QUÉBEC
TYPOGRAPHIE DE LÉGER BROUSSEAU
9, rue Buade, haute-ville
1888
Mémoire de 1680.--M. l'abbé de St-Valier.--L'emplacement du vieux magasin concédé pour la construction d'une église à la basse-ville.--Ses bornes.--Mgr de Laval.--Mgr de St-Valier en Europe.
Les antiques églises de Québec ont ceci de commun avec les monuments profanes que le temps et les guerres ont respectés, d'avoir une histoire particulière, très intéressante pour les catholiques, surtout ceux de la vieille cité de Champlain. A chacune d'elles se rattachent des évènements remarquables et des noms illustres dans nos annales. Tantôt ce sont des gouverneurs, des intendants, des magistrats, des citoyens portant un grand nom, et tantôt des évêques, des prêtres ou des religieux chez qui le zèle de la maison de Dieu a fait opérer ces œuvres restées comme autant de monuments impérissables.
Parmi ces églises, il en est une fort modeste d'apparence, située dans un endroit assez retiré, mais dont l'historique réveille tout un monde de souvenirs glorieux pour les armes canadiennes-françaises. L'Eglise catholique du Canada lui doit une large part de sa brillante et héroïque épopée, commencée avec les Récollets et les Jésuites, continuée sous les illustres évêques de Laval et Saint-Valier, pour se terminer deux siècles après, par le règne plus remarquable encore du premier Cardinal canadien français.
L'église de Notre Dame des Victoires compte aujourd'hui deux siècles d'existence. Aussi loin que nous pouvons remonter dans nos archives, nous trouvons que l'idée de sa construction en revient à Mgr de Laval, premier évêque de Québec.
A la date de 1680 fut adressée à Sa Majesté Louis XIV un mémoire qui se lit comme suit:
"Mémoire touchant une place de la basse-ville de Québec pour y bastir une chapelle qui doit servir d'ayde à la paroisse.
"Comme les rigueurs de l'hyver sont cause bien souvent qu'on ne peut pas porter les sacremens aux malades de la basse-ville de Québec sans s'exposer à de grands accidens, et que les vieillards, les enfans, et les infirmes ne peuvent aller à la haute-ville pour y entendre la messe, l'évêque de Québec a été obligé de permettre une chapelle en la basse-ville pour servir d'ayde à la paroisse et qu'on se serve pour cela de la maison d'un particulier, en attendant qu'il y ait une chapelle et d'autant qu'il n'y a plus de place vacante en ce lieu là, Sa Majesté est très humblement suppliée d'accorder une place appelée le vieux magasin du Roy pour y construire la dite chapelle qui doit servir d'ayde à la dite paroisse."
Le vieux magasin du Roy dont parle ce Mémoire n'est autre que celui de la Compagnie des Cent associés, anéanti en 1682 par une conflagration qui détruisit presque toute la basse-ville. Il ne faut pas le confondre avec la première Habitation de Québec érigée en 1608, et détruite par l'incendie en même temps que la Chapelle de Québec, durant l'absence des Français de 1629 à 1632, alors que la colonie subissait le joug des frères Kertk.
M. l'abbé de Saint-Valier, arrivé en Canada au mois de juillet précédent, en qualité de vicaire épiscopal de Mgr de Laval, fit des démarches auprès du gouverneur et de l'Intendant pour obtenir la concession de l'emplacement du vieux magasin, ainsi que de la place qui se trouvait au devant et qui servait de cour. Ces négociations ne traînèrent pas en longueur, le Roy ayant ordonné en faveur de cette donation dont la communauté devait bénéficier. Et le 12 août de la même année le Marquis de Denonville, lieutenant général pour Sa Majesté dans tout le pays de la France Septentrionale, et Jacques de Meules, seigneur de la Source, chevalier, et intendant, passèrent, devant Mtre Genaple, notaire, le contrat de donation, de l'emplacement, à la seule condition qu'on y ferait construire une chapelle et un presbytère.
Cet emplacement était borné d'un côté, par la rue Notre-Dame, de l'autre, par une petite rue qui séparait la maison du Sieur de Villeray, premier conseiller au Conseil Souverain du pays et autres qui suivaient d'avec l'emplacement, d'un bout, la rue Sous le Fort, et de l'autre, la place publique.
Un acte tiré des minutes du sieur Rageot, notaire, passé en date du 29 octobre 1686, nous fait voir que Mgr de St-Valier transporta alors cet emplacement au Séminaire de Québec. Cette concession fut faite par ordre du Roy, à la demande de Mgr de Laval. M. de St-Valier était sur le point de passer en Europe, et avant son départ, il laissa par écrit une déclaration, dans laquelle il exprimait son intention formelle que la cure de Québec devrait faire construire une chapelle succursale et un presbytère, sur le terrain en question. Voilà pourquoi il le donna au Séminaire de Québec, qui avait charge de la cure, aux conditions qu'il l'avait acquis lui-même des représentants de Sa Majesté, dans la Nouvelle-France.
M. l'abbé de St-Valier retourna en France, le 18 novembre 1686, et lors du séjour qu'il y fit, pendant près de deux années, il ne perdit pas de vue son projet qu'il semblait caresser d'une manière toute particulière.
Le 22 janvier 1688, un an après sa consécration épiscopale, Mgr de St-Valier écrivait à M. de Champigny, qui avait succédé à M. DeMeules comme intendant en 1686:
"Vous voulez bien que je vous demande, Monsieur, votre protection pour nos églises.
J'envoye un entrepreneur et six massons et trois charpentiers. Voilà bien du monde capable de travailler, je leur ay fait de grandes avances, je voudrais bien qu'elles ne fussent pas inutiles et quelqu'un tint la main à les faire agir."
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Je crois que nous aurons du monde suffisamment pour travailler à la cathédrale et à la succursale.
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Mgr de St-Valier écrivait en même temps au gouverneur, M. de Denonville:
"Je vous escrit ce petit mot, monsieur le marquis, par un entrepreneur de bastiment que j'envoye au Canada avec six massons et trois charpentiers, pour travailler à nostre église cathédrale et succursale."
Pose de la première pierre.--Pièces justificatives.--Le curé de Québec.--Guerre avec les colonies anglaises.--Siège de Québec par Phipps.--Sa défaite.--Vœu des dames de Québec.--Fêtes à Québec.--Médaille commémorative.
Mgr de St-Valier arriva à Québec le 1er août de l'année 1688, et Mgr de Laval, qui était aussi passé en France l'année précédente était de retour depuis le trois juin précédent au milieu de ses ouailles, à qui il avait annoncé l'arrivée prochaine de son successeur. Ce fut pendant cette absence simultanée des deux prélats que fut posée la première pierre de la chapelle succursale à la Basse Ville.
Le premier jour de mai 1688 fut choisi pour la cérémonie. Le gouverneur y assistait, comme le prouve le document suivant que nous avons trouvé dans les archives de la paroisse:
Anno Domini MDCLXXXVIII Innocentio XI Summo Pontifici, Francisco de Laval primo Episcopo Quebecensi, regnante in Galliâ Ludovico Magno XIV, primarius Ecclesiæ Succursalis Infantis Jesu urbis inferioris item Quebecensis positus est ab Illustrissimo viro Domino D. Jacobo Renato de Brizay, Marchione de Denonville in Nova Francia Pro Rege.
En l'année de Notre Seigneur 1688, sous le souverain Pontificat d'Innocent XI, François de Laval étant premier évêque de Québec, sous le règne de Louis XIV le Grand en France, la première pierre de l'église succursale de l'Enfant Jésus de la basse-ville de Québec a été posée par l'Illustrissime Seigneur Jacques René de Brizay, marquis de Denonville pour le Roi en la Nouvelle France.
La première dédicace de cette chapelle était donc à l'Enfant Jésus.
On posa aussi, probablement le même jour, la première pierre de la chapelle dédiée à sainte Geneviève, comme il appert par le document suivant:
Anno Domini MDCLXXXVIII regnante Ludovico Magno XIV primarium lapidem sacelli Sanctæ Genovefæ dicati in Ecclesia succursali Infantis Jesu urbis inferioris Quebecensis posuit Illustrissimus vir Dominus D. Joannes Bochard, D. de Champigny, Noroy, Verneuil, etc., in nova francia juris rei politicæ et ærarii supremus præfectus.
En l'année de notre Seigneur 1688, sous le règne de Louis XIV le grand, l'Illustrissime M. Jean Bochard, Sieur de Champigny, Noroy, Verneuil, etc, intendant des affaires politiques et des finances dans la Nouvelle France, posa la première pierre de la chapelle dédiée à sainte Geneviève dans l'église succursale de l'Enfant Jésus dans la basse-ville de Québec.
Notons que le curé de Québec était alors M. François Dupré, qui n'appartenait pas au chapitre, et qui remplit les fonctions curiales jusqu'en 1707.
Quand le nouvel évêque de Québec mit pied à terre dans sa ville épiscopale, l'église de la basse-ville était à peine commencée, et elle ne fut terminée que l'année suivante, l'année du massacre des Français à Lachine par 1500 guerriers Iroquois.
La guerre venait d'être déclarée entre la France et l'Angleterre. C'était une bonne occasion pour les colonies anglaises de l'Amérique d'envahir le Canada dont ils avaient l'intention de s'emparer. "C'était là, dit Bancroft, leur passion dominante." Les sauvages des Cinq-Nations avaient contracté une alliance avec les ennemis des Français. M. de Frontenac qui venait de succéder à M. de Denonville, eut donc à lutter à la fois contre les colonies anglaises et contre la confédération iroquoise. Son courage et sa valeur sauvèrent la colonie d'une ruine, qui suivant toute prévision humaine, semblait inévitable. Cette courte période de notre histoire fut fertile en évènements militaires importants, et les actes d'héroïsme militaire ne manquent pas à cette époque. Les annales canadiennes ont conservé le souvenir de plusieurs défenses héroïques. Une des plus célèbres est celle de madame de Verchères. Les exploits de M. D'Aillebout de Mantet et Lemoine de Ste-Hélène qui s'emparèrent de Corlar, dans la nuit du 8 février 1690, le courage de Hertel qui à la tête de 50 hommes, mit 2000 ennemis en complète déroute, sont autant de faits militaires qui prouvent jusqu'à quel point M. de Frontenac, en prenant les rènes du gouvernement, avait su inspirer le courage à toute la population, et la terreur aux ennemis.
