se reflète tout le mouvement de notre société contemporaine, et vous n'aurez encore qu'une idée imparfaite de ce qu'une vie si laborieuse a pu produire.»[11]

[10] Exactement 30 in-quarto: la Saberdache rouge; 14 in-octavo: la Saberdache bleue.

[11] Extrait de la notice biographique insérée dans le Répertoire National, II de la 1re édition. Cette notice est reproduite et complétée dans le 1er vol., p. 214, de la 2e édition.[Pg 50]

Il faut, en effet, et entre beaucoup d'autres choses, ajouter à cela un Album où Jacques Viger, à la fois archiviste et artiste, a groupé, et souvent fait préparer et peindre les portraits de nos célébrités canadiennes. Il y a aussi placé des dessins sur bois, à la plume, des huiles, des aquarelles, des plans et inscriptions, des autographes, etc., etc.

Jacques Viger avait le goût, la passion des vieilles et précieuses choses. L'archiviste était doublé d'un archéologue. Tout ce qui était ancien, tout ce qui portait la marque, l'empreinte, la poussière du temps, tout ce qui rappelait le passé vénérable avait le don de le retenir et de l'émouvoir. Et cette passion s'était allumée de bonne heure dans l'âme de Jacques Viger. En 1813, un jour qu'il se rendait dans le Haut-Canada avec sa compagnie de Voltigeurs, il aperçut aux Écluses du Côteau-des-Cèdres, sur le canal coupé dans le roc vif «un joli pont en demi-lune,» dont l'arche était faite de pierres de taille qui avaient formé le cintre de la «porte des Récollets», à Montréal. Viger reconnut les vieilles pierres qu'on avait pourtant rafraîchies, et il s'attendrit, et il regretta de ne plus voir sur elles cette patine qui est le propre et le charme des choses anciennes. «Pourquoi donc l'émotion que j'éprouvai à la vue de ces pierres? Pourquoi, ensuite, ce serrement du cœur en les voyant dépouillées du vêtement foncé que je leur avais vu ci-devant, et qu'elles avaient reçu du temps? Ah! ce pont, tout beau, tout solide qu'il est, ne vaut pas à mes yeux la vieille porte des Récollets! son habit antique rappelait des souvenirs! Et si je tremblais, autrefois, en passant sous cette arche menaçante, j'avais au moins... traversé des ruines[12]

[12] Cf. Bibliothèque Canadienne, II. 25: Mes Tablettes de 1813.

Beaucoup de manuscrits inédits que Jacques Viger avait copiés dans sa Saberdache ont été imprimés depuis. Lui-même permit à quelques journalistes de ses contemporains de tirer de son portefeuille des documents précieux, des récits ou des lettres que le public lisait avec avidité. Au mois de juillet 1826, il écrivait à Michel Bibaud, directeur de la Bibliothèque Canadienne: «Vous savez, M. Bibaud, ce que c'est qu'une Saberdache... Eh bien, j'en ai une, à deux compartiments, bien remplie... Quelle mine à exploiter pour votre Bibliothèque Canadienne!... prenez donc ma saberdache; elle est à votre disposition...»[13]

[13] Cf. Bibl. Canad., III. 107.[Pg 51]

Quelques mois plus tard, il offrira à Bibaud, qui publiait en premières pages de son périodique une Histoire du Canada, de collaborer à cette œuvre, et il lui enverra des documents qu'il groupera sous la rubrique: Matériaux pour l'histoire du Canada.[14]

[14] Cf. Bibl. Canad., IV. 52.

L'on peut aussi retrouver dans les différents volumes de la Bibliothèque Canadienne des articles, des notices, des relations, des études, des extraits de documents, qui sont l'œuvre discrète et anonyme de Jacques Viger.[15]

[15] Jacques Viger a lui-même donné plus tard la clef des lettres ou des pseudonymes dont il signait ces articles.

Il ne fut avare de ses manuscrits que lorsque des étrangers lui offrirent de les acquérir; on lui tendit parfois l'appât de fortes sommes. Jacques Viger refusa toujours de les trafiquer au profit des archivistes des autres pays: «il ne voulait les léguer qu'au Canada.»[16]

[16] Cf. un article de Joseph Royal, dans l'Ordre, 14 décembre 1858.

Il travailla toute sa vie à accroître le nombre de ses documents, à enrichir sa bibliothèque. Quand il mourut le 12 décembre 1858, ce fut «près de sa table de travail, au milieu de ses ouvrages, entouré de fidèles amis et collaborateurs.»[17] L'abbé Ferland, qui ouvrait quelques semaines plus tard, à l'Université Laval de Québec, ses cours d'histoire du Canada, rendant hommage à la vie laborieuse de cet érudit, ajoutait qu'il eut «au moins le bonheur, c'est le mot, de mourir au milieu de ses chers documents».[18]

[17] Voir l'article de Joseph Royal, dans le journal l'Ordre, cité plus haut.

[18] Voir le compte rendu de celle leçon d'ouverture dans le Journal de l'Instruction publique, III. 22. numéro de février 1859.

La mort de Viger fut, d'ailleurs, tranquille et chrétienne comme avait été sa vie. Il succomba après quelques semaines de grandes souffrances à une hydropisie du cœur. La foi soutint son courage. «Croyant sincère, catholique franc et déclaré, ses derniers moments ont été adoucis par la main douce de la Religion; sa mort a été calme comme celle du juste.»[19]

[19] Voir article de Joseph Royal, précité.

Les journaux, encore tout remplis du nom de Robert Baldwin qui était mort trois jours auparavant[20], furent unanimes à louer l'œuvre, le mérite du grand archiviste disparu. «M. Jacques Viger, écrivait le rédacteur du Courrier du Canada, était au milieu de nous un des nobles restes de cette vieille phalange de[Pg 52] nos anciens gentilshommes canadiens, religieux, conservateurs de notre foi, de nos mœurs, de nos traditions; or, quand on a dit cela on a tout dit de ce qui peut honorer la mémoire d'un des nôtres.»[21]

[20] Le 9 décembre 1858.

[21] Le Courrier du Canada, 15 décembre 1858.

Ce fut sans doute pour récompenser cette foi si active, autant que pour reconnaître la valeur personnelle du savant, que sur la recommandation de Mgr Bedini, ancien nonce au Brésil, qui visita le Canada, en 1853, le Souverain Pontife avait conféré à Jacques Viger la haute dignité de Commandeur de l'Ordre de Saint-Grégoire-le-Grand.[22]

[22] Mgr Bedini, nonce au Brésil, 1852, envoyé extraordinaire aux États-Unis en 1853, vint se réfugier au Canada pour échapper à des persécutions dont on le menaçait chez nos voisins. Pendant son séjour dans notre pays, Jacques Viger lui offrit un Album très précieux, tout plein de renseignements sur nos communautés religieuses. Cet Album donna lieu à la publication du livre de M. de la Roche-Héron: Les Servantes de Dieu en Canada. Voir à ce propos le Panthéon canadien. Le Collègien, de Saint-Hyacinthe, donne dans son numéro de septembre 1909, pp. 126-127, une notice biographique, de Mgr Bedini. On y affirme, dans une note, qu'à l'occasion des cordiales réceptions faites au Canada à son envoyé, le «le Saint-Siège décora, deux ans plus tard, de l'Ordre de St-Grégoire-le-Grand, Mrs Wilson et Benjamin Viger». C'est sans doute «Jacques» Viger qu'il faut lire.

Telle fut la vie du laborieux antiquaire dont le Bulletin est heureux d'ouvrir à ses lecteurs une Néologie inédite.

Cette Néologie est l'une des premières œuvres manuscrites de Jacques Viger, la première peut-être à laquelle il ait travaillé. Nul doute qu'il s'en soit préoccupé dès sa sortie du Collège, et que sa curiosité ait été de bonne heure intéressée par tant d'expressions pittoresques ou vicieuses que déjà l'on entendait tous les jours. Pendant qu'il était rédacteur du Canadien, alors qu'il s'essayait dans les lettres, et qu'il avait à corriger sa propre prose et peut-être aussi celle des autres, son attention fut vite attirée vers les particularités du style et du langage canadien. Sans doute qu'il commença vers ce temps à dresser la liste des mots qui lui paraissaient nouveaux ou étranges, et des locutions populaires les plus caractéristiques; il songeait à sa Néologie. On trouve, en effet, dans le Canadien du 7 janvier 1809, un petit article lexicologique qui a pour titre Néologie et qui est ainsi rédigé:

[Pg 53]

«Bourgogner to burgoyne.

«La défaite du général Burgoyne[23] irrita si Fort les esprits des Canadiens, que de son nom ils firent le radical du verbe ci-dessus. Ainsi pour exprimer l'idée de battre, ils dirent alors, comme ils disent encore:

Bourgogner
Bourgogner quelqu'un
Bourgogner une armée
Se faire bourgogner, etc., etc.»

[23] Général anglais, venu au Canada pendant la guerre de l'invasion américaine en 1776; battu par les Américains en 1777. (Notes de l'auteur).

Voilà qui était assurément nouveau dans la langue française, et que déjà, je crois, nous avons perdu. Le même article, remanié par Viger, est inséré dans la Néologie que nous publierons.

Faire une néologie est une entreprise difficile, surtout si l'on ambitionne de la faire complète. Il faut voir dans les cahiers manuscrits de Jacques Viger, les additions, les corrections, les transformations qu'a subies sa Néologie.

Il l'accroit au fur et à mesure que l'expérience lui apporte des mots nouveaux. Des collaborateurs bienveillants lui fournissent, sur des feuilles détachées que nous retrouvons avec la Néologie, et qui évidemment ne sont pas écrites de la main de Viger, des listes d'anglicismes, d'expressions, de locutions populaires, de proverbes canadiens. L'un deux lui suggère une épigraphe «pour son dictionnaire», qui est ainsi conçue:

Athènes, tu as fini, Rome, tu vas périr.
L'École canadienne dissipe ton souvenir.

Ce distique qui n'a pas même le mérite de s'enfermer dans les règles du vers, n'est qu'une plaisanterie dont Jacques Viger n'a pas cru devoir tenir compte. Tout au plus, peut-il indiquer que les observateurs de ce temps s'alarmaient un peu des créations ou des libertés de «l'école canadienne». Il est certain que Jacques Viger regrettait certaines corruptions du parler populaire. Sur l'enveloppe d'une série de cahiers qui contiennent une partie de sa Néologie, il a écrit: Dictionnaire des locutions vicieuses du Canada. Et c'est sans doute par un pieux souci de sou patriotisme, qu'il a voulu colliger les néologismes canadiens, pour les signaler à l'attention de ses concitoyens. L'anglicisme surtout devait répugner à un esprit si curieux des bonnes traditions de sa race.[Pg 54]

Jacques Viger relève, d'ailleurs, trois sortes de documents philologiques: les mots nouveaux, qu'il croit avoir été créés par ses compatriotes; les acceptions nouvelles, ou locales, canadiennes, de mots qui sont français; et enfin les locutions typiques, parfois bizarres, dont se servent les gens du peuple.

Ce travail de Viger n'a pas, certes, la prétention d'être absolument scientifique. L'auteur ne prétend pas établir l'origine des vocables, ou des acceptions qu'il signale; quelquefois il l'indique, le plus souvent il ne fait que constater. Au surplus, il n'a pas sous la main les lexiques régionaux, tous les instruments de travail que nous possédons aujourd'hui, et il lui arrivera de donner comme un produit de l'usage canadien ce qui n'est qu'une importation dialectale. Mais avec ses lacunes inévitables, et ses erreurs d'attribution, la nomenclature de Viger n'en est pas moins un témoin précieux du passé lointain qu'elle rappelle. Par elle, nous savons mieux les originalités du parler ancestral, et nous allons surprendre sur les lèvres de nos arrière-grands-pères telles ou telles expressions que nous croyions nées d'hier.

La Néologie canadienne est-elle une œuvre complète, achevée, définitive? Nous ne le pensons pas. C'est sur deux cahiers faits avec du papier écolier que Jacques Viger a vraisemblablement commencé la rédaction de son lexique. Chacun de ses cahiers contient une liste de mots classés par ordre alphabétique, l'un depuis la lettre A jusqu'à la lettre T, l'autre depuis la lettre A jusqu'à la lettre V. Jacques Viger a voulu ensuite transcrire au propre, dans des fascicules carrés, les mots de son lexique. Il y a autant de fascicules que de lettres de l'alphabet, et chaque fascicule ne contient que des mots commençant par une même lettre. Mais cette dernière rédaction, quoique plus soignée, est moins complète que celle des deux cahiers précédents. L'auteur laisse en blanc des pages ou des demi-pages sur lesquelles il comptait sans doute ajouter plus tard d'autres articles.