Les Anglais avaient résolu de prendre le Canada par terre et par mer. Le chevalier Guillaume Phipps reçut le commandement de la flotte destinée à s'emparer de l'Acadie et de Québec. Celle-ci parut en vue de la ville le 16 octobre au matin. L'amiral détacha immédiatement un officier pour sommer la place de se rendre. Le gouverneur, piqué du manque de convenance dans les tenues de la sommation, lui dit: "Allez, je vais répondre à votre maître par la bouche de mes canons; qu'il apprenne que ce n'est pas de la sorte qu'on fait sommer un homme comme moi."
Le 18 octobre, l'ennemi tenta une descente entre Québec et Beauport. Mais il fut repoussé avec perte. Le même soir, les canons de la flotte de Phipps commencèrent le bombardement de la ville, qui fut continué le lendemain.
"Cependant à mesure que le danger augmentait, les prières publiques redoublaient dans toute la ville. Les citoyens avaient pris pour patronne et pour protectrice la très Sainte Vierge. Une de ses bannières avait été apportée de Montréal, par M. Joseph Serré de la Colombière, aumônier des milices, qui, lors de sa descente, l'avait placée comme un signe de salut à l'avant du canot qu'il montait. Cette bannière était portée chaque fois en procession dans toutes les églises.... Les dames s'étaient engagées par un vœu solennel à se rendre en pèlerinage à l'église de la basse ville, si la sainte Vierge obtenait leur délivrance." 1
Un tableau de la Sainte Famille, appartenant aux Ursulines, fut exposé au haut du clocher de la cathédrale. "Cependant la confiance était telle, à Québec, écrit Ferland, que les dévotions publiques se continuaient comme dans les temps ordinaires. De la rade l'on voyait les hommes, les femmes et les enfants, se rendant aux offices de l'église sans paraître s'occuper de l'artillerie des Anglais." 2
Note 1: (retour) Hist. de l'Hôtel-Dieu, p. 306.
Note 2: (retour) Ferland, II, p. 229.
Les ennemis ayant tenté de prendre Québec par la vallée de la rivière St-Charles, furent repoussés victorieusement par les Canadiens. Découragé à la suite de ses défaites successives, l'amiral Phipps abandonna son projet et rebroussa chemin complètement découragé.
Les habitants de Québec sortirent comme d'un rêve, lorsque dans la journée du 21 octobre, ils virent la flotte disparaître derrière la falaise de Lévis. Les dames de Québec s'empressèrent d'accomplir leur vœu et firent leur pèlerinage solennel à l'église de la basse-ville.
Cette victoire fit sensation en France. Louis XIV accorda des titres de noblesse à ceux qui s'y étaient le plus distingués, et nommément, aux sieurs Hertel et Juchereau, et il voulut qu'une médaille en perpétuât le souvenir. D'un côté on voit la tête de ce roi; de l'autre, la France victorieuse est assise sur des trophées, au pied de deux arbres du pays, sur des rochers d'où s'échappe un torrent. Un castor va se réfugier sous un bouclier et le dieu sauvage du fleuve, qui épanche son urne aux pieds de la déesse, la contemple avec admiration. Pour devise on y a inscrit ces mots: Kebeka liberata. M.DC.XC; et en exergue: Francia in novo orbe victrix.--Québec délivré 1690;--La France victorieuse dans le Nouveau Monde.
Le premier soin, après le départ de la flotte anglaise, fut de remercier la Providence de son intervention pour éloigner les malheurs dont la colonie était menacée depuis plusieurs mois.
"On ne savait comment témoigner sa gratitude à la divine Majesté, écrit l'Annaliste des Ursulines 3, reconnaissant que c'était un coup de sa puissance qui nous avait délivrés et que nous n'avions aucune part à cette victoire. Pour cet effet, Monseigneur ordonna une procession générale d'actions de grâces; le dimanche, dans l'octave de la Toussaint, 7 novembre, l'on porta l'image de la sainte Vierge aux quatre églises où l'on fut en station, et l'on chanta le Te Deum à la cathédrale. On fit aussi un feu de joie ce même soir. De plus, Monseigneur a désigné que la chapelle que l'on doit faire à la Basse-Ville soit bâtie sous le titre de Notre Dame de la Victoire, conformément au vœu que l'on en avait fait. Chaque année il y aura une fête et une procession en l'honneur de la très sainte Vierge, le quatrième dimanche d'octobre."
Note 3: (retour) Les Ursulines de Québec, I p. 474.
M. de Monseignat, dans un mémoire ou relation de ce qui s'est passé de plus remarquable en Canada, de 1689 à 1690, ajoute d'autres détails à cette fête.
"Dimanche dernier, dit-il, les réjouissances furent faites avec grand appareil.
"Le grand pavillon de l'Amiral et un autre que le sieur de Portneuf avait pris à l'Acadie, furent portés à l'église au son du tambour.
"Toutes les troupes étaient sous les armes.
"Le feu de joie fut allumé à l'entrée de la nuit, par Monsieur le Comte. Il y eut plusieurs décharges de notre canon et de mousqueterie; et l'on n'oublia pas à faire tirer plusieurs fois les pièces que nous avons gagnées sur les ennemis et qui nous seront utiles dans la suite."
Flotte de l'amiral Walker.--Sa dispersion miraculeuse.--Joie à Québec.--Notre Dame des Victoires.
C'est à partir de cette année du triomphe des armes français contre les Anglais et les Sauvages coalisés, que l'on a célébré chaque année dans la colonie, le quatrième dimanche d'octobre, la fête de Notre Dame de la Victoire dans le modeste sanctuaire de la basse ville. On cessa dès ce moment à le reconnaître sous le vocable de l'église de l'Enfant Jésus à qui il avait été originairement dédié. Vingt et un ans plus tard on devait amplifier ce titre, à la suite d'une nouvelle intervention de la Providence qui sauva la ville d'un nouveau siège.
En 1711, une flotte anglaise commandée par l'amiral Walker, se dirigeait sur Québec avec l'intention d'en faire le siège. Une brume épaisse qui couvrait le St-Laurent mit en défaut l'habileté du pilote, et huit des vaisseaux furent jetés sur l'île aux Oeufs et y sombrèrent.
Ces événements se passaient vers le milieu d'août. Mais la nouvelle du désastre ne parvint à Québec qu'au commencement d'octobre. Elle fut accueillie avec une immense joie. La population de Québec se porta en foule à l'église de la basse-ville pour remercier Notre Dame de la Victoire d'avoir délivré une seconde fois la colonie de la ruine. La verve des écrivains se donna libre cours. "Le Parnasse devint accessible à tout le monde; les dames même prirent la liberté d'y monter."
"Le pays était donc enfin délivré par la puissante protection de Marie! Les Canadiens ne furent pas moins reconnaissants en 1711 qu'en 1690; on célébra une fête solennelle où M. de la Colombière prêcha avec un nouveau zèle et un grand succès, sur la fidélité à laquelle obligeait ce bienfait signalé de la très sainte Vierge; la verve des poètes s'épuisa à rimer des poésies et des chansons sur le désastre de cette flotte ennemie, quatre fois plus nombreuse que tout ce que la colonie avait à lui opposer; mais la piété voulut quelque chose de plus durable, pour témoigner à la postérité de sa reconnaissance envers sa céleste Libératrice.
"Il fut conclu dans une assemblée générale, que l'on ferait une quête dans Québec et les environs, pour bâtir le portail de l'église de la basse-ville. Les communautés religieuses aussi bien que les citoyens donnèrent selon leurs ressources et même au delà; on recueillit plus de 6,000 livres. Il fut aussi question de fonder des messes en l'honneur de la sainte Vierge, où fut chanté le cantique de Moïse après la défaite de Pharaon: Cantemus Domino, ce qui, au dire de l'Annaliste de l'Hôtel-Dieu, plaisait davantage à tout le monde.
"Enfin, la chapelle votive de 1690 changea son titre de N. D. de la Victoire en celui de N. D. des Victoires, et elle rappelle encore aujourd'hui sous ce nom la double faveur de la Mère de Dieu, de cette Etoile de la Mer, qui devint un signe de tempête et de dispersion pour les ennemis de son peuple." 4
Note 4: (retour) Les Ursulines de Québec, II, p. 40, 41
Premier pèlerinage.--Le P. de Charlevoix.--L'école des dames de la Congrégation.--Incendie de l'église durant le siège de 1759.
L'histoire de l'église de la basse-ville est donc étroitement unie à celle de Québec. 1690, 1711: voilà deux dates mémorables qui nous rappellent les premières années de son existence. Aussitôt que le danger menace la population, tous les regards se tournent vers Celle qui peut apporter la victoire, par son intercession toute puissante auprès de Dieu des armées. Les prières ne sont pas stériles et les vœux sont exaucés.
Le premier pèlerinage à l'église Notre-Dame des Victoires date donc de l'année 1711. Les dames de la ville, dont la plupart sans doute appartenaient à la confrérie de la Sainte Famille, instituée depuis plusieurs années déjà, accomplirent ainsi la promesse qu'elles avaient faite à Marie. Que ces pèlerinages se soient continués ensuite tous les ans, c'est ce que l'histoire ne dit pas. Cependant, en 1855, Mgr de Tloa, administrateur du diocèse, dans un mandement remarquable, établit officiellement ce pèlerinage. Dans le même document, Mgr Baillargeon, de sainte mémoire, voulut aussi, comme nous le verrons plus loin, mettre la fête de Notre-Dame des Victoires sur son ancien pied. Elle avait été abolie depuis quelques années pour tout le diocèse qui la célébrait en même temps qu'à Québec. Le digne Prélat la rétablit pour l'église de la basse-ville, en la consacrant de nouveau au culte de la sainte Vierge. Un indult du 23 janvier 1820 autorisait cette fête.
Quoiqu'il en soit, à partir de 1711, l'église de Notre-Dame des Victoires fut fréquentée d'une manière très assidue par les citoyens de la basse-ville qui se recrutaient pour le plus grand nombre dans la classe aisée.
Le Père Charlevoix, dans la topographie qu'il donne de Québec dans son Journal Historique du voyage qu'il fit au Canada, en 1720, écrit que l'église de la basse-ville servait de succursale pour la commodité des habitants de ce quartier. "Sa structure, dit-il, 5 est très simple, une propreté modeste en fait tout l'ornement. Quelques sœurs de la Congrégation sont logées entre cette église et le port; elles ne sont que quatre ou cinq, et tiennent une école."
Note 5: (retour) Journal d'un voyage, etc, V, p. 107, Ed. 1744.
Nous trouvons dans le Livre de prônes de la cure de Québec, la note suivante, qui confirme l'assertion du Père de Charlevoix, concernant l'école des dames de la Congrégation. Cette note est en date du 12 octobre 1800:
"Comme il se trouve au petit catéchisme de la basse-ville plus d'enfants que les bancs n'en peuvent contenir commodément, il a été réglé qu'à commencer aujourd'hui, il s'y ferait tous les dimanches, deux catéchismes, à l'heure ordinaire, savoir: dans l'église, pour les garçons, et dans la salle des sœurs de la Congrégation pour toutes les filles."
Cette école devait être à l'endroit occupé, aujourd'hui, par les magasins de MM. Garneau et fils, et de M. Shehyn, à l'encoignure de la rue des Sœurs et de la rue St-Pierre.
Mais un nouveau malheur, et ce ne fut pas le moins pénible, allait frapper la colonie française. Durant le siège de 1759 la petite église subit le sort d'un grand nombre d'édifices publics et privés.
Le 8 août, la basse-ville fut convertie en un véritable brasier. Les bombes de Wolfe n'avaient rien épargné. M. Panet nous raconte dans son journal du siège que le feu prit à la fois dans trois endroits. Il y eut 167 maisons de brûlées, à part l'église qui fut complètement ruinée par le feu.
Les murs seuls restèrent de ce temple vénéré et aimé. Grande fut la désolation des citoyens qui se trouvèrent bientôt privés de leur cathédrale devenue aussi la proie de l'élément dévastateur.
Reconstruction de l'église.--Intérieur terminé.--Incendies de l'église, 1836, 1840, 1854.
Mais les courages ne se laissèrent pas abattre. Les travaux de reconstruction ne tardèrent pas à commencer. Les murs étaient restés debout, mais il fallut tout de même s'adresser à la générosité publique pour les reconstituer. Une quête fut faite dans la campagne et dans la ville. On se mit à l'œuvre avec une activité sans égale, et en 1765 l'église était bâtie et les offices s'y célébraient comme auparavant. La fête annuelle du mois d'octobre avait régulièrement lieu, de même que celle de sainte Geneviève.
En 1793, l'église, quoique relevée de ses ruines, n'était pas encore dans un ordre parfait. Aussi on ne pouvait encore y faire les prières du carême.
En 1817, les citoyens résolurent de terminer l'intérieur. On cessa d'y dire la messe depuis le 13 avril jusqu'au 15 de juin. Les réparations étaient alors complétées, et les offices s'y sont faits depuis avec la plus grande régularité. De temps en temps l'on y faisait la procession du Saint Sacrement, le dimanche dans l'octave de la Fête-Dieu. On y enseignait aussi le catéchisme aux enfants pour les préparer à leur première communion. Cette coutume fut cependant abolie en 1836, et depuis lors les enfants de la Basse-Ville durent rejoindre ceux de la Haute à la chapelle St-Louis.
Le sanctuaire de Notre-Dame des Victoires fut préservé à cinq reprises différentes des incendies qui ravagèrent à différentes époques le quartier de la Basse-Ville. Le grand incendie du 30 avril 1836, menaça sérieusement son existence. Il détruisit des propriétés pour un montant de $80,000 et fit craindre pour tout le quartier de l'escalier.
En septembre 1840, l'église fut préservée de l'incendie pour la quatrième fois par un nouveau miracle de la Providence.
En 1854, le 15 août, nouvelle conflagration qui menaça sérieusement l'église d'une destruction complète. A cette occasion, la note suivante fut publiée dans les journaux de Québec.
"La Fabrique de N. D. de Q. présente ses plus sincères remerciements à MM. les pompiers et le public en général, pour les efforts qu'il ont faits afin de sauver les propriétés qui dans l'incendie de cette nuit, ont couru le plus grand danger. Elle doit faire une mention particulière des pompiers Nos 8 et 9, puis de M. O'Connell, pilote, et des autres braves citoyens qui malgré les flammes, ont osé escalader le toit de l'église et qui, par leurs généreux efforts l'ont deux fois arrachée des flammes qui déjà la dévoraient."
Mandement de Mgr de Tloa.--Rétablissement de la fête de N. D. des Victoires.--Indulgences.--Chemin de la croix public.--Dévotion à sainte Geneviève.--Inauguration d'un orgue.
Le 14 octobre 1855, le curé de Québec faisait l'annonce suivante au prône de la cathédrale:
"Dimanche prochain, nous célébrerons dans l'église de la basse-ville la fête de Notre-Dame des Victoires. Nous remercierons, en ce jour, la très sainte Vierge des faveurs qu'elle ne cesse de nous obtenir de son divin Fils N. S. J. C. Nous la prierons de nous rendre victorieux des ennemis de notre salut, et d'être surtout la protectrice de la foi catholique en ce pays. En conséquence de cette fête, une grand'messe solennelle sera chantée, dimanche à 7½ heures, et le soir, sermon et salut à 7 heures." Cette annonce venait quelques mois après la publication du mandement de Mgr Baillargeon étendant de nouveau le culte de N. D. des Victoire à tout le diocèse. Ce mandement est un des plus remarquables qu'ait publiés le vénérable et regretté Prélat durant sa carrière épiscopale.
"De la vieille France, dit-il, solennellement consacrée à Marie, nos pères apportèrent avec eux, dans leur nouvelle patrie la dévotion à la sainte Vierge. En face des dangers où ils se voyaient exposés, dans ce pays sauvage, il se hâtèrent de se mettre sous sa protection. Agenouillés, au lieu où est aujourd'hui l'église de Notre-Dame des Victoires, Champlain et ses compagnons rendirent d'abord de solennelles actions de grâces à Marie, comme à l'étoile bienfaisante de la mer, qui avait guidé leur vaisseau, l'avait heureusement conduit au port; puis ils la prièrent de leur servir de mère sur cette terre barbare, et de prendre en sa sainte garde la belle colonie, qu'ils étaient venus fonder au milieu de nations infidèles et féroces.
"De ce moment le culte de la sainte Vierge semble être demeuré attaché à ce lieu, où dut être dite aussi, dans une des chambres de l'habitation de Champlain, servant de chapelle, la première messe célébrée à Québec, lorsque les enfants de saint François y arrivèrent en 1615."
Après avoir donné un court historique des bienfaits opérés par l'entremise de Notre-Dame des Victoires dans les heures du danger, l'illustre Prélat fait un appel chaleureux aux serviteurs de Jésus, aux enfants de Marie, aux pauvres pèlerins, pour les engager à aller implorer sa protection à leur arrivée à Québec.
Puis aux citoyens de Québec il dit:
"Il vous a été donné d'avoir Marie pour reine et pour patronne, vous avez le bonheur d'être ainsi d'une manière toute spéciale, ses sujets et ses enfants. Elle attend donc de vous un respect, un amour, un dévouement et des hommages singuliers. Vous avez aussi un droit tout particulier à sa protection et à son assistance; c'est votre piété qui lui a élevé l'église de N.-D. des Victoires: la construction de ce sanctuaire est l'œuvre de vos pères, sa réparation récente et son embellissement, ainsi que la magnifique statue qui en fait aujourd'hui l'ornement, sont les fruits de votre libéralité et de votre zèle pour la gloire de cette sainte mère. A vous donc, avant tous, de l'honorer dans ce sanctuaire. A vous, le privilège de recueillir les premières et les plus précieuses faveurs qu'elle veut y distribuer à ses enfants. A vous aussi, de vous montrer les plus empressés et les plus assidus à y venir pour lui rendre vos devoirs et implorer son secours. A vous enfin, de vous faire une sainte habitude de ne jamais passer à sa porte, sans entrer pour lui rendre visite."
Mgr de Tloa conclut sa lettre pastorale en consacrant et dédiant de nouveau cette église à la très sainte Vierge; en la désignant comme un lieu de pèlerinage; en rétablissant la fête de Notre-Dame des Victoires pour le dimanche avant le 22 octobre; en fixant au 4e dimanche du mois le salut qui, jusqu'alors se chantait le 25; en accordant 40 jours d'indulgence aux fidèles à chaque fois qu'ils visiteront ce sanctuaire vénéré, et qu'ils y salueront la sainte Vierge en récitant avec un cour contrit trois Ave Maria pour la propagation de la foi dans la province ecclésiastique; et enfin, en désignant cette église, après la cathédrale, comme la première entre toutes les églises où l'on peut gagner, aux quatre fêtes principales de la Sainte Vierge, les indulgences plénières accordées en faveur de la Pieuse Association de l'Immaculée Conception, dite la Couronne d'or.