Quoi qu'il en soit, on a cru devoir ici, pour plus de commodité, et aussi pour tirer du travail de Viger le meilleur parti possible, fondre ensemble les trois manuscrits en observant rigoureusement l'ordre alphabétique. Lorsque sur les cahiers de Viger on a trouvé deux définitions d'un même mot, ce qui est rare, c'est la plus claire, la plus précise, celle qui a paru la meilleure que l'on a choisie.[Pg 55]

On remarquera, d'ailleurs, comme les définitions de Jacques Viger sont, en général, satisfaisantes. Il a mis à faire ce lexique tout l'esprit consciencieux et méthodique qu'il apporta plus tard à rédiger sa Saberdache. Et nous croyons donc bien servir la mémoire de l'auteur en faisant connaître au public un travail que l'on a jusqu'ici assez généralement ignoré.

Jacques Viger, s'il eût vécu de notre temps, eût applaudi à l'œuvre entreprise par la Société du Parler français; il eût certainement été membre actif de cette Société; il se serait abonné au Bulletin; il aurait fait le voyage de Montréal à Québec pour assister aux séances laborieuses de notre comité d'étude. Cent ans après la rédaction de sa Néologie canadienne, cinquante ans après sa mort, nous invitons ce patriote et cet ami fervent du parler français à collaborer à notre modeste revue. La contribution d'outre-tombe qu'il apporte nous honore; elle intéresse tous ceux qui ont le souci de notre langue; elle répond aux vœux intimes et certains de ce studieux lexicographe qui fut pour nous un précurseur, et pour tous ses concitoyens l'exemplaire du plus judicieux patriotisme.

Camille Roy, ptre.

[Pg 101]


NÉOLOGIE CANADIENNE

ou

DICTIONNAIRE

des mots créés en Canada et maintenant en vogue: des mots dont la prononciation et l'orthographe sont différentes de la prononciation et orthographe françaises, quoique employés dans une acception semblable ou contraire, et des mots étrangers qui se sont glissés dans notre langue.[24]

[24] Titre composé par Viger et écrit de sa main sur la première page de son manuscrit. Voir l'article de M. l'abbé C. Roy sur Jacques Viger, Bull., VIII, p. 42.

PAR
JACQUES VIGER
(1810)

A.

Abât.—Subs. m.—Mot employé comme celui de bordée en hiver, pour exprimer une grande quantité de neige.—Nous aurons certainement un abât de neige. V. Bordée.

Abre.—Subs. m.—pour Arbre. Faute généralement commise par les habitants.

Achigan.—Subs. m.—Poisson.

Affaire.Affaire de vous. Ex.: J'ai affaire de vous, entrez donc—pour j'ai affaire à vous, etc., j'ai besoin de vous.

Ahurissant, te.—Adj. du verbe français ahurir, qui veut dire interdire, étonner, rendre stupéfait. Il signifie ici ennuyant. Cet homme est ahurissant. C'est une chose ahurissante. Il est quelques fois substantif: finis donc, ahurissante.

Allemand.—Nom de nation dont on se sert dans cette phrase: C'est une tête d'allemand, pour il est entêté, opiniâtre.

Allumer.—V. a.—Quand on ne joint point de régime à ce verbe, il est toujours sous-entendu que c'est de la pipe dont on veut parler. Ex.: Entrons allumer; veux-tu allumer; quand tu auras allumé, tu me donneras du feu.

Il signifie aussi se reposer, comme dans ces phrases: Mes enfants, dira un maître à ses employés, quand vous aurez fini cette partie de votre ouvrage, je vous permets d'allumer,—parce que, en effet, ces moments de repos sont mis à profit par les fumeurs.

Allumer s'emploie aussi pour visiter mais alors il est toujours régi par quelque verbe.[Pg 102]

Un habitant dira à un de ses amis: Si tu passes dans ma paroisse, arrête allumer chez moi, ou: entre, viens allumer à la maison; c'est-à-dire, viens me voir.

Amancher.—V. a.—pour Emmancher (mettre un manche). Outre sa signification propre, on se sert encore d'amancher pour racommoder (voyez ramancher). Il a bien amanché ce ciseau. Il veut dire aussi refaire: mon lit est défait, vous direz à la fille de l'amancher ou le ramancher. Ah bien! s'il l'a défait il peut bien l'amancher ou le ramancher.

Amarrer.—V. a.—(Terme de marine). À Québec surtout, ce mot est employé à tout moment, et dans tout ce qu'il faut lier ou attacher. Ainsi un domestique amarre les courroies des souliers de son maître, ou amarre une guenille autour d'un doigt blessé.

À même.—Boire à même. Vous êtes à même de faire cela, d'aller là... Je l'ai mis à même.

Amidon.—Subs. m.—Certaine pâte sèche, qui est faite de fleur et de froment et qu'on délaie pour en faire de l'empois. L'amidon n'est pas généralement connu sous ce nom, mais sous celui d'empois, et il se vend, se débite sous ce nom.

Amont la côte.—Manière de parler plus particulièrement au district de Québec. Aller amont la côte, grimper.

Apichimon.—Subs. mas. 1º Bourrelet de linge et de paille, que l'on met au cou du bœuf qui labourre, pour empêcher que le joug ne le blesse.

2º Morceau d'étoffe, peau de mouton ou autre chose semblable que nos habitants mettent en guise de selle, lorsqu'ils montent à cheval.

3º Méchant lit, grabat. Ex.: Faites-lui un apichimon. Le moindre apichimon fera mon affaire. Ce mot vient du sauvage.

Appointement.—Subs. m.—Pension, gage. Ce mot est employé ici pour emploi, charge, place. M. D. risque par sa conduite de perdre ses appointements. Anglais.

Appointer.—V. a.—Ce verbe signifie donner des appointements; c'est-à-dire, une pension ou des gages à quelqu'un; signifie ici nommer à une place. Il a plu à Mr le Gouv. d'appointer Mr.... Grand voyer du district. Anglais.

Araignée.

Arignée.

}

Subs. m.—pour Araignée Subs. f.—On emploie le plus ordinairement le mot d'araignée ou d'arignée au masculin. Un gros araignée, pour une grosse araignée.

Argent.—Subs. m.—Comme métal et comme monnaie, est toujours masculin; ainsi l'on doit dire: Argent poli, faux argent, bon argent, et non pas: polie, bonne, fausse.

Arse.—Ce substantif s'emploie dans ces phrases: cette chambre est si petite, qu'on a pas l'arse d'y mettre un lit;—pour, il n'y a pas moyen de. J'aime à avoir de l'arse partout où je suis, pour, être à mon aise ou point gêné. Il n'y a pas dans ce lit l'arse de se retourner, ou assez d'arse pour y coucher deux, pour exprimer qu'il est bien étroit, qu'il n'est pas assez large. On voit par ces exemples que ce mot est le synonyme canadien de place, espace.

Attisée.—Subs. f.—du verbe attiser. ce mot ne se dit pas.—Faites une bonne attisée pour la nuit.

Avisse.—Subs. f.—pour vis, que l'on prononce visse: pièce ronde de fer ou de bois, canelée en ligne spirale, et qui entre dans un verrou.

B.

Baqage.—S. m.—Pour ménage.[Pg 103]

Baiser.—V. a.—On dit, en style badin: il a été baisé dans telle action, pour retapé. On se sert aussi de ce dernier. Il s'est fait baiser en pincettes (en guedon). Baiser en pincettes est français pour exprimer l'action de prendre doucement les deux joues de celui qu'on baise. C'est une des caresses auxquelles on accoutume les enfants. Baisez-moi en pincettes.

Balier.—V. a.—Au lieu de balayer. Ex.: Dites à la fille de balier la chambre.

Banal.—Subs. m.—Il se dit exclusivement d'un taureau: Où est le banal? Je vais couper mon banal; et d'un homme fort et de grande taille: Bon Dieu! Quel banal!

Bandon.—Subs. f.—Saison de l'année où il est permis et d'usage de laisser aller les animaux par la campagne. Ex.: La Bandon commence au mois de... et finit au mois de... Les animaux ont bandon de ce jour. Donner bandon pour dire: les laisser aller à travers les champs.

Bardas, Berdas.—Subs. m.—On l'emploie ici pour remue-ménage, dont on se sert aussi: Quel berdas! On appelle faire le berdas, faire les gros ouvrages de l'intérieur de la maison, la lessive, le blanchissage, le lavage du linge, des meubles, etc. On dit aux enfants ou autres personnes qui, par leurs jeux, par nécessité, par faute d'attention ou autrement, dérangent les meubles avec bruit ou les entassent avec confusion: Quel berdas faites-vous, bon Dieu! Quel berdas!

Basque.—Subs. m.—Nom de nation dont on se sert dans cette façon de parler: Malin comme un Basque. C'est un malin basque. Le dictionnaire de l'Académie.

Batailleur.—Subs. m.—pour sujet enclin à se battre. C'est un batailleur de profession. Il est le plus grand batailleur qui existe.

Bavasser.—V. n.—Il ne se dit guère que d'une personne ivre, et l'on dit: «Laissons-la, elle ne fait plus que bavasser» pour exprimer en même temps qu'elle parle beaucoup, confusément, sans savoir ce qu'elle dit, en prononçant imparfaitement et articulant avec peine. C'est, je crois, bavarder et balbutier.

Beauté.—Subs. f.—On l'emploie souvent adverbialement pour beaucoup: il y en avait une beauté. Ils sont une beauté de spectateurs, pour un grand nombre, et ironiquement, pour un petit nombre: Oui, je crois qu'il y aura une beauté de monde ce soir au bal! Il y en avait une beauté.

Belt.—Subs. f.—Mot anglais en vogue pour «beaudrier»: Avez-vous nettoyé ma belt, pour mon baudrier.

Ber.—Subs. m.—pour Berceau (le petit lit ou l'on conche enfans à la mamelle).

Berdasser.—V. n.—C'est s'occuper à des ouvrages de ménage inutiles. Il berdasse toute la journée. Vous ne faites que berdasser; occupez-vous donc de votre ouvrage. Il veut aussi dire maltraiter légèrement: Attends, attends, je vais le berdasser, il l'a berdassé. (C'est peut-être tracassé.)

Berlancille.—Subs. fém.—Pour balançoir, escarpolette ou brandilloire. Terme d'enfant. (Corde, branche d'arbre ou planche avec quoi on se balance, ou se brandille. On ne peut donc plus dire: viens voir ma berlancille.)

Berlanciller.—V. n.—Pour se balancer ou se brandiller. Les enfants ont balancillé tout le jour.[Pg 141]

Berline.

Subs. fém.

Bordel.

Subs. fém.

}

Sortes de voitures d'hiver pour la commodité des voyages. Ce sont des voitures plus grandes et plus pesantes que les carioles. Le bordel est la plus grossière de ces voitures et ne se voit que dans les campagnes, chez les habitants pauvres.

Berloque.—Subs. f.—On appelle ainsi une montre sujette à aller mal: C'est une berloque.

Beurrée.—Subs. f.—Ce nom qui ne s'applique qu'à une tranche de pain sur laquelle on a étendu du beurre, se donne encore à toute tranche de pain sur laquelle on a étendu de la graisse, des confitures, de la crême, de la malasse, ou autre substance grasse, onctueuse ou liquide. Ex.: Beurrée de graisse, de sirop, de crème, etc.

Beurrer.—V. a.—Il n'est pas du tout français. Il signifie ici étendre du beurre sur... Ex.: beurrez-moi du pain. Prenez garde de vous beurrer les mains. On dit même beurrer la graisse, des confitures, etc.

On dit encore: Donnez ce plat; beurrez-vous les mains, etc. pour graisser.

Bicler.—Verb. n.—Au lieu de loucher, v. n. Il bicle; elle a le malheur de bicler. En substituant loucher à ce verbe, on parlerait correctement.

Bicleux, se—Adj.—pour louche adj. des 2 genres. Il est bicleux; sa sœur est bicleuse pour louche.

On l'emploie aussi comme substantif. Cet adjectif a pour synonyme loucheur, se, adj., et vire-l'œil, subs.—Inutile de faire remarquer que louche est le bon mot.

Biner.—V. n.—On l'emploie pour exprimer qu'une personne a du dépit, qu'elle enrage. Il bine: on l'a fait biner.