Cette lettre pastorale fut lue dans toutes les églises et chapelles du diocèse dans la première quinzaine de mai 1855. Elle est contresignée par M. l'abbé Edmond Langevin, secrétaire de l'archevêché.
Les indulgences susdites ne sont pas uniques. Le 29 juin 1884, Notre Saint Père le Pape Léon XIII a accordé, une fois dans l'année, une indulgence plénière, à tous ceux qui, s'étant confessés et ayant communié, visitent, le jour de leur communion, l'église de N.-D. des Victoires, pourvu qu'ils y prient pour la propagation de la Foi et aux intentions du Souverain Pontife.
Une pratique de piété des plus importantes à cause des indulgences précieuses qui en dérivent, est l'exercice du chemin de la Croix. Cette pratique si profitable aux âmes délaissées du purgatoire, fut établie en l'année 1855, d'une manière régulière, dans l'église de la Basse-Ville. Tous les vendredis soir, à sept heures, on y a fait depuis le 8 juin de cette année, le chemin de la Croix. C'était alors la seule église où ce pieux exercice se faisait publiquement et d'une façon régulière.
La dévotion à sainte Geneviève a toujours de temps immémorial attiré une foule de fidèles au pied de cette petite chapelle dédiée sous le vocable de cette grande sainte. La fête est célébrée le premier dimanche qui suit le 3 janvier de chaque année. Après l'intonnation du Gloria, à la messe le chapelain ou le prêtre qui le remplace, bénit des petits pains sans levain, de la grosseur d'une noix, destribués aux femmes qui appréhendent les douleurs de la maternité. Cette coutume remonte de très loin et elle n'est pas tombée en désuétude.
Le 27 mai 1860, jour de la Pentecôte, eut lieu l'inauguration d'un orgue, don des citoyens de la basse-ville, aidés des générosités de quelques autres. C'est le même instrument qui s'y trouve encore aujourd'hui.
Le 23 mai 1888.--Office religieux de l'église de N. D. des Victoires.--Son Eminence le Cardinal Taschereau.--L'honorable M. Mercier, premier ministre.--Sermon de M. l'abbé G. Côté, curé de Ste-Croix, ancien chapelain.--Te Deum.
Le 23 mai 1888 restera mémorable dans les fastes de Notre-Dame des Victoires. Si le passé de ce sanctuaire fut glorieux, le présent n'est pas sans offrir au cœur de nos concitoyens de justes sujets de consolation et de reconnaissance.
Ne devons-nous pas nous réjouir en effet, de voir que tant d'épreuves de tous genres auxquelles cette église a été en butte depuis deux siècles, aient été surmontées par une protection toute visible de la Providence?
Combien notre reconnaissance doit être grande en ce jour anniversaire envers la Mère Victorieuse, pour nous avoir conservé cette précieuse relique d'un passé glorieux? N'est-il pas aussi de notre devoir de la remercier de nous avoir choisis parmi ses autres enfants, pour célébrer solennellement aujourd'hui ce deuxième centenaire que nous attendions de tous nos vœux.
De bonne heure, ce matin, les citoyens de la basse-ville étaient à l'œuvre pour travailler aux décorations de leurs résidences et de leurs magasins. D'autres se dirigeaient vers le sanctuaire béni, allant offrir leurs hommages à la Mère de Dieu, à celle qui a couvert de son égide protectrice le quartier de la basse-ville, où elle réside depuis deux siècles.
Depuis cinq heures jusqu'à huit heures, des mains consacrées ont distribué le Pain des Anges à des centaines de fidèles qu'une dévotion particulière attirait au pied de l'autel de Marie. Que de prières agréables à Dieu sont montées vers son trône durant ces trois heures matinales! Aussi, que de bénédictions en sont descendues en retour!
Des messes basses ont été dites le matin à l'église N. D. des Victoires à toutes les demi-heures, depuis 5 heures jusqu'à 7½ heures.
Au maître autel
5.00.--M. l'abbé Mathieu
5.30.--M. l'abbé Maguire
6.00.--M. l'abbé G. Lemieux
6.30.--M. l'abbé A. H. Pâquet
7.00.--M. l'abbé A. Marchand
7.30.--Mgr le G. V. Langevin.
A l'autel ste geneviève
5.00.--M. l'abbé Vaillancourt
6.00.--M. l'abbé J. B. Dupuis
6.30.--M. l'abbé J. Feuiltault
7.00.--M. l'abbé G. Têtu
7.30.--M. l'abbé C. Drolet.
Aussitôt après la grand'messe M. l'abbé A. N. Rhéaume, qui avait célébré sa première messe à N. D. des Victoires, le 23 mai 1875, a célébré une messe basse pour les personnes privées de l'avantage d'avoir pu assister à l'office pontifical.
M. l'abbé Pâquet, curé de Ste-Pétronille et M. l'abbé G. Lemieux, du Séminaire, ont célébré leur première messe dans l'église de la basse-ville, à la date du 23 mai, le premier en 1869, et le second en 1881.
A la messe de M. le curé Pâquet assistaient une trentaine de pèlerins de Ste-Pétronille de Beaulieu.
Quelques minutes avant neuf heures Son Eminence le Cardinal quittait son palais pour se rendre à la basse-ville. Son carosse trainé par quatre chevaux et conduit par deux cochers en livrée, renfermait Son Eminence, Mgr Cameron évêque d'Antigonish, Mgr le grand-vicaire Edmond Langevin, de Rimouski, et Mgr le G.-V. C. E. Légaré. Un second carosse à deux chevaux conduisait Mgr Bolduc et Mgr Méthot. Un troisième avait été réservé à Mgr B. Pâquet et à M. le curé de Québec.
Un bon nombre de citoyens suivaient le cortège.
Sur tout le parcours qui s'est fait par la côte de la Montagne, et la rue Notre Dame, des drapeaux et des oriflammes aux couleurs variées flottaient en face des résidences.
Sur la côte Lamontagne et Port Dauphin, nous avons remarqué les décorations faites par M. P. G. Delisle, imprimeur, MM. Gingras et Langlois, G. T. Cary, du Mercury, C. Routhier, Joseph Hamel et compagnie, Charles Darveau, imprimeur, et F. O. Vallerand.
Sur la rue Notre-Dame, les décorations étaient encore plus nombreuses. Notons celles de: MM. F. M. Déchêne, l'Electeur, la Justice, le Chronicle, l'hôtel dite Mountain Hill, L. A. Bergevin, Ed. Bélanger, A. P. Caron, et A. G. Dugal.
Le carré Notre-Dame était littéralement couvert de drapeaux le traversant dans toutes les directions. Les citoyens dont les noms suivent ont contribué à ces décorations: MM. S. Hardy, F. Guay, madame veuve N. Pelletier, C. Laveau, Morency, Dagneau et Cressé.
La fabrique de la basilique avait fait ériger en face de l'église une magnifique arche en verdure, ornée de drapeaux, de bannières et des inscriptions suivantes:
A neuf heures Son Eminence faisait son entrée solennelle dans l'église, suivie des prélats de sa cour. En un clin d'œil, l'église était remplie de membres du clergé, de citoyens et des invités qui, grâce à la courtoisie de MM. E. Caron, T. Potvin et L. Beauchamp, purent se placer sans le moindre embarras.
Vu l'exiguité du local, il a été impossible de lancer autant d'invitations qu'il eût été désirable pour une fête de cette importance. Les citoyens occupant une position officielle, les membres du clergé de Québec et les journalistes ont seulement obtenu ce précieux avantage.
Des sièges d'honneur avaient été réservés à l'honorable premier ministre, au maire de Québec et au marguillier en charge M. Louis Bilodeau, qui étaient présents.
Parmi les autres personnes, nous avons remarqué: le maire de St Sauveur, le maire de N. D. Lévis, M. le chevalier Robitaille, MM. P. Vallière, A. Letellier et L. P. Sirois, marguilliers en exercice, l'échevin Rhéaume, les conseillers McGreevy, P. Gagnon, Vincent, Kane, J. Tessier, MM. Jos. Hamel, et N. Lemieux, anciens marguilliers, M. le colonel Vohl, chef de police.
Le clergé était largement représenté. Citons: M. le curé de Québec, MM. L. N. Bégin, J. Hoffmann, T. E. Beaulieu, P. Dassylva, P. Pouliot, L. Rainville, C. H. A. Pâquet, E. Nadeau, le R. P. Royer, O. M. I., P. V. Légaré, E. Lauriault, J. Godbout, J. Girard, C. Drolet, Laberge, Bouffard, Belley, curé de St Prime, Vaillancourt et G. Têtu.
Dans le chœur on avait placé Mgr Cameron et les prêtres de la Cour Cardinalice.
Après avoir revêtu les habits pontificaux, Son Eminence a commencé la célébration de l'office divin, assistée de Mgr Benj. Pâquet comme archiprêtre, de MM. les abbés F. H. Bélanger et J. B. C. Dupuis, comme diacre et sous-diacre d'honneur, et enfin de M. les abbés Pagé et Mathieu comme diacre et sous-diacre d'office.
Dans l'intervalle l'orgue faisait résonner la voûte du sanctuaire de ses notes les plus solennelles, sous les doigts habiles de M. G. Gagnon, organiste de la basilique.
Le quatuor vocal et plusieurs amateurs accompagnés par la musique brillante du Septuor Haydn a chanté la messe brève de Gounod. Madame Ephrem Chouinard a donné un solo qui a parfaitement réussi.
M. E. Chouinard, organiste de l'église de la basse-ville, avait tout préparé et il a réussi admirablement bien à mettre la partie musicale au niveau de la fête.
C'est M. l'abbé G. Côté, curé de Ste Croix, et ancien chapelain de l'église, qui a donné le sermon. Il a pris pour texte ces paroles de l'Ancien Testament.
"Je me souviendrai de l'alliance que j'ai faite avec toi au jour de ton adolescence, je la renouvellerai et elle durera éternellement."
L'éloquent prédicateur a d'abord fait l'historique de l'alliance contractée entre le peuple canadien et la Sainte Vierge. Puis, dans une seconde partie, il a fait voir que la fête d'aujourd'hui devait être considérée comme la rénovation de cette alliance qui a tous les gages de la perpétuité.
L'éloquent prédicateur a su puiser dans son cœur de prêtre et de français des accents remplis du plus pur patriotisme, qui ont pénétré jusqu'à l'âme de ses auditeurs.
Après la messe, Son Eminence a entonné le Te Deum, pendant lequel les cloches de N. D. des Victoires et de la Basilique sonnèrent à toutes volées.
Cette fête se termina, à 5 heures, p. m., par un salut solennel au Très Saint Sacrement chanté par Mgr C. E. Légaré, assisté des abbés Vaillancourt et Fiset.
Il est sans conteste que les travaux les plus importants pour embellir l'église de N-D. des Victoires, sont ceux qui, aujourd'hui, font l'admiration du public et l'honneur de ceux qui les ont exécutés avec tant de goût et d'habileté, et qui font l'orgueil de M. le chapelain et de MM. les marguilliers de la basilique qui n'ont épargné ni trouble, ni sacrifices pour les mener à bonne fin.
C'est au mois de mars dernier, que MM. les Marguilliers décidèrent de peindre à fresque ce pieux et vénéré sanctuaire. Trois plans furent soumis à l'examen d'un comité composé de Son Eminence le Cardinal, de Mgr B. Paquet et de M. l'abbé Audet, chapelain du couvent de Sillery. Celui de M. J. P. Tardivel, artiste-décorateur de Québec, eut la préférence. Celui-ci, s'étant assure les services de M. Masselotte, se mit activement à l'œuvre, et deux mois après, ces travaux étaient terminés. Nous les avons examinés minutieusement, et nous croyons sincèrement que M. Tardivel a réussi dans l'œuvre difficile qui lui a été confiée.
Dans la voûte, à partir du chœur en allant vers la porte, du côté de l'évangile nous voyons:
Regina sacratissimi rosarii.
1º Une couronne royale sur un coussin encadré d'un chapelet à grains d'or;
Mater castissima
2º Le Cœur de Marie reposant sur un lis.
D'autres lis sortent aussi de la même tige.
Des branches d'épines bordent le symbole en souvenir de ce texte: Sicut lilium inter spinas, sic amica mea inter filias Adæ. (Petit Office de l'Immaculée Conception.)
Mater divinæ gratiæ
3º Une pluie sort en gerbes du Cœur de Marie et de coussins en coussins sur la terre. Comme symbole de son efficacité, deux beaux palmiers bordent le symbole.
Vas insigne devotionis
4º Un calice, un ciboire, un encensoir.
La Sainte Vierge a été le premier ciboire vivant, puisque c'est dans son sein virginal que s'est renfermée l'humanité sainte de N. S. Elle a été le premier calice de la loi nouvelle, puisque c'est son propre sang qui a été offert à Dieu en propitiation par le Sang précieux de N. S. C'est aussi un encensoir mystérieux par la ferveur de sa prière qui, montant comme un encens d'agréable odeur jusqu'au trône du Tout-Puissant, obtient tout ce qu'elle demande.
Dans la voûte, du côté de l'épître, on remarque les emblèmes et les inscriptions suivantes:
Regina martyrum
1º Groupe renfermant à peu près tous les instruments de la Passion. C'est par la Passion de N. S. que la sainte Vierge, par sa coopération à cette grande œuvre, est devenue Reine des martyrs.
Porta cœli
2º Porte du Ciel
Speculum Justitiæ
3º Miroir dans lequel se reflète le soleil de justice.
Des balances complètent le symbolisme.
Rosa mystica
4º Rosier fleuri, portant à son sommet une fleur particulièrement remarquable.
Dans la frise du mur, du côté de l'évangile, nous voyons deux grands écussons représentant:
1º Le blason de S. E. le Cardinal.
2º Le blason de Jacques Cartier et plusieurs petits écussons avec les inscriptions suivantes: Ave Maria. Arche de Noé. Refugium peccatorum. Stella matutina. Stella maris. Electa ut sol.
Dans la frise du côté de l'épitre se trouvent deux grands écussons de
1º Mgr de Laval
2º Champlain.
Et plusieurs petits écussons avec ces mots: Flos radix Jesse. Pulchra ut luna.
Dans les panneaux sont peints des attributs rappelant les trophées conquis sur les anglais à la bataille de Beauport en 1690, et les dépouilles recueillies après le naufrage de la flotte de Walker.
Dans le chœur, au-dessus de l'autel, à gauche de la T. S. Vierge:
Kebeka Liberata
Québec Délivré
La ville de Québec symbolisée par une femme couronnée, est assise sur son rocher au pied duquel le St-Laurent verse son urne.
Un castor prend ses ébats auprès d'elle.
Elle foule aux pieds des boucliers, des cuirasses et des étendards aux armes d'Angleterre.
Le sujet et l'exergue sont empruntés à une médaille commémorative frappée au temps de Louis XIV.
A droite de la T. S. Vierge
Deus Providebat
L'Ange Protecteur de la Nouvelle-France frappe la flotte de l'Amiral Walker qui, au milieu de la nuit et, par la brume, se jette sur le roc de l'Ile aux Œufs et s'y brise.
Dans le sanctuaire, du côté de l'épître, dans un panneau une inscription latine, copie exacte de celle qui fut rédigée à l'occasion de la pose de la 1ère pierre de l'église: 1er mai 1688.
Dans la chapelle Ste-Geneviève, inscription latine, copie exacte de l'authentique rédigée à l'occasion de la pose de la première pierre de la chapelle en 1688.
Les tableaux ont été nettoyés.
Ces tableaux ont beaucoup souffert de retouches criminelles barbouillées il y a quelques années par un escroc abusant de M. le curé de Québec d'alors.
Le tableau de Ste-Geneviève qui couronne l'autel de la chapelle est à tout jamais abîmé.
Un ex-voto placé près de la porte d'entrée porte la date de 1747.
Une "Annonciation" signée Wolf porte la date de 1765.
Les autres tableaux ne portent aucune indice révélant leur âge ou le nom de leur auteur.
On a aussi décoré à neuf les statues du Sacré-Cœur, de la Sainte Vierge et de St-Joseph, que les ravages du temps avaient quelque peu détériorées. Les deux anges qui se trouvent de chaque côté de l'autel Ste-Geneviève, ont aussi été décorés avec le meilleur effet.
La chaire a été enlevée, et donnée à l'église de St-Joseph de Ham-Sud, diocèse de Sherbrooke.
Il n'y a pas actuellement de chemin de croix, mais il est compris que de généreux donateurs se sont chargés de faire les frais de cet achat. Nous croyons savoir même que Son Eminence le Cardinal, M. le Curé de Québec, M. Louis Bilodeau, marguillier en charge, et plusieurs généreux citoyens de la basse-ville, se sont engagés à payer chacun le coût d'une station.
En arrière de l'église, sur la muraille de chaque côté de la porte, on a posé en lettres diversement coloriées les faits les plus saillants qui ont illustré l'église à toutes les phases de son existence.
Depuis que les pèlerinages ont été inaugurés dans l'église de la basse-ville, un certain nombre d'ex-voto ont été religieusement placés sur l'autel principal. M. le chapelain nous a permis d'en donner la description avec les souvenirs qui s'y rattachent, ainsi que le nom d'un certain nombre des pieux et zélés donateurs.
1. Cœur en vermeil, avec un Maria entouré d'une couronne de roses en relief.
Hauteur: 14 pouces; largeur 7 pouces; épaisseur 3½ pouces.
Renferme plusieurs feuillets de papier bleu disposés ainsi:
§. 1. Sur la 1ere page on lit:
O Marie! daignez prendre sous votre protection ceux qui vous présentent ce cœur en cuivre doré et dont les noms suivent.
A peu près 350 signatures parmi lesquelles on remarque les suivantes:
Ant. Racine ptre
Chs Cloutier ptre
B. Pâquet ptre
Jos. Auclair ptre
G. E. Drolet ptre
M. Lemieux ptre.
§ 2. Sur une feuille de papier bleu en 4eme page on lit:
Le 18 octobre 1857, Pierre Flavien
Turgeon, archevêque de Québec, Charles
François Baillargeon, évêque de
Tloa et administrateur du diocèse,
Joseph Auclair, curé de Québec, a été
déposé aux pieds de la statue de Marie,
ce cœur de vermeil, gage de reconnaissance
des citoyens de la B. Ville envers
Marie dont ils ont si souvent éprouvé
la protection évidente.
D. RACINE, ptre
Vic.
§. 3. Sur une petite feuille simple:
Je demande que mon
nom soit inscrit sur la
liste qui doit être mise
dans le cœur de bronze
doré que les citoyens de
la B. Ville offrent à
N. D. de la Victoire.
†C. F. Baillargeon, évêque de Tloa, Administrateur du D. Q.
§. 4. Sur un autre feuillet détaché.
†P. F. Turgeon, archevêque de Q.
†C. F. évêque de Tloa
C. F. Cazeau, Ptre
Thos. Roy, Ptre
Edmond Langevin, Ptre
D. Racine, Ptre.
§. 5. Sur une carte de visite dont les contours sont dorés, on lit le nom d'Angèle Lacroix.