Blonde.—Subs. f.—Pour amante. On donne pour blonde à N... Mlle. est-ce vrai? Il est allé voir sa blonde. C'est un amoureux de 36.—Il est fort sur la blonde, il a une jolie blonde.

Bleuet.—Subs. m.—(plante). Voyez différence entre celui du Canada et celui d'Europe.

Bombarbe.—Subs. f.—Voyez trompe.

Bombe.—Subs. f.—Ou canard, s. m., pour bouilloire, subs. f.—C'est le vase dans lequel on fait bouillir l'eau pour le thé. Le dernier de ces mots n'est pas du tout en usage; quoiqu'il soit celui dont on devrait se servir. Ou dit donc: mettez la bombe au feu; apportez le canard, remplissez d'eau la bombe, le canard, au lieu de bouilloire.

Bord.—S. m.—On l'emploie pour le verso d'un livre. Vous trouverez ce mot de l'autre bord, 2e côté. Regar[Pg 142]dez l'autre bord de la médaille: cette indienne est aussi bien empreinte d'un bord que de l'autre.

Bordée.—S. f.—Terme marin que nous employons dans cette phrase: nous avons essuyé une furieuse bordée de neige. On dit aussi Abât dans le même sens. V. ce mot.

On dit aussi absolument: il a tombé hier une grande bordée. Car la bordée s'applique à la neige seule, tandis que l'abât se dit de la neige et de la pluie. On ne dit donc pas une bordée de pluie; mais un abât de neige se dit tous les jours.

Boucane.—S. f.—pour fumée. Ex.: Quelle boucane il y a ici! Exposer quelque chose à la boucane. La boucane était si forte, si épaisse, qu'on l'aurait coupée avec un couteau. Manière de parler très commune.

Quoique les français aient le verbe boucaner, ils ne se servent pas du mot boucane.

Boucaner.—V. a.—(Faire sécher du poisson et de la chair au soleil on à la cheminée, comme font les sauvages, etc.) Il est français dans ce sens; ainsi on peut dire: boucaner des peaux. De la viande boucanée. Des jambons boucanés. Mais quelquefois, on emploie ce verbe comme neutre, et l'on dit: Cette maison boucane trop, pour l'habiter. Notre poêle boucane beaucoup. Cette cheminée a le défaut de boucaner. Toutes ces phrases ne peuvent se dire. Il faut employer fumer.

Boudain.—Subs. m.—On l'emploie dans cette phrase: faire du boudain: il fait du boudain, pour dire qu'une personne boude.

Bougon.—Subs. m.—Mot qu'on emploie par dérision ou mépris en parlant d'un petit homme. C'est un petit bougon. On dit aussi: un bougon de chandelle, un bougon de pipe.

Bouquin.—Subs. m.—C'est une plume teinte, ou un petit cylindre percé aux extrémités, soit d'étain, soit de fer, de cuivre, d'argent ou même en os, dont se servent nos habitants pour orner leurs pipes ou en allonger ce qu'ils appellent le manche.

Bourasser.—V. a.—S'emploie pour gourmander continuellement. Si je lui parle, il va me bourasser. Il n'a fait que bourasser tout le jour. Pourquoi me bourasser, je ne vous dis rien.

Bourrasseux, se.—Subs.—C'est un bourasseux, une bourassseuse, c'.-à-d. qu'ils grondent sur tout, qu'ils ont l'humeur à la gronderie, d'une humeur hargneuse.

Bourasse.—Subs. f.—Mauvaise humeur, j'ai éprouvé toute sa bourasse. Il est aujourd'hui d'une bourasse peu commune; allez passer votre bourasse ailleurs. Il a passé sa bourasse sur un pauvre chien qui ne lui faisait rien.

Bourgogner.—V. a.—Battre d'une manière honteuse, battre à plate couture. Je l'ai bourgogné.

On le fait aussi précéder du verbe faire, et l'on dit: Il s'est fait bourgogner, pour exprimer qu'il a été battu d'une manière déshonorante.

Ce verbe doit sa naissance à la défaite du général Bourgoyne, que les Canadiens nomment encore Bourgogne.

Bourguignon.—Subs. m.—On appelle ainsi les gros glaçons que l'on aperçoit soulevés à la surface de la rivière, lorsqu'elle est prise: Que de bourguignons sur la rivière! Ce bourguignon est très transparent.

Boyard.—Subs. m.—pour brancard, civière. Ex.: porter quelqu'un sur un boyard.

Brancard.—Subs. m.—On n'emploie ce mot que pour la calèche: le brancard de la calèche. Pour les autres voitures à brancard, voyez les mots travail et menoires.[Pg 143]

Brasser.—V. n.—(remuer avec les bras, à force de bras. Ex.: Brasser de l'or et de l'argent fondu,) on donne aussi une autre acception à ce verbe et l'on dit: je l'ai brassé d'importance, de la même manière que l'on dit en français, je l'ai savonné (reprimandé).

À l'aide d'une petite figure de rhétorique, les Canadiens font de ce verbe un bon feu. Ex.: Brasser le poêle, pour le feu du poêle. Ils disent encore brasser le chaudron pour ce qui est dedans.

Braye.—Subs. f.—Instrument pour brayer le lin, le chanvre.

Brayer.—V. n.—du lin, du chanvre, séparer les filets de la partie ligneuse.

Bredassier, ère.—(Tracassier, ère)

Bredasserie.—Subs. f.—Tracasserie.

Brouscailler.—V. a.—Maltraiter de paroles. C'est le signe précurseur de battre. Ne me brouscaille pas tant. Il l'a bien brouscaillé: ils en sont venus aux mains.

Brun (faire)—V. n.—On dit en parlant de l'obscurité de la nuit: il fait bien brun; il faisait un peu brun. Cette expression paraîtrait venir des marins qui disait le brun de la nuit, qui se dit sur mer dans le même sens. Le temps est brun, pour sombre, est français.

Brunante.—Subs. m.—pour la brune (le temps entre le soleil couché et la nuit). À la brunante pour sur la brune, c'est-à-dire sur le soir, entre chien et loup, toutes ces expressions sont bonnes, à l'exception de la première.

Buffet.—Subs. m.—On l'emploie quelquefois au lieu de (espèce de table à plusieurs tiroirs et tablettes, où l'on enferme des papiers et sur laquelle on écrit.)

Butin.—Subs. m.—Mot français dont on fait ici un sens abusif. Les effets, les meubles, les hardes d'une personne, sont chez nous son butin. Ex.: On a saisi et vendu aujourd'hui les marchandises, les meubles, les hardes, les livres, enfin tout le butin d'un tel. Votre butin (vos effets) restera en ma possession jusqu'à ce que vous m'ayiez payé. Il s'est échappé de sa prison et a emporté tout son butin; c'est-à-dire tout ce qui lui appartenait. Il a gaspillé son butin, c'est-à-dire son linge, ses habits.

C.

Cabrouet.—S. m.—Voitures à deux roues, longues et étroites dont nos charretiers se servent.

Cadre.—S. m.—Mot dont on se sert assez inconsidérément au lieu de tableau ou peinture. Ex.: voilà un beau cadre pour une belle peinture un beau tableau. Le cadre d'un tableau c'est sa bordure.

Cahot.—S. m.—Espèce de saut que fait une voiture en roulant sur un chemin raboteux et mal uni. Dans cette acception on dit: faire des cahots, éprouver des cahots, nous avons trouvé des chemins qui font faire bien des cahots. Le cahot est tout autre chose que cela ici. On dit: il y a bien des cahots sur ce chemin, pour dire qu'il est beaucoup raboteux, et il n'est employé que pour les chemins d'hiver: M. l'inspecteur a donné ordre d'abattre les cahots, c'.-à-d. d'aplanir le chemin en coupant les petites buttes de neige.

Cajeux.

S. m.

Cage.

S. f.—pour trains de bois flottés.

Crible.

S. m.

}

Canard.—Subs. m.—Mot, usité plus particulièrement dans le district de Montréal, pour bouilloire, et signifiant exclusivement le vase qui sert[Pg 144] à bouillir l'eau pour le thé. Dans le dist. de Québec, on se sert du mot bombe; ôtez la bombe du feu.

Canotée.—S. f.—Autant qu'un canot peut contenir de marchandises ou autres choses. Il a passé une canotée d'enfans. Je viens d'acheter une canotée de volailles, de marchandises.

On appelle aussi une canotée la charge d'un canot. J'ai monté à Michillimakinac avec 6 canotées (et aussi 6 canots).

Canoter.—V. n.—Conduire en canot. Il se dit des enfants qui s'amusent à se promener en canot à peu de distance du rivage. Ils ont canoté tout le jour; l'enfant est à canoter; viens canoter.

Canoteur, euse.—Subs.—Qui aime à canoter, ou qui sait canoter. Il ne se dit guère que des enfants.

Cantine.—S. f.—Petit coffre divisé par compartiments pour porter des bouteilles et des fioles en voyage. Ou lui donne ici ce nom, et celui de cannevette, qui n'est pas français.

On emploie aussi ce mot pour celui de cabaret ou taverne. Ce mot nous vient de l'armée. (La cantine est, à l'armée, le lieu où l'on vend du vin et de la bière aux soldats, sans payer aucun droit). Ex.: Viens à la cantine.

Cantinier, ère.—S. m.—Cantinier, en français, est celui qui tient la cantine à l'armée. Les Canadiens donnent ce nom à tout cabaretier ou tavernier ou détailleur de boissons fortes. Le cantinier n'est pas à la maison, mais nous y trouverons la cantinière. Ce dernier mot ne se dit pas en français.

Capuche.—S. f.—Ce mot est quelquefois usité dans la campagne au lieu de chapeau de femme: une capuche de paille, de castor; Ex.: apporte à ta mère sa capuche; où est la capuche de ta sœur?

Caribou.—S. m.—pour renne, animal sauvage.

Cariole.—S. f.—Voiture d'hiver des villes et des campagnes, pour le plaisir de la promenade ou l'utilité des voyages. C'est une voiture élégante et peinturée. C'est le traîneau en bon français.

Cartron.—S. m.—pour carton.

Casque.—S. m.—On donne ce nom à un bonnet de fourrure dont on se sert ici en hiver.

Casseau.—S. m.—Sorte de petit meuble d'écorce ou de bois, pour mettre des fruits et différentes choses.

Castonnade.—Pour cassonnade, s. f. sorte de sucre.

Cavalier.—S. m.—pour amant: Le cavalier de Melle P... est Mr V.—Cette petite fille parle déjà des cavaliers; elle en désire un.

Chandelle.—Il a évité une belle chandelle, pour un grand malheur.

Charger.—V. n.—Employé parmi les habitans, sans régime, pour dire mettre du tabac dans la pipe. Ex.: quand tu auras chargé, donne-moi le tabac.

Chardron.—S. m.—pour chardon Plante.

Chatoner.—V. n.—Qui se dit d'une chatte qui fait ses petits au lieu de chatter qui est le verbe français. Ex.: La chatte est au moment de chatoner, pour de chatter; elle a chatoné cette nuit.

Cheniquer.—V. n.—Craindre de se faire battre. Ex.: Tu as cheniqué; un tel l'a fait cheniquer. Il emporte avec lui la honte et le déshonneur.

Cheniqueur, euse.—S. qui chenique.

Chienneter.—V. n. pour chienner (faire des chiens). Ma chienne a chienneté pour chienné.

Civière.—Que nous nommons boyard.

Clairon.—S. m.—On l'emploie aussi pour tirans?[Pg 183]

Confessionals.—S. m. pl.—de confessional, employé généralement au lieu de confessionnaux. Il y a foule aux confessionals de ce temps-ci.

Confortable.—Adj.—Cet adjectif a beaucoup de significations. 1. Consolant: C'est une nouvelle confortable. 2. Agréable: temps, jour confortable. 3. Doux, content: mener une vie confortable. 4. Qui réjouit, qui fait plaisir: une liqueur confortable. 5. Qui fortifie, confortatif: une nourriture, un mets confortable; ce mot est anglais.

Coppre. S. f.—pour sou, s. m.—(monnaie de compte), la 20e partie de la livre valant 12 deniers. Une coppre. 10 ou 12 coppres pour un sou. 10 à 12 sous.

Cordeaux.—S. m. pl. et Courroies, s. f.—Mots employés le plus communément au pluriel à la place du mot propre guides, usité avec justice à Montréal pour exprimer les longues rênes attachées à la bride d'un cheval attelé, et qui servent à le conduire. On doit donc dire: donnez-moi les guides et non les cordeaux ou les courroies.