2. Cœur en vermeil, de 9½ pouces de large, et de 2½ d'épaisseur. Transpercé d'un glaive, avec une couronne de roses en relief sur la surface.
Il contient six feuilles de papier de soie liées ensemble, formant douze pages. Au recto du premier feuillet, on lit ces mots: Ad perpetuam rei memoriam.
Missionariorum Oblatorum Sanctissimæ Mariæ Imm. nec non Christi fidelium degentium apud S. Salvatorem B. M. V. I. victoriarum dominæ nostræ Quebeci.
A. D. 1856. Die.
Suivent 550 signatures.
3. Cœur en vermeil, de 5 pouces de hauteur et 2 d'épaisseur. Couronne de lis--pas de date--pas d'inscription--papier réduit en cendres au premier toucher.
4. Cœur en vermeil, de 8 pouces de hauteur, 5 de largeur, 2 d'épaisseur. Maria entouré d'une couronne de lis et de roses--aucune inscription ni date.--Papier illisible.
5. Cœur en vermeil, uni, de même dimension, portant à la surface l'inscription suivante:
Donné par Mgr Charbonnel, Évêque de Toronto, le 17 juillet 1856.
Cinq autres cœurs en vermeil, d'une hauteur variant de 5 à 2 pouces. Ils n'offrent rien de particulier.
Quelques-uns des anciens chapelains ont résolu de présenter à l'église un ex-voto en souvenir de la fête de ce jour.
Le reliquaire placé du côté de l'évangile renferme des reliques de St-Laurent, St-Boniface et de St-Victor.
Celui du côté de l'épître: Ste-Aurélie, St-Vincence, St-Irénée, St-Probus.
Ces reliques sont placées dans des châsses ayant la forme de maisonnettes.
Dans les petites tours que l'on remarque sur le maître autel, il y a des reliques de St-Charles Borromée et de St-Théophile.
Sur cet autel sont placés deux reliquaires contenant chacun une relique de saint Crescent.
L'on conserve précieusement dans l'église deux autres reliques précieuses qui sont destinées à la vénération des fidèles: une de Ste-Geneviève que l'on expose à la vénération des fidèles, le jour de la solennité de sainte Geneviève, et une autre de la vraie Croix. Cette dernière est vénérée publiquement le Vendredi Saint et le Jour des Morts.
Recordabor ego pacti mei
tecum in diebus adolescentiæ
tuæ et suscitabo tibi pactum
sempiternum.
Je me souviendrai de l'alliance
que j'ai faite avec toi
au jour de ton adolescence:
je la renouvellerai et elle
durera éternellement.
Ezéchiel XVI, 60.
Ce texte de la Sainte Ecriture ne semble-t-il pas convenir d'une manière toute spéciale à la pieuse solennité qui nous réunit dans ce sanctuaire vénérable pour y célébrer le deuxième centenaire de sa fondation glorieuse? Ces paroles, en effet, tombant pour ainsi dire en ce jour des lèvres bénies de Marie Immaculée, depuis plus de deux cents ans, Reine et Maîtresse de ces lieux, nous rappellent à tous cette alliance qu'Elle daigna contracter avec nous, dès l'origine de la colonie: alliance sainte, s'il en fut jamais, puisque c'est l'alliance de la Souveraine des cieux avec ses dévots serviteurs de la terre; alliance forte, puisqu'elle nous promet et nous donne l'appui de cette femme que l'Esprit-Saint appelle terrible comme une armée rangée en bataille; alliance constante, puisque c'est celle d'une mère qui a juré de ne jamais abandonner ses enfants; alliance admirable à tous les titres, car pour tout résumer en deux mots, elle a été pour nous le principe de nos gloires et de nos triomphes dans les jours passés et elle fait l'objet de notre allégresse dans le jour présent, où nous venons la renouveler avec l'espoir et l'assurance qu'elle durera toujours.
Note 6: (retour) Mgr Cameron.
M. F., c'est à ma faible voix qu'a été réservé l'honneur de célébrer aujourd'hui devant vous l'histoire merveilleuse de cette alliance du peuple canadien avec Marie Reine de la Victoire. Quelqu'impuissante cependant que soit ma parole, je serais tenté de souhaiter qu'elle pût être entendue en ce moment de tous ceux qui, ce matin, ont l'œil et la pensée tournés vers ce sanctuaire: faut-il que les murs antiques de cette chapelle n'aient pu se dilater comme se dilate le cœur de notre Mère! Une consolation nous reste, on contemplant cet auditoire d'élite: frères bien aimés, vous êtes les heureux représentants de cette multitude de chrétiens. Pour vous et pour eux, prêtez l'oreille; pour vous et pour eux, prenez part à ce concert de prières et de louanges qui est offert à Marie, et pour vous et pour eux vous remporterez dans vos demeures l'abondance de ses maternelles bénédictions.
*
* *
Recordabor ego pacti mei tecum in diebus adolescentiæ tuæ.
M. F., rappeler les principaux traits qui ont marqué jusqu'à ce jour l'alliance que la sainte Vierge a faite avec nous, c'est raconter une série non interrompue de bienfaits et de victoires.
Le propre de la faiblesse, nous le savons, c'est de chercher un appui, et plus la faiblesse est grande, plus il faut que cet appui soit puissant et fort: c'est là le principe des alliances qui se font ici bas. Ce qui est vrai, M. F., des individus l'est encore davantage quand il s'agit des nations. Heureuses sont elles, quand un peuple ami leur tend la main; mais, plus heureuses encore si, connaissant l'inconstance des alliances terrestres, elles cherchent plus haut que la terre ces alliances qui doivent leur procurer infailliblement le salut! C'est ce que firent nos pères. Désireux d'étendre la domination de la vieille France sur ces contrées lointaines, plus désireux encore, ce semble, de les donner au Christ et à son Eglise, nos pieux ancêtres ne se contentèrent pas des faibles secours qui leur venaient d'un roi de ce monde, ils cherchèrent avant tout la protection et l'alliance du Roi des Cieux. La cathédrale de St-Malo fut témoin de ce pacte solennel. Ce pacte, présage de bonheur, traversa les mers avec eux, et Cartier l'affirmait d'une manière bien admirable, le jour où, arborant la Croix du Sauveur sur ces rivages, il prenait possession de ce pays, au nom du Roi très chrétien et surtout au nom de Jésus-Christ.
Chose consolante, M. F., dès alors, l'alliance avec Marie fut inséparable de l'alliance avec son divin Fils: témoin encore cet ex-voto ou image de la sainte Vierge, arraché des boiseries du sanctuaire de Notre-Dame de Rocamadour et que portait la Grande Hermine comme un talisman sacré et surtout comme une profession de foi, d'espérance et d'amour envers la Reine des cieux. Semblables à ces preux chevaliers qui au Moyen-âge allaient arracher la Terre-Sainte aux mains de l'Islamisme et qui en faisaient la conquête au nom de la Croix et au nom do ce qu'ils avaient laissé de plus cher dans leur patrie, ainsi nos Pères vinrent arracher cette terre aux mains des Barbares au cri de Vive Jésus et Vive Notre-Dame.
Et pourquoi aller chercher si loin des preuves de cette union intime entre la protection que nous apportait le Fils et la protection que nous promettait la Mère, lorsque le sol même que nous foulons en ce moment nous en fournit la démonstration la plus authentique; car si à doux pas d'ici, près de la première habitation de M. de Champlain, dans une humble chapelle, le Sauveur des hommes se plut à s'immoler et à bénir ses premiers adorateurs, il était écrit que quelques années plus tard, ici même, c'est-à-dire à l'endroit où le fondateur de Québec rendit de solennelles actions de grâces à l'Etoile bienfaisante de la mer qui l'avait si heureusement conduit au port, il était écrit qu'on verrait dans ce lieu béni, s'élever un sanctuaire qui serait consacré à Marie que l'on établirait par là et pour toujours l'intrépide gardienne des droits sacrés de ses enfants de prédilection.
M. F., c'est le deux centième anniversaire de cet événement que nous célébrons aujourd'hui. Ah! qu'elle dut être belle cette touchante cérémonie du mois de mai 1688! Monseigneur de Laval et Celui qu'il venait de choisir pour son successeur ne s'y trouvaient pas, retenus tous deux en France à cette époque, mais n'était-ce pas sous le souffle de leur inspiration que l'on rendait cet insigne hommage à la Reine des cieux! Au moins avaient-ils pour les représenter toute l'élite du clergé, de la noblesse et de la population de ce pays; et pendant qu'incliné avec respect le dépositaire de l'autorité royale plaçait avec émotion la pierre fondamentale de cet édifice, pendant que la foule agenouillée sur ces rives se consacrait d'esprit et de cœur à Marie, n'est-il pas vrai que l'on aurait pu voir cette Vierge sainte planant dans toute sa majestueuse beauté au-dessus de cette assemblée; et en prêtant une oreille attentive, l'on eût pu entendre la voix des anges s'unissant à celle de Marie, répéter ces paroles, qui trouveraient là leur touchante réalisation: "Et, sic in Sion firmata sum et in civitate sanctificata similiter requievi et in Jerusalem potestas mea et radicavi in populo honorificato. Oui, c'est ainsi que j'affermis mon règne dans Sion: je vais trouver désormais mon repos dans cette cité sainte, établir ma puissance dans une Jérusalem nouvelle, c'est ainsi que je veux prendre racine dans ce peuple que le Seigneur honore de son amitié."
Quel engagement solennel! quel pacte admirable!
Mais tout pacte implique des devoirs mutuels et voilà pourquoi vous allez voir à partir de ce jour Marie prête à prendre les armes pour protéger ses nouveaux enfants chaque fois qu'ils se réfugieront sous son aile au moment du danger.
Regardez, M. F., ces bannières qui flottent sur les tourelles de ce tabernacle: deux chiffres y sont écrits: 1690, 1711; à ces années mémorables se rattachent les titres glorieux qui furent successivement décernés à notre Mère par un peuple reconnaissant.
Au mois d'octobre 1690, un ennemi puissant assiégeait notre ville: sa flotte était là majestueuse et menaçante. Quelques heures encore et ces ennemis allaient peut-être devenir nos vainqueurs. Où donc nos Pères vont ils trouver un appui? Dans leur mâle courage sans doute, mais disons-le sincèrement, dans leur courage rendu invincible par la protection de Marie. Qu'eussent-ils fait laissés à eux-mêmes? Mais pendant que le comte de Frontenac, sommé de capituler, s'écriait avec une légitime fierté en s'adressant à l'envoyé de Phipps: "Allez dire à votre maître que je vais lui répondre par la bouche de mes canons," nul doute que pendant ce temps-là, ces nobles accents trouvaient leur écho dans le ciel, et Marie l'intrépide guerrière répétait: "Allez dire à ces hommes orgueilleux que moi aussi je vais leur répondre par la puissance de mon bras et leur prouver que ce n'est pas en vain que ces enfants m'ont choisie pour leur Protectrice et leur Mère." Elle tint parole: l'ennemi fut défait; on rendit partout à Dieu de solennelles actions de grâces et la population de Québec qui avait mis toute sa confiance en Marie, ne crut pas pouvoir mieux perpétuer le souvenir de cet événement qu'en acclamant la Vierge immaculée sous le titre de Notre-Dame de la Victoire, suivant le vœu qui en avait été fait, et en lui consacrant cette église sous ce vocable. Alors fut instituée par Mgr de St-Vallier cette fête qui chaque année encore au mois d'octobre est si religieusement observée et qu'un mandement du même Prélat étendit en 1694 à toutes les autres églises du pays, tant avait été général le bienfait de la délivrance. Le drapeau enlevé au vaisseau amiral, lors du siège, fut porté triomphalement à la cathédrale où il demeura suspendu jusqu'à l'incendie de 1759.
Un succès non moins éclatant devait, quelques années plus tard, augmenter de plus en plus dans le cœur du peuple canadien sa confiance dans son pacte avec Marie. C'était en 1711: cette fois encore une flotte ennemie s'avançait contre notre ville. A en croire les seules prévisions humaines, Québec devait être perdu sans retour: les ennemis eux-mêmes se tenaient si sûrs de la victoire et pensaient si bien entrer comme de plain pied dans leurs nouvelles possessions, qu'ils ne s'occupaient que du soin d'hiverner leurs vaisseaux, après qu'ils auraient touché au port de Québec: ils emmenaient même des familles entières pour peupler le pays. Mais ils avaient compté sans Marie vers laquelle s'étaient tournés tous les regards et tous les cœurs. Elle les attendait de pied ferme, ou plutôt, ne donnant pas même à ces profanes le temps de contempler de leurs yeux sa ville chérie, semblable à l'Ange de Dieu qui, dans une seule nuit, frappa l'armée de Sennachérib, elle alla les arrêter à mi-chemin, et les frappant de vertige elle dispersa leur flotte au milieu de brumes épaisses et d'une tempête affreuse que rendaient plus terrible encore les sinistres lueurs des éclairs et le bruit épouvantable du tonnerre. Le lendemain la place était couverte de débris: plus de 900 cadavres restaient étendus sans sépulture sur le rivage. L'amiral Walker, honteux de sa défaite, rebroussa chemin avec le reste de ses vaisseaux et s'en alla périr misérablement en face même de cette Angleterre qui avait voulu nous conquérir avant l'heure marquée par Dieu.
C'est en mémoire de cette intervention surnaturelle de la Providence par l'intermédiaire de Marie, et pour perpétuer le souvenir d'une délivrance si extraordinaire que le titre de cette église où l'on avait prié Marie avec un succès si éclatant, fut changé en celui de Notre-Dame des Victoires. C'est ce nom qui lui est resté jusqu'à ce jour et qui lui restera à jamais.
De même qu'en 1690, les voûtes de la cathédrale avaient retenti du chant du Te Deum, ainsi le firent en 1711 les voûtes de Notre-Dame des Victoires. Même pendant une année entière, on célébra chaque mois une messe solennelle où l'on chantait le cantique de Moïse après la submersion de l'armée de Pharaon: Cantemus Domino: gloriose enim magnificatus est: equum et ascensorem dejecit in mare.
M. F., au jour de la fête solennelle qui se célébra en cette circonstance, M. de la Colombière fit, dit-on, un admirable sermon et il appuya surtout sur la fidélité à laquelle obligeait ces bienfaits signalés de la Très Sainte Vierge. Sa parole fut entendue: on rivalisa de zèle pour achever et embellir cette église de la Basse-Ville qui était destinée à rester le monument le plus glorieux du pacte que le peuple canadien a fait avec Marie dès le jour de son adolescence.
Mais, M. F., allons-nous pouvoir dire que Marie a bien gardé ce pacte mémorable et qu'elle a conservé son titre de Notre-Dame des Victoires? Ah! M. F., n'en doutons point! l'heure des grandes angoisses approche, il est vrai; toutefois, si quelques années plus tard dut venir pour nous la cruelle séparation d'avec la Mère Patrie, ce n'est pas que Marie fût impuissante à nous sauver encore, si nous eussions dû l'être, mais c'est que, comme la plus prévoyante des mères, elle voulait nous conserver avant tout ce qui nous constituait comme peuple catholique, c'est à dire nos institutions, notre langue et nos lois, et plus encore, notre religion sainte qui, grâce à elle, nous furent garanties par les traités et qui, disons-le, devaient nous être gardées plus sûrement peut-être sous le drapeau de la fière Albion que sous l'étendard de cette France pourtant si chère qui nous délaissait juste au moment où elle allait être déchirée par la plus sanglante des révolutions, et ruinée par l'irréligion et l'impiété la plus affreuse.
M. F., aux douleurs de cette époque de tribulations allait s'ajouter une douleur plus sensible encore: le sanctuaire de Notre-Dame des Victoires fut entièrement détruit, mais il parut à tous que Marie était encore là sur ces ruines fumantes. Semblable à ces mères que vous avez vues tant de fois, dans les grandes catastrophes qui depuis ont désolé notre ville, assises silencieuses sur les débris de leurs maisons dévastées par les flammes, attendant que la charité publique vint à leur reconstruire là même un abri, notre Mère miséricordieuse ne voulant pas rompre dans les jours de détresse son alliance avec ses enfants, attendit que leur amour vint à lui donner un nouvel asile parmi eux. Son désir maternel fut compris et après bien des sacrifices on pouvait voir ici même à la fin du dernier siècle, une chapelle bien humble sans doute en apparence, mais que le temps devait respecter et dans laquelle le zèle des Pasteurs entretenait la confiance traditionnelle en Marie, pendant que la piété des fidèles y apportait de tous côtés de magnifiques offrandes votives qui restèrent là comme un vivant témoignage des faveurs incessantes de la Reine des cieux.
M. F., il était réservé à la seconde moitié de notre siècle de voir resplendir d'un suprême éclat le sanctuaire et le culte de N.-D. des Victoires et de préparer ainsi le glorieux anniversaire que nous célébrons en ce jour. Béni soit à jamais l'instigateur de ce pieux mouvement! Son nom vous est connu. Alors simple prêtre et vicaire de la cathédrale, mais honoré depuis des insignes de l'Episcopat, il vient de nous être ravi dans la force de l'âge et dans la plénitude de la gloire du plus laborieux des apostolats. Sa grande âme trouva un digne écho dans l'âme des citoyens de la Basse-Ville et de Québec en général, mais spécialement dans l'âme si sympathique de Mgr de Tloa qui écrivit alors son admirable mandement du 1er mai 1855, pour raviver la confiance des fidèles en N.-D. des Victoires et pour établir en cette église l'association de la Couronne d'or aujourd'hui encore si florissante.
Sous le souffle d'un zèle si général et si pur, ce sanctuaire fut bientôt transformé, et c'est à partir de cette heure qu'il reçut ces embellissements successifs auxquels travaillèrent avec tant de joie chacun des chapelains dont j'aperçois en ce moment les plus illustres et les plus dévoués. Ces embellissements viennent de se couronner d'une manière fort heureuse par la restauration presque totale de cette église, restauration qui fait un si grand honneur à l'artiste qui l'a dirigée, au digne chapelain actuel et, disons-le aussi, à la Fabrique de N.-D. de Québec, par ses représentants autorisés, M. le marguillier en exercice dont les talents administratifs n'ont d'égal que sa royale générosité, et M. le curé de la Basilique qui ne pouvait inaugurer son règne par une œuvre plus chère au cœur de ses dévoués paroissiens.
Et pour compléter ce tableau, si à ces gloires inhérentes au sanctuaire lui-même, au nom et à la protection de N.-D. des Victoires, pendant ces deux siècles passés, nous ajoutons maintenant les gloires extérieures qui y ont correspondu: la confiance inaltérable et la piété des fidèles, leur affluence en ces saints lieux, ces centaines et ces milliers de pèlerinages des villes et des campagnes qui ont tous été marqués par des prodiges de grâces et de miséricorde, tous ensemble nous pourrons nous écrier: "Ce fut une alliance sainte, ce fut une alliance forte et durable que celle que nous contractâmes avec Marie; c'est elle, oui, c'est bien elle qui a été jusqu'ici le secret et le principe de notre bonheur et de nos plus beaux triomphes."