Corner.—V. n.—Employé comme biner pour exprimer qu'une personne enrage, éprouve un dépit, un déplaisir grand et sensible. Il a corné comme il faut, c'est trop corné; ce contretemps le fera corner. V. biner et ébrayer.

Corporal.—S. m.—très usité pour caporal.

Côte.—S. f.—Ce mot signifie le penchant d'une montagne et d'une colline et les rivages de la mer. Côte d'une telle montagne: les côtes de l'Océan. Mais on l'applique à tort ici à toute éminence, hauteur ou élévation.

On se sert aussi de ce mot pour désigner une rangée de terres concédées, ou les habitans de la campagne.

La Côte de la Visitation. C'est un habitant de la Côte St-Luc. Je viens de la Grand'Côte. On dit courir les côtes pour les campagnes.

Coton.—S. m.—C'est le nom qu'on donne à l'épi de blé-d'Inde, lorsqu'on en a mangé ou ôté les grains: Ramassez les cotons et donnez les à la vache. On dit proverbialement: sec comme un coton de blé d'Inde. Il a eu un beau blé d'Inde pour un pied de nez.

Couette.—S. m.—(Lit de plumes). Ce mot n'est pas connu ici dans cette acception. Couette signifie ici la queue de cheveux que porte les hommes: Faites-moi la couette, c'.-à-d. entourez le ruban autour de ma queue de cheveux.

Couronel.—S. m.—pour colonel.[Pg 184]

Créature.—Subs. f.—pour femme; pour femelle de l'homme. Ex.: Il y avait là de jolies créatures. On dit aussi: il va voir, il est allé voir sa créature; il fréquente la créature, autre sens.

Cree ou Cris.—Nom d'une nation sauvage du Canada, dont on se sert dans cette phrase: Malin comme un Cree, ou Cris.

Crocheter.—V. a.—Qui dans son acception propre veut dire ouvrir une porte avec un crochet, avec intention de voler, ou à quelque autre mauvais dessein, mais que nous n'employons pas dans cette signification. On ne se sert ici de crocheter que dans cette phrase: crocheter des pois; c'est-à-dire couper avec un petit crochet au bout d'un bâton. Ex.: Tous mes pois sont crochetés.

Crocheteur.—S. m.—Celui qui crochette des pois.

D.

Débarquer.—V. a. et n.—(Sortir, descendre d'un vaisseau.) Terme de marins qu'on emploie dans la signification ordinaire, et pour 1º descendre de voiture. Ex.: M. B... débarquait de sa calèche, comme je passais devant chez lui; ou simplement, Il débarquait, comme je passais. Allons, vite, débarque. 2º descendre du cheval. Il est débarqué du cheval, et simplement je débarquerai chez toi, en passant. 3º descendre ou sortir de bateau, de canot.

Ces manières de parler sont sans doute impropres, et il serait très facile de s'en corriger. 4º On dit encore assez mal à propos: débarquez: le fouet de la calèche. Avez-vous débarqué mon porte-manteau de dessus le cheval? on serait aussi bien entendu, si l'on disait; ôtez le fouet de la voiture, entrez-le; descendez mon porte-manteau, etc., et l'on parlerait au moins notre langue.

Déboutonner.—V. a.—On l'emploie en figure dans ces phrases: Il est difficile de le faire déboutonner; c'est-à-dire de le faire expliquer, de lui faire dire sa façon de penser. On a réussi à le faire déboutonner, à savoir sa juste opinion. Il s'est à la fin déboutonné, il a à la fin dit ce qu'il pensait du sujet. On dit encore en badinant: las des sottises qu'il débitait à ses oreilles ou n'y pouvant plus tenir, notre homme se déboutonna pourtant, pour exprimer qu'il parla d'une manière éloquente et triomphante.

Décaniller.—V. n.—Se retirer promptement de quelque lieu: ces enfans décanillèrent bon train, quand ils surent que vous veniez à eux. À peine vous vit-on que toute la maisonnée décanilla. On dit: faire décaniller quelqu'un d'un lieu, dans le même sens. Ex.: Si j'étais de vous, je ferais décaniller ces gens de votre maison.

On l'emploie au participe: Elle est décanillée de ce matin sans m'en parler.

Décent, te.—On dit: Il a eu des funérailles très décentes, pour honorables. Cette maison est bien décente, pour belle et bien meublée. Cet homme est bien décent dans son habillement pour dire qu'il est vêtu bien proprement. Ce mot vient de l'anglais.

Dégelée.—Subs. f.—Nous employons ce mot ici au lieu de dégel, s. m. (fonte de la glace, de la neige, par l'adoucissement de l'air). Ex.: Il y a eu hier une grande dégelée, les érables ont dû couler.

On fait aussi dégelée synonyme de volée de coups: il lui a donné une bonne dégelée, pour une bonne volée de coups. Dans cette acception, on se sert aussi du mot Namasse. V. Fricasser.[Pg 185]

Dégobillage.—S. m. pour dégobillis.—Dégobiller et dégobillage sont employés ici indifféremment pour vômir. Cependant, ils ne se disent que du vin et des viandes qu'on a pris avec excès, Dégobiller son dîner; cela sent le dégobillage. (Ces mots sont bas.)

Démancher.—V. a.—(Oter le manche). Outre sa vraie signification, on l'emploie aussi ainsi: J'ai le bras ou le doigt démanché pour démis. J'ai fait démancher mon écurie, pour exprimer ou que je l'ai fait jeter bas, ou que je l'ai fait défaire en partie. Mon horloge est démanchée, pour dire qu'elle n'est plus réglée, plus en ordre. La voiture s'est démanchée en chemin, pour dire qu'elle s'est brisée. J'ai démanché ma robe, pour dire qu'on l'a décousue.

Désapointer.—V. a.—Vieux verbe qui était employé dans ce sens: oter les appointements à un homme de guerre. Ex.: On a désapointé plusieurs officiers réformés. Il n'est plus d'usage. Cependant, on l'a ressucité à l'aide d'un auxiliaire. Ainsi l'on dit: j'ai été grandement désapointé aujourd'hui, je n'ai pas trouvé Madame D. chez elle. Je devais recevoir £100. hier, mais j'ai été désapointé, mon débiteur s'est enfui, etc. De sorte qu'un homme à qui l'on a manqué de parole, qui éprouve quelque contre temps ou quelque traverse, qui manque son coup, qui ne vient pas à bout de son dessein, qui est trompé dans son attente ou qui échoue dans ses plans ou ses projets est dans tous ces cas désapointé. Ce mot est anglais.

Deusse.—Pour deux, nombre cardinal.

Diriger.—V.—Il est employé avec le verbe être, pour exprimer être enjoint, avoir ordre: je suis dirigé par son Ex.: de vous dire, pour je suis enjoint, j'ai ordre, etc.

Dram.—S. m.—Voir cage, cageux, crible.

Drigaille.—Synonyme de bagage et butin.

E.

Ébarouir, s'.—V. n.—Il se dit des ouvrages de tonnellerie qui s'ouvrent, séchés par le soleil, le feu ou autrement. La cave est humide, mettez-y les sceaux, ils ne s'ébarouiront pas là. Vous avez laissé sécher la cuve, la voilà ébarouie; mettez-la dans l'eau.

Éborgner.—V. a.—Rendre borgne. Ex.: Il l'a éborgné. Il a failli l'éborgner.

Ébrailler.—V. a.—pour se Débrailler, v. a. se découvrir l'estomac avec indécence.

Ce verbe a la même signification qu'Escolter, mais il se dit aussi bien des hommes que des femmes. Ex.: Elle est toujours ébraillée. Il est revenu tout ébraillé. On dit aussi substantivement d'une fille indécemment mise, et d'une fille publique: quelles ébraillées! Ce sont des ébraillées! Se débrailler est le seul mot que la langue permette.

Ébrayer.—V. a.—Donner des coups de corne, de manière à faire mal. Il se dit du bétail à corne. Ex.: La vache t'ébrayera, tu la maltraites trop. Elle a ébrayé l'enfant.

On dit au figure d'un homme qui a été bien rudement battu: Il s'est fait ébrayer; il l'a ébrayé.

Ébrayer a quelquefois corner pour synonyme; mais il faut pourtant remarquer qu'il y a cette différence entre les deux verbes: ébrayer entraîne toujours avec lui l'idée de blessure, tandis que corner a une signification moins mauvaise, et s'applique seul au jeu que font souvent les vaches en se heurtant de leurs cornes. Voy. corner.

Écopeau.—S. m.—Pour copeau. (Éclat, morceau de bois que la hache ou quelque autre instrument tranchant[Pg 186] font tomber du bois qu'on abat, ou qu'on met en œuvre). Gros écopeaux, menus écopeaux. Bruler des écopeaux, au lieu de copeaux. Seccomme un écopeau.

Écœurant, te.—Adj.—Ex.: Ce couteau est écœurant, pour malpropre. Vous avez les mains écœurantes, etc. On dit aussi d'un homme extrêmement sale et malpropre: quel écœurant morceau! Ou l'emploie aussi comme subs. Quel est cet écœurant? (ce malpropre).

Écœurer.—V. a.—Faire mal au cœur, faire soulever le cœur, pour estomac. La moindre chose l'écœure, pour lui donne le mal de cœur. Il est facile à écœurer; ce ragoût m'a écœuré. Cette femme est si malpropre qu'elle écœure.

Écœuré, ée,—part.—On l'emploie comme substantif: c'est un écœuré, un dégoûté.

Écolter, Escolter.—V. a.—Avoir l'estomac découvert d'une manière indécente: Qui vous a écoltée? Elle est toute éscoltée. Il ne se dit guère que des femmes.

Écossais.—S. m.—Nom de nation dont on sert dans cette phrase: Galeux comme Écossais.

Écrapoutir.—V. a.—Ce verbe signifie: Aplatir, écraser, briser, par le poids de quelque chose ou par quelque effort. Ex.: je t'écrapoutirai d'un coup de poing; si je vais à toi, je t'écrapoutis. Il a mis le pied sur cette araignée, cette grenouille, et les a écrapouties. On dit aussi d'une personne qui en a écrasé une autre de ses coups: il l'a écrapoutilliée ou écrapoutillée comme un crapaud.

On y joint le pron. pers.: il s'est écraputillé la main avec un marteau; elle s'est écrapoutillée contre le mûr au dans la place.

Écroi.—S. m.—Pour les petits des animaux et particulièrement des bêtes à cornes. Ma vache a eu un nouvel écroi. Cette vache est à son premier écroi.

Égarer.—V. n.—On l'emploi avec écartiller pour écarquiller, dans le vrai sens de ces derniers mots, c'.-à-d. écarter, ouvrir les jambes; il s'est égaré; il a tombé tout égaré.

Embarquer.—V. a. et m.—On fait de ce verbe le même abus que de débarquer.—Il est bien commun d'entendre dire ici: la voiture étant à la porte, nous embarquimes, pour montâmes dedans. Il signifie quelquefois partir en voiture pour voyage. Ainsi de deux personnes qui sont convenues d'aller faire une promenade, l'une dira à l'autre: Soyez prête à embarquer à 2 heures. Embarquer à cheval. On l'emploi aussi pour mettre dedans; avez-vous embarqué ma cassette dans la voiture.

Empocheter.—V. a.—(Mettre en poche). Il a empocheté aujourd'hui 15 minots d'avoine.

Empois.—S. m.—Espèce de colle faite avec de l'amidon et dont on se sert pour rendre le linge plus ferme et plus clair. Ex.: empois blanc, empois bleu, mettre le linge dans l'empois. On donne aussi le nom d'empois, ici, à l'amidon même, quoique improprement. V. amidon.

Ença.—Interjection.—pour ça. Ex.: Ençà travaillons. Ençà, pars vite. Ença, dépêche-toi.

Envarié, ée.—Adj.—Parlant de marchandises gâtées dans un vaisseau. C'est envarié. Étoffes avariées.

Épicailles.—S. f.—Mot employé dans cette phrase et qui n'est pas française. Il lui en a donné sur les épicailles; il t'en donnera sur les épicailles, pour dire qu'il l'a bien grondé, qu'il te grondera bien.[Pg 234]

Épinette.—S. f.—pour arbre de vie, ou du paradis.

Épiochon.—S. m.—Épi de blé d'Inde ou maïs, petit, cassé, ou peu garni de grains.

Épotraillée.—La poitrine découverte. Il est épotraillé.

Équilibre.—S. m.—On dit en grand: cela est dans l'équilibre, et figurément, mettre, tenir dans l'équilibre, pour dans l'égalité. Ici nos habitants font souvent usage de cette phrase: je suis dans l'équilibre si je fais ceci ou cela.

Équipage.—S. m.—On dit dans le même sens que l'on emploie équiper: Dans quel équipage reviens-tu? Qui t'a mis dans cet équipage? pour où as-tu été maltraité? Qui t'a battu de la sorte?

Équiper.—V. a.—pour maltraiter, battre. Il l'a mal équipé. Il s'est fait équiper comme il faut. J'ai été mal équipé à ce combat, pour estropié.

Escabeau.—S. m.—(Simple siège de bois sans bras ni dossier). On appelle ainsi un meuble à plusieurs degrés, portatif, dont on se sert dans la maison pour atteindre à quelque chose d'élevé en montant dessus.

Espérer.—V. a.—Pour attendre. (Espérer une récompense, une succession, la vie éternelle. Il est français). Mais c'est bien improprement que l'on dit: j'espère une visite aujourd'hui, ou Mr un tel: pour dire s'attendre à avoir ou recevoir la visite de quelqu'un, ou qu'on attend Mr un tel. Dites à cet homme de m'espérer dans cette chambre; espérez-moi ici un instant, je suis à vous dans un instant, dans la minute, pour attendez-moi, ou pour se servir du mot même en l'employant absolument: dites à cet homme d'espérer; espérez un instant, Mr va paraître. Anglais: I have expected you two hours.

Étage.—S. m.—On emploie ici le mot de premier étage pour celui de rez-de-chaussée. Ainsi l'on dit d'une maison qui a deux rangées de fenêtres, qu'elle a deux étages: Mr M. reste au premier étage de cette maison, pour au rez-de-chaussée, et que le second étage est à louer pour le premier étage.

Étau.—S. m.—(Sorte de table sur laquelle un boucher expose de la viande en vente.) On le dit au lieu d'étal. Allez à cet étau, pour cet étal. Mais au pluriel on le dit comme on le doit, des étaux.

Étriver.—V. a.—pour agacer, tourmenter: ne m'étrivez pas tant; il l'a fait étriver.

Étrivant, te.—Subs.—Il est étrivant; c'est une étrivante.[Pg 235]

Exemple.—Par exemple. Façon de parler adverbiale usitée ainsi: Oh! par exemple, c'est trop mentir! au lieu de «pour le coup», etc.

F.

Faire coup.—Manière de parler qui nous vient de nos pères et qui signifie aller combattre. Quand partirons-nous pour faire coup.

Fanals.—S. m. p.—Pluriel de fanal. Usité communément au lieu de «fanaux». Il y a beaucoup de fanals dans les rues.

Fard.—S. m.—pour farce, s. f. Mélange de diverses viandes, ou seulement d'herbes, d'œufs, d'ingrédients hachés menus et assaisonnés qu'on met dans le corps de quelques animaux ou de quelque viande. Ce fard est excellent, pour cette farce est excellente. Fard de haut goût, pour farce. Bien peu de personnes emploient ici le vrai mot.

Faro.—S. m.—Gallant, petit-maître. Il se dit des gens de la campagne. Ex.: C'est un faro; il fait le faro; il est beau comme un faro de la campagne, en parlant d'un homme extrêmement recherché dans ses habillements.

Faroder.—V. a.—C'est faire le faro ou la cour aux dames. Ex.: Qui farodez-vous? Il y a longtemps qu'il farode Mlle X. il devrait bien l'épouser. Il commence à faroder. Eh! qui ne se mêle-t-il pas de faroder à son âge!

Fectif, ve—adj.—Certain, sûr. vrai; c'est une chose fective. Mr. X. est ici, je l'ai vu, c'est fectif. Il est un fectif honnête homme.

Fenouil.—S. fém.—pour fenouil S. m. (Plante aromatique). On dit: il y a de la fenouil dans ce tabac, pour du fenouil.

Fenouillette.—S. f.—Espèce de pomme qui a le goût de fenouil. Cette acception n'est pas reçue ici, mais on dit: fenouillette pour fenouil. Ce tabac sent la fenouillette.

Ferlassement.—S. m.—de ferlasser. C'est bien incommode d'entendre toujours ce ferlassement: Ma robe fait un tel ferlassement quand je marche, que j'en suis dégoûttée.

Ferlasser.—V. n.—Se dit du bruit que fait une étoffe raide que l'on manie. Voilà une indienne qui ferlasse beaucoup.

Fesser.—V. a.—(Fouetter, frapper, avec des verges ou de la main.) Ceci ne se dit que d'un enfant: fesser un enfant: cependant on dit tous les jours sans attention d'un homme qui a été fouetté (sur le dos) par la main du bourreau, qu'il a été fessé: Un tel est condamné par la cour a être fessé.

Fièrement.—Adv.—On l'emploie quelques fois pour beaucoup, bien: fièrement riche, bon, sot; il a fièrement du grain; il en a fièrement.

Fignoler.—V. n.—On dit d'un jeune homme qu'il fignole, qu'il commence à fignoler, quand il se met à faire des dépenses d'éclat en habits, voitures, etc., et faire le galant. Eh! comment, il voudrait fignoler!

Fignoleur.—S. m—Celui qui fignole. C'est un fignoleur; il devient fignoleur. (Prodigne.)

Fine-boutique.—S. f.—On emploie ce mot pour exprimer aussi «un matois», «un rusé». Ne vous y jouez pas, c'est une fine-boutique, ou un fin-matois, que l'on emploie aussi.

On emploie aussi ce mot pour signifier un pauvre esprit; un homme dont l'esprit est borné. C'est une fine-boutique, tu peux bien en parler; tu as une fine-boutique pour cela.

Finir.—Finir V. a.—On l'emploie avec la préposition avec pour signifier n'avoir plus besoin, ou achever terminer et simplement finir: j'ai fini avec cela; je n'en ai plus besoin;[Pg 236] j'ai fini avec cet ouvrage; ils ont fini avec leur dispute, pour achevé, terminé.

Flambant, te.—Cet adjectif n'est pas français. On lui donne ici, dans l'usage qu'on en fait, la signification de brillant, reluisant, et il est presque toujours accompagné de l'adjectif neuf, neuve.

Exemples: il avait hier son habit flambant neuf, un chapeau flambant neuf. Il m'a donné un couteau tout flambant neuf, une épée toute flambante neuve.

Ces expressions sont sans doute figurées et servent à exprimer le lustre de l'habit et du chapeau, le poli de l'épée et du couteau; aussi dit-on en bon français, dans ce même sens: des épées flamboyantes, en allusion au poli de ces armes.

On dit d'une personne habillée tout en neuf, qu'elle est flambante. Ex.: Te voilà toute flambante. Te voilà tout flambant nu, pour entièrement nu; je te passerais mon épée toute flambante à travers le corps, pour toute entière, ou jusqu'à la garde, sont encore des manières de s'exprimer très familières.

Flambe.—Vieux mot qui signifiait autrefois la flamme du feu. On l'emploie encore ici dans ce sens.

Flandrin.—S. m.—Ce mot est français. (C'est un sobriquet que l'on donne aux hommes élancés et qui n'ont pas une contenance ferme: c'est un grand flandrin.) On l'emploie ici pour paresseux: tu ne seras jamais qu'un flandrin; c'est le plus grand flandrin, etc.

Flâner.—V. n.—Pour paresser, faire le paresseux. Ex. Il a flâné toute la journée; il n'est bon qu'à flâner.

Flasque.—S. m.—(Un paresseux. Dict. de Boyer). On l'emploie ici dans ce sens et de plus dans celui de peureux. Il a manqué de courage dans cette occasion. C'est un flasque. La plus petite fille est moins flasque que lui.

Adj. des 2 genres—(Qui est sans force, sans vigueur.) Cette acception qui est la seule française n'est pas usitée ici: mais on se sert de ce mot au lieu de molle, dans ces phrases: Cette indienne est bien flasque, cette soie est flasque, je n'en veux pas. Mots bas et populaires.

Flasquer.—V. n.—Avoir peur. Ex.: Il a flasqué dans telle occasion (populaire).

Foin.—S. m.—À propos de foin, on dit ici faner pour fener. Ex.: Il a fané son foin. Une veuilloche, un mulon de foin. Voyez ces mots.

Frète.—S. m.—pour froid. Ex.: Il gèle de frète, pour froid. Le frète est bien grand. (Je l'écris de cette manière pour exprimer qu'on prononce te final).

Fricasser.—V. a.—On emploie ici ce verbe pour faire cuire;—dissiper (il a fricassé tout son bien en moins de rien). On dit aussi: cet argent est fricassé; c'est autant de fricassé, et toutes ces acceptions sont françaises. Mais on lui donne d'autres significations. Ex.: il lui a fricassé une bonne ramasse, une bonne degelée, pour signifier il l'a battu rudement. On dit aussi je me fricasse de tes menaces; je m'en fricasse, pour je m'en moque.

G.

Fripper.—V. a.—N'est pas français dans le sens de fripponner, voler, tromper quelqu'un, comme on dit quelquefois. Il a frippé son hôte de la belle façon; il l'a frippé d'un mois de pension, de telle somme, etc.[Pg 259]

Gâ.—Subs. m.—Ce mot est employé à la campagne pour signifier un jeune garçon. On ne se sert guère de ce mot, sans y ajouter l'adjetif petit: Ou est mon petit gâ? Je vous enverrai mon petit gâ. Vous donnerez ceci au petit gâ. Viens ici, mon petit gâ.

Galipote.—S. f.—pour bordel, boucan: ce jeune homme court la galipote.

Game, Game-coq.—S. m.—(Prononcez guiéme) Mot absolument anglais.

Garde-corps.—S. m.—Mot que l'on emploie ici indifféremment avec celui de garde-fou qui est le mot propre, pour exprimer les balustres que l'on met un bord des puits, des quais.

Gaspiller.—V. a.—On dit ici gaspiller son butin, pour toutes sortes de choses. Voy. Butin.

Gavache.—S. m.—Ce mot qui, dans la vraie acception du mot, signifie coquin, misérable, est employé ici comme synonyme de poltron. On le fait même féminin et l'on dit: c'est une vraie gavache.

Georges.—S. f.—pour orges, s. f., employé dans cette phrase proverbiale: faire ses georges, pour orges, pour dire faire son profit, faire bien ses affaires. Style familier.

Gérénium.—S. m.—pour géranium, géraniome. Bec de grue, plante.

Giboulée.—S. f.—(petite pluie froide qui tombe à plusieurs reprises.) C'est dans ce sens qu'on le dit ici de la neige. Nous aurons aujourd'hui quelques giboulées ou quelques giboulées de neige. Laissez passer la giboulée. Ce n'est qu'une giboulée. Il équivaut à petite bordée, que nous employons aussi. Voy. Bordée.

Ginseng.—S. m.—(plante). La chute de cette branche de commerce en Canada a donné naissance à cette manière de parler proverbiale: tombé comme le Ginseng, c'est-à-dire tout à coup, et sans espoir apparent de se relever. C'est pourquoi l'on dit d'un homme qui n'est plus en faveur, qui est tombé dans le discrédit, qui n'a plus de popularité, etc., et qui a éprouvé ces inconstances inopinément: il est tombé comme le ginseng.

Glumer.—V. a.—On dit d'un joueur qui a beaucoup perdu au jeu qu'il s'est fait glumer, qu'on lui a glumé son argent; dans ce dernier sens, il signifie perdre beaucoup. On dit d'un fils ou d'une maîtresse prodigues qu'ils ont glumé, qu'ils glument le bonhomme, pour dire qu'ils font beaucoup de dépenses.

Gouette.—S. f.—Sa gouette grossit tous les jours, pour son goètre.

Goulia.—S. m.—Ce substantif répond[Pg 260] ici aux adjectifs français gouliafre et goulu (qui mange avidemment et malproprement). Ex.: il mange comme un goulia, c'est-à-dire beaucoup. C'est un goulia, un vrai goulia. On dit en français dans ce sens: c'est un homme extrèmement goulu; c'est un vrai gouliafre.

Gouliâ se dit aussi d'une femme. Ex.: Elle a un appétit dévorant, c'est un vrai goulia que cette servante.

Graffigner.—V. a.—(Entamer et déchirer légèrement la peau avec les ongles.) Il m'a tout graffigné le visage; il l'a graffigné inhumainement.