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M. F., notre pacte avec Notre-Dame des Victoires, après avoir fait la gloire des jours passée fait encore la joie du jour présent, puisque c'est en cette fête qu'il va nous être donné de renouveler, et pour toujours, notre alliance avec Marie: c'est elle-même qui nous y invite: suscitabo tibi pactum sempiternum. Et c'est ce qui explique les transports de sainte allégresse qui remplissent aujourd'hui tous les cœurs, transports qui éclatent au ciel comme sur la terre. Car, n'en doutons pas, M. F., s'il est vrai de dire que cette fête du deuxième centenaire de cette église est avant tout la fête de Notre-Dame des Victoires, c'est aussi la fête de tous ceux de ses enfants qui ont passé par ce sanctuaire et qui sont venus la vénérer et la prier ici, aux pieds de son autel. Or, pendant ces deux cents ans, dites-le moi, combien de milliers de ses dévots serviteurs ont échangé sa protection de la terre pour son amour dans les cieux! Nous les voyons! ce sont eux qui, en ce beau jour, par un privilège spécial forment là-haut la garde d'honneur de notre Mère bien-aimée. Ils sont là autour de son trône! A sa droite, je vois le saint Evêque François de Montmorency Laval qui donna cette terre à Dieu en la consacrant à Marie; je vois son digne successeur, comme lui embrasé d'amour pour la Sainte Vierge et auquel devait échoir le privilège de dédier cette église à Notre-Dame des Victoires; je vois la suite glorieuse de nos Pontifes qui avec le trône épiscopal de Québec se sont transmis le devoir et le bonheur de conserver toujours ardent le feu sacré de la dévotion à Marie; je vois les Fils de saint François et de saint Ignace, ces premiers prédicateurs parmi nous, de la puissance de la Vierge; je vois leurs généreux martyrs qui venaient ici même avant leur départ pour les missions lointaines lui consacrer leurs travaux apostoliques et lui offrir leur sang et leur vie; tout auprès d'eux sont ces nations qu'ils ont converties, baptisées et sauvées; je vois encore cet essaim de saintes religieuses qui du fond de leur cloître comme d'autres Moïses levaient au moment du danger leurs mains suppliantes vers Notre Dame de la Victoire! je vois enfin cette phalange non moins glorieuse de prêtres séculiers, l'honneur de notre Séminaire, du chapitre de la Cathédrale, de l'Evêché, de la paroisse qui, depuis sa fondation, desservirent cette église où tant de fois ils célébrèrent les louanges de la Reine des cieux et où ils convertirent tant de pauvres pécheurs à l'amour de Jésus-Christ.
A gauche du trône de Marie, qu'aperçois-je encore? Des fils bien-aimés de Notre-Dame! C'est l'illustre navigateur qui découvrit ces rivages, escorté de ses intrépides compagnons; c'est le fondateur de cette ville; c'est la série des anciens gouverneurs de cette colonie presque tous si pieux; c'est l'élite des généraux qui défendirent si vaillamment le pays; ce sont leurs valeureux soldats que Marie conduisit si souvent à la victoire ou qui succombèrent en prononçant son nom béni; c'est, en un mot, cette innombrable multitude de chrétiens, tous enfants du Canada et qui pendant deux siècles furent sanctifiés et sauvés par Marie, notre Protectrice et notre Mère.
Prêtons maintenant l'oreille à leurs cantiques. Je les entends: ces deux chœurs unissant leurs voix dans un merveilleux accord, adressent à Notre-Dame des Victoires cette commune prière: Reine des vertus, tournez vos yeux vers la terre: Domina virtutum convertere; regardez du haut du ciel et voyez: respire de cœlo et vide; visitez et bénissez aujourd'hui plus que jamais cette vigne que vous avez plantée de vos mains: visita vineam istam et perfice eam quam plantavit dextera tua. Là, dans ce temple qui vous est consacré, vous attend l'amour de tout un peuple; et Celui qui nous y appelle au nom de tous, peut renouveler la plus sainte des alliances, c'est cet homme que vous vous êtes choisi vous même: et super filium hominis quem confirmasti tibi; c'est ce Pontife vénérable qui vous a aimée et qui vous a fait aimer; c'est ce Prince de l'Eglise qui tant de fois vous a visitée comme le plus humble des pèlerins et que vous n'avez tout d'abord attaché si étroitement à votre culte que pour l'appeler ensuite à la participation même de votre nom glorieux, puisque sous la pourpre romaine, il porte le titre auguste de Cardinal de Ste-Marie de la Victoire.
Eminence, c'est donc vous qui êtes appelé à être en ce jour le lien béni entre le passé et le présent, entre le ciel et la terre. Tout vous y invite. Ce matin même, en parcourant ces rues, si magnifiquement ornées et le long des quelles étaient échelonnées ces multitudes toutes rayonnantes d'allégresse, Vous avez compris que vous emportiez avec vous aux pieds de la Sainte Vierge, tous les cœurs de ceux qui vous acclamaient sur votre passage; et maintenant que vous êtes dans cette enceinte, regardez quels sont ceux qui vous entourent: hi qui sunt et unde venerunt. Qui sunt? Ce sont tous des Enfants de Marie et surtout des amis de N. D. des Victoires. Unde venerunt? Ils partent des lieux les plus divers et sont les représentants de toute la société. Dans ce sanctuaire, d'abord, comme auprès du trône de Marie au ciel, le clergé se groupe avec amour et voilà pourquoi, Eminence, il nous est donné de voir briller ce matin autour de votre personne d'illustres dignitaires ecclésiastiques étrangers et avec eux ces prélats que le S. Siège a honorés de titres distingués, comme vous les honorez vous-même de votre haute confiance: ils apportent les vœux de plusieurs diocèses, les vœux de Votre Maison et les vœux non moins chers de ce Séminaire et de cette Université qui furent toujours et qui seront à jamais consacrés à Marie. A leurs côtés, pourquoi ne pas saluer avec un bonheur non moins grand ces dignes ouvriers du ministère paroissial de l'enseignement, de la prédication apostolique et, et jusqu'à ces jeunes lévites l'espoir futur du sacerdoce; car tous, séculiers et réguliers, quels que soient leurs noms et leur âge, de quelque côté qu'ils viennent, des villes ou de nos religieuses campagnes, ils sont chargés d'être auprès de Marie les interprètes de la vénération de leurs frères ou des peuples qui leur sont confiés.
Et vous aussi, pieux laïques, vous avez ici votre place toute marquée, puisque cette église fut toujours la vôtre, par votre piété, par votre dévouement et par votre générosité. Le poste que vous occupez en ce moment est un poste glorieux, et il est d'autant mieux rempli qu'aujourd'hui, comme il y a deux cents ans, l'Eglise et l'Etat se donnent affectueusement la main dans la personne de leurs représentants les plus illustres. Mais ne l'oubliez pas, ce qui rend votre présence plus précieuse et plus significative en ce jour, c'est que vous portez dans vos cœurs et sur vos lèvres non seulement vos hommages et ceux de vos familles, mais encore les hommages de toutes les familles de cette ville, de cette province et de ces pays qui appartiennent à Marie et qui plus que jamais ont foi en sa puissance et en son amour.
En leurs noms et au vôtre vous demandez à renouveler aujourd'hui et pour toujours votre alliance avec N. D. des Victoires.
C'est aussi votre désir, ô notre tendre mère! Que les cieux s'abaissent donc! que l'auguste assemblée que nous avons contemplée au ciel s'approche de cette assemblée de la terre: que la fête des élus soit aussi la fête des pèlerins d'ici bas; et après que les mélodieux accords du chœur de cette église auront répondu aux dernières notes du concert des anges et des saints, nos aïeux, tous ensemble, prosternés au pied de cet autel, nous ferons à Marie cette prière que lui adressera au nom de tous notre Pasteur vénéré:
"O Marie, ô notre mère, en ce glorieux anniversaire de la fondation de cette église qui vous est si chère, voyez devant vous ceux que vous daignez appeler vos enfants. Vous contemplant avec bonheur sur ce trône deux fois séculaire que vous offrirent leurs pères et qu'ils entourent eux-mêmes aujourd'hui d'une si profonde vénération, ils viennent vous présenter les hommages et les prières de tout un peuple. Au souvenir des bienfaits que vous n'avez, cessé de verser sur la Nouvelle France, et en particulier sur ce coin de terre que vous avez; choisi pour le lieu de votre demeure et le théâtre de tant de merveilles, ils vous bénissent du fond de l'âme, d'avoir voulu être pour eux la plus puissante des protectrices et la mère de toutes les victoires: ils vous bénissent surtout d'avoir gardé si fidèlement l'alliance sacrée que vous leur avez offerte et que vous avez contractée avec eux dès les premiers jours de leur existence. Cette alliance sainte, qui a été le principe de leur bonheur dans le passé et qui sera le secret du bonheur dans les jours à venir, ils sentent le désir et le besoin de la renouveler solennellement en ce beau jour. O Marie, entendez leurs voix! que désormais encore votre force soit leur force, votre vie soit leur vie, votre amour leur amour. Tous ensemble nous nous dévouons et nous nous consacrons à vous pour toujours, avec tout ce qui nous est cher. Gardez-nous vous-même contre tous les dangers. Sanctifiez les âmes! Que votre protection maternelle s'étende non-seulement à ceux de vos enfants qui sont ici présents, mais encore à tous ceux qu'ils portent en ce moment dans leurs cœurs. Bénissez-les tous: bénissez leurs familles, bénissez cette ville de Québec qui fut toujours la vôtre, et pour couronner tant de bienfaits, ô bonne mère, faites que ce peuple privilégié du Canada qui vous appartient, demeurant fidèle à ses saintes traditions, et s'avançant avec confiance vers ses sublimes destinées, soit à jamais le noble héritage du Christ, et le plus beau fleuron de la couronne immortelle de N.-D. des Victoires!"