Je crois qu'il y a cette différence entre graffigner et égratigner que l'égratignure peut se faire avec tout autre chose que les ongles, une épingle par exemple, au lieu que par graffignure nous n'entendons que la blessure faite avec les ongles.

Graisse.—Graisses.—Voyez mêcher et moucher.

Graissoux, se.—Adj.—N'est pas français. Il signifie gras, grasse (sali, imbu de graisse ou de quelque matière onctueuse). Où as-tu mis son chapeau qu'il est si graissoux? otez ce linge graissoux; joues, mains graissouses. Il se dit aussi substantivement d'une personne malpropre, c'est un graissoux, une graissouse.

Griche-poil.—S. m.—Synonyme de grichou, comme malin, espiègle. Ex.: Voyez, ce griche-poil.

Gricher.—V. a. et n.—Pour grincer les ou des dents.

Grichou.—S. m.—Ce substantif signifie tantôt malin et tantôt laid. Ex.: C'est un petit grichou; il est malin comme un grichou. Dieu, quel grichou! N'est-elle pas laide comme un grichou!

Guedon.Baiser en guedon, pour se faire retaper, style le badin. Voir Baiser.

Gueusaille.—S. fém. et gueusasse, s. f. (canaille). Ex.: Ce n'est que de la gueusasse. C'est la plus franche gueusasse que je connaisse. Il ne loge chez lui que de la gueusasse. Retire-toi de moi, gueusasse, c'est-à-dire coquin. Point de ta gueusaille ici. On se sert également de ces deux mots, quoique gueusaille soit le seul français.

Guide.—S. f.—Longue rêne attachée à la bride d'un cheval attelé. Voyez cordeaux et courroies.

H.

Habitant.—S. m.—C'est ainsi que nous appelons notre agriculteur ou laboureur. Ex.: Il y avait bien des habitants au marché. Je suis habitant; ce n'est pas un homme de la ville, c'est un habitant, ou un homme de la campagne. On ne connait point ici de paysans, ce sont des habitants. Fils d'habitant.

Habitante.—S. f.—Celle qui habite la campagne, qui cultive la terre. Ex.: On voit bien à son teint qu'elle est habitante, ou une habitante.

Hausse.—S. f.—Sorte de vêtement en usage chez nos sauvages, qui sert à couvrir la jambe. On le nomme aussi mitasse, s. f. Ex.: Voilà de jolies hausses ou mitasses. Hausses de cuir. Mitasses d'étoffe. Ce dernier est français.

Herbe à dinde.

Herbe à la puce.

Houiller.—V. a.—Verbe trivial usité parmi le peuple pour changer, troquer une chose contre une autre. Il s'applique plus particulièrement à l'échange des chevaux. Ex.: Veux-tu houiller ton cheval, ou absolument veux-tu houiller? Si tu veux payer chopine, je houillerai avec toi. Houillons, houillons, vite! Il ne doit pas s'employer dans ce sens, mais il est français dans les phrases suivantes: Ex.: Je suis houillé de ma femme; j'en suis las, dégoûté.[Pg 261] Je suis houillé de mon hôte; il me pèse sur les épaules. Je suis houillé de la vie, las de vivre. Ce verbe est quelque fois réfléchi: il se houilla de vin, pour se gorgea de vin.

I.

Icit.—pour ici, adv. de temps et de lieu.

Immatériel, elle.—Adj.—Autre mot français auquel on donne une signification qu'il n'a pas. Ex.: On dit souvent, et surtout au Barreau, c'est une faute immatérielle, pour légère, peu grave. Tout ce que Mr dit est absolument immatériel, c'est-à-dire inutile, ou hors de sujet ou d'aucun poids. Ces phrases sont de purs anglicismes.

Immatériel, elle, adj., est un terme didactique, qui signifie en français: qui est sans mélange de matière. Ainsi l'on dit: les substances, les formes immatérielles.

Impropre.—(qui ne se dit que du langage; mot, expression impropres, c'est-à-dire qui ne convient pas, qui n'est pas juste) se lie à d'autres substantifs ici improprement.

Improuver.—V. n.—Cette terre improuve tous les jours, pour dire qu'elle s'améliore. Ce jeune homme improuve à vue d'œil, pour dire qu'il fait de rapides progrès, qu'il se perfectionne bien sensiblement.

Incendie.—S. f.—pour incendie s. m. Ex.: Il y a eu une grande incendie pour un grand.

Inconsistant, te.—Il n'est pas français pour incompatible, contraire, contradictoire. On dit aussi: c'est bien inconsistant de votre part, pour inconsidéré.

J.

Jouquer.—V. n.—pour jucher; on ne l'emploie guère qu'avec le pronom personnel. Ex.: Les poules se jouquent; où cet homme s'est-il aller jouquer! pour se jucher, pour exprimer quel séjour il a pris! où va-t-il se mettre! en marquant de la surprise.

On dit aussi: les poules sont jouqués, plus communément que les poules se sont jouqués ou juchées.

Jouquoir.—Subs. masc., pour juchoir, s. m.

Juifresse.—S. f.—Au lieu de juive, qui est beaucoup plus rarement employée. C'est une juifresse—une juive, une femme juive. Il ne doit pas se dire.

Jument.—S. fém.—Terme du commerce des pelleteries. C'est une caisse de fusils. Voilà une jument qui pèse beaucoup. Cette jument m'a meurtri l'épaule en la portant.

L.

Légerte.—Féminin de léger, re. adj. L'emploi de légerte pour légère, est une de ces fautes qui se commettent ici journellement. Ex.: La compagnie légerte. C'est une fille bien légerte. Il a la tête extrêmement légerte.

Lévier.—S. m., pour évier (conduit par où s'écoulent les eaux, les lavures et les autres immondices d'une cuisine). On dit: le trou d'un lévier au lieu d'un évier. Un lévier de pierre pour un évier de pierre, etc.

Lichefrite.—Pour lèchefrite, s. f. (ustensile de cuisine).

Licher.—V. a., pour lécher, v. a. (passer la langue sur quelque chose). Licher un plat. S'en licher les barbes; au lieu de lécher.

On dit familièrement d'un fils dépensier: il en a bien liché, il en lichera bien à son père.

M.

Major, re.—Adj., pour majeure, adj. Ex.: la majore partie; la force majore, et au jeu de carte, tierce majore.

Mal.—S. m.—On se sert de l'expression tomber d'un mal, pour signifier l'épilepsie que l'on nomme aussi mal caduc, haut mal, mal de St Jean, mal de Saint. Ex.: Il tombe du mal caduc, du haut mal.

Mâle.—S. m.—Vêtement de tête de nos habitants; c'est un bonnet de[Pg 262] laine tricottée. Ils lui donnent aussi le nom de tuque. Ex.: Où est mon mâle? As-tu vu mon mon mâle? Voyez Tuque.

Malin, ligne—adj.—C'est malin de plaider avec un Seigneur. Méchant, te. adj.—C'est méchant voy. rustique.

Manche.—S. m. (partie d'un instrument par où ou le tient). On emploie ce mot au lieu de la queue. Ex.: le manche de la poèle, d'un poisson, le manche d'une pipe.

Manchonnier.—(artisan qui travaille en pelleterie) il n'est pas français; c'est foureur, marchand pelletier, Ex.: Envoyez nos mitaines chez le manchonnier, chez le foureur.

Manquer.—V.—pour faillir. Ex.: Il l'a manqué belle. Il a manqué mourir.

Marier.—V. a.—pour épouser, v. a. Dans ce nouveau sens, que la langue française ne saurait admettre, marier est déjà bien en vogue, et l'on dit dans la bonne compagnie même: Ex.: Monsieur marie mamselle.—Cela veut dire que Monsieur épouse Mademoiselle. Nicolas a marié Lisette, ou a épousé Lisette.

C'est employer on ne peut pas mieux des mots français à parler anglais.

Marinage.—S. m—Pour marinade. S. f. chose marinée (bouillie dans le vinaigre). Je n'ai pas de marinage cette année; marinage de cornichons, d'oignons.

Maskinongé.—S. m.—(Poisson). Espèce de brochet.

Matelat.—S. m. Terme de chasseur. Nom que l'on donne ici à une espèce de trait qui se décoche avec un arc. Il est différent de la flèche en ce qu'il a une grosse tête à une de ses extrémités. Ex.: L'arc, le matelat et les flèches. Ex.: Vous avez l'arc et les flèches, il ne vous manque plus qu'un matelat.

Matelot.—S. m.—Nom que l'on donne à un petit insecte.

Matériel, elle.—Adj.—On dit c'est une affaire bien matérielle pour de grande conséquence; une question matérielle, pour une question importante. C'est un point matériel de savoir, pour essentiel, etc. (Anglais.)

Mauvaiseté.—S. f.—Synonyme de méchanceté. Ex.: il est d'une mauvaiseté à toute épreuve; il vous fait des mauvaisetés sans doute.

Mèche.—S. f.—Nom que l'on donne à l'extrémité la plus déliée d'un fouet et qui souvent est une ficelle rapportée. Ex.: il a usé, il a perdu la mèche de son fouet. Ce fouet n'a plus de mèche. On emploie aussi ce nom, ainsi que celui de pipe, pour exprimer la grande distance d'un lieu à un autre. On dit: Oh! il y a une mèche d'ici là! J'ai encore une bonne mèche à faire. Voyez Pipe.

Mécher.—V. a.—Ce verbe, quant au sens, répond au verbe français rosser. Ex.: Si je vais à toi, je te rosserai d'importance. Il méchait son cheval sans pitié.

Menoirs.—S. f. pl.—Travail, s. m. Voyez travail.

Micmac.—Signifie en bon français intrigue manigance, pratique secrète dans quelque mauvaise vue. Ex.: Il y a bien du micmac dans cette affaire. Micmac n'est point employé dans cette acception, mais au lieu de baragouin, baragouinage, mots dont se sert aussi dans leur vrai sens: Je n'entends rien à ce micmac; il parle micmac. Bon Dieu, quel micmac! c'est du micmac pour moi. On dit d'un baragouineur: c'est un micmac.

Micoine ou Micouène.—S. f.—Petit vase de bois qui sert de cuiller à nos Sauvages. Une grande micoine, une micouène de bois.[Pg 263]

Mistimus.En mistimus: C'est écrit en mistimus; il a fait cela en mistimus. Mots employés pour bien, très bien.—Ex.: C'est ce qu'on appelle du mistimus, c'est-à-dire du bon, du parfait.

Mitasse.—S. f.—Mot sauvage reçu dans la langue française. Nous disons aussi des hausses. Voy. ce mot.

Moindrement.—adv.—Il a plusieurs significations. Ex.: Il n'est pas le ou la moindrement fatigué, orgueilleux, etc. pour pas du tout. Le moindrement que vous lui en parlerez, il se fâchera, pour pour peu que vous lui en parliez, etc.; Quand il vente le moindrement, pour un peu.

Mondain, ne.—Adj.—Pour mondée. part. Ex.: de l'orge mondaine, pour de l'orge mondée. Mondaine est plus usité dans la campagne que mondée. qui y est aussi connu.

Montréaliste. De Montréal.

Moucher.—V. a.—Même signification que mécher, avec cette différence pourtant qu'on l'emploie plutôt contre un enfant, que contre un homme fait ou un cheval. Son père l'a bien mouché; je te moucherai, si tu ne te tais.

Mouiller.—V. a.—On l'emploie ici presque exclusivement au lieu de pleuvoir. Ex.: Comme il mouille; il a mouillé, il mouillera; au lieu de il pleut, il a plu, il pleuvra. Dans ce sens, mouiller ne peut absolument pas se dire.

Mouiller est un verbe actif, qui ne s'emploie jamais en français que pour marquer l'action de tremper, humecter, rendre humide. Ex.: la pluie a mouillé les chemins. Mouiller une ligne dans l'eau. Mouiller l'ancre ou simplement mouiller; c'est-à-dire jeter l'ancre pour arrêter le vaisseau.

Mulon.—S. m.—Mot dont on se sert ici au lieu de meule, dans cette phrase: un mulon de foin. Mulon est toujours une grosse meule. V. veuilloche.

N.

Naturel, elle.—Adj.—On lui donne ici souvent la signification de salubre, qui contribue à la santé. Ex.: C'est un air bien naturel, nourriture naturelle. Cette tisanne est très naturelle, prenez-en.

Nijou.—S. m.—Il repond ici au mot français, Bout-d'homme. On lui donne aussi pour synonyme Bougon Voyez ce mot.

Niveleux, se.—Adj.—Il se dit en fait d'ouvrages, de ceux qui requièrent beaucoup d'application, d'esprit, de temps, et de dextérité. Ex.: peindre en miniature, démêler de la soie, faire un calcul difficile, établir le compte particulier de chaque héritier d'une succession où il y a des enfants de plusieurs lits, etc., sont des ouvrages niveleux.

Nix.—ou nix for stein. Mots pris de l'allemand, employés de cette manière: il se croyait arriver, mais nix; il croyait la trouver à la maison, mais nix, elle était déjà partie; pour mais point.

Ou dit aussi: nix, nix, tu ne l'auras pas, etc.

Notureau.—S. m.—C'est le nom que l'on donne à un petit cochon que l'on engraisse pour tuer. Lorsqu'il est tué, il prend le nom de porchais. Ex.: vous avez là de beaux notureaux: ce notureau est bon à tuer; il fera un beau porchais. Voyez porchais.[Pg 295]

O.

Office.—S. m. et f.—Ce mot, qui ne doit s'employer que dans ces phrases: rendre de bons offices; c'est l'office d'un bon père à assister à l'office divin; j'ai tel office dans l'administration; le Saint Office (l'Inquisition), et qui dans tous ces cas est masculin, ou comme désignant le lieu où l'on garde la vaisselle, le linge ou ce qui concerne la table, ou enfin la cuisine, et qui alors est féminin; ce mot répèterai-je, a cependant ici une acception plus étendue.

Ainsi les archives d'un notaire sont, en Canada, son office. Un avocat vous envoie à son office trouver ses clercs. Un homme en place vous prie de passer à son office; il vous y donnera audience à toute heure. Tout homme public, tout homme d'affaire même, a son office: c'est le lieu où chacun de ces messieurs travaille.

Oiseau blanc.—Pour ortolan.

Obligé, ée.—part.—On dit souvent: je vous serais obligé pour ce couteau, au lieu de si vous me donniez, etc. Je vous serai obligé pour ce livre, etc. Anglais.

On emploie de la même manière remercier.

Ordonné, ée.—part.—Je suis ordonné par M. L. de vous dire, etc., pour j'ai ordre de M. L. de vous, etc. Elle est ordonnée d'aller à Québec: elle a ordre ou reçu ordre, etc.

Oreilles.—S. f.—de souliers. Mot usité pour les tirans des souliers.

Originer.—V. n.—C'est encore un de ces mots pris de l'anglais, (to originate) et qu'on emploie dans le sens de provenir, tirer son origine ou son étymologie, dériver. D'où faites-vous originer ce mot? Je ne sais d'où cet homme origine, ou quelle est son origine. D'où originez-vous? pour de qui ou de quel lieu sortez-vous, tirez-vous votre origine? Cette maladie origine d'un amas d'humeurs; d'où croyez-vous qu'origine cet abus? pour provient.

Il n'est pas français, quoique la magistrature même s'en serve ici, et qu'on ait tout lieu de croire qu'il ne vient point d'une source ignoble; car ce mot n'est d'usage que parmi nos gens comme il faut. Voici de leurs phrases: Savez-vous d'où ce mot origine, pour savez-vous d'où dérive ce mot, ou quelle est l'étymologie de ce mot? Je ne sais d'où cette femme origine, au lieu de dire.—je ne sais d'où elle tire son origine, d'où elle sort, quelle est son origine. D'où originez-vous? pour de qui ou de quoi, ou de quel lieu sortez-vous, d'où tirez-vous votre origine? Cette maladie origine d'un amas d'humeurs: d'où croyez-vous qu'origine[Pg 296] cet abus? pour provient (de provenir).

Orignal.—S. m.—On donne ici ce nom à l'animal sauvage que les naturalistes nomment Élan Ex.: Un orignal des orignaux, une mère orignal.

Otocas.—S. m.—Plante.

Ouète.—S. f.—pour ouate (espèce de coton plus fin que le coton ordinaire) Le Dict. de l'Académie admet ces deux manières d'écrire et de prononcer ce mot. Il dit aussi qu'on écrit et prononce communément, de la ouate, de la ouète comme on dit ici. Mais il écrit: une camisole d'ouate, une jupe doublée d'ouate, tandis que nous ne faisons pas l'élision et que nous disons de ouète. Nous ne nous servons ici que du mot ouate, faisant toujours l'hiatus, quand le mot est précédé d'une voyelle.

P.

Paré.—part. de parer, v. a.—On se sert pour toute la campagne et assez généralement dans la bonne compagnie de ce participe pour l'adjectif prêt, prête. Êtes-vous parée à partir? Madame est parée à monter en voiture.

Palette.—S. f.—On s'en sert au lien de battoir. Il est français. V. pelote.

Passe-rose.—S. f.—Pour rose d'outre-mer, ou rose aremière. C'est la maure des jardins.

Payer.—V. a.—Il est de mode chez grand nombre de personnes de dire: j'irai, Monsieur, vous payer demain une visite. Il faut pourtant que j'aille payer une visite à Madame. Voulez-vous bien lui payer mes compliments, mes respects. Dans ce sens, faire payer est trop vieux, sans doute; de plus, il est français et rendre n'est pas familier à ces gens.

Je me rappelle, à ce sujet, une phrase qui mérite place ici; je l'ai entendu proférer de mes propres oreilles. Elle est d'un homme qui malheureusement a fait trop de bruit ici, et dont les prétendues lumières et le savoir étaient, à l'époque dont je parle, tellement préconisés, que les mettre en doute eut presque été un crime d'état. Il disait, un jour, à la chambre d'assemblée, dont il était membre: «On me verra toujours paré, paré à payer le regard dû à l'objet en question. O honte! Est-il ignorance plus crasse que celle-là?

Pelote.—S. f.—au lieu de paume, s. f. (Sorte de jeu où jouent deux ou plusieurs personnes qui se renvoient une balle avec une raquette ou avec un battoir, dans un lieu préparé exprès.) On emploie ici le mot de pelote non-seulement pour exprimer le lieu où l'on joue, un jeu de pelote, mais encore pour la balle même. Ex.: On a perdu la pelote, et pour le jeu même: viens jouer à la pelote. On doit dire paume dans tous ces cas. Pelote est français dans ces expressions: pelote de fil, de soie, de neige, de laine, ou peloton.

Péter.—V. n.—(faire un pet)—Outre ce sens, ce verbe en a d'autres ici. On l'emploie par exemple pour:

1. Claquer; ce fouet pète bien, faire péter son fouet.

2. crever; son fusil lui a pété dans les mains.

3. gercer: il a la main toute pétée; des lèvres que le froid a fait péter.

4. déchirer par quelque effort; son habit est tout pété; son pantalon était si juste, qu'en se courbant il a pété.

5. fêler; le froid a fait péter tous mes verres, ou mes vitres. Ce verbe en un mot est d'un usage très commun chez les personnes peu attentives à parler la langue purement, il n'est banni que de la bonne compagnie, et par décence seule.

6. Crevasser; la terre est toute pétée.

Pelleter.—V. a.—Remuer, jeter avec une pelle. Pelleter la neige ou de la neige, du blé, pour mettre du blé[Pg 297] dans un sac avec la pelle. Il est aussi neutre: il a pelleté tout le jour.

Perdrix.—Pour faisan sauvage.

Pesa.—S. m.—C'est le nom que les habitants donnent à la tige des pois, lorsqu'ils en ont ôté le grain en le battant. Le pesa sert alors de nourriture aux animaux.

Pesant.—S. m.—Pour cauchemar, s. m.—qui se prononce comme cochemar (sorte d'étouffement qui survient quelques fois durant le sommeil).

Pincettes.—S. f. p.—Baiser en pincettes pour se faire retaper. V. Baiser.

Pipe.—S. f.—Espèce de mesure de distance chez nos habitants: C'est à peu près trois lieues.

Ex.: Combien y a-t-il d'ici chez vous? Il peut y avoir cinq pipes, ou environ quinze lieues. On compte d'ici à la première habitation deux bonnes pipes, pour six fortes lieues. Voilà une bonne pipe de faite.

Pipe s'emploie aussi simplement pour grande distance et n'exprime pas alors de mesure fixe. Ex.: il y a une bonne Pipe d'ici là! et une belle pipe. C'est-à-dire d'ici là, il y a loin et bien loin. Au reste le ton dont on prononce détermine, le plus souvent, le sens différent de deux phrases semblables.

Dans ce dernier sens, la pipe a pour synonyme la mèche. Voyez ce mot.

Plairie.—S. f.—quelques fois usité pour prairie.

Pistolage.—Et pucelage, s. f.—sorte de limaçon du genre de porcelaine—Pucelage est admis en français.

Plated.—adj.—anglais dont on se sert communément au lieu de fouré, ée, participe, pour les vases et autres meubles de cuivre dorés ou argenterie d'un côté. Ex.: J'ai acheté deux chandeliers plated, pour fourés; Il a un pot plated.

Plaisant, te.—adj.—employé mal à propos pour beau ou agréable dans ces phrases: Un temps plaisant, une plaisante après-midi—(anglais).

Pochetée.—S. f.—pour poche (le contenu d'une poche). Ex.: Il lui a été volé cette nuit près de trois pochetées de blé d'inde. On dit aussi poche dans ce sens.

Poisson blanc.—Poisson doré.

Porceline.—S. f.—pour porcelaine. On dit aussi pourceline. Ex.: tasse de porceline, etc.

Porchais.—S. m.—Petit cochon mort de 4 mois, ou environ, que l'on a engraissé pour tuer. Il se nomme notureau jusqu'au moment qu'on le tue.

Port-épic, Porc-épic.—S. m.—Nom que l'on donne ici à un animal qui comme le porc-épic porte des piquans au lieu de poil, mais qui est plus petit que le vrai porc-épic; c'est une sorte d'hérisson, ou le couendon, ou urson.

Poudine, et Poutine.—S. f.—pour Pouding (Mot anglais). Les Français, en adoptant le mot anglais, n'ont rien changé à son ortographe, mais ils le prononcent Poudingue, et le font masculin. Ex.: un poudingue au riz, un excellent pouding. Le pouding est un bon mets anglais.

Poudrer.—V. n.—Usité seulement dans celle phrase: Il poudre, il a poudré bien fort: pour exprimer qu'il y a, qu'il y a eu une grande poudrerie.

Poudrerie.—S. f.—On dit qu'il a fait une grande poudrerie, une poudrerie affreuse, quand en hiver la neige, soulevée par un gros vent, est emportée en tourbillon impétueux; c'est, si on peut le dire, une bourrasque de neige.

Prouvable.—(2 genres) Qui peut être prouvé. Ex.: Ce fait est prouvable, pour on peut prouver ce fait. Il n'est pas français.

Q.

Québecquois.béquois.—Gens de[Pg 298] Québec.

Quitte.—S. m.—pour acquet, s. m. c'.-à-d. avantage, utilité. Ex.: puisque vous voulez absolument vous y rendre aujourd'hui, vous aurez plus de quitte de passer par ce chemin que par l'autre. On a plus de quitte de s'accorder que de plaider. Quitte ne se peut nullement dire, il faut employer acquet dans ces phrases. Il suffit d'ailleurs de se rappeler que quitte n'est jamais qu'adjectif, pour se régler dans l'usage qu'on en peut faire.

Quitter.—V. a.—pour laisser. Ex.: Je l'ai quitté chez lui; il l'a quitté mourir.

R.

Racérer.—V. a.—Mettre de l'acier avec du fer (afin de rendre celui-ci propre à couper) on doit dire acérer, acirer une hache.

Racéré, ée. adj. pour acéré, ée. Une lame, pointe, hache racérée.

Ramancher.—V. a.—et canadien. Plusieurs significations. 1º Conter ou raconter avec diffusion. Ex.: Que me ramanchez-vous? je ne vous entends pas. Il me ramancha une histoire qui n'avait ni queue ni tête. 2º—Racommoder, réparer. Ex.: Il a bien ramanché ce chandelier. La calèche est bien ramanchée. Dans ce sens, on emploie aussi amancher. V. ce verbe.

Ramasse.—Synonyme de volée de coups. Ex.: Il lui a donné une bonne ramasse. Voyez dégelée et fricasson.

Rapiester.—V. a. pour rapiécer (remettre des pièces à un habit ou à du linge) Ex.: Je suis à rapiester ses chemises, pour rapiécer.

Et absolument: on n'est occupé qu'à le rapiester pour dire rapiécer le linge, etc. de telle personne: ou bien: je rapieste, Monsieur.

Rapiesté ée, part.—habit rapiesté, Veste rapiestée. Il est tout rapiesté.

Ratapiat.—S. m.—pour baragouin ou langage qu'on n'entend point. Ex.: quel ratapiat!

Rebrousse-poil (à) façon de parler.—adv.—à contre poil. On dit ici fréquemment: ne parlez pas à M... il est à rebrousse-poil aujourd'hui, c'est-à-dire de mauvaise humeur.

Regricher.—Les cheveux lui regrichaient sur la tête. À regriche ou griche poil.

Réintier.—S. m.—mot employé dans nos campagnes pour les reins, quelques fois de l'homme et toujours des animaux. Ex.: Ce jeune homme a le rentier faible, ou est encore faible du rentier, terme badin dans ce sens. Du rentier d'un cochon, on peut faire trois socs. Il lui a cassé le rentier à force de coups. Il n'est pas français.

Relevée.—S. f.—(temps de l'après-dîner). Ce terme est employé ici dans sa vraie signification, mais comme il ne doit être d'usage que dans le Barreau. il serait peut-être prudent de le lui restituer à jamais, de peur de chicane. Ex.: à deux heures de relevée, pour l'après-dinée.

Remercier.—V. n.—Voyez obligé.

Résous.—part. (de résoudre). Il est français sans doute, mais comme tel (il n'est d'usage qu'en parlant des choses qui se changent, qui se convertissent en d'autres et il ne se dit point au féminin: Ex.: brouillard résous en pluie.)—au lieu qu'ici on l'emploie également dans le sens de déterminé. Ex.: Je suis résous à plaider. Je l'ai résous à venir avec moi. Il s'est enfin résous à se battre. On doit absolument dire: je suis résolu, je l'ai fait résoudre, il s'est enfin résolu à.... Qu'a-t-il été résous dans cette assemblée? au lieu de qu'a-t-il été résolu?[Pg 339]

S.

Sarpidon.—Sub. mas.—Tapageur; c'est un petit Sarpidon; quel sarpidon!

Sauvagesse.—Sub. fém.—Sauvage: voilà une Sauvagesse, pour une femme sauvage.

Sieau.—Sub. m.—Seau (vaisseau à puiser ou à conserver de l'eau).

Un sieau ferré,—des sieaux de bois pour un seau, des seaux.

Sorcière.—Sub. fém.—Tourbillon de neige ou de poussière, occasionné subitement par le vent, et de peu de durée. Fermez les fenêtres de crainte que la Sorcière ne les brise, Avez-vous vu passer la Sorcière? Étiez-vous dehors durant la Sorcière? pour: quand elle passait.

Sorel.—Habitant de Sorel. Ex.: C'est un Sorel. Voilà des Sorels assurément, leur habillement le dit.

Soulier.—Sub. m.—On donne ici le nom de souliers français, aux souliers de cuir qui viennent de l'étranger, ou que les cordonniers manufacturent, celui de souliers de bœuf à ceux que les habitants se font de la peau du bœuf, et celui de souliers sauvages à ceux que font ces derniers de la peau du chevreuil.

Soupe.—Il dort comme une soupe.

Souris-Chaude.—Sub. fém.—Pour Chauve-souris (oiseau).

Stelci, Stelcit.—pro. dém.—Celui-ci p. d.

Stella.—pour celui-là, p. d.

Style.—Sub. m.—Nos faiseurs de mots ont donné à ce mot en français toute la latitude qu'il a dans la langue anglaise. Ainsi l'on dit: la table de Mr. était servie dans le plus haut stile; sa maison est meublée dans le grand stile; madame est habillée dans le grand stile, pour exprimer que rien n'est épargné, que tout est de meilleur goût et de la dernière mode. Ce sont les sabots de la bonne faiseuse du Marquis de Molière.

Sucet.—Sub. m.—On appelle ainsi le tuyau de blé-d'inde, ou la tige dégarnie de ses épis et que l'on fait manger au bétail à cornes. Les sucets coupés un peu verts, font de bons fourrages. Quand les sucets sont trop secs, les animaux ne les mangent point. Tu as là de beaux sucets. On l'appelle aussi cotton de blé d'inde, quoiqu'on donne plus particulièrement ce nom à l'épi dégarni de ses grains.

Sur.—préposition de lieu employée bien communément dans le sens de chez, et bien improprement. Ex.: Je viens de sur mon oncle.—Je vais sur le notaire.—Je dine sur ma tante. On doit dire chez mon oncle, chez le notaire, et chez ma tante.

Sur, ure.—adj.—La langue française le fait synonime d'aigre. Il lui donne ce sens, quand on l'emploie pour marquer la qualité; c'est pourquoi on peut dire des pommes sures, des fruits surs; l'oseille ronde est fort sure. Mais on ne saurait dire sans blesser la langue: du vin sur, du lait sur, pour du vin, du lait aigre, parce que sur, dans ces phrases, exprime le vice de ces liquides. Il faut donc dire du vin aigre, du lait aigre.

Surir.—V. a.—pour aigrir. (rendre aigre, faire devenir aigre.) La chaleur surit ou fait surir le lait, pour aigrit le lait. Il n'est pas français.[Pg 340]

Suspect, te.—adj.—(qui est soupçonné, ou qui mérite de l'être.) On lui fait signifier ici, en outre, susceptible. Ex.: Elle est extrèmement suspecte, c'.-à-d. Susceptible ou facile à blesser. Vous êtes bien suspect, Monsieur. On dit aussi substantivement: C'est une suspecte comme on en trouve guère, pour exprimer qu'elle est bien susceptible, qu'elle se formalise d'un rien. Il n'est guère d'usage que parmi le peuple; il n'est pas du tout français dans ce sens.

T.

Tapin.—Sub. m.—Une tape légère, un soufflet. Il n'est pas français.

Tapon.—Sub. mas.—Mot que l'on emploie ici comme synonime de tas, paquet, touffe. Ex.: Un tapon de laine, tapon de neige. La neige tombe en tapons, pour flocons. Un gros tapon de graisse. On dit encore d'un petit garçon gros et gras, c'est un tapon, c'est un tapon de graisse.

Tauraille.—Sub. f.—Nom sous lequel les habitants désignent en général les jeunes veaux, génisses (taure.) Ce sont de belles taurailles, où sont les taurailles, une jeune tauraille.

Tête.—Sub. m.—On dit d'une personne entêtée, opiniâtre, c'est une tête d'escargot, une tête de....

Thétiére.—Sub. f.—Pour théière. Vase pour faire infuser le thé.

Tinton.—Sub. mas.—On dit ici le tinton de la messe sonne;—on sonne le tinton; pour exprimer le son lent d'une cloche dont le ballant ne touche que d'un côté. Tinton n'étant pas français, il faut parler ainsi: On tinte à la messe, on tinte à la paroisse, le sermon; ou absolument la cloche tinte.

Tinter la grosse ou la petite cloche, se peut aussi dire.

Tire.—Sub. fém.—Sorte de sucre en bâton que l'on procure de la melasse, en la faisant bouillir. De bonne tire; de la tire pleine d'yeux; la tire se vend un sou le bâton.

Tirans.—Sub. mas. plur.—pour aurore boréale. Il y a beaucoup de tirans dans le nord.—V. Clairon.

Tondre.—Sub. mas.—Amadou.

Touche.—Sub. fém.—Terme en usage parmi les fumeurs, dans ces phrases: veux-tu fumer une touche, viens fumer une touche, pour dire fumer un peu et tout au plus une pipe.

Train.—Sub. mas.—Mot français que que l'on emploie à tort pour signifier:

1º Les occupations quotidiennes du ménage; Ex.: Mettez-vous à votre train. Quoi! vous n'avez pas encore commencé ou fini votre train! Vous n'acheverez pas votre train aujourd'hui.

Ivre.—Ils vont se mettre en train Il est revenu en train à la maison. Il sont tous en train. Il faut dire ivres.

Traine.—Sub. fém.—Sorte de voiture d'hiver qui sert aux habitants pour charrier le bois, les denrées, le foin, et voyager.

On l'appelle en français traineau.

Traine en clisse.—Sub. fém.—Voiture d'hiver des sauvages, qui leur sert à transporter leur venaison et autre chose. C'est une planche très mince, courbée par devant.[Pg 341]

Traineau.—C'est la traine des canadiens, mais d'une dimension beaucoup plus petite, assez souvent avec des bras, elle sert aux enfants à courir et glisser sur la neige.

Travail.—Ce mot qui ne s'emploie qu'au singulier, se dit de deux pièces de bois qui se prolongent en avant d'une charrette, ou que l'on attache par une chaîne de fer aux voitures d'hiver au Canada et entre lesquelles est placé le cheval qui les traîne. C'est proprement le brancard. Le mot travail est employé à Montréal à celui des menoirs (au pl.) à Québec.

Le travail de la traine est cassé; les menoirs de la carriole sont neuves.

Trèfe.—Sub. fém.—pour Trèfle (herbe et une des quatre couleurs d'un jeu de cartes).

Trempe.—adj. des 2 gen.—Il n'existe pas dans la langue. Ex.: Il est tout trempe. Elle est toute trempe de sueurs, c.-à-d. qu'elle a beaucoup sué.

On dit proverbialement il est revenu trempe comme une soupe, c.-à-d. très mouillée.

Toutes ces phrases seraient françaises si au lieu de trempe on disait trempé, trempée.

Tricoler,—V. n.—Il se dit d'un homme ivre, qui chancelle.

Il tricole, je l'ai vu dans la rue tricolant de la belle sorte.

Troisse.—pour Trois.

Nombre cardinal.

Trompe.

Subs. fém.

Bombarbe.

Subs. fém.

}

Petit instrument de fer, qui a une languette au milieu, dont on tire un son en le mettant entre les dents et en le touchant avec le bout du doigt.—On l'appelle ordinairement trompe à laquais. Nos habitants le nomment tantôt trompe et tantôt bombarbe.

Tuer.—V. a.—Employé pour éteindre. Ex.: Tuez la chandelle, avez-vous tué le feu.

Cette sorte de meurtre est très commune en Canada.

Trois fois heureux mes compatriotes! que la corde n'en soit pas la punition!

Tuque.—Sub. fém.—ou mâle sub. mas. Vêtement de tête de nos habitants; c'est un bonnet de laine tricotté. Ex.:—Donne-moi ma tuque, avez-vous des tuques à vendre.

Voy. Mâle....

V.

Vache.—Plancher des vaches, c'est-à-dire la terre.—Ex.: Une fois sur le plancher des vaches, tout ira bien, dira quelqu'un voyageant sur l'eau.

Verbalement.—adv.—Il y a plusieurs acceptions. Ex.: Il lui a parlé verbalement, c.-à-d. il lui a parler sec. Je l'ai battu verbalement, pour bien fort, rudement. On dit d'un postillon qu'il mène ses chevaux verbalement, pour exprimer qu'il mène bien vite, ou bon train.

Cet adverbe est étranger à la langue française.

Veuilloche.—Sub. fém.—On nomme ici d'une petite meule de foin. Mettre le foin en veuilloches, c'est le mettre en petits tas dans la prairies, avant de le charrier.—On appelle mulon, une grosse meule de foin.

Vire l'œil.—Sub.—pour louche. adj. C'est un terme d'injure: ôte-toi de là, vire l'œil; point de vire l'œil ici. Il se dit aussi par dérision; alors le ton détermine le sens qu'on veut lui donner. Ses synonimes canadiens sont Bècheux et Loucheux, adj. m.; voir ces mots. On doit remarquer qu'il se dit particulièrement d'une personne louche d'un seul œil.

Voyage.—Sub. mas.—pour
Voie.—Sub. fém.[Pg 342]

Ex.: Deux sols sont d'ordinaire le prix d'un voyage d'eau, au lieu d'une voie d'eau. On appelle voie d'eau, et non pas voyage (les deux seaux d'eau que porte un homme.) On doit dire aussi voie pour charretée, que nous employons exclusivement. Ex.: Une voie de bois; voie de pierre, voie de sable, et non voyage ou charretée..

Vulgaire.—adj. des 2 gen.

Outre son vrai sens, on lui donne parmi le peuple, celui de visible, évident.

Ex.: Il est vulgaire qu'il est midi. Il est vulgaire que tu perdras ton procès. Tout ce que vous dites là, Monsieur, c'est vulgaire.

FIN

Chapitre
                 Page
JACQUES VIGER 11
NÉOLOGIE CANADIENNE 101

[The end of Néologie canadienne>/i> by Jacques Viger